L’Éclat d’obus/1916/I/6

Pierre Laffite (p. 80-92).


VI

CE QUE PAUL VIT AU CHÂTEAU D’ORNEQUIN



Dès l’aube, Paul Delroze fut réveillé par des sonneries de clairon. Et, tout de suite, dans le duel des canons qui commença, il reconnut la voix brève et sèche du 75 et l’aboiement rauque du 77 allemand.

— Tu viens, Paul ? appela Bernard. Le café est servi en bas.

Les deux beaux-frères avaient trouvé deux chambres au-dessus d’un marchand de vin. Tout en faisant honneur à un déjeuner substantiel, Paul, qui, la veille au soir, avait recueilli des renseignements sur l’occupation de Corvigny et d’Ornequin, raconta :

— Le mercredi 19 août, Corvigny, à la grande satisfaction de ses habitants, pouvait encore croire que les horreurs de la guerre lui seraient épargnées. On se battait en Alsace et devant Nancy. On se battait en Belgique, mais il semblait que l’effort allemand négligeât la route d’invasion, étroite il est vrai et en apparence d’intérêt secondaire, qu’offrait la vallée du Liseron. À Corvigny, une brigade française poussait activement les travaux de défense. Le Grand et le Petit-Jonas étaient prêts sous leur coupole de béton. On attendait.

— Et Ornequin ? demanda Bernard.

— À Ornequin, nous avions une compagnie de chasseurs à pied dont les officiers habitaient le château. Jour et nuit cette compagnie, soutenue par un détachement de dragons, patrouillait le long de la frontière.

« En cas d’alerte, la consigne était de prévenir aussitôt les forts et de se replier tout en résistant énergiquement.

« La soirée de ce mercredi fut absolument tranquille. Une douzaine de dragons avaient galopé au delà de la frontière jusqu’en vue de la petite ville allemande d’Ébrecourt. Aucun mouvement de troupes ne se dessinait de ce côté ni sur la ligne de chemin de fer qui aboutit à Ébrecourt. Nuit paisible également. Pas un coup de fusil. Il est prouvé qu’à deux heures du matin pas un soldat allemand n’avait franchi la frontière. Or c’est à deux heures précises qu’une formidable détonation retentit. Quatre autres la suivirent à des intervalles très rapprochés. Ces cinq détonations étaient dues à l’explosion de cinq obus de 420 qui détruisirent du premier coup les trois coupoles du Grand-Jonas et les deux coupoles du Petit-Jonas.

— Comment ! mais Corvigny est à vingt-quatre kilomètres de la frontière, et les 420 ne portent pas à cette distance !

— N’empêche qu’il tomba encore six gros obus à Corvigny, tous sur l’église et sur la place. Et ces six obus tombèrent vingt minutes plus tard, c’est-à-dire au moment où l’on pouvait supposer que, l’alerte étant donnée, la garnison de Corvigny s’était rassemblée sur la place. C’est, en effet, ce qui eut lieu, et tu peux deviner le carnage qui en résulta.

— Soit, mais encore une fois, la frontière est à vingt-quatre kilomètres. Une telle distance a donc dû laisser à nos troupes le temps de se reformer et de se préparer aux attaques que ce bombardement annonçait. On a eu pour le moins trois ou quatre heures devant soi.

— Pas un quart d’heure. Le bombardement n’était pas fini que l’assaut commença. Un assaut ? Non pas. Nos troupes, celles de Corvigny, comme celles qui accouraient des deux forts, nos troupes décimées et en déroute, étaient entourées d’ennemis, massacrées ou obligées de se rendre, avant même que l’on pût organiser un semblant de résistance. Cela se produisit subitement, sous la lumière aveuglante de projecteurs dressés on ne sait où et on ne sait comment. Et cela eut un dénouement immédiat. On peut dire qu’en dix minutes Corvigny fut investi, attaqué, pris et occupé par l’ennemi.

— Mais d’où venait-il ? D’où sortait-il ?

— On l’ignore.

— Et les patrouilles de nuit à la frontière ? Les postes de sentinelles ? La compagnie détachée au château d’Ornequin ?

— Rien. Aucune nouvelle. De ces trois cents hommes qui avaient pour mission de veiller et d’avertir, on n’a jamais entendu parler, tu entends, jamais. On peut reconstituer la garnison de Corvigny soit avec les soldats qui se sont échappés, soit avec les morts que les habitants ont identifiés et enterrés. Mais les trois cents chasseurs d’Ornequin ont disparu sans laisser l’ombre d’une trace. Ni fugitifs, ni blessés, ni cadavres. Rien.

— C’est incroyable. Tu as interrogé ?…

— Dix personnes hier soir, dix personnes qui, depuis un mois, sans être gênées d’ailleurs par les quelques soldats du landsturm auxquels fut confiée la garde de Corvigny, ont poursuivi une enquête minutieuse sur tous ces problèmes, et qui n’ont même pas pu établir une hypothèse plausible. Une seule certitude : l’affaire fut préparée de longue date et dans ses moindres détails. Les forts, les coupoles, l’église, la place, avaient été exactement repérés, et les canons de siège disposés d’avance et rigoureusement pointés de façon que les onze obus pussent atteindre les onze objectifs que l’on avait résolu d’atteindre. Voilà. Pour le reste, mystère.

— Et le château d’Ornequin ? Et Élisabeth ?

Paul s’était levé. Les clairons sonnaient l’appel du matin. La canonnade redoublait d’intensité. Ils se dirigèrent tous deux vers la place, et Paul continua :

— Là aussi le mystère est effarant, et peut-être davantage encore. Une des routes transversales qui coupent la plaine entre Corvigny et Ornequin a été désignée par l’ennemi comme une limite que personne, ici, n’a eu le droit de franchir sous peine de mort.

— Donc, pour Élisabeth ?… dit Bernard.

— Je ne sais pas, je ne sais rien de plus. Et c’est terrible, cette ombre de mort qui s’étend sur toutes les choses et sur tous les événements. Il paraît — je n’ai pas pu contrôler la provenance de ce bruit — que le village d’Ornequin, situé près du château, n’existe même plus. Il a été entièrement détruit, mieux que cela, supprimé, et ses quatre cents habitants emmenés en captivité. Et alors…

Paul baissa la voix et dit en frissonnant :

— Et alors qu’ont-ils fait au château ? On le voit, le château. On aperçoit encore, de loin, ses tourelles, ses murs. Mais, derrière ces murs, que s’est-il passé ? Qu’est-il advenu d’Élisabeth ? Voilà bientôt quatre semaines qu’elle vit au milieu de ces brutes, seule, exposée à tous les outrages. La malheureuse !…

Le jour se levait à peine quand ils arrivèrent sur la place. Paul fut mandé par son colonel qui lui transmit les félicitations très chaleureuses du général commandant la division, et lui annonça qu’il était proposé pour la croix et pour le grade de sous-lieutenant, et qu’il avait d’ores et déjà le commandement de sa section.

— C’est tout, ajouta le colonel en riant. À moins que vous n’ayez quelque autre désir ?…

— J’en ai deux, mon colonel.

— Allez-y.

— D’abord que mon beau-frère Bernard d’Andeville, ici présent, soit placé dès maintenant dans ma section comme caporal. Il l’a mérité.

— Convenu. Et ensuite ?

— Ensuite, que tout à l’heure, quand on va nous porter vers la frontière, ma section soit dirigée vers le château d’Ornequin, qui se trouve sur la route même.

— C’est-à-dire qu’elle soit désignée pour l’attaque même du château ?

— Comment, pour l’attaque ? dit Paul avec inquiétude. Mais l’ennemi s’est concentré le long de la frontière, six kilomètres au delà du château.

— On le croyait hier. En réalité, la concentration a eu lieu au château d’Ornequin, excellente position de défense où l’ennemi s’accroche désespérément en attendant ses renforts. La meilleure preuve c’est qu’il riposte. Tenez, là-bas, à droite, cet obus qui éclate… et plus loin ce shrapnell… deux… trois shrapnells. Ce sont eux qui ont repéré les batteries que nous avons installées sur les hauteurs environnantes et qui les arrosent en conscience. Ils doivent avoir une vingtaine de canons.

— Mais alors, balbutia Paul assailli par une idée atroce, mais alors le tir de nos batteries est dirigé…

— Est dirigé vers eux, cela va sans dire. Voilà une bonne heure que nos soixante-quinze bombardent le château d’Ornequin.

Paul jeta un cri.

— Que dites-vous, mon colonel. Le château d’Ornequin est bombardé…

Et, près de lui, Bernard d’Andeville répétait avec angoisse :

— Bombardé, est-ce possible ?

Surpris, l’officier demanda :

— Vous connaissez ce château ? Il vous appartient peut-être ? Oui ? Et vous avez des parents qui l’habitent encore ?

— Ma femme, mon colonel.

Paul était très pâle. Bien qu’il s’efforçât, pour maîtriser son émotion, de conserver une immobilité rigide, ses mains tremblaient un peu et son menton se convulsait.

Sur le Grand-Jonas, trois pièces d’artillerie lourde, des Rimailho, hissés par des tracteurs, se mirent à tonner. Et cela, qui s’ajoutait à l’œuvre tenace des soixante-quinze, prenait, après les paroles de Paul Delroze, une signification terrible. Le colonel, et autour de lui les officiers qui avaient assisté à l’entretien, gardaient le silence. La situation était de celles où les fatalités de la guerre se déchaînent dans leur tragique horreur, plus fortes que les forces mêmes de la nature, et, comme elles, aveugles, injustes et implacables. Il n’y avait rien à faire. Aucun de ces hommes n’eût songé à intercéder pour que l’action de l’artillerie cessât ou diminuât d’intensité. Et Paul n’y songea pas davantage.

Il murmura :

— On croirait que le feu de l’ennemi se ralentit. Peut-être sont-ils en retraite…

Trois obus qui éclatèrent au bas de la ville, derrière l’église, démentirent cet espoir. Le colonel hocha la tête.

— En retraite ? Pas encore. La place est trop importante pour eux, ils attendent des renforts, et ils ne lâcheront que quand nos régiments entreront dans la danse… ce qui ne saurait tarder.

En effet l’ordre d’avancer fut apporté quelques instants après au colonel. Le régiment suivrait la route et se déploierait dans les plaines situées à droite.

— Allons-y, messieurs, dit-il à ses officiers. La section du sergent Delroze marchera en tête. Sergent, point de direction : le château d’Ornequin. Il y a deux petits raccourcis. Vous les prendrez.

— Bien, mon colonel.

Toute la douleur et toute la rage de Paul s’exaspéraient en un immense besoin d’agir, et lorsqu’il se mit en chemin avec ses hommes il se sentit des forces inépuisables et le pouvoir de conquérir à lui seul la position ennemie. Il allait de l’un à l’autre avec la hâte infatigable d’un chien de berger qui pousse son troupeau. Il multipliait les conseils et les encouragements.

— Toi, mon brave, tu es un gaillard, je te connais, tu ne flancheras pas… Toi non plus… seulement, tu penses trop à ta peau, et tu grognes, tandis qu’il faut rigoler… Hein, les enfants, on rigole, n’est-ce pas ? Il y a un coup de collier à donner, on le donnera en plein, sans regarder derrière soi, pas vrai ?

Au-dessus d’eux, les obus suivaient leur chemin dans l’espace, sifflant, gémissant, explosant, formant comme une voûte de mitraille et de fer.

— Courbez la tête ! Couchez-vous ! criait Paul.

Lui, il restait debout, indifférent aux projectiles ennemis. Mais avec quelle épouvante il entendait les nôtres, ceux qui venaient de l’arrière, de toutes les collines avoisinantes et qui s’en allaient en avant porter la destruction et la mort. Où tomberait-il, celui-là ? Et celui-ci, où jaillirait la pluie meurtrière de ses balles et de ses éclats ?

Plusieurs fois il murmura :

— Élisabeth ! Élisabeth !…

La vision de sa femme, blessée, agonisante, l’obsédait. Depuis plusieurs jours déjà, depuis le jour où il avait appris qu’Élisabeth s’était refusée à quitter le château d’Ornequin, il ne pouvait penser à elle sans une émotion que ne contrariaient plus jamais un soubresaut de révolte ou un mouvement de colère. Il ne mêlait plus les souvenirs abominables du passé et les réalités charmantes de son amour. Quand il songeait à la mère exécrée, l’image de la fille ne se présentait plus à son esprit. C’étaient deux êtres de race différente et qui n’avaient aucun rapport l’un avec l’autre. Vaillante, risquant sa vie pour obéir à un devoir qu’elle jugeait de valeur plus haute que sa vie, Élisabeth prenait aux yeux de Paul une noblesse singulière. Elle était bien la femme qu’il avait aimée et chérie, et la femme qu’il aimait encore.

Paul s’arrêta. Il s’était aventuré avec ses hommes sur un terrain plus découvert, et probablement repéré, que l’ennemi arrosait de mitraille. Plusieurs soldats furent culbutés.

— Halte ! commanda-t-il, tout le monde à plat ventre.

Il empoigna Bernard.

— Mais couche-toi donc, petit ! Pourquoi t’exposer inutilement ?… Reste là… Ne bouge pas…

Il le maintenait à terre d’un geste amical, lui entourait le cou et lui parlait avec douceur, comme s’il eût voulu manifester au frère toute la tendresse qui lui remontait au cœur pour sa chère Élisabeth. Il oubliait les âpres paroles qu’il avait dites à Bernard la veille au soir, et il lui en disait d’autres toutes différentes où palpitait une affection qu’il avait reniée.

— Ne bouge pas, petit. Vois-tu, je n’aurais pas dû te prendre avec moi et t’emmener, comme cela, dans cette fournaise. Je suis responsable de toi, et je ne veux pas… je ne veux pas que tu sois touché.

Le feu diminua. En rampant, les hommes atteignirent un double rang de peupliers au long desquels ils progressèrent et qui les conduisit en pente douce vers une crête que coupait un chemin creux. Paul, ayant escaladé le talus et dominant ainsi le plateau d’Ornequin, aperçut au loin les ruines du village, l’église écroulée, et, plus à gauche, un chaos de pierres et d’arbres d’où émergeaient quelques pans de mur. C’était le château.

Partout autour, des fermes, des meules, des granges flambaient…

En arrière, les troupes françaises s’éparpillaient de tous côtés. Une batterie était venue s’établir à l’abri d’un bois voisin et tirait sans interruption. Paul voyait là-bas l’éruption des obus au-dessus du château et parmi les ruines.

Incapable de supporter un pareil spectacle, il reprit sa course en tête de sa section. Le canon ennemi avait cessé de tonner, réduit au silence sans doute. Mais quand ils furent à trois kilomètres d’Ornequin, les balles sifflèrent autour d’eux, et Paul avisa au loin un détachement allemand qui se repliait sur Ornequin tout en faisant le coup de feu.

Et toujours les soixante-quinze et les Rimailho grondaient. C’était affreux.

Paul saisit Bernard par le bras et prononça d’une voix frémissante :

— S’il m’arrivait malheur, tu dirais à Élisabeth que je lui demande pardon, n’est-ce pas, que je lui demande pardon…

Il avait peur soudain que la destinée ne lui permît pas de revoir sa femme, et il se rendait compte qu’il avait agi envers elle avec une cruauté inexcusable, l’abandonnant comme une coupable pour une faute qu’elle n’avait pas commise, et la livrant à toutes les détresses et à toutes les tortures. Et il marchait rapidement, suivi de loin par ses hommes.

Mais, à l’endroit où le raccourci débouche sur la route, en vue du Liseron, il fut rejoint par un cycliste. Le colonel donnait l’ordre que la section attendît le gros du régiment pour une attaque d’ensemble.

Ce fut l’épreuve la plus dure.

Paul, en proie à une exaltation croissante, frissonnait de fièvre et de colère.

— Voyons, Paul, lui disait Bernard, ne te mets pas dans un état pareil ! Nous arriverons à temps.

— À temps… pourquoi faire ? répliquait-il. Pour la retrouver morte ou blessée ?… ou pour ne pas la retrouver du tout ? Et puis quoi ! nos sacrés canons, ils ne peuvent pas se taire ? Qu’est-ce qu’ils bombardent maintenant que l’adversaire ne répond plus ? Des cadavres… des maisons démolies…

— Et l’arrière-garde qui couvre la retraite allemande ?

— Eh bien, ne sommes-nous pas là, nous, les fantassins ? C’est notre affaire. Un déploiement de tirailleurs, et puis une bonne charge à la baïonnette…

Enfin, la section repartit, renforcée par le reste de la troisième compagnie et sous le commandement du capitaine. Un détachement de hussards passa au galop, se dirigeant vers le village afin de couper la route aux fugitifs. La compagnie obliqua vers le château.

En face c’était le grand silence de la mort. Piège peut-être ? Ne pouvait-on croire que des forces ennemies solidement retranchées et barricadées se préparaient à la résistance suprême ?

Dans l’allée des vieux chênes qui conduisait à la cour d’honneur, rien de suspect. Aucune silhouette, aucun bruit.

Paul et Bernard toujours en tête, le doigt sur la gâchette de leur fusil, fouillaient d’un regard aigu le jour confus des sous-bois. Par-dessus le mur, tout proche et troué de brèches béantes, s’élevaient des colonnes de fumée.

En approchant, ils entendirent des gémissements, puis la plainte déchirante d’un râle. C’étaient des blessés allemands.

Et soudain la terre trembla, comme si un cataclysme intérieur en eût brisé l’écorce, et, de l’autre côté du mur, ce fut une explosion formidable, ou plutôt une suite d’explosions, comme des coups de tonnerre répétés. L’espace s’obscurcit sous une nuée de sable et de poussière, d’où jaillissaient toutes sortes de matériaux et de débris. L’ennemi avait fait sauter le château.

— Cela nous était destiné, sans doute, dit Bernard, nous devions sauter en même temps. L’affaire a été mal calculée.

Quand ils eurent franchi la grille, le spectacle de la cour bouleversée, des tourelles éventrées, du château anéanti, des communs en flammes, des agonisants qui se convulsaient, des cadavres amoncelés, les effraya, au point qu’ils eurent un mouvement de recul.

— En avant ! En avant ! cria le colonel qui accourait au galop. Il y a des troupes qui ont dû se défiler à travers le parc.

Paul connaissait le chemin, l’ayant parcouru quelques semaines plus tôt, en des circonstances si tragiques. Il s’élança à travers les pelouses, parmi les blocs de pierre et les arbres déracinés. Mais, comme il passait en vue d’un petit pavillon qui se dressait à l’entrée du bois, il s’arrêta, cloué net au sol. Et Bernard et tous les hommes demeuraient stupéfaits, béants d’horreur.

Contre le mur de ce pavillon, il y avait debout deux cadavres attachés à des anneaux par la même chaîne qui leur encerclait le ventre. Les bustes plongeaient au-dessus de la chaîne et les bras pendaient jusqu’à terre.

Cadavres d’homme et de femme. Paul reconnut Jérôme et Rosalie.

Ils avaient été fusillés.

À côté d’eux, la chaîne continuait. Un troisième anneau était scellé au mur. Du sang souillait le plâtre, et des traces de balles étaient visibles. Sans aucun doute, il y avait eu une troisième victime et le cadavre avait été enlevé.

En s’approchant, Paul remarqua dans le plâtre un éclat d’obus qui s’y était incrusté. Au bord du trou, entre le plâtre et le fragment de projectile, on voyait une poignée de cheveux, des cheveux blonds aux teintes dorées, des cheveux arrachés à la tête d’Élisabeth.