L’Émigré/Lettre 135
LETTRE CXXXV.
à
Melle Émilie de Wergentheim.
Nous allons tous dîner chez le Commandeur,
je n’ai qu’un moment pour
vous écrire et vous mander une très-grande
nouvelle qui me fait un extrême
plaisir. Il s’est passé, ma chère
amie, un événement bien important
depuis que je vous ai écrit. Le Président
est arrivé à Francfort le jour
même que la Duchesse est partie d’ici,
et le surlendemain il n’y avait plus de duchesse de Montjustin, mais
une comtesse de Longueil. Le Président
n’avait pas la goutte, ainsi rayez
cet article qui vous paraissait peu convenable
pour un roman, il a eu une
fluxion de poitrine qu’il a cachée à la
Duchesse pour ne pas l’alarmer. Notre
amie est établie dans une jolie petite
maison à Francfort ; son sort est uni
à celui d’un homme qu’elle chérit depuis
long-temps, et qui a l’estime
publique : elle est heureuse et je partage
sa félicité. Nous verrons dans
deux jours les nouveaux époux, je
fuis sûre que vous embrasserez la
Comtesse de bon cœur. Adieu, ma
tendre amie.