L’Évolution d’une science : la Chimie/Chapitre XV

Traduction par Marcel Dufour.
Ernest Flammarion (p. 236-251).

CHAPITRE XV

LE PRINCIPE DU DÉPLACEMENT DE L’ÉQUILIBRE ET L’AFFINITÉ


Nous avons déjà remarqué que l’importance de la loi des phases concerne exclusivement le côté formel. Elle nous donne un schéma, auquel sont soumis tous les équilibres possibles, mais ne nous dit rien de déterminé sur la constitution de ces équilibres. Ici intervient une autre loi tirée de la conception générale de l’équilibre. Elle ne suffit pas non plus à définir complètement un équilibre, mais elle indique comment un équilibre une fois constitué peut se modifier, si on change les conditions dans lesquelles il s’est constitué. En d’autres termes, elle nous indique une relation entre les divers équilibres possibles pour le même système. Son histoire est très compliquée, et on peut, si l’on veut, la retrouver jusque dans les principes du moindre effort et de la moindre action, en mécanique. De différents côtés, on a cherché à l’appliquer dans le domaine physicochimique, et on y est arrivé d’une façon plus ou moins claire ; c’est encore van ’t Hoff qui y a réussi le plus nettement.

Le principe dont il s’agit est plus facile à comprendre, si on le considère comme une définition élargie de l’état d’équilibre. En mécanique, on distingue l’équilibre stable, l’équilibre instable et l’équilibre indifférent. À proprement parler, et dans un sens précis, l’équilibre, c’est l’équilibre stable. Ce qui le caractérise, c’est que toute perturbation de cet équilibre modifie le système de telle sorte que le résultat de la perturbation tend de son côté à rétablir l’équilibre. Considérons, par exemple, une masse pesante suspendue à un fil et en repos. Dans tous les mouvements qu’elle peut effectuer, cette masse remontera puisque sa position d’équilibre sur la verticale du point d’attache du fil est la plus basse qu’elle puisse occuper. Il s’ensuit que, à partir de toute autre position que celle d’équilibre, cette masse pourra et devra aller vers le point d’équilibre, en s’abaissant. On reconnaît que ce qui caractérise la position de repos et d’équilibre, c’est que, à partir d’elle, la masse pesante ne peut atteindre aucune autre position voisine sans une certaine dépense de travail, et que, de toute autre position, la masse tend à revenir à sa position d’équilibre et y revient en effet, si elle est libre.

Le progrès en question est de savoir que ces états d’équilibre stables n’existent pas seulement pour les systèmes mécaniques, mais qu’ils existent aussi pour tous les autres systèmes. Il ne serait manifestement pas logique d’en tirer cette conclusion que tous les systèmes sont des systèmes mécaniques ; il faudrait prouver d’abord que seuls les systèmes mécaniques jouissent de cette propriété. Nous exprimons mieux les faits d’une façon plus exacte et plus générale en disant : il s’agit d’une propriété très générale de tous les systèmes énergétiques, quelles que soient les formes d’énergie qui interviennent.

Voilà pour l’équilibre stable. L’équilibre instable n’est qu’une abstraction théorique ; il n’est jamais réalisé dans un système réel, et, par conséquent, nous n’avons pas à l’envisager ici. On définit un équilibre instable en disant qu’il n’a aucune tendance à se modifier, mais que la plus petite perturbation suffit à faire naître cette tendance et cela d’autant plus que le système s’éloigne davantage de sa position d’équilibre. Les oscillations mécaniques, thermiques et électriques du milieu ambiant n’étant jamais complètement supprimées, nous ne pourrons jamais réaliser de système à l’abri de toute perturbation. Nous n’aurons donc jamais affaire à des systèmes en état d’équilibre instable au sens strict.

Il y a, par contre, un grand nombre d’équilibres indifférents, et les propriétés de l’équilibre stable et celles de l’équilibre indifférent ne s’excluent pas les unes les autres. Tout équilibre stable se comporte comme un équilibre indifférent à l’égard des modifications, qui ne provoquent aucun travail de l’espèce qu’on envisage. Ainsi, notre masse pesante suspendue à un fil est indifférente à l’égard d’une variation de la température ou de l’état électrique, etc. On désigne pourtant par excellence, sous le nom d’indifférents les équilibres des systèmes, dans lesquels il n’y a pas de travail mis en jeu par des modifications susceptibles de déterminer des travaux dans d’autres systèmes, qui paraissent semblables. On dit, par exemple, qu’une sphère pesante, reposant sur un plan horizontal, est en équilibre indifférent, parce que les déplacements, qui, d’ordinaire, pour les autres corps pesants, mettent en jeu du travail, s’accomplissent ici sans travail.

Pour les systèmes chimiques, les équilibres indifférents ne sont pas rares. Deux phases d’un même corps, qui peuvent coexister, sont en équilibre indifférent, en ce qui concerne leurs masses relatives et absolues. Si nous avons à côté l’une de l’autre de la glace et de l’eau à 0°, nous pouvons arbitrairement transformer en eau une partie de la glace, ou transformer en glace une partie de l’eau, sans troubler l’équilibre. De même, sous la pression atmosphérique, l’eau et la vapeur d’eau à 100° sont en équilibre indifférent. Nous pouvons, à volonté, augmenter ou diminuer la capacité du vase qui les contient. Pourvu que nous fournissions ou que nous enlevions une quantité de chaleur telle que la température et la pression du système restent invariables, ce système n’a jamais aucune tendance à abandonner son état actuel pour revenir à l’état précédent.

Si, au contraire, nous empêchons tout apport ou toute soustraction de chaleur, l’équilibre devient stable, car une diminution de volume échauffe le système, et produit une augmentation de pression qui s’oppose à une nouvelle diminution du volume. Inversement, toute augmentation de volume amène un refroidissement, et la diminution de pression, qui accompagne ce refroidissement, s’oppose à ce que l’augmentation de volume continue. Supposons, au contraire, le volume constant : si nous apportons de la chaleur, une partie du liquide se vaporise, ce qui absorbe de la chaleur, et cette modification s’oppose à une augmentation de température. Si nous enlevons de la chaleur, une certaine quantité de vapeur se condense, et la chaleur de vaporisation mise en liberté s’oppose à l’abaissement de température.

Ces considérations nous mènent directement à notre principe et à ses applications : nous voyons de nouveau que l’équilibre stable est caractérisé par ce fait que, si on cherche à le troubler, il se produit des réactions, qui atténuent les conséquences de ces perturbations, et tendent à ramener le système à son état primitif. Nous voyons, en même temps, qu’il ne s’agit pas ici d’une particularité mystérieuse, sans aucune relation avec d’autres faits, mais bien d’une définition physique de l’équilibre, réglé par notre principe.

Une des plus jolies applications de ce principe est la détermination de la ligne de solubilité. On sait que, quand la température s’élève, la solubilité des corps peut, suivant les cas, augmenter ou diminuer, cette dernière alternative étant relativement rare. En d’autres termes, il existe entre le dissolvant et le corps dissous un équilibre variable avec la température. Considérons cet équilibre à une température déterminée, et demandons-nous ce qui va se passer si nous essayons d’échauffer le système par un apport de chaleur. Conformément à notre principe, le phénomène qui va se produire s’opposera à l’élévation de température. Il s’ensuit que, si le corps se dissout dans le liquide avec absorption de chaleur, une nouvelle quantité du corps se dissoudra. Si, au contraire, la dissolution s’effectue avec dégagement de chaleur, une certaine quantité du corps dissous se déposera à l’état solide. En cherchant à vérifier la chose expérimentalement, on rencontra un cas particulièrement intéressant. Le chlorure de cuivre dissous dans l’eau semblait offrir l’exemple d’un corps se comportant d’une façon exactement inverse. Des recherches de Thomsen, il résultait, en effet, que ce corps se dissout dans l’eau avec un faible dégagement de chaleur et que, pourtant, sa solubilité augmente au lieu de diminuer, quand la température s’élève. Cette contradiction s’explique parce que le dégagement de chaleur se produit quand on dissout le sel dans une grande quantité d’eau pure, ce qui, au fond, n’est pas le cas dont il est question ici : ce dont il s’agit dans l’application du principe, c’est de savoir si la dissolution d’une nouvelle quantité de sel dans la solution saturée à basse température dégage ou absorbe de la chaleur. L’expérience montra que ce dernier phénomène est endothermique, et cette contradiction apparente du principe en devint alors une confirmation particulièrement frappante.

Ce principe de déplacement de l’équilibre nous donne une indication pour tous les phénomènes liés à une modification des conditions d’équilibre, et, grâce à lui, nous tirons enfin de la loi de l’action de masse les conditions de l’équilibre à une constante près. En retraçant l’histoire de la question, j’ai montré comment cette loi, d’après laquelle l’action d’un corps est proportionnelle à sa concentration, avait été, pour ainsi dire, déjà devinée par Wenzel, pour les vitesses de réaction, et par Berthollet, pour les équilibres, et comment, beaucoup plus tard, elle fut établie expérimentalement par Guldberg et Waage, ainsi que Julius Thomsen et ses successeurs. L’application de la thermodynamique aux équilibres chimiques des gaz fournit la première loi, comme Horstmann le montra d’abord et après lui Gibbs, d’une façon plus détaillée et plus approfondie. Van ’t Hoff découvrit que les lois des gaz peuvent s’appliquer sans modifications aux corps dissous, si l’on considère leur pression osmotique, et cette découverte étendit d’une façon extraordinaire l’application de la théorie au lieu de ne concerner que quelques gaz, la loi d’action de masse s’étendit, dès lors, à d’innombrables corps dissous.

En même temps, on trouvait les limites dans lesquelles la loi est applicable. Puisque la déduction repose sur l’équation des gaz parfaits p v = R T, elle est sans valeur pour les états des gaz ou des solutions auxquels cette formule ne convient pas, c’est-à-dire que la loi de l’action de masse n’est valable que pour des gaz sous faible pression, et des solutions étendues, et qu’elle est d’autant plus exacte que les solutions sont plus étendues. En d’autres termes, c’est une loi-limite, comme la formule des gaz elle-même.

Cela nous fait songer à la théorie de van der Waals et à son application. Seulement, le problème est plus compliqué que dans le cas des gaz simples, puisqu’il y a un mélange de deux d’entre eux au moins, et la théorie de ces états n’est pas encore suffisamment développée, pour donner à ces questions une base sûre et simple.

On est vite arrêté là, mais, dans une autre direction on a pu étendre beaucoup les cas où ces lois sont applicables, quand on eut reconnu que les ions obéissent exactement comme d’autres corps aux lois de la pression osmotique et de l’action de masse. Par là, tout ce qui se trouve dans des solutions salines était soumis aux lois de la mécanique chimique. On parvint ainsi à expliquer des faits nombreux, qui jusque-là étaient restés inexpliqués, que l’on avait observés comme des particularités sans lien entre elles, enregistrées purement et simplement dans les annales de la science. À côté des progrès généraux ou théoriques, on arriva aussi à des résultats pratiques : on réussit, en particulier, à donner une théorie suffisante et générale des réactions que l’on emploie pour l’analyse chimique qualitative et quantitative.

De ces progrès eux-mêmes, on ne peut donner, par des exemples, qu’une idée approximative, puisque, en fait, presque toute la chimie inorganique est aujourd’hui un champ d’application nouveau pour la partie de la mécanique chimique, qui traite des équilibres des ions, ou des équilibres électrochimiques.

Considérons d’abord la question de la force des acides et des bases, qui, historiquement, s’est posée en premier lieu, et autour de laquelle gravitent les autres problèmes qui nous intéressent ici. J’ai déjà dit que Thomsen montra d’abord comment on peut, sans troubler l’équilibre, déterminer l’état d’une solution homogène par des méthodes thermochimiques : il établit ainsi qu’il existe des acides de différentes forces, et que, par exemple, l’acide chlorhydrique est environ deux fois plus fort que l’acide sulfurique. Par là se posait naturellement la question de savoir si ce résultat dépendait ou non de la base, en présence de laquelle se trouvaient les acides : après ses recherches, Thomsen avait conclu affirmativement. Mais des recherches analogues, faites par des méthodes différentes, plus rapides, et en partie aussi plus exactes, montrèrent que cette influence de la base n’était qu’apparente, qu’elle était due à des complications spéciales, et que la force des acides, qui se manifeste par le partage inégal d’une même base entre deux acides agissant simultanément, est une propriété spécifique des acides et ne dépend pas de la base.

En outre, on observa un grand nombre d’autres phénomènes, où les acides, dans leur action relative, sont caractérisés par ces mêmes nombres.

En un mot, on put fixer pour la force des acides des constantes analogues aux poids équivalents, et exprimer l’affinité réciproque entre acides et bases par le produit de leurs forces respectives, comme le poids équivalent du sel l’est par la somme des poids équivalents de l’acide et de la base.

Tel était l’état de la question, quand Arrhenius commença à publier les recherches qui devaient le conduire plus tard à la théorie des ions. Dans ses premiers travaux, il avait déjà songé aux points essentiels de cette théorie, et il avait dit notamment que la force des acides et des bases devait être proportionnelle à leur conductibilité électrique.

Cette dernière propriété était alors (vers 1885) si peu étudiée qu’Arrhenius put à peine trouver dans la littérature scientifique une demi-douzaine d’acides pour lesquels fussent déterminées à la fois la force et la conductibilité électrique. Pour ces acides, sa prédiction fut vérifiée au moins pour le rang dans lequel ils se classaient et pour l’ordre de grandeur des valeurs numériques. D’autres savants remarquèrent bientôt le parallélisme entre ces deux grandeurs, et plus de trente cas montrèrent que la propriété générale des acides, que l’on appelle leur force, était proportionnelle à leur conductibilité électrique aussi exactement qu’on pouvait l’espérer.

Ici se dressait une autre difficulté : la conductibilité des acides, selon la définition donnée plus haut (p. 177), n’est pas une grandeur déterminée, mais elle varie avec la concentration, et cette variation n’est pas la même pour tous les acides. Les acides forts ou bons conducteurs (avec le parallélisme dont nous venons de parler, cela revient au même) conservent leur force et leur conductibilité presque indépendamment de la dilution ; pour les acides faibles, les valeurs de ces propriétés augmentent beaucoup quand la solution est plus étendue. On reconnut que cette augmentation se faisait dans tous les cas suivant la même loi et que l’influence de la dilution, si on prend pour coordonnées la conductibilité et la dilution, peut être représentée par la même courbe, à condition de choisir convenablement pour chaque acide l’unité de dilution. En d’autres termes, si l’on prend deux acides ayant même conductibilité, — et il suffit pour cela de les prendre sous des dilutions convenables, — cette égalité persiste quand on étend ou concentre les deux solutions dans la même proportion. Une série particulière d’expériences montra que ces lois, établies pour la conductibilité électrique, sont applicables également à la force des acides, au sens indiqué plus haut. Cela pouvait se prévoir, comme on pouvait prévoir, en partant de la loi des volumes de Gay-Lussac, que la loi des gaz était généralement applicable (p. 75).

Toutes ces lois s’expliquèrent d’un seul coup, quand Arrhenius, en 1887, publia sa théorie de la dissociation électrolytique (p. 181). Si on considère les ions comme des corps indépendants, on peut, d’après la loi de l’action de masse, écrire la formule de l’équilibre chimique entre les ions et la partie non dissociée d’un acide. Cette formule indique toutes les propriétés trouvées expérimentalement, relatives à l’influence de la dilution sur la conductibilité et la force de chaque acide, et aux relations des divers acides entre eux.

Tous les acides ont, à certains égards, des propriétés communes, par exemple, la saveur acide, le virage rouge au tournesol, etc. : cela tient à ce qu’ils ont tous une même partie constitutive, l’ion hydrogène. On dit que des acides différents et différemment dilués possèdent cette propriété commune à des degrés différents selon leur force, et leur force peut être simplement définie comme correspondant aux ions hydrogène libres, qu’ils contiennent. Bref, l’histoire de la science a rarement présenté des cas où l’expérience et la théorie, après s’être développées indépendamment l’une de l’autre, se trouvent réaliser un accord aussi parfait.

Ces résultats étaient propres à convaincre les plus incrédules, et le nombre des chimistes augmenta rapidement, qui se décidèrent à ne plus voir dans ces formules de purs amusements théoriques, mais à les regarder comme des faits scientifiques tout à fait importants et conformes à l’expérience. D’ailleurs, ce furent exclusivement des hommes jeunes, qui se rallièrent au mouvement nouveau dès 1887, année où parurent simultanément les théories de van ’t Hoff et d’Arrhenius.

À la suite de la découverte de la circulation du sang, Harvey perdit, par l’opposition violente de ses collègues, sa clientèle florissante et ne put convertir à ses vues aucun confrère de plus de quarante ans ; les partisans de la nouvelle théorie de van ’t Hoff n’eurent pas ce triste sort. Pourtant, pendant quelques années, ils soutinrent des luttes assez chaudes en voulant attirer l’attention sur les nouveaux travaux. Notre temps plus pressé présente, à côté de ses défauts, certains avantages : il n’est plus nécessaire qu’un grand novateur meure inconnu, pour que l’importance de ses recherches soit mise en lumière. Aujourd’hui encore, il est vrai, pour les progrès essentiels, en particulier, s’il ne s’agit pas de la découverte de faits nouveaux et frappants, mais seulement d’une explication fondamentale pouvant éclairer des faits anciens et apparemment bien connus, il faut un certain temps. Comme on l’a vu au cours de cette esquisse historique, presque tous les présents de cette sorte apportés à l’humanité restent d’abord complètement étrangers à ceux qu’ils concernent immédiatement, mais ce temps est, en général, beaucoup plus court qu’autrefois, et nous sommes assez heureux pour nous apercevoir relativement vite de leur importance, et pouvoir exprimer notre reconnaissance à nos guides spirituels encore vivants.

De cette façon le problème de l’affinité des acides n’était pas seul résolu, c’est-à-dire rendu accessible au calcul par la connaissance de quelques constantes, mais il en était de même pour tout le problème des équilibres des solutions salines. La force des acides est définie d’une façon générale comme la concentration en ions hydrogène libres ; de même, pour les bases, il y a une définition correspondante par rapport à l’ion hydroxyle. Pour les sels enfin, où le degré de dissociation est assez concordant, intervient comme facteur prépondérant la solubilité, dont Berthollet avait déjà entrevu l’importance.

Il est naturel de se demander s’il n’existe pas entre les sels et les autres combinaisons chimiques, un passage analogue à celui qui s’est montré dans la stœchiométrie. En fait, on peut écrire, pour tous les systèmes chimiques quels qu’ils soient, des équations d’équilibre formelles, mais pour les corps en solutions étendues seulement, on peut considérer la fonction de l’action de masse, d’où dépend l’équilibre, comme simplement proportionnelle à la concentration, tandis qu’on ne connaît pas cette fonction pour les solides, les solutions concentrées ou les mélanges de corps purs sans dissolvants. On en est encore provisoirement aux relations empiriques, qui ne permettent d’ébaucher qu’une esquisse relativement grossière des phénomènes. Il y a place d’abord pour une recherche patiente, qui procurera les matériaux nécessaires, et l’avenir pourra nous amener de grandes découvertes, permettant de rassembler de nouveaux faits de détail, et de les mettre en valeur comme des cas particuliers de lois générales. Si nous songeons que l’étude systématique des équilibres chimiques ne se fait que depuis peu d’années, que le nombre des travailleurs qui s’en occupent est restreint, et que le travail scientifique d’ensemble, tel qu’il se fait actuellement pour la chimie organique, n’est pas orienté du tout dans cette direction, nous reconnaîtrons qu’un avenir prochain peut nous réserver encore de très grandes surprises.