L’Âme nue/Le Chant du départ

G. Charpentier et Cie, éditeurs (p. 33-35).
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LE CHANT DU DÉPART




Chantez, chantez la patrie !

Chantez. — Un corbeau vole autour de son blason :
Oh ! les fils derniers-nés de la race appauvrie,
Dépravés de vertus, de vice et de raison !
C’est l’heure de pleurer sur la gloire latine.
Aux Barbares ! La mort nous veut, la mort s’obstine :
J’entends le bruit des pas qui tremble à l’horizon…

Chantez, chantez la patrie !


Chantez. — Voici venir l’ère des longs repos,
Temples, palais, les murs ont croulé ; le vent crie
Dans la forêt qui houle où claquaient vos drapeaux…
Ô Carthage, ô Sion ! Ninive et Babylone !
Du sable ! Le chacal hurle dans le cyclone,
Et le pâtre tremblant éloigne ses troupeaux…


Chantez, chantez la patrie !


 
Chantez. — L’Océan blême a bondi sur les monts :
L’Atlantide surgit de la mer qui charrie
Des archipels de glace et des flux de limons !
La barque et le requin glissent sur les collines,
Et nos dieux sont couchés dans les mousses salines
Où le corail fleurit entre les goémons…


Chantez, chantez la patrie !


Chantez. — La Terre est morte : il fait froid, il fait nuit ;
Les volcans sont éteints et la mer est tarie ;
Plus d’air, plus de couleur, rien ne bouge, nul bruit,
Et le ciel uniforme a des teintes de cendre.
C’est la fin : le Soleil nous regarde descendre,
Et la Terre descend, et le Soleil languit…


Chantez, chantez la patrie !