G. Charpentier et Cie, éditeurs (p. 249-250).
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LE SOIR








RÊVE GRIS






Viens dans le mystère ému des longs soirs,
Dans l’air gris des soirs douteux et sereins,
Des soirs où les bois font des reposoirs
Pour les grands amours et les grands chagrins…


Tes yeux sont plus froids quand le ciel est pâle.
Oh ! que les reflets du fleuve sont tristes !
On dirait un lac de nacre et d’opale
Où le ciel répand des pleurs d’améthystes.

 
Il pleut sur les monts des bleuets fanés,
De lentes vapeurs traînent sur les monts ;
Les prés sont fauchés, les blés sont glanés :
Pourquoi souffrons-nous, nous qui nous aimons ?


Sur le profil mou des toits et des arbres
La lune qui naît verse de la cendre,
Et les champs carrés ressemblent aux marbres
D’un grand cimetière où tu vas descendre…


Aimes-tu la nuit, la mort, le sommeil ?
Aimes-tu l’oubli plus que les baisers ?
J’en sais qui n’ont plus l’effroi du réveil !
Viens dormir au fond des bois apaisés.