L’Église (Gilkin)

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La NuitLibrairie Fischbacher (Collection des poètes français de l’étranger) (p. 180-181).
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L’ÉGLISE



Me voilà dans l’église. Elle est énorme et sombre,
Toute rouge ; piliers, voûtes, dalles, vitraux.
Tout est rouge ; on dirait que je tâtonne à l’ombre
D’une immense forêt de monstrueux coraux.

Ô ténèbres ! ô nuit de pourpre ! ô nef immense !
Tout au fond, à l’autel, vacille un prêtre blanc.
Est-ce qu’une douleur saigne dans le silence ?…
Personne, Tout est vide et muet et tremblant.

Une rumeur : des pleurs, des sanglots et des râles
S’élèvent lentement et formidablement…
Voici des hurlements horribles, par rafales…
Puis, la clameur s’éteint, longuement, sourdement…

Je frissonne !… On dirait que quelque chose bouge
Sur les sombres piliers et reluit en passant.
Y mettrai-je la main ? Horreur ! ma main est rouge !
Elle est toute mouillée ! Elle est pleine de sang !

L’église est toute en viande et saigne à larges gouttes.
Le sang filtre partout, il coule en longs ruisseaux,
Vivant, rouge et fumant, du haut des rouges voûtes.
Le long des lourds piliers et des sombres vitraux.

L’église rouge, on l’a construite en chair humaine.
Elle saigne sans trêve et mêle au sang les pleurs.
Le sang ruisselle et monte ; elle en est presque pleine ;
Et l’orgue hurle l’hymne éternel des douleurs.