L’École des biches/Septième entretien

J. P. Blanche (p. 127-143).

SEPTIÈME ENTRETIEN.

antonia, caroline, marie.

(À l’appel de la sonnette Antonia paraît.)

antonia.

Que veut madame ?

caroline.

Approche, Antonia. Voilà ma cousine qui se plaint de l’air glacial que tu prends avec elle depuis quelque temps.

antonia.

Madame…

caroline.

Laisse-moi parler. Ce n’est pas pour te faire gronder qu’elle se plaint ; mais pour savoir par mon intermédiaire la cause de cette bouderie. Veux-tu que je le lui dise ?

antonia.

Oh ! non, madame ; car je suis moi-même honteuse d’une faiblesse que je n’ai pu cacher, et je voudrais surtout qu’elle fût ignorée de la personne qui en est l’objet, personne qui, malgré cela, je puis vous l’assurer, m’a toujours été très-sympathique ; mais à l’avenir, la crainte de déplaire à ma bonne maîtresse sera plus que suffisante pour m’en faire chasser cette idée, si quelque mauvaise pensée me passait encore par la cervelle. Je prie donc madame de tout oublier, et d’être mon interprète auprès de mademoiselle Marie, pour qu’il ne soit plus dorénavant question entre nous de ce moment d’humeur que je regrette de toute mon âme.

caroline.

Allons donc, méchante enfant ; viens m’embrasser, et fais en autant à Marie, qui ne demande pas mieux.

antonia.

Mademoiselle Marie veut-elle bien me permettre ?

(La soubrette s’approche de Marie et lui donne un gros baiser sur chaque joue.)

marie (à ce franc témoignage de bon vouloir).

Tenez, Antonia, voilà la preuve de ma rancune.

(Marie applique alors d’elle-même, ses lèvres sur celles d’Antonia, qui, à son tour, risque un bout de langue qui est parfaitement reçu.)

caroline (qui a suivi ce dernier fait de l’œil, et avec une grande attention).

Bien, mes chères belles : voilà comme je vous aime ; soyez donc toujours amies, toujours dans ces bonnes dispositions : tout le monde y gagnera et moi aussi en particulier. C’est donc bien difficile ! Je ne vois entre nous aucune cause de dissentiment. Ai-je moins d’attachement pour l’une que pour l’autre ? Excepté que Marie est blonde, et que tu es brune, vous vous valez également. N’avez-vous pas la même perfection de forme, la même fermeté de chairs, la même douceur et le même velouté de peau ? Qui peut donc, terrible enfant, t’avoir inspiré cette crainte jalouse ? Que demandes-tu pour faire passer ta chimère ? Tiens, Marie quitte tes vêtements, Antonia va en faire autant, et la preuve par ses yeux de son égalité de beauté avec toi, la ramènera peut-être à la conviction de sa valeur.

(Antonia, qui, de nos trois belles, a le goût le plus prononcé pour les femmes, et qui malgré sa rivalité avec Marie n’est pas fâchée de savoir à quoi s’en tenir sur ses beautés cachées, se hâte de se rendre à l’invitation de sa maîtresse. Marie, aidée par Caroline, se laisse faire, et voilà nos deux rivales, sans le moindre voile, en présence l’une de l’autre et se dévorant des yeux, s’examinant, détaillant et comparant entre elles chaque partie de leur corps. Elles sont enfin forcées de convenir qu’excepté par caprice, il serait bien difficile de donner la préférence à l’une ou à l’autre. Caroline, assez émue de ce piquant et courtois examen, ne peut s’empêcher de s’écrier :)

caroline.

Est-ce que la femme aussi parfaite n’est pas le chef-d’œuvre de la nature !

marie.

Oui, si ce chef-d’œuvre avait une queue !

caroline.

Tu ne peux donc te passer de ce membre dangereux ?

marie.

N’est-ce pas le complément naturel et indispensable de la vraie jouissance ?

caroline (ouvrant un compartiment secret de table de nuit et lui montrant un godmiché).

Eh bien, tiens ! tu vois qu’à la rigueur on peut le remplacer.

(Marie, qui n’a jamais rien vu de semblable, émerveillée de ce joujou nouveau, se précipite sur cet objet si curieux pour elle.)

marie.

Où as-tu donc eu cela ? C’est vraiment assez bien imité. (Caroline veut le lui reprendre.) Laisse-moi donc l’examiner en détail. C’est ferme et moelleux ; ce sont vraiment les couleurs de la nature et ses dépendances ; rien n’y manque. (Après l’avoir bien tourné et retourné.) À quoi donc sert ce petit piston ?

caroline.

À pomper, comme avec une seringue, un peu de lait tiède mélangé de gomme, et qui, repoussé par ce ressort, vient le darder au fond de la matrice, juste comme le ferait un homme.

marie.

Et ces attaches ?

caroline.

À le fixer solidement autour de la ceinture. Veux tu essayer ?

marie.

Pourquoi pas ? Il faut tout connaître. Si ça ne fait pas de bien, ça ne peut pas faire grand mal ! Donne.

(Marie, qui s’est emparée du godmiché, commence elle-même à se l’attacher.)

caroline.

Quelle impatience ! Attends donc, petite folle, qu’il soit en état.

antonia.

Puis-je, chère maîtresse, vous être bonne à quelque chose ?

caroline.

Certainement ; et j’espère même que tu seras contente du rôle que tu vas jouer. D’abord vas faire le nécessaire pour charger notre instrument. Aussitôt prêt tu me l’apporteras. Pendant ce temps, Marie va m’aider à me débarrasser des vêtements qui me gênent.

(Cet ordre exécuté, Antonia, ayant ensuite ajusté sur sa maîtresse le godmiché qu’elle a préparé, reste attentive et prête à exécuter ce qu’on va lui commander.)

marie (riant).

Ah ! que tu es drôle, ainsi affublée ! Quel bel enfileur tu fais. Voyons, monsieur le libertin, veux-tu l’essayer sur moi ? Comment veux-tu que je me place ?

caroline.

C’est ce que je me proposais. Tu vas pour cela te mettre à quatre pattes sur le lit, les cuisses écartées ; c’est cela… lève un peu les fesses… Antonia va se couler sous toi, et, parvenue à ton bijou lui fera fête, pendant que moi, placée en arrière entre tes jambes, je t’introduirai l’instrument en levrette. En penchant un peu la tête, tu vas te trouver aussi très-près de son bijou, qu’elle a comme tu vois très-frais et appétissant. Si le cœur t’en dis, je te promets qu’elle recevra avec reconnaissance l’équivalent des caresses qu’elle te donnera.

marie.

Comment, si le cœur m’en dis ! Mais ce sera avec grand plaisir que je ferai tout ce que je puis supposer lui être agréable.

caroline.

Te voilà très-bien placée… À toi maintenant, Antonia… superbe ! À vous voir ainsi toutes deux tête bêche, le bon saint Antoine n’eût certainement pu résister à la tentation.

antonia (entr’ouvrant les lèvres du con de Marie).

Ah ! madame ! comme cela est rose et mignon ! quelles formes !

caroline.

Je le sais parbleu bien ! Plus de paroles, à l’action !…

(Effectivement chacune commence et se met à agir de son mieux. Caroline, au poste qu’elle a choisi, et aidée au-dessous par les expertes mains de sa soubrette, a introduit sans difficulté dans le con de Marie l’instrument désiré, et pour donner plus de vivacité à ce divertissement, elle risque dans le trou voisin un doigt intelligent qui, par un chatouillement délicat, remplit parfaitement son but. Aussi l’affaire va grand train, et Caroline, en prenant par les yeux sa part des plaisirs de ses compagnes, suit fort attentivement les progrès de l’action. Aux bonds convulsifs des agentes, elle comprend que la crise approche. Elle hâte donc ses mouvements, et aux premiers : Ah ! ah ! poussés par sa cousine, elle touche le ressort, et fait jaillir dans le brûlant vagin ce semblant de décharge.)

marie.

Assez, assez !

(Le groupe se défait. Caroline est en contemplation enthousiaste devant les réconciliées.)

caroline.

Êtes-vous divines comme cela ! et toi, chérie, comment trouves-tu ce jeu que tu ne connaissais pas ?

marie.

Avec ce que tu y as ajouté, la tête se monte. Sans cela, ce serait un passe-temps bon pour des pensionnaires ou de vieilles femmes qui ne peuvent plus rien trouver pour leur service. Ta machine a beau être exécutée avec un art infini et être portée par une femme que j’affectionne, elle ne sera toujours qu’une copie inerte du chef-d’œuvre de la création.

caroline.

C’est égal, tu n’en as pas moins joui !

marie.

Oui, mais tu oublies la complaisance de cette chère Antonia. Au fait, tu penseras ce que tu voudras ! Quand à moi, je préférerai toujours à ce simulacre, un boute-joie bien vivace, appartenant à un jeune, beau et vigoureux garçon…

caroline.

Et qui soit en même temps constant, discret, spirituel, d’une parfaite santé, et se prêtant à toutes tes fantaisies ! Où trouveras-tu ce phénix ?

marie.

Je l’ai peut-être trouvé.

caroline.

Il n’y a que la foi qui sauve !

(Pendant ce temps, Antonia a aidé sa maîtresse à se débarrasser de l’objet en discussion, tout en se permettant certains attouchements dont elle connaît toute l’efficacité.)

caroline.

Laisse donc, vilaine diablesse ! Tu m’excites, et je veux rester sage.

marie.

Pourquoi cela ? Il est juste que tu aies ton tour. Tu ne peux être fatiguée ; tu n’as rien fait de sérieux, et maintenant que j’ai expérimenté par moi-même ton…

caroline.

Godmiché.

marie.

Je voudrais aussi en voir l’effet sur une autre. Vas-tu refuser de contenter mon envie ?

caroline.

Tu as été trop gentille pour que je puisse y songer. Sur qui désires-tu qu’on opère ?

marie.

Parbleu ! sur toi.

caroline.

Soit ; ma voici prête.

antonia.

Si madame voulait me permettre d’ouvrir un avis…

caroline.

Parle.

antonia.

Je proposerais qu’on ne changeât rien au groupe précédent ; seulement, puisque c’est madame qui doit être enfilée, elle voudra bien prendre la place qu’occupait mademoiselle Marie, et mademoiselle Marie se coulerait à la place que j’occupais. Je vous assure que puisqu’elle veut voir jouer votre godmiché, placée comme je l’étais, au-dessous et enchâssée entre les cuisses de madame, elle ne perdra rien de l’opération. Quant à moi, je me chargerai du reste. Car, au lieu de m’attacher l’instrument comme madame, je me servirai simplement de ma main, ce qui me permettra d’en régler à ma volonté les mouvements, et même avec l’autre main restée libre, de compléter mon service par quelques excursions dans le voisinage.

caroline.

Je ne vois rien à répondre à ton programme. Tiens, me voici à ta disposition ! Passe sous moi, petite cousine… Bien… À toi à présent. Antonia, ai-je les jambes assez écartées.

antonia.

Oui, madame.

(Tout ainsi réglé et le mouvement commencé, chacun fait de son mieux et s’entr’aide. Quelle ravissante perspective pour la lascive Marie ! Elle voit aller et venir près de ses yeux, dans l’orifice de corail de son amie, un instrument dont cependant elle ne fait aucun cas. Son imagination s’exalte encore par les caresses qu’elle ne cesse de donner et de recevoir. L’experte et toujours dévouée Antonia, bien que ne pouvant voir ce qui se passe entre Marie et sa maîtresse, juge cependant, aux jeux convulsifs des hanches de cette dernière et à certains frissons de ses superbes fesses, que pour elle le moment décisif est proche, et qu’elle doit redoubler de soins et d’attention. C’est avec un tact infini et une connaissance approfondie des habitudes et des goûts de sa maîtresse qu’elle presse ou ralentit les mouvements imprimés au godmiché et à son postillonnage. Aussi, Caroline haletante s’écrie-t-elle :)

caroline.

Cesse ! cesse ! Antonia ! Tu me ferais pâmer, si je te laissais faire… Et toi, Marie, où en es-tu ?

marie.

Il y a longtemps que mon affaire est terminée, mais je n’ai pas voulu te déranger. Sapristi ! ma chère comme tu y vas ! C’est plaisir à te voir au jeu. Quelle intelligente et savante compagne qu’Antonia pour faire sa partie, et elle était jalouse de moi ! Je ne suis vraiment qu’une novice auprès d’elle !

caroline.

Il est vrai qu’Antonia a de certains raffinements…

antonia (avec satisfaction).

Que ne ferais-je pas pour être agréable à ma maîtresse !

caroline.

Si, comme tu l’assures, tu veux m’être agréable en tout, n’aie plus à l’avenir de ces mouvements d’humeur qui ne peuvent rien changer à mes volontés, et qui, s’ils continuaient, finiraient par te faire prendre en grippe, et amènerait nécessairement une séparation qui certes me serait bien pénible, et à laquelle je suis cependant résolue. Sois donc toujours gentille comme aujourd’hui : tu n’auras qu’à t’en féliciter, et mon affection pour toi en grandira d’autant. (Caroline jetant par hasard les yeux sur la pendule.) Quoi ! déjà si tard ! Comme le temps passe en votre compagnie, mesdemoiselles, et le comte qui vient dîner ! (À Antonia en l’embrassant.) Vite, petite ; reprends tes vêtements, et va faire mettre un couvert de plus pour Marie ; car tu vas rester à dîner : c’est une surprise agréable que je veux ménager au comte.

marie.

Quoi ! tu veux que je reste avec cette figure de déterrée ! Que va penser le comte ?

caroline.

Il pensera ce qu’il voudra. Est-ce que les hommes du monde de M. de Sarsalle s’aperçoivent jamais de ces choses là ! D’ailleurs, viens dans mon cabinet de toilette. Avec un léger frottement de crépon et un peu de poudre de riz, nous allons nous donner la fraîcheur d’Hébé.

marie.

Au fait, tu as raison, j’accepte ; et je profiterai de l’occasion pour avancer auprès du comte les affaires de mon Adrien.