L’écriture[1]


Dans ta douce et fière nature
Tout me charme, tout a du prix,
Aussi j’aime ton écriture
Autant que ce que tu m’écris.

Elle est hautaine, elle est virile.
Fine, élégante, et l’on croirait
Qu’un peu de ta grâce fébrile
Y mêle son furtif attrait.

Rien qu’à la voir, mon cœur en elle
Retrouve ce qu’il aime en toi.
Et chaque lettre me rappelle
Quelque intime et profond émoi.

De tes pensers, de ton sourire.
Ta plume prend le coloris ;
Les mots les plus tristes à lire
Me sont doux quand tu les écris.

Un mot de toi me fait renaître
Et je pourrais sur mon chemin
Croire au mot de bonheur, peut-être.
S’il était écrit de ta main.

  1. Extrait des Chants d’aurore (1886). Le premier ouvrage de l’auteur ; il fut couronné par l’Académie française et c’est Leconte de Lisle qui emporta le vote de la commission en lisant le farouche Chant de guerre cosaque.