L’Âme nue/A la Désolée

G. Charpentier et Cie, éditeurs (p. 145-146).
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L’AUBE









À LA DÉSOLÉE




 
Dire que je suis là, mon ange, et que tu pleures,
Mourante comme un lis qui cherche le soleil ;
Dire que ton chagrin veille et compte les heures
De tes longues nuits sans sommeil !


Dire que je te vois, tordant ton col de cygne,
Couvrant d’un voile noir ta rêveuse pâleur,
Ne voulant rien entendre et repoussant d’un signe
Tout ce qui n’est pas ta douleur…

Dire que je te vois, sombre et désespérée,
Ployant sous tes regrets comme pour en mourir,
Et que je n’ai de droit, ô ma pauvre adorée,
Qu’à souffrir de te voir souffrir !


Dire que je suis là, fixe comme une pierre,
Demandant à ton Dieu d’avoir pitié de toi,
Dire que ta rancœur te reste tout entière
Quand elle est tout entière en moi.


Dire que mon amour n’a rien qui te console,
Que la morte, en partant, m’a tué dans ton cœur,
Et que son souvenir, seul rêve et seule idole,
Y règne exclusif et vainqueur !


— Et je m’en vais, sous l’œil des étoiles moroses,
Portant la double croix de ton mal et du mien,
Criant au ciel, criant à la pitié des choses :
« Elle pleure et je ne peux rien ! »