L’Âme nue/Dame du Ciel

G. Charpentier et Cie, éditeurs (p. 163-165).
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L’AUBE








DAME DU CIEL


à h. béthune




Madame la Lune, en robe gris pâle,
Dans les velours bleus et les satins verts
De ses grands salons à plafonds d’opale
 Reçoit les rimeurs de vers.


Et roulant son front nimbé de topaze
Parmi les coussins de nuages flous,
Elle écoute avec une feinte extase
 Chanter son peuple de fous.

Nos regrets, nos vœux, nos bonheurs, nos peines,
Elle connaît tout depuis dix mille ans ;
Elle a des regards qui calment les haines
 Et qui font des baisers blancs.


Pour guérir nos cœurs des tourments que sème
Le sourire froid des femmes ses sœurs,
Elle orne gaîment son sourire blême
 De caressantes douceurs.


Elle sait le nom des pays du rêve,
Mondes idéals que l’amour bénit,
Chers Édens vers qui notre espoir s’enlève
 Comme un oiseau vers son nid…


Puis, lorsque s’éteint le lustre d’étoiles
Qui crépite au loin dans le clair obscur,
Lente, elle s’en va dégrafer ses voiles
 Sous les courtines d’azur.

On croit qu’elle dort, lasse et solitaire,
Mais son char de nacre aux luisants essieux
L’emporte en fuyant autour de la terre ;
Et déjà sous d’autres cieux,


Madame la Lune, en robe gris pâle,
Dans les velours bleus et les satins verts
De ses grands salons à plafonds d’opale
Reçoit les rimeurs de vers.