L’Église arménienne orientale/Première Partie


Première Partie


PREMIÈRE PARTIE.




PRÉCIS DE L’HISTOIRE DE L’ÉGLISE ARMÉNIENNE.




I.

Prédication de l’Évangile en Arménie, dans les temps apostoliques.


Les saints apôtres Barthélemi, Thaddée, Jude, frère de saint Jacques le Mineur, et Thomas, apportèrent la lumière du christianisme en Asie, presque aussitôt après l’Ascension de Notre Seigneur Jésus-Christ.

La première période du christianisme, dans la Grande et la Petite Arménie, embrasse un espace de deux cent soixante-huit ans, à partir de l’an 34 jusqu’en 302 de J.-C. Ce laps de temps correspond à la domination des rois arméniens idolâtres.

L’apôtre Thaddée, en l’an 34, vint à Édesse, capitale du royaume d’Arménie, dont le souverain était alors Abgare, que plusieurs historiens ont supposé à tort être roi de Syrie, entre autres Denys de Telmahar, dans son histoire écrite vers 820. Moïse de Khoren, qui composait son histoire d’Arménie vers 460, affirme, d’après des documents qu’il recueillit dans les archives d’Édesse, qu’Abgare était roi d’Arménie, et qu’une partie de la Syrie lui appartenait ; ce qui a donné lieu à plusieurs auteurs de prétendre que ce prince était roi de Syrie.

Abgare, selon ces divers témoignages, était en proie depuis longtemps à de cruelles souffrances, que l’art de la médecine n’avait pu calmer. Ayant entendu parler des miracles opérés par Jésus-Christ, il lui envoya un message pour le prier de venir le guérir et annoncer la doctrine de l’Évangile dans ses États. Le Sauveur, n’ayant pu se rendre à cette invitation, lui fit remettre son portrait empreint sur un linge. Ayant reçu ce don précieux, le roi fut guéri. Cette image fut placée sur la grande porte d’Édesse, et elle fut dès lors, pour cette ville, une puissante sauvegarde. Dans le Martyrologe grec, il est fait mention de cette image miraculeuse.

Abgare, frappé du prodige qui lui avait rendu la santé, accueillit favorablement l’apôtre Thaddée, et embrassa la religion chrétienne. Thaddée apporta en Arménie la lance dont fut percé le Sauveur sur la croix. Il fonda à Édesse la première église chrétienne, ordonna évêque Addée, consacra plusieurs prêtres, et leur transmit les préceptes évangéliques destinés à la direction du troupeau confié à leurs soins. Ces préceptes se trouvent consignés et se sont perpétués jusqu’à nos jours dans les livres des Arméniens, et entre autres dans leur Kanonakirk ou Nomokanon.

Thaddée se rendit ensuite dans la Grande Arménie, où il convertit un nombre considérable d’Arméniens, et leur chef Sanadroug, qui plus tard succéda à Abgare, mais retomba dans l’idolâtrie. Ce prince persécuta les chrétiens et fit mourir Thaddée, qui souffrit le martyre en l’an 50 de J.-C., dans la ville de Schavarschan, dans le district d’Ardaz.

Pendant les dix-sept ans que Thaddée exerça son apostolat en Arménie, il gagna un nombre considérable d’âmes à Dieu, fonda plusieurs églises et établit des évêques dans la ville d’Édesse, et dans le district d’Ardaz et autres lieux de la province de Vasbouragan. Les plus célèbres de ces évêques sont Addée, Zacharie, Théophile, Élisée et Eustathe. Les restes de saint Thaddée furent ensevelis dans le village de Magra, à une petite distance de la ville de Magou, dans le district d’Ardaz, où les Arméniens ont encore à présent un monastère en l’honneur de ce saint, dans lequel ses reliques et celles de sainte Santoukhd sont réservées.

Les apôtres saints Barthélemi, Barnabé et Philippe parcoururent ensemble la Syrie et l’Asie supérieure. Après la mort de ce dernier, Barnabé alla dans la Perse et dans l’Inde ; saint Barthélemi, de son côté, se dirigea vers l’Arménie et la Perse, où il fixa son séjour.

Il apporta en Arménie une image miraculeuse de la sainte Vierge, peinte par saint Luc, et qui est maintenant perdue. À Djoulfa, il ordonna évêque son disciple Consius. Il fit entendre sa prédication dans l’ancienne Nakhitchévan et dans plusieurs provinces de l’Asie Mineure, où habitaient des Arméniens. Enfin il vint à la cour du roi Sanadroug, à Nisibe, y raviva la lumière du christianisme, et fit beaucoup de prosélytes, entre autres la sœur du roi, Okohé. Sanadroug le fit crucifier et décapiter. Sa mort eut lieu dix-huit ans après celle de saint Thaddée, l’an 68. Il est parlé du séjour de saint Barthélemi en Arménie, par les auteurs arméniens et grecs, ainsi que dans les Actes des Saints, par les Bollandistes.

L’apôtre saint Jude, frère de saint Jacques, visita l’Arménie vers l’an 60, et y rencontra saint Barthélemi dans la ville d’Artaxate. Saint Jude y conquit aussi beaucoup d’âmes à Jésus-Christ, consacra des évêques et des prêtres, et leur laissa des préceptes par écrit. Il fut crucifié en 72, à Ormi, dans la Grande Arménie, ville nommée aujourd’hui Ourmié.

Dans les Martyrologes grec et arménien, il est question pareillement de l’apôtre saint Thomas comme ayant étendu ses courses apostoliques en Asie, et, entre autres contrées, en Arménie. Ces quatre premiers fondateurs du christianisme en Arménie, à la fin du premier siècle, eurent pour successeurs immédiats leurs disciples Élisée, Amphilochius, Urbain, Nersès, Apelle et Aristobule.

Les évêques arméniens qui vinrent après eux déployèrent un zèle non moins ardent pour régénérer ce pays. Ils fondèrent des églises, réglèrent l’ordre des prières, et décidèrent que la sainte Eucharistie ne pourrait plus être donnée aux fidèles que par les évêques ou les prêtres. Les chrétiens avaient cependant à lutter contre les persécutions de quelques souverains idolâtres ou apostats, comme Sanadroug.

Moïse de Khoren, dans son histoire d’Arménie, raconte qu’en 107 de J.-C., cinq disciples de saint Thaddée furent martyrisés, et qu’en 130 il y eut dix-sept martyrs dans la Grande Arménie. Ces martyrs sont connus sous le nom de Soukiassians, du nom de leur chef, qui s’appelait Soukias. Le nombre des chrétiens était si considérable, que sous le règne de l’empereur Adrien on en compta plus de 10,000, qui furent crucifiés sur le mont Ararat, et qui pour la plupart étaient Arméniens.

Vers le commencement du troisième siècle, le roi d’Arménie Chosroës Ier ordonna de mettre à mort les chrétiens, dans le but d’éviter les discordes dans son royaume. Plus tard, le roi Tiridate, avant de se convertir à la foi chrétienne, rendit un semblable édit. Ces persécutions n’ébranlèrent pas cependant la constance des évêques et des prêtres arméniens, fidèles à observer, pour les dogmes, le culte et les prières, tout ce que leur prescrivait l’Église-mère de Jérusalem, dont l’Église d’Arménie peut à juste titre se nommer la fille, comme celle des Grecs. L’Église d’Arménie, pendant cette période, était unie à celle de Jérusalem et à l’Église grecque ; et la paix régnait en tous lieux. Plusieurs évêques arméniens furent ordonnés par les évêques grecs ou ceux de Jérusalem. Le service divin, chez les Arméniens, se faisait, en grande partie, en langue grecque, car alors leur alphabet n’était pas inventé, et ils avaient de commun avec les Grecs quelques livres de prières et leur Nouveau Testament. Mais, dans les relations politiques et officielles avec les États voisins, ils employaient les lettres perses. La hiérarchie du clergé arménien n’avait que trois degrés : l’épiscopat, le sacerdoce et le diaconat. Chaque évêque était indépendant dans son diocèse, et tous avaient un rang égal.


II.

Propagation et établissement définitif du Christianisme dans l’Arménie entière.


Le quatrième siècle ouvre la seconde période de l’Église arménienne, période qui comprend un espace de cent quatre-vingt-dix ans, de 302 à 491, c’est-à-dire depuis saint Grégoire, surnommé l’Illuminateur, jusqu’au patriarche Papguên. Pendant ce laps de temps, cette Église professa une conformité parfaite de dogmes et de discipline avec l’Église grecque, et se maintint en communion avec elle, ou plutôt ces deux Églises n’en formaient qu’une seule, tout en conservant leur indépendance vis-à-vis l’une de l’autre. Un des plus illustres apôtres de la foi du Christ en Arménie fut le martyr saint Grégoire l’Illuminateur. Ce pays était à cette époque gouverné par Tiridate, ce prince qui se fit le persécuteur de saint Grégoire, mais qui plus tard devint son disciple, et, se rangeant sous la bannière du Christ, même avant les empereurs romains, a la gloire d’être compté comme le premier monarque chrétien. L’histoire de saint Grégoire, dès son enfance et dans le cours des immenses travaux qu’il accomplit pendant son pontificat, nous montre que lui et Tiridate étaient marqués du doigt de Dieu, et prédestinés à l’œuvre providentielle de la conversion de l’Arménie à la vraie foi.

Grégoire était Arsacide d’origine et issu des rois parthes. Il eut pour père Anak, de la branche Sourèn Bahlav, lequel assassina à la chasse Chosroës le Grand, roi d’Arménie, à l’instigation d’Ardaschir Ier, roi de Perse, qui convoitait la possession de l’Arménie. Chosroës, en rendant le dernier soupir, ordonna de mettre à mort Anak et toute sa famille. Grégoire, échappé à ce massacre, fut emmené, âgé seulement de deux ans, par le frère de sa nourrice, nommé Euthalius, à Césarée de Cappadoce, où il fut recueilli dans la demeure de ce dernier. Élevé dans les croyances et les pratiques de l’Évangile, par les parents de sa nourrice, il grandit et épousa la fille d’un prince arménien. De cette union naquirent deux fils, Verthanès et Aristacès. Plus tard les deux époux se séparèrent d’un commun accord, pour se vouer tout entiers à Dieu, et Grégoire se rendit en Arménie, afin d’y annoncer les vérités du christianisme, et réparer, par sa conduite, le crime de son père Anak.

Comme saint Grégoire, Tiridate, fils de Chosroës, vit son enfance entourée d’ennemis et exposée aux plus grands dangers. Après la mort de Chosroës, le roi de Perse Ardaschir, qui s’était emparé du trône d’Arménie, voulut faire périr Tiridate, mais ce jeune prince fut sauvé et conduit à Rome, où il fut élevé dans le palais des Césars.

Lorsque saint Grégoire arriva en Arménie, à Valarsabad, ville qui était la résidence des rois, il trouva Tiridate sur le trône, où il avait été replacé par Dioclétien. Un jour que Tiridate offrait un sacrifice à l’une des principales divinités de l’Arménie, il remarqua un des assistants qui ne prenait point part à cette solennité. C’était Grégoire. Il le fit approcher et lui commanda de sacrifier. Chrétien, Grégoire refusa ; alors le roi lui fit infliger des tourments inimaginables[1]. Après ces tortures, que Grégoire supporta avec une force surhumaine, il fut jeté dans une fosse profonde, où il demeura enfermé plusieurs années, oublié de tous ; seule, une pauvre veuve venait lui jeter, chaque jour, un morceau de pain. Une circonstance qui fit éclater la cruauté de Tiridate sauva saint Grégoire. À Rome vivait une jeune fille, nommée Ripsimê, avec plusieurs de ses compagnes, toutes chrétiennes comme elle. Dioclétien, ayant vu Ripsimê, s’enflamma de sa beauté et voulut l’épouser, mais elle parvint à s’enfuir de Rome avec sa nourrice, Gaïanê, et ses compagnes, et vint se fixer dans la capitale de l’Arménie, Valarsabad. Ayant découvert sa retraite, Dioclétien envoya dire à Tiridate de la lui renvoyer, ou bien de la prendre lui-même pour femme. Tiridate, séduit à son tour par les attraits de Ripsimê, voulut l’épouser ; mais la jeune fille repoussant ses sollicitations, Tiridate furieux la livra, ainsi que ses compagnes, aux bourreaux. Elles furent mises à mort, après avoir enduré les plus atroces tortures. En punition de ce nouveau crime, Tiridate et ses courtisans furent frappés d’un châtiment d’en haut ; pareils à Nabuchodonosor, ils perdirent la raison et devinrent semblables à des animaux immondes. Dans ce temps-là, Khosrovitoukhd, la sœur du roi, vivait au fond d’une retraite. Dans une vision, elle entendit la voix d’un ange qui lui disait que Grégoire pouvait seul guérir son frère. On envoya retirer le saint de la fosse, où on le trouva vivant et plein de santé. « Je vis, soutenu par mon Seigneur, » dit-il. Il rendit la raison à Tiridate, et ce prince, pénétré subitement par l’esprit de vérité, tomba aux pieds de l’apôtre. Saint Grégoire lui promit le pardon du Ciel, et lui fit cette question : « Où sont les agneaux de Dieu ? » Les reliques des saintes filles lui ayant été montrées, il les recueillit, les réunit toutes ensemble, et, les ayant ensevelies, il passa la nuit en prières sur leur tombeau. Alors il vit le ciel s’entr’ouvrir, et un rayon de lumière descendre, précédé d’une nuée d’anges. Derrière eux paraissait une figure humaine, tenant à la main un marteau d’or. Cette vision se porta dans la direction de Valarsabad. Aussitôt après, le marteau frappa le sol qui s’entr’ouvrit, les montagnes tremblèrent, et des entrailles de la terre sortit une clameur effroyable de l’enfer. Puis, non loin du palais, s’éleva un piédestal d’or, en forme d’autel, d’où s’élançait une colonne de feu surmontée d’un dôme de nuages sur lequel brillait une croix. Une fontaine d’eau vive coulait sous l’autel, et arrosait une grande étendue de terrain. Tout autour de cet édifice étaient quatre colonnes, dont trois s’élevaient au-dessus des ossements des saintes martyres. Au-dessus de tout cet ensemble resplendissait une lueur en forme de croix. Un ange se montrant à Grégoire lui expliqua cette vision : « La figure humaine, lui dit-il, est le Seigneur ; l’édifice surmonté d’une croix signifie l’Église universelle, placée sous l’égide de la croix, car c’est sur la croix qu’est mort le Fils de Dieu. Ce lieu doit devenir le lieu de la prière. La colonne de feu et la fontaine expriment le baptême divin qui découle de l’Église universelle pour la régénération de l’humanité. Prosterne-toi, ajouta-t-il, devant la vision miraculeuse que Dieu t’a manifestée, et élève ici une église. » L’endroit où saint Grégoire eut cette vision reçut le nom de Schoghagath, mot qui signifie diffusion de lumière, et plus tard le monastère bâti sur ce même emplacement fut appelé Edchmiadzïn, c’est-à-dire, descente du Fils unique. C’est ainsi que se nomme encore aujourd’hui ce monastère, qui est le siége principal de l’Église arménienne.

Le roi vint le lendemain avec toute sa cour trouver saint Grégoire, qui lui raconta sa vision. Celui-ci érigea une croix sur l’emplacement où lui était apparu l’autel, et déposa les reliques des saintes martyres à l’endroit même où il avait aperçu les trois colonnes de feu ; puis, aidé de toute la population de la ville et du roi lui-même, il jeta les fondements de l’église d’Edchmiadzïn et des trois autres églises qui s’élèvent aujourd’hui dans le voisinage, et qui sont sous l’invocation des saintes Ripsimê et Gaïanê, ou sous le nom de Schoghagath. Quand ces reliques eurent été renfermées dans des tombeaux en pierre, sous les fondements des trois églises, Tiridate se prosterna encore une fois aux pieds de saint Grégoire, qui lui promit de nouveau le pardon de Dieu. Saint Grégoire donna particulièrement ses soins à la construction de l’église principale. Le roi et la cour le choisirent pour leur pasteur et l’envoyèrent recevoir l’ordination épiscopale à Césarée, où siégeait l’évêque grec Léonce[2]. Il partit monté sur le char du roi, entouré de gardes et chargé de présents pour les églises grecques des environs. Il parvint ainsi à Césarée, où s’était déjà répandu le bruit des souffrances qu’il avait endurées pour la foi et de la conversion de tout un peuple, opérée à sa voix. L’évêque Léonce, après lui avoir conféré l’épiscopat, lui donna les reliques de saint Jean-Baptiste et d’Athanaginès. Partout, sur son passage, Grégoire renversait les temples et les images des faux dieux ; auprès des monts de Daron, il détruisit la fameuse idole d’Anahid, et dans ce lieu même baptisa plus de 20,000 Arméniens ; il y posa les fondements d’une église, sous l’invocation de saint Jean-Baptiste. Cette église existe encore à présent, non loin de la ville de Mousch. De son côté, Tiridate vint au-devant de saint Grégoire, et l’attendit sur les bords de l’Euphrate, où le monarque reçut le baptême. La réception du sacrement qui le faisait chrétien fut précédée d’un jeûne de quelques jours, que Tiridate dut observer, et que l’Église arménienne a toujours maintenu en mémoire du triomphe du christianisme en Arménie. Dès lors, le roi Tiridate devint un des plus solides soutiens du christianisme, et aida saint Grégoire de toutes ses forces dans l’achèvement de l’église d’Edchmiadzïn. C’est là que depuis l’an 301 ou 302 est institué le siége patriarcal du catholicos, ou chef de l’Église arménienne. Quinze cent cinquante-six ans se sont écoulés depuis lors, et cette église, berceau du christianisme arménien, a résisté au temps, et, chose remarquable, est restée debout, malgré les dévastations multipliées qu’a subies l’Arménie pendant plusieurs siècles, tandis que la capitale du roi Tiridate, la ville de Valarsabad, n’est plus qu’un simple village, aujourd’hui à demi ruiné.

Edchmiadzïn a été restauré plusieurs fois par différents patriarches. La bibliothèque de ce couvent était jadis célèbre par le grand nombre de livres rares qu’elle renfermait. Elle n’en contient maintenant qu’environ dix-sept ou dix-huit cents, qui sont en majeure partie des manuscrits arméniens. Parmi les objets remarquables que l’on y possède se trouvent de précieuses reliques, et, entre autres : les mains de saint Thaddée, la dextre de saint Grégoire l’Illuminateur, la main d’Aristacès, son fils, et celle de saint Jacques de Nisibe, qui apporta au couvent les fragments de l’arche de Noé, présent que lui fit l’ange qui lui apparut en songe, lorsque Jacques s’arrêta, épuisé de fatigue, en gravissant le mont Ararat ; une grande croix, qui renferme un morceau du vrai bois sur lequel fut crucifié Jésus-Christ, et que le roi Tiridate reçut de Constantin le Grand ; la lance avec laquelle fut percé le côté du Sauveur, apportée en Arménie par l’apôtre Thaddée, et sur laquelle il grava une croix ; le chef de sainte Ripsimê ; la tiare que le pape Luce III envoya au couvent, en 1184, et que les patriarches et les évêques arméniens adoptèrent en place de la mitre grecque. Il faut savoir cependant que la mitre grecque s’est conservée dans l’Église arménienne pour les archimandrites et les prêtres. Pendant la célébration de la messe, ils doivent la porter sur la tête, comme emblème du heaume spirituel et comme insigne sacerdotal. Le couvent possède encore un voile et une crosse, envoyés par le pape Innocent II ; le voile sert pour les patriarches, au moment où ils reçoivent l’onction sacrée, lors de leur installation. Les Arméniens disent que cet ornement rappelle le voile qui était placé sur la tête de Moïse. On conserve aussi à Edchmiadzïn la chaire que le pape Innocent XI envoya au patriarche Jacques.

Saint Grégoire fonda un grand nombre d’évêchés en Arménie, en attribuant à celui d’Edchmiadzïn la suprématie sur tous les autres. Ayant appelé à ces siéges plusieurs évêques et prêtres grecs, cette circonstance resserra l’alliance qui existait déjà entre l’Arménie et l’Église byzantine. En 325 il envoya au concile de Nicée son fils Aristacès, qu’il avait sacré évêque. Saint Grégoire ayant adopté la discipline et les cérémonies décrétées par ce concile, ainsi que son symbole de foi, que confesse jusqu’à présent l’Église d’Arménie, et les ayant introduits parmi les populations dont il était le premier pasteur, Saint Grégoire voyant son œuvre assurée désormais, et la vraie foi triomphante, se retira dans les solitudes du mont Sébouh, où il finit ses jours. Il avait gouverné l’Église arménienne pendant trente ans. Son corps, retrouvé par des pâtres qui erraient dans ces solitudes, fut enseveli par eux sans qu’ils le connussent. Plus tard un solitaire eut une vision qui lui fit découvrir ce corps, resté jusqu’alors intact ; il le fit enterrer dans un village nommé Thortan, où s’élève maintenant un couvent. Sous l’empereur grec Zénon, les reliques du saint apôtre furent encore déplacées, et apportées partie à Constantinople et en Italie, et partie en divers lieux de l’Arménie. Aujourd’hui sa tête se trouve en Italie et sa main gauche à Sis, où résident un patriarche et un évêque arméniens. Sa main droite est conservée à Edchmiadzïn, où elle sert à consacrer les patriarches, ainsi que le saint chrême ou myron. Le fils puîné de saint Grégoire, Aristacès, lui succéda sur le siége pontifical, qu’il occupa sept ans. Après la mort d’Aristacès, son frère aîné, Verthanès, ordonné aussi évêque par saint Grégoire, hérita de leur siége comme de leurs vertus.

Quoique la majorité du peuple arménien, depuis saint Grégoire l’Illuminateur, eût adopté la croyance de l’Évangile, il y avait cependant des provinces, sous la domination de rois idolâtres, où le christianisme fournit plus d’un martyr. C’est ainsi que la ville de Nicopolis compta quarante-cinq chrétiens qui donnèrent leur vie pour la foi, et dont les plus célèbres sont : Léon, Maurice, Daniel, Antoine et Alexandre, lesquels furent mis à mort par ordre du gouverneur de cette ville, et sainte Olympiade, femme d’Arsace, roi d’Arménie.

Le cinquième siècle produisit aussi des hommes d’un mérite éminent et d’une haute piété, entre autres saint Jacques de Nisibe, qui était Parthe d’origine et cousin de saint Grégoire l’Illuminateur.

En 403, le pieux et savant Mesrob inventa l’alphabet arménien, et, avec le concours de plusieurs de ses disciples et du patriarche saint Sahag, traduisit du grec la Bible. Cette version l’emporte, par la fidélité et l’élégante simplicité du style, sur toutes les autres versions orientales. Golius, Hottinger, Piques, Pierre Lebrun et Lacroze en ont apprécié et prouvé l’excellence. Les disciples de saint Mesrob traduisirent aussi les œuvres de saint Basile, saint Athanase le Grand, saint Cyrille, saint Jean Chrysostome et autres Pères, ainsi qu’une partie des livres liturgiques grecs.

En 430, saint Mesrob aida le patriarche saint Sahag à reviser la liturgie de la messe qu’avait traduite saint Grégoire ; tous deux y ajoutèrent beaucoup de prières, d’après les Pères de l’Église grecque. Depuis cette époque, la liturgie arménienne prit la forme qu’elle a aujourd’hui, et qui s’est conservée jusqu’à nous, pendant quatorze siècles.

Les évêques d’Arménie, qui s’efforçaient d’imprimer au christianisme le sceau de l’orthodoxie, et qui craignaient les erreurs dans la foi, se réglaient sur l’Église de Jérusalem. C’est ainsi que saint Verthanès, fils de saint Grégoire l’Illuminateur, écrivit, en 340, au patriarche de cette ville, Macaire, et lui demanda des instructions relativement aux formes du culte et à l’administration de la sainte Eucharistie. Ayant reçu la réponse de Macaire, il se conforma, avec la soumission la plus respectueuse, aux préceptes de l’Église-mère de Jérusalem.

Saint Nersès Ier fut le premier évêque d’Edchmiadzïn qui prit le titre de patriarche et de catholicos de toute l’Arménie. En 381 il assista au deuxième concile œcuménique, premier de Constantinople. Il porta la parole dans les différentes sessions de cette assemblée, et accepta, au nom de son Église, tous les décrets qu’elle rendit.

Quand le troisième concile œcuménique, celui d’Éphèse, se réunit, en 431, pour condamner les erreurs de Nestorius, l’empereur Théodose II engagea le patriarche d’Arménie, saint Sahag, à venir y assister. L’Arménie étant alors en guerre avec les Perses, le patriarche ne put déférer à cette invitation. En butte aux persécutions du roi de Perse, Azguerd (Yezdedjerd II), il fut enfermé dans une prison ; mais le patriarche de Constantinople, Maximien, et les évêques Proclus de Cyzique, qui succéda un peu plus tard à Maximien, et Acace de Mélitène, envoyèrent à saint Sahag, par ses disciples Léon, Jean, Joseph et Gorioun, qui se trouvaient à Constantinople, les décisions du concile d’Éphèse, et communication de l’anathème lancé contre Nestorius.

Saint Sahag, rendu à la liberté, convoqua, en 432, les évêques arméniens, et leur fit part de la lettre du patriarche grec ; il leur expliqua le but du concile d’Éphèse, adopta, de concert avec eux, ses décisions, et prononça, au nom de l’Église d’Arménie, l’anathème contre Nestorius, Théodore de Mopsueste et Diodore de Tarse. Saint Sahag envoya les actes de cette assemblée au patriarche de Constantinople Proclus, afin de lui prouver que les Arméniens, n’ayant pu, à cause des troubles auxquels était livré leur pays, être présents au concile d’Éphèse, acquiesçaient aux doctrines de cette sainte assemblée. Il lui adressa aussi une exposition des dogmes de l’Église arménienne, que Proclus trouva orthodoxe et en tout conforme à celle des Grecs. La copie de la lettre de Proclus au catholicos arménien saint Sahag a été publiée en grec et en latin par Mansi, t. V de sa Collection des conciles. Celle de saint Sahag à Proclus, qui fut lue au cinquième concile œcuménique, le deuxième de Constantinople, est rapportée dans le même ouvrage de Mansi, t. IX.

En 451, lors du concile de Chalcédoine, l’Arménie était de nouveau en guerre avec les Perses. Le sang de ses enfants, et, en premier lieu, celui du patriarche Joseph, coula pour la religion.

Ayant conçu des doutes à l’égard de ce concile, ils crurent devoir décliner son autorité. Comme ils avaient été empêchés d’y assister par la guerre qu’ils soutenaient contre le roi de Perse Azguerd (Yezdedjerd II), les partisans d’Eutychès et de Dioscore, patriarche d’Alexandrie, anathématisés à Chalcédoine, firent courir des bruits mensongers sur l’orthodoxie de cette assemblée ; ils prétendirent notamment qu’elle était retombée de l’erreur d’Eutychès dans celle de Nestorius, et qu’elle avait distingué en Jésus-Christ deux personnes différentes.

Ces bruits calomnieux prirent aux yeux des évêques d’Arménie encore plus de consistance, quand ils eurent la certitude que le concile avait négligé d’examiner les ouvrages des trois évêques syriens, adeptes de Nestorius, Théodore de Mopsueste, Ibas d’Édesse et Théodoret de Cyr, et n’avait pas prononcé l’anathème contre ces novateurs condamnés par les Arméniens peu de temps avant ce concile. À ces causes s’en joignirent d’autres, plus ou moins graves, pour indisposer les Arméniens et les éloigner de la foi de Chalcédoine.

La lettre du pape Léon Ier à Flavien sur la doctrine de cette assemblée avait été mal traduite dans leur langue. D’ailleurs les canons et les décisions des conciles, à une époque où l’art typographique n’existait pas, étaient le plus souvent transcrits par des mains inhabiles ou malveillantes, qui altéraient par des omissions, soit involontaires, soit faites à dessein, le sens des expressions et des phrases. Ainsi, dans la lettre du pape Léon Ier, il était dit d’une manière très-orthodoxe que Jésus-Christ avait deux natures, dont l’une opérait les miracles, et l’autre était sujette aux souffrances de l’humanité. Le traducteur rendit les mots l’une et l’autre par l’expression arménienne womn iev womn, expression qui, d’après le génie de la langue à laquelle elle appartient, ne peut s’appliquer qu’à une personne animée, à un individu, et signifie l’un et l’autre dans l’acception de quelqu’un. Le sens de la lettre dans laquelle l’expression l’une et l’autre se rapportait aux deux natures du Christ, était, par conséquent, altéré dans la version par le mot womn ; cette expression semblait relative non aux natures, mais à la personne du Christ, et le mot womn, répété deux fois, avait donné lieu aux Arméniens de croire qu’il était question de deux personnes ou hypostases différentes. Ainsi, la lettre du pape Léon ayant été reconnue par les Pères de Chalcédoine comme orthodoxe et conforme à la véritable définition du concile, les évêques arméniens crurent que ce concile était revenu aux erreurs de Nestorius, tout en condamnant celles d’Eutychès. Depuis lors, ils disaient, en exposant leur croyance à l’égard du Christ, et en faisant allusion à la lettre du pape Léon, regardée par eux comme entachée d’erreur, à cause de la confusion occasionnée par une traduction inexacte, « que Jésus-Christ n’était pas quelqu’un (womn) de divin et de tout-puissant, et un autre quelqu’un (womn) sujet aux souffrances, mais qu’il était une seule et même personne ; un enfin, ayant deux natures, l’une divine, et l’autre humaine, par unité de personne et non par confusion de substances. » Ces considérations, en quelque sorte dogmatiques, qui firent rejeter aux Arméniens le concile de Chalcédoine, furent corroborées par des motifs d’un genre différent et purement extérieurs, et entre autres par les discordes des Grecs eux-mêmes, relativement aux doctrines de cette assemblée, discordes qui durèrent de longues années ; au point que les empereurs Basilisque, en 475, et Zénon, auteur de l’Hénoticon, en 476, non-seulement réprouvèrent le concile de Chalcédoine, mais même défendirent d’en parler, afin de faire cesser les troubles en Orient.

Disons encore que la langue arménienne, alors peu travaillée, n’avait pas la faculté d’exprimer avec précision et netteté les abstractions de la théologie grecque, et donnait souvent un sens contraire à la pensée qu’il s’agissait de rendre, et sur l’intelligence de laquelle reposait cependant l’entente des différentes communautés chrétiennes. Les mots grecs φυσίς, οὐσία et ὑπόστασις, c’est-à-dire, nature, substance et personne, ne pouvaient pas être rigoureusement traduits dans la langue arménienne, où souvent l’expression hypostase ou personne (pnouthioun) était confondue avec l’idée de physis ou nature. Ainsi, lorsque les Grecs disaient que Jésus-Christ avait deux natures, les Arméniens croyaient que cette définition impliquait la coexistence de deux personnes, idée qu’ils rejetaient bien loin ; et eux-mêmes, voulant, dans leur idiome, prouver leur orthodoxie, en tout conforme à la foi de Chalcédoine, et montrer qu’il y avait en Jésus-Christ une seule et unique personne (hypostase), disaient une seule et unique nature ou essence (pnouthioun), expression qui leur attirait les censures des Grecs.

Plus tard, une circonstance non moins grave que les précédentes vint fortifier les Arméniens dans leur opposition. Quelques évêques grecs et syriens, s’étant rassemblés à Édesse en 482, rejetèrent solennellement le concile de Chalcédoine. Cette nouvelle décision rendue par des évêques grecs, dont la plupart avaient peut-être assisté à ce concile, et qui s’en détachèrent, n’était-elle pas suffisante par elle-même pour raviver et perpétuer les défiances et les doutes de l’Église d’Arménie contre une décision qu’elle craignait d’admettre ?

Le patriarche arménien Papguên, dans une réunion particulière d’évêques de sa nation en 491, anathématisa de nouveau les nestoriens Barsouma et Acace, ainsi que les adeptes d’Eutychès, et se déclara contre le concile de Chalcédoine, mais sans entrer dans l’examen du dogme que cette assemblée avait proclamé. Ce fut donc une simple confusion de mots qui amena la séparation des deux Églises grecque et arménienne. C’est à partir du concile particulier qui fut présidé par Papguên que commence la troisième période de l’Église arménienne, depuis l’année 491 jusqu’en 1175, période qui peut être nommée celle de la prétendue division de l’Église d’Arménie avec l’Église grecque[3].

Le cinquième concile œcuménique, deuxième de Constantinople, tenu en 553, s’occupa, dès les premières sessions, de l’examen des ouvrages des nestoriens Théodore de Mopsueste, Théodoret de Cyr et Ibas d’Édesse, déjà anathématisés par les Arméniens, comme nous l’avons dit précédemment. Il n’y eut aucun évêque arménien à ce cinquième concile ; mais, comme preuve de paix et de bienveillance envers l’Église d’Arménie, on y lut la lettre que le catholicos Sahag avait écrite en 435 après le concile d’Éphèse au patriarche de Constantinople Proclus, et où saint Sahag, approuvant ce concile, mandait à Proclus qu’il avait frappé d’anathème Théodore de Mopsueste, Théodoret de Cyr et Ibas d’Édesse. La lecture de cette lettre avait deux buts : 1° de justifier les Arméniens de leur absence du concile, et de montrer qu’ils s’étaient déjà occupés depuis un siècle des ouvrages des trois évêques hérésiarques précités ; 2° de prouver qu’ayant condamné les disciples de Nestorius, ils n’étaient pas nestoriens eux-mêmes, et, par conséquent, pouvaient se dispenser de se rendre au concile, sans que cette absence dût leur être imputée comme un acte d’opposition.

Au sixième concile œcuménique, troisième de Constantinople, en 680, il se trouva quatre évêques arméniens, Théodore, Georges, Grégoire et Jean. Quoique ce fait soit révoqué en doute par quelques historiens arméniens, il est constant, néanmoins, que les décrets de ce concile sont conformes à la foi de l’Église arménienne.

Le septième concile œcuménique, deuxième de Nicée, en 788, compta dans son sein trois évêques arméniens : Étienne, Vartan et Basile, et deux vartabeds (docteurs), Vahan et Vartan, qui approuvèrent l’adoration des saintes images, usage qui s’est pieusement perpétué jusqu’à nos jours dans l’Église arménienne.

De ces sept conciles, il n’y en a donc qu’un seul que cette Église n’ait pas reconnu de fait, celui de Chalcédoine ; car dogmatiquement elle admit la profession de foi de ce concile, qui est, au fond, la même que celle de l’Église d’Arménie. Quant aux cinquième, sixième et septième, non reconnus aussi de fait par cette même Église, on ne saurait dire qu’elle ne les accepta pas réellement, puisque la doctrine qu’ils enseignèrent est en tout semblable à la sienne. S’il est vrai que les Arméniens n’assistèrent pas à ces assemblées, c’est parce que les relations étaient interrompues entre eux et les Grecs depuis le quatrième concile, et d’ailleurs ils n’ont jamais protesté contre les décisions qu’elles ont rendues[4].

Comme preuve palpable que l’Église arménienne orientale ne partagea jamais l’erreur d’Eutychès, malgré la confusion des mots sur les natures et la personne de Jésus-Christ, et qu’elle s’était prémunie contre cette erreur, bien avant l’hérésie d’Eutychès, on peut citer la prière que prononce le prêtre dans la liturgie de la messe, avant la consécration. Pendant que le chœur chante : « Saint, saint, saint, etc., » le célébrant récite une longue oraison, dans laquelle il dit, entre autre choses : « Car lui (Dieu le Fils), devenu homme véritablement et non en figure, prit un corps dans le sein de la sainte Vierge Marie, par une union ineffable et exempte de confusion, » etc.

Un des versets du cantique que l’Église d’Arménie adresse à la lance sacrée qui a percé le côté du Sauveur rend évidente sa croyance aux deux natures unies et non confondues en une seule personne : « Réjouis-toi, fleur partout célébrée, teinte du sang de Notre Seigneur Jésus-Christ, déracinant tous les maux et les maladies du péché. Par toi s’est manifesté le Crucifié, comme homme et comme Dieu ; véritablement mort, et vivant ; par toi a cru le centenier, et a été manifestée la divinité de Jésus-Christ ; que par toi nous puissions célébrer Notre Seigneur Jésus-Christ, et l’affermissement de l’Église ! »

L’Église arménienne a tenu quarante-cinq conciles particuliers, tous présidés par ses patriarches, et où l’on revisait sévèrement la croyance et la gestion de tous les évêques, afin de conserver l’unité et d’écarter les fausses doctrines et l’hérésie. Les plus célèbres de ces réunions sont :

Le concile que tint, en 455, saint Sahag, pour reconnaître solennellement le troisième concile œcuménique, celui d’Éphèse, auquel ce patriarche n’avait pu assister, parce qu’il était alors retenu en prison par ordre du roi de Perse, Azguerd (Yezdedjerd II).

Celui de 491, où le patriarche Papguên condamna les nestoriens Barsouma et Acace, ainsi que les eutychéens, et rejeta purement et simplement le concile de Chalcédoine.

Le concile réuni par le patriarche Esdras à Théodosiopolis ou Garïn (Erzeroum), en 629, marque la première tentative qui fut faite par l’Église d’Arménie depuis 491, pour opérer sa réconciliation avec l’Église grecque. Esdras prouva à l’empereur Héraclius qu’il y avait identité de dogmes entre les deux nations, et que les Arméniens avaient de tout temps condamné Eutychès, comme Nestorius et tous les hérésiarques. L’empereur, de son côté, montra au patriarche que les Grecs étaient du même sentiment sur tous ces points ; de plus, Esdras reconnut solennellement, dans son concile de Théodosiopolis, celui de Chalcédoine.

En 647, le patriarche Nersès III tint un concile à Touïn, et, de même que son prédécesseur, fit voir au petit-fils d’Héraclius, l’empereur Constantin II, qu’il y avait identité dans la foi des deux nations. Comme gage de paix, l’empereur, suivant quelques historiens, reçut la sainte Eucharistie des mains du patriarche, et, suivant d’autres, ce fut le patriarche lui-même qui communia à l’Église grecque.

Malgré les efforts de ces deux derniers conciles pour opérer la fusion des deux Églises, la majorité des évêques arméniens persista dans son éloignement des Grecs. Fatale opiniâtreté, source d’une infinité de maux, non-seulement dans le domaine de la religion, mais aussi dans celui de la politique !

En 719 et 726 deux conciles eurent lieu par les soins du patriarche Jean, dit le Philosophe. Ce prélat, docte et pieux, tâcha de faire disparaître tout motif de haine et de dissension à l’égard de l’Église de Constantinople, et conserva dans la sienne le culte et les cérémonies des Grecs. Il ne fit pas mention du concile de Chalcédoine, mais il proclama cependant, au nom de son Église, la ferme croyance qu’elle avait aux deux natures en Jésus-Christ, et prononça l’anathème contre la secte des phantastiques, disciples de Julien d’Halicarnasse.

Le catholicos Jean, surnommé l’Historien, rassembla les évêques arméniens en 847, au couvent d’Edchmiadzïn, condamna la doctrine des nestoriens et des eutychéens, et défendit toutes relations avec les communautés chrétiennes de l’Occident. L’inimitié qui animait les évêques arméniens contre ces dernières éclata à l’occasion des relations que le patriarche d’Arménie Zacharie entama avec celui de Constantinople, Photius. Ces relations attestent en même temps combien l’Église arménienne tenait et a toujours tenu à son indépendance. L’excommunication lancée contre Photius, par le pape Nicolas Ier, fut regardée comme nulle par les Arméniens, car, en 862, Zacharie tint un concile afin de justifier auprès de Photius[5] l’orthodoxie de l’Église arménienne. L’évêque de Nicée, député par ce dernier, assista à ce concile et expliqua à Zacharie la foi que l’Église grecque avait professée à Chalcédoine. Zacharie et son concile, faisant acte d’adhésion, adoptèrent solennellement le concile de Chalcédoine, mais, toutefois, en ajoutant une clause où perce la méfiance invétérée du clergé arménien vis-à-vis des Grecs. Cette clause portait que ceux qui, dans leur conviction, trouvaient les dogmes de ce concile contraires aux traditions apostoliques et aux trois premiers conciles œcuméniques, et, par une coupable inconséquence, ne les rejetaient pas, attiraient sur leur tête l’anathème. Quant à ceux qui, convaincus de l’orthodoxie des Pères de Chalcédoine, osaient, entraînés par un sentiment de partialité ou de haine, les calomnier ou les maudire, ceux-là se maudissaient eux-mêmes. Cette clause jeta du froid entre Zacharie et Photius, et cependant elle était comme une rétractation des imputations proférées par les Arméniens contre le concile de Chalcédoine, et leur imposait, en quelque sorte, un frein pour les empêcher de se précipiter dans de nouvelles erreurs et de se livrer aux préventions qu’ils entretenaient contre les décisions de cette assemblée, en tout conformes, d’ailleurs, aux dogmes de leur Église.

En 966, le catholicos Vahan, homme éclairé et désirant la paix des deux côtés, aidé par l’évêque de Mélitène, Théodore, rédigea une exposition des dogmes de l’Église arménienne, destinée au patriarche de Constantinople, Polyeucte ; celui-ci l’approuva et en reconnut l’orthodoxie.

Depuis 1160, l’Église grecque témoigna une extrême condescendance pour sa sœur cadette, l’Église d’Arménie. Les Grecs désiraient que les Arméniens se réunissent à eux, puisque les deux Églises professaient les mêmes dogmes et n’avaient été séparées que par suite d’une simple confusion de mots. Cependant le besoin d’une entente commune se faisait sentir de plus en plus, afin de mettre un terme à des hostilités réciproques et d’arrêter les progrès que l’Église d’Occident avait commencé à faire en Arménie. Les Arméniens reconnaissant les trois premiers conciles, étant d’accord avec les Grecs sur les trois derniers, en ce qui touche le dogme, professant au fond la foi de Chalcédoine, aussi bien que ceux-ci, continuaient néanmoins à nourrir des préventions qui, devenues moins vives, exigeaient, pour disparaître tout à fait, un rapprochement sincère. L’Église grecque le sentait parfaitement ; mais, blessée par la méfiance des évêques arméniens, il lui répugnait de faire des avances. Un hasard amena ce rapprochement si désiré, et, depuis 1160 jusqu’en 1179, époque du fameux concile arménien de Roum-Kalé[6], l’Église grecque ne cessa d’être en rapport avec celle d’Arménie, malgré les guerres et les malheurs dont était accablé, à cette époque, ce dernier pays.

Le gendre de l’empereur Manuel, Alexis, voyageant en Arménie, eut occasion d’y connaître intimement le frère du patriarche Grégoire, Nersès, alors évêque, plus tard successeur de ce dernier sur le siége patriarcal, et si connu sous le nom de Schnorhali (le Gracieux). Alexis, en discutant avec Nersès, le pria de lui expliquer les différences qui séparaient les deux Églises. Nersès répondit à cette invitation par un exposé clair et précis des dogmes fondamentaux de l’Église arménienne, principalement sur la question des deux natures en Jésus-Christ. Cet écrit éveilla dans l’esprit de l’empereur Manuel le vif désir d’entrer en communication directe avec l’Église d’Arménie, afin de rétablir l’union. Pour cela il adressa une lettre au patriarche Grégoire ; mais lorsqu’elle arriva, Grégoire avait cessé de vivre et avait été remplacé par Nersès. Celui-ci répondit à l’empereur dans des termes tout à fait conformes à la croyance de l’Église grecque au sujet des deux natures en Jésus-Christ : « Un seul être et une seule personne en deux substances, dans le seul Jésus-Christ, sont réunies d’une manière ineffable et sans se confondre. » Cette réponse si orthodoxe décida l’empereur Manuel à poursuivre l’œuvre de paix et de réconciliation qu’il avait entreprise, et il envoya en Arménie le moine Théorien, philosophe et théologien consommé. Théorien entra en discussion avec Nersès sur les deux natures, et lui démontra que le concile de Chalcédoine n’était nullement retombé dans les idées hétérodoxes de Nestorius, qui faisait deux parts de la seule personne ou hypostase du Christ. Il lui expliqua aussi pourquoi saint Cyrille avait dit : « Une seule nature du Verbe incarné, » en lui faisant voir par là que saint Cyrille ne prétendait pas que Jésus-Christ n’avait qu’une seule nature, mais, au contraire, que saint Cyrille se conformait aux paroles de l’Évangile : « Le Verbe se fit chair, » c’est-à-dire que la nature divine revêtit la nature humaine et devint chair ; et c’est pourquoi il n’est pas dit : « Le Christ, » mais « Le Verbe se fit chair ; » que saint Cyrille, en disant : « Une seule nature du Verbe incarné, » se guidait par les paroles d’Athanase le Grand, argumentant dans les mêmes termes contre l’hérésie d’Arius, lequel admettait une différence entre le Verbe incréé, appartenant à l’essence intime de Dieu le Père, et le Verbe que cet hérésiarque prétendait avoir été créé, et qu’il admettait en Jésus-Christ.

Pour cela, Athanase, rejetant cette distinction, affirmait catégoriquement qu’il faut reconnaître un seul être ou nature du Verbe fait chair. Nersès ne concevait pas pourquoi les Grecs supposaient que les Arméniens donnaient une fausse interprétation à la définition de saint Cyrille : « Une seule nature du Verbe incarné. » Mais les Arméniens disent une seule nature, c’est-à-dire un être et l’unique personne de Jésus-Christ, formé de deux natures ou substances, divine et humaine, réunies et non confondues dans l’unique Jésus-Christ.

Nersès, trouvant que les explications de Théorien sur ce point concordaient avec la doctrine arménienne, et lui-même entendant, comme Théorien, le sens réel des expressions de saint Athanase et de saint Cyrille, et les raisons qui les avaient forcés de les employer, s’écria : « Maintenant, je puis être tranquille. » Comme un prélat syrien reprochait à Nersès de trop pencher du côté des Grecs, il répondit : « Ce n’est pas pour les Grecs que je suis partial, mais je suis convaincu de l’orthodoxie de ce qu’ils avancent, et je veux coopérer à la réunion des deux Églises. » Ayant comparé les dogmes du concile de Chalcédoine avec la doctrine des saints Pères, et particulièrement de saint Cyrille, que les Arméniens tenaient en grande estime, il se convainquit que la croyance des Grecs y était conforme, et très-orthodoxe. « Je ne trouve rien de contraire à la vérité dans la foi de Chalcédoine, dit-il à Théorien ; les dogmes de ce concile me paraissent les mêmes que les nôtres, et je ne sais pourquoi mes prédécesseurs s’en éloignaient avec tant de méfiance. » Théorien aborda ensuite la question des deux volontés en Jésus-Christ, et ils furent bientôt d’accord sur ce point, qui avait été discuté et adopté dans le sixième concile œcuménique, contre lequel les Arméniens n’avaient jamais protesté, et dont la profession de foi était déjà la leur.

Quant à effacer du trisagion : « Dieu saint, Dieu tout-puissant, Dieu éternel, ayez pitié de nous, » les mots crucifié pour nous, Nersès s’en défendit fortement, en montrant que l’Église d’Arménie ne pouvait consentir à ce retranchement, en tant que cette hymne est adressée à Notre Seigneur Jésus-Christ. Comme confirmation de ce qu’il avançait, il prouva, par les livres liturgiques, que l’addition faite au trisagion changeait selon la solennité du jour ; qu’ainsi, à Noël, on chante : « Dieu saint, Dieu tout-puissant, Dieu éternel, qui nous apparûtes, ayez pitié de nous ; » qu’à la fête de la Purification, et le dimanche des Rameaux, on dit : Qui es venu et qui viendras ; le jeudi saint, livré pour nous ; à la messe du samedi saint, enseveli pour nous ; le dimanche de Pâques, et pendant six semaines après, ressuscité d’entre les morts ; le jour de l’Ascension, monté avec gloire vers le Père ; le jour de la Transfiguration, apparu sur le mont Thabor ; le jour de l’Assomption, venu pour la mort de ta mère, la sainte Vierge ; que le jour de la Pentecôte, cette hymne est consacrée au Saint-Esprit seul, car on chante : « Dieu saint, Dieu tout-puissant, Dieu éternel, descendu sur les Apôtres, ayez pitié de nous. »

Nersès ajoutait qu’un retranchement fait à une hymne répétée par tout un peuple, sous cette forme, depuis des siècles, pourrait inspirer à ce peuple, d’ailleurs peu éclairé, des doutes à l’égard de sa propre Église, et l’en détacher. Telle était cependant la bonne volonté de Nersès pour obtenir l’union des deux Églises, qu’il donna à comprendre à Théorien que si la paix dépendait de la suppression que celui-ci réclamait, il serait possible de la faire, puisqu’on redisait l’hymne trois fois dans la liturgie, et de l’adresser une fois en entier à Dieu le Père, sans addition ; la seconde fois à Dieu le Fils, avec les mots ajoutés ; et la troisième au Saint-Esprit, sans addition.

La discussion porta ensuite sur l’antique usage de l’Église arménienne de célébrer, le même jour, à la fois, la nativité de Jésus-Christ et son baptême. Nersès montra que cet usage était fondé sur un calcul des jours écoulés entre la conception et la naissance du Sauveur, calcul fondé sur le récit de l’évangéliste saint Luc.

Ainsi finit la conférence de Théorien et de Nersès. Il est remarquable de constater qu’ils ne discutèrent pas sur l’emploi du pain sans levain, dans le sacrifice de la messe, chez les Arméniens, et sur l’usage où ils sont de ne point verser de l’eau dans le calice, tout en recevant la sainte Eucharistie, comme les Grecs, sous les deux espèces. Les Arméniens sont très-attachés à ces traditions qui remontent à une haute antiquité. Ils affirment que, lors de la fête de Pâques, chez les Juifs, on ne préparait que du pain sans levain, et qu’il est de toute probabilité que Notre Seigneur n’en trouva pas d’autre, lorsqu’il fit la sainte Cène avec ses disciples. Quant à l’usage du vin sans mélange d’eau, ils se basent sur les paroles de l’Évangile, où il est dit que Jésus-Christ versa du vin pur dans le calice.

Nersès remit à Théorien deux lettres pour l’empereur : l’une confidentielle, par laquelle il lui témoignait son vif désir de voir le plus tôt possible la réunion des Grecs et des Arméniens consommée, et reconnaissait que, dans la doctrine de Chalcédoine, il n’y avait rien que de très-orthodoxe, et en tout conforme aux dogmes arméniens. Dans la lettre officielle, il répétait à l’empereur l’expression de son désir de l’union et de la paix, avec le maintien de quelques anciens usages de l’Église arménienne, qui ne touchaient pas à l’essence du dogme, mais qui étaient de pure discipline. Il faisait pressentir cependant la crainte de rencontrer de l’opposition de la part de son clergé et au sein d’une nation qui, par ignorance ou par une haine invétérée, s’était habituée à une si longue et si nuisible rupture. Il priait l’empereur de faire dire des prières pour obtenir de Dieu que ce projet de réunion, auquel il s’était voué si volontiers, reçût un prompt et heureux accomplissement.

« Des malentendus et une confusion de mots, écrivait ce saint patriarche, nous éloignent de votre Église, et non point les dogmes. Les Arméniens jugent les Grecs d’après un petit nombre d’entre eux qui habitent les bords de la mer Noire, et qui sont partisans de Nestorius. Les Grecs, de leur côté, ajoutant foi aux calomnies de ceux d’entre eux qui ont quitté l’Arménie, nous comptent pour des disciples d’Eutychès. Votre âme chrétienne désire la paix des deux Églises, au lieu de voir se perpétuer une inimitié réciproque. Nous sommes tellement disposés à vous seconder dans cette bonne œuvre que nous nous y consacrerions non-seulement vivants, mais même morts, s’il nous était possible de ressusciter comme Lazare, et que nous sortissions du tombeau à votre voix. »

En faisant ses adieux à Théorien, Nersès l’embrassa en versant des larmes, et lui demanda instamment de prier l’empereur de charger le patriarche de Constantinople d’adresser à Dieu, dans la cathédrale, en habits pontificaux, et la croix à la main, des prières publiques pour le rétablissement de la bonne harmonie entre les deux peuples, professant les mêmes dogmes et frères en Jésus-Christ, afin que les malédictions prononcées de part et d’autre depuis tant de siècles, non-seulement sur les vivants, mais aussi sur les morts, fussent effacées par une prompte et sincère réconciliation.

Théorien remit ces deux lettres à l’empereur, qui les communiqua au patriarche, et tous deux répondirent à Nersès. Dans leur lettre confidentielle, ils louaient l’orthodoxie du chef de l’Église arménienne, et l’assuraient de leur bienveillance ; dans leur lettre officielle, ils lui disaient que son exposé des dogmes était irréprochable, mais qu’il devait les expliquer avec les mêmes termes et la même clarté qu’emploie l’Église grecque, afin d’éloigner toute fausse interprétation. Ils l’invitaient à prononcer, dans un concile, un anathème solennel contre Eutychès, Sévère, Dioscore, à reconnaître le quatrième concile œcuménique, à chanter le trisagion au nom de la sainte Trinité, après en avoir rejeté l’addition adressée à Jésus crucifié, et, dans l’Eucharistie, à se conformer aux usages grecs, pour le pain et le vin.

Théorien rapporta ces propositions en Arménie, en 1172, avant que les évêques, qui devaient les discuter, fussent rassemblés. En attendant leur arrivée, Nersès interrogea les évêques présents, qui firent éclater une vive opposition, et furent blessés des conditions impératives qui leur étaient imposées.

L’Église d’Arménie pouvait-elle les accepter après avoir été représentée aux trois premiers conciles œcuméniques, elle qui professait la foi des quatre derniers, et par cela même les avait pour ainsi dire tous acceptés ? Car admettre les trois premiers et n’avoir pas protesté contre les trois derniers, et en même temps ne pas reconnaître le quatrième au moins en droit, était une chose logiquement impossible. Quoiqu’elle n’eût pas reçu le quatrième concile, par suite d’une prévention mal fondée contre l’orthodoxie des Pères de Chalcédoine, l’Église d’Arménie avait néanmoins condamné plusieurs fois, dans ses conciles particuliers, Eutychès, tout comme Arius, Nestorius et leurs adhérents. Or, formuler de nouveau un anathème comme condition expresse de paix, n’était-ce pas confesser qu’elle avait partagé des erreurs qu’elle était forcée de désavouer ? Ces conditions d’accommodement parurent donc trop dures aux Arméniens. Quant aux autres clauses, concernant le trisagion et la sainte Eucharistie célébrée avec du pain azyme et du vin sans mélange d’eau, Nersès et ses évêques ne voulurent faire aucun changement, ne voyant en cela aucune hérésie. À cette époque où des doctrines erronées soulevaient tant de discordes parmi les chrétiens, l’orthodoxie dans le dogme, tel que la professait depuis bien des siècles l’Église arménienne, était le seul point essentiel, et non de simples cérémonies du culte.

Nersès fit donc savoir à l’empereur que, le concile n’étant pas encore réuni, il ne pouvait lui donner une réponse ; mais il le priait en même temps de se montrer plus conciliant, et de ne pas s’attacher à la différence des cérémonies et des rites, qui ne constituent pas le fond de la religion.

Il n’était pas réservé à ce docte et saint patriarche de voir se réaliser l’union des deux Églises, but pour lequel il s’était donné tant de fatigues et de peines. Il mourut en 1173. Il est auteur de prières remplies d’onction et de piété, et d’hymnes qui se chantent aux différents offices de l’Église.

Son successeur, Grégoire IV, informa l’empereur de son élévation au pontificat, et lui témoigna le désir de continuer les négociations commencées et conduites avec tant d’ardeur et de persévérance par Nersès. Il lui mandait en même temps qu’il n’avait point l’espoir que le concile voulût se soumettre aux conditions dictées par les Grecs ; que ces conditions ne portaient pas sur des points dogmatiques et essentiels, et qu’elles ne faisaient que créer des obstacles à la réunion des deux Églises ; que plusieurs membres du concile arménien n’étaient pas suffisamment éclairés, et qu’il fallait encore les nourrir du lait des petits enfants. Ainsi, par égard pour eux, il conjurait l’empereur d’engager son clergé à se montrer moins exigeant et à omettre dans les conditions proposées tout ce qu’il y avait d’incompatible avec l’antique discipline de l’Église d’Arménie.

L’empereur lui répondit en termes bienveillants, et en l’assurant de son concours pour obtenir une conciliation réciproque.

Ce n’est qu’en 1179, six ans après la mort de Nersès, que s’assemblèrent dans la résidence patriarcale de Roum-Kalé, au nombre de trente-trois, les principaux évêques de l’Arménie. Plusieurs laïques des plus marquants, le patriarche des Syriens et celui de l’Aghouanie, se joignirent à eux. D’après les historiens grecs, toutes les conditions proposées du vivant de saint Nersès par le clergé grec furent discutées à Roum-Kalé, et, par l’influence de saint Nersès, archevêque de Lampron, toutes acceptées.

Les auteurs arméniens font un autre récit.

Quoi qu’il en soit, il est certain que saint Nersès de Lampron y parla dans un but de conciliation. « Si nous voulons nous juger impartialement, dit-il, pourquoi sommes-nous séparés des Grecs et avons-nous besoin de l’être ? Nous disons que le Christ fut Dieu et homme, et les Grecs disent que Jésus-Christ eut deux natures. Les deux partis rendent donc la même chose avec des expressions différentes. N’avons-nous pas l’exemple de nos saints prédécesseurs, les patriarches Jean le Philosophe et Esdras, celui de Grégoire de Nareg et de plusieurs de nos chefs, qui tous prêchèrent pour la paix des deux Églises et reconnurent entre elles une conformité de dogmes ? Pourquoi oublions-nous les relations de l’empereur Manuel avec notre père, le saint patriarche Nersès, que vous avez tous connu ? C’est par lui et à son appel que nous sommes accourus ici aujourd’hui. Sans doute, nous avons eu parmi nous des gens peu éclairés, qui de tout temps ont mis des obstacles à la paix et à la réunion des deux Églises. Que Dieu leur pardonne ! Quant à nous, recevons les conditions que nous dicte l’Église grecque, sœur aînée de la nôtre, celles que notre conscience ne repousse pas, et acceptons-les pour la gloire de Dieu. »

Le concile de Roum-Kalé dressa un acte de toutes ces conditions, et les confirma après les avoir trouvées orthodoxes. Cet acte fut signé par tous les évêques, et envoyé à l’empereur Manuel et au patriarche de Constantinople, Théodose, successeur de Michel. Les évêques, dans la relation du concile, commencent par un long exposé dogmatique, d’après le patriarche saint Nersès Schnorhali ; ils mentionnent les évêques qui ont assisté, au nom de l’Église arménienne, aux trois premiers conciles œcuméniques, et aux sixième et septième ; reconnaissent solennellement les trois premiers conciles, en acceptent les décrets, et passent sous silence les cinquième, sixième et septième. Dans cet écrit, ils prononcent anathème contre Arius, Macédonius, Nestorius et Eutychès, tout en s’abstenant cependant de dire qu’ils reconnaissent le concile de Chalcédoine, qui avait condamné Eutychès. Ils développent longuement l’opinion des saints Pères sur les deux natures du Christ. « Nous connaissons, disent les évêques du concile de Roum-Kalé, et nous partageons avec sincérité la croyance des saints Pères, qui, en parlant de la nature du Christ, comprenaient par là, non une nature, mais deux natures, réunies et non confondues, qui, par l’action et la volonté, faisaient des actes quelquefois divins, et quelquefois humains, en une seule personne. Ainsi, sachez que nous adoptons l’enseignement des saints Pères. Nous croyons de tout notre cœur à la vérité de ce que nous affirmons sur la croyance de notre Église, et l’attestons expressément devant l’Église grecque. Nous voyons clairement que Dieu a voulu que par vous soit anéantie la haine invétérée de ces deux Églises l’une contre l’autre, et que cette disposition soit transformée en un sentiment de paix. Tout notre concile rend hommage à votre profond savoir théologique, et proclame qu’il est entièrement conforme aux traditions des saints Pères. Votre sagesse n’a pas besoin d’autre assurance de notre part, pour comprendre l’orthodoxie de notre foi ; mais nous voulons donner par le présent acte, à la sagesse des sages, un motif d’apprécier la raison de notre assentiment et de notre bonne intelligence avec les orthodoxes, et c’est ce que nous faisons ici. Éloignez ceux qui voudraient par haine vous indisposer contre notre croyance, car ceux-là s’écartent eux-mêmes de la vérité. Notre conscience nous est un sûr garant contre l’hérésie, mais faites retomber une haine implacable sur la tête de l’ange déchu ; et vis-à-vis de nous, qui sommes vos frères, raffermissez la paix et l’amour du prochain, et que le Dieu de paix et de charité soit avec vous. Amen. »

Cette relation du concile de Roum-Kalé est signée par les trente-trois évêques précités. À côté des signatures des deux patriarches, Grégoire IV, d’Arménie, et Étienne, d’Aghouanie, on y lit celle des évêques des capitales des différentes provinces de l’Arménie : Ani, Touïn, Édesse, Gars, et de la Cilicie, ainsi que d’Antioche, Jérusalem et Césarée. Il est donc vrai que toute l’Église d’Arménie prit part au concile de Roum-Kalé ; elle y exprima avec unanimité, et d’une manière formelle, non point avec les termes de l’Église grecque, mais du moins avec tout le bon vouloir possible, la tendance du clergé arménien à la réunion des deux Églises. Malheureusement, cette relation n’arriva pas à sa destination. Les messagers qui étaient chargés de la remettre à l’empereur parvinrent avec peine jusqu’à Césarée. Les agitations qu’avaient fait naître, dans l’Asie Mineure, le passage des croisés et leurs guerres contre les infidèles, les forcèrent à revenir à Roum-Kalé, au grand regret du patriarche Grégoire. Bientôt après, en 1181, la mort de l’empereur interrompit toutes relations entre les deux Églises, et la paix, qui avait été faite et signée, ne put être ratifiée.

Néanmoins, c’est à partir de ce concile que cet accord entre elles s’est le plus solidement établi, et il n’a point cessé jusqu’à nos jours.

Cette période est la quatrième de l’histoire de l’Église arménienne.

On vit, dès lors, dans l’Arménie livrée aux ravages des infidèles, le catholicos obligé de transférer son siége de ville en ville, afin de se soustraire à leurs persécutions et à leur tyrannie. Les rois d’Arménie de la dynastie Roupénienne[7], qui occupaient la Cilicie, forcés de demander souvent protection, par l’intermédiaire des papes, aux souverains de l’Occident, et au milieu des troubles qui déchiraient leurs États, négligèrent souvent les affaires de religion.

Depuis la seconde croisade, les relations entre les papes et les rois de Cilicie devinrent de plus en plus fréquentes. La Grande Arménie était dans le désordre et la désolation, envahie par les hordes des Turcs et des Mongols.

On a de la peine à concevoir comment l’Église arménienne, abandonnée à elle-même, au milieu de ces vicissitudes, a pu se soutenir dans son unité, et traverser, triomphante, plusieurs siècles de guerre et d’oppression de la part des Barbares. Les faibles souverains de la Cilicie étaient donc obligés de recourir aux papes ; car l’empire grec lui-même, presque en ruines, ne pouvait plus leur prêter le moindre appui. Les papes, témoins du sort malheureux des princes Roupéniens, essayèrent de réunir l’Église arménienne à l’Église latine. Quelques-uns de ces princes firent acte d’adhésion au siége de Rome, et, entre autres, Héthoum II, en 1288, jaloux de gagner la bienveillance des papes Nicolas IV et Boniface VIII, qui lui faisaient espérer les secours des princes d’Occident.

Le roi Oschïn promit au pape Jean XXII de réunir l’Église d’Arménie à l’Église romaine, à la communion de laquelle il se rallia en 1320. Ce pape envoya des missionnaires, dont le premier fut Barthélemi de Bologne, dans toute l’Arménie, pour engager le peuple et les évêques à s’unir au siége de Rome ; mais ces efforts furent impuissants, et ces envoyés ne parvinrent à conquérir que quelques villages de la Cilicie. À Nakhitchévan fut établie une mission de dominicains, dont le chef prit le titre d’archevêque des Arméniens unis. La majeure partie de la nation manifestait une grande opposition contre toutes ces tentatives, et un des derniers rois d’Arménie, Constantin III, fut assassiné pour avoir voulu introduire chez lui les rites latins. Enfin, le dernier roi de Cilicie, Léon VI, de la maison de Lusignan, forcé de quitter ses États, dont s’emparèrent les Égyptiens, en 1375, se réfugia en France, où il sollicita vainement des secours pour aller reprendre possession de son trône. Après avoir vécu plusieurs années à la cour de Jean Ier, roi de Castille, et de Charles VI, roi de France, il mourut à Paris en 1393.

Vers ce temps, une multitude d’Arméniens, voyant leur patrie en proie à l’anarchie et à l’oppression, émigrèrent et se dispersèrent de différents côtés, dans l’Anatolie, l’Égypte, l’Inde, à Constantinople, sur les bords de la mer Noire, dans quelques villes du midi de la Russie et en Pologne. Vers 1440, le siége patriarcal fut rétabli à Edchmiadzïn, et c’est vers cette époque que plusieurs milliers d’Arméniens rentrèrent dans le giron de leur antique Église. Mais, en 1666, ceux qui s’étaient fixés dans la Gallicie, entraînés par les jésuites, embrassèrent de nouveau le catholicisme. Le pape Innocent XII, sur la fin du dix-septième siècle, fit partir des missionnaires en Pologne et dans les villes de l’Asie, pour tâcher d’appeler à lui les Arméniens ; mais ces prédications n’eurent de succès qu’auprès d’une partie des habitants de Trébizonde, Erzeroum, Alep, et de quelques villages dans les environs de ces villes. Enfin, en 1717, l’infatigable Mekhithar fonda près de Venise, dans l’île de Saint-Lazare, un couvent devenu célèbre par l’érudition de ses moines. Ce couvent renferme une académie arménienne et un séminaire, où sont admis seulement les nationaux catholiques qui se destinent à l’état ecclésiastique. Vienne possède aussi un monastère qui appartient aux Mekhitharistes, et où se trouve une vaste et magnifique imprimerie. Au Liban, il y a deux couvents d’Arméniens catholiques, qui vivent dans une grande pauvreté. Ils ont été fondés, en 1724, par Abraham, de Trébizonde, qui, pour se dérober aux persécutions du patriarche titulaire de Constantinople, se fit catholique et se retira dans le Liban. Abraham fut ordonné évêque à Rome et nommé archevêque de tous les Arméniens catholiques de l’Orient.

En Gallicie, dans la ville de Lemberg, ainsi qu’à Constantinople, les Arméniens catholiques ont aussi leurs églises. En Russie, il y avait un évêché arménien catholique à Mohilew, sur le Dniester ; mais à la mort du titulaire, Joseph, le gouvernement russe ne lui donna pas de successeur, et le peu d’Arméniens catholiques de ce diocèse dépendent maintenant de l’évêché catholique limitrophe.

Les Arméniens catholiques, dispersés en Italie, en Pologne, en Gallicie et en France, n’ayant presque pas d’églises, ont de la peine à conserver leur nationalité, qui leur est même contestée quelquefois. S’ils ne parviennent que rarement à faire des prosélytes, en voici la raison. Pour que deux Églises puissent se réunir et opérer entre elles une fusion, une simple différence dans les cérémonies et dans quelques mots peut être facilement écartée, comme cela eut lieu dans le concile de Roum-Kalé. Mais changer la foi sur la procession du Saint-Esprit et sur la sainte Eucharistie, en ne la donnant que sous l’espèce du pain au lieu de l’administrer sous les deux espèces, renverser l’ordre de la liturgie, mettre à découvert l’autel que voile avec mystère toute l’Église d’Orient pendant une partie du saint Sacrifice, imposer le célibat aux prêtres séculiers, sont autant de points de dogme et de discipline qui constituent une différence capitale.

Leur nombre, en Russie, d’après le dernier recensement, monte, hommes et femmes, à 15,483. Les Arméniens grégoriens ou de l’Église arménienne orientale forment, dans le même pays, un total d’environ 500,000 ; c’est là qu’ils se trouvent réunis en plus grande quantité que partout ailleurs. À l’exemple de leurs compatriotes de la Perse et de l’Inde qui ont pour chef religieux le catholicos d’Edchmiadzïn, ceux de Constantinople, de Jérusalem et de Sis reconnaissent ce même chef, quoiqu’ils aient dans ces villes des archevêques qui portent le titre de patriarche. Ce titre est simplement honorifique et ne donne pas même à ceux qui en sont revêtus le droit d’ordonner des évêques, car c’est le catholicos d’Edchmiadzïn qui seul a le pouvoir de conférer la consécration épiscopale et de bénir l’huile sainte[8], que viennent chercher les prêtres de toutes les églises arméniennes. C’est ce droit exclusif du pontife d’Edchmiadzïn qui fait l’unité de l’Église arménienne, soutient sa force morale et conserve chez le peuple sur lequel elle étend sa juridiction la nationalité par l’unité de religion.

Le catholicos est choisi par le suffrage des évêques et des Arméniens de tous les pays, qui viennent à Edchmiadzïn concourir à cette élection, et il est confirmé par S. M. l’empereur de toutes les Russies[9]. Il gouverna avec l’assistance d’un synode, institué par le gouvernement russe. L’Église arménienne est protégée, en Russie, par S. M. l’empereur, et jouit d’une grande tolérance.

À Saint-Pétersbourg, Moscou[10], Nijny-Novgorod, Astrakan, Odessa, en Géorgie, et dans plusieurs autres villes de la Russie, les Arméniens grégoriens ont de vastes et belles églises. Dans l’Arménie russe, ils comptent plusieurs monastères et nombre d’édifices religieux. Le synode de Saint-Pétersbourg, d’après la requête que le patriarche Jean adressa à l’empereur Nicolas, en 1841, reçut de ce souverain un oukase qui le chargeait de veiller à ce qu’on n’imprimât rien d’irrévérencieux contre la croyance de l’Église arménienne, conforme à celle de l’Église grecque.

Le catholicos, les évêques, et même les simples prêtres, obtiennent, pour prix de leurs services, les mêmes distinctions que le clergé russe.

C’est ainsi que la bonté de Dieu, qui a protégé l’Église d’Arménie pendant les siècles d’oppression et de malheur qu’elle a traversés, lui a réservé de jouir, sous la domination russe, du calme et de la sécurité qu’elle avait perdus. Si le concile de Roum-Kalé, à cause des difficultés survenues alors, n’a pas réussi à réunir les deux Églises, il faut espérer du moins que la paix dont elles jouissent maintenant sera consolidée à jamais.

À l’Institut des langues orientales de LL. Exc. MM. de Lazareff, à Moscou, une instruction spéciale est affectée aux jeunes gens qui se disposent à entrer dans les ordres sacrés. Ils suivent un cours complet de théologie, apprennent les langues modernes, et reçoivent, en un mot, une éducation au niveau des progrès de la civilisation moderne. On peut voir là une garantie pour l’avenir du clergé arménien, et un moyen de raviver dans son sein le désir de l’instruction.

Un auteur russe, M. André de Mouravieff, dans son ouvrage sur l’Arménie, ajoute, à la fin du chapitre où il parle de la séparation de l’Église orthodoxe d’Orient d’avec l’Église arménienne, des paroles conciliantes, qui peuvent servir à réfuter ceux qui condamnent la foi de l’Église arménienne sans la connaître. Le Saint Synode russe lui-même, s’il n’approuvait point les idées de M. de Mouravieff, n’aurait pas permis l’impression de ces paroles de paix : « Ainsi, dit-il, depuis la réunion de tous les évêques à Roum-Kalé, l’Église d’Arménie est restée jusqu’à nos jours dans la même position indécise vis-à-vis de l’Église catholique grecque, quoiqu’elle sente combien elle est rapprochée de nous. »

Ajoutons que l’Église arménienne est certainement l’une des plus anciennes de l’Orient, l’une de celles qui ont conservé le plus fidèlement l’esprit et les traditions des siècles primitifs.

  1. D’après Agathange, secrétaire de Tiridate, et Grec de nation. Son ouvrage nous est parvenu en arménien et en grec.
  2. Les historiens arméniens montrent clairement que c’est l’évêque Léonce qui donna la consécration épiscopale à saint Grégoire, et c’est d’autant plus probable, que l’Église d’Arménie n’avait alors aucune relation avec l’Église occidentale. Il existe cependant une ancienne tradition qui nous apprend que saint Grégoire fit le voyage de Rome avec le roi Tiridate, et que le pape saint Sylvestre lui conféra la dignité de patriarche ou catholicos d’Orient, en lui remettant l’anneau épiscopal et la mitre. Cette tradition a fait croire à quelques personnes que c’est saint Sylvestre qui ordonna évêque saint Grégoire.
  3. Le concile de Chalcédoine fut reconnu par le patriarche Esdras en 623, et par le patriarche Zacharie en 862, comme on le voit dans l’histoire d’Arménie.
  4. Les historiens arméniens ne sont pas tous d’accord sur le fait de la présence ou de l’absence des évêques de leur nation aux trois derniers conciles œcuméniques ; plusieurs affirment que les Arméniens y assistèrent et en approuvèrent les décrets. Le catholicos Jean, en 1847, dans sa lettre à S. M. l’Empereur de toutes les Russies, reconnaît solennellement, au nom de son Église, les trois premiers et les trois derniers conciles, et montre quelle est la véritable foi qu’elle admet.
  5. Photius, exilé par l’empereur Léon le Philosophe, mourut dans un monastère d’Arménie en 891.
  6. Cette forteresse servit de résidence aux catholicos arméniens depuis 1147 jusqu’en 1293, époque à laquelle elle fut prise par les Égyptiens.
  7. Ces princes étaient issus de la race des Bagratides par Roupên, leur fondateur, parent du dernier roi d’Ani, Kakig II.
  8. La cérémonie de la bénédiction du myron, ou huile sainte, se fait tous les sept ans.
  9. Jadis le catholicos était confirmé par le schah de Perse ; depuis S. M. Paul Ier, ce droit n’appartient qu’à l’empereur de toutes les Russies.
  10. Il existe à Moscou trois églises arméniennes, et deux à Saint-Pétersbourg, possédant des propriétés dont le revenu sert à l’entretien du clergé et aux dépenses du culte. Ces églises ont été construites aux frais de feu M. le comte Jean de Lazareff, et des deux frères LL. Exc. MM. Jean et Christophe de Lazareff, ses héritiers. C’est aussi à la munificence de cette illustre famille que ces églises doivent les immeubles qui forment leur dotation.