G. Charpentier et Cie, éditeurs (p. 240).
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LE SOIR



VRAIE MORT


 
Oui, j’ai peur de la Mort, ô Christ, si la pensée
Doit survivre à la chair quand le corps disparaît,
Et si l’éternité garde encore un secret
Qui fait rêver notre âme inquiète et lassée.

Honte à la Mort, s’il faut, quand notre heure est passée,
Pleurer au seuil des nuits ce monde où l’on pleurait,
Et heurter son front vide où sonne le regret
Contre les durs ciments de la prison glacée !

— Mais toi, je t’aime, Mort, toi qui prends sans merci
Corps, âme, l’homme entier, sans rien laisser ici
Du pauvre Moi qui fut et qui ne veut plus être.

Toi qui, n’ouvrant sur rien ton orbite béant,
Sans remords d’une vie et sans crainte d’un maître,
Dors dans l’immensité paisible du Néant !