Veuve Fred. Larcier, Editeur (p. 94-95).
MINUIT


La Terre est noire avec des arbres de velours,
Sous un ciel bas, chargé de nuages d’orage,
Et les gnomes de nuit hantent le paysage.
Il fait un temps voilé, voluptueux et sourd.
Dans la ténèbre tiède on éprouve un malaise
Et telle est la chaleur qu’un drap de lit nous pèse
Et qu’à la fin, trempé de sueur, on se lève
Et qu’on marche à travers la chambre, comme en rêve.
On ouvre doucement la fenêtre. O minuit !
On dirait que le vent craint de faire du bruit,
Telle est la sainteté profonde du mystère
Qui s’accomplit dans les entrailles de la Terre.


On s’arrête, étonné, grave, écoutant son cœur
Battre comme une horloge aux pulsations sourdes.
Puis, plus calme, on s’assied ; on s’accoude, rêveur,
Regardant les nuées immobiles et lourdes
Et les jardins d’où monte en puissantes odeurs
La transpiration des arbres et des fleurs.


1900