L’Âme bretonne série 1/Le Curé breton



LE CURÉ BRETON




À mon cher et vénéré maître M. Fouyé.


C’est décidément l’abbé Gayraud qui tient la corde et dont la candidature a chance de s’imposer, dans l’arrondissement de Brest, pour la succession de Mgr d’Hulst. Quelle levée de soutanes à propos de cette succession ! Elle était à peine ouverte qu’on voyait surgir de partout des robes noires et violettes et des bâtons pastoraux agitant des programmes polychromes. Le bruit de ces discussions est venu jusqu’à Paris, où l’on ne connaissait qu’assez vaguement le dessous des candidats. Sans quoi aurait-on pu prendre au sérieux un abbé M…, fort brave homme, sans doute, philologue averti, mais qui manque un peu d’équilibre et ne pèche point par l’austérité ?

Tout autre est, d’ordinaire, le prêtre breton. À la vérité, il ne faut point le chercher dans les villes : on l’y connaîtrait mal ou difficilement ; il faut le prendre dans son milieu de culture, à l’air libre, parmi les laboureurs et les matelots. Il est du peuple, né pour le peuple. On le voit bien à sa charpente, à ses mains larges, à cette tête dure où languissent des yeux de rêve, les beaux yeux tristes et fins de la race.

Il a presque désappris le français du chef-lieu. Comment le parlerait-il et à qui ? La confession, le prône, les prières se font en breton. Lui-même, c’est sa langue maternelle. Il n’en connut pas d’autre jusqu’au jour où « monsieur le recteur », remarquant au catéchisme son air docile et appliqué, le demanda aux siens pour en faire un prêtre. Et voici qu’après les longues années d’étude, après le séminaire, le diaconat, l’ordination, à vingt-cinq ans il est revenu de la ville. Monseigneur l’a nommé vicaire dans quelque cure perdue de la Cornouaille ou du Goëlo ; il y attendra de passer recteur à l’ancienneté. C’est l’existence la plus unie. Elle tient toute dans les exercices de son ministère. Il n’est point jusqu’à la direction de ses affaires domestiques qui ne soit laissée à la vénérable et discrète carabassenn, sorte de maître Jacques féminin, Atlante de presbytère, qui, sur ses robustes épaules, porte sans faiblir la responsabilité des triples fonctions de gouvernante, de cuisinière et de sacristine. S’il s’absente de la paroisse, c’est seulement pour un pèlerinage ou une conférence. « O Breiz-Izel, dit un gwerz, Bretagne, terre sacrée des marins, des bardes et des prêtres ! »

Surtout des prêtres. Le même respect, mêlé de crainte, les y entoure qu’autrefois. Du jour que leur enfant est entré au grand séminaire, ses parents ont cessé de le tutoyer et de l’appeler par son prénom. Il y a eu abdication de l’autorité paternelle. Abdication toute volontaire, toute spontanée, prévue du père et par avance acceptée du fils, celui-ci et celui-là conscients d’une subite interversion dans les rangs qu’ils occupaient. Et, chez la mère aussi, la tendresse s’est voilée, s’est faite discrète et humble, comme de ces vieilles servantes dont l’affection pour le maître nourri par elles se relient du sentiment de leur infériorité domestique. — « Monsieur notre fils est arrivé en vacances… Monsieur notre fils rentre après demain au séminaire… » — Pour les voisins mêmes, pour les compagnons d’âge des premiers jeux, ce n’est plus Yves, Corentin ou Hervé, mais Monsieur Yves, Monsieur Corentin, Monsieur Hervé. La marque de Dieu est sur lui et tous l’honorent en lui. Combien plus, quand il aura reçu l’ordination !

Ce peuple est foncièrement théocratique ; les plus habiles lois du monde n’y pourront rien. Le prêtre, chef absolu et spirituel, le demeure presque partout ici au temporel. Il n’y a pas longtemps qu’à l’île d’Houat le curé faisait office de maire, de syndic, de notaire et de juge ; il recevait les testaments, décidait entre les parties et négociait directement les affaires de la corporation des gens de mer avec le commissaire de l’Inscription maritime. On ne s’en plaignait point. Aujourd’hui encore, et à quelques paroisses près, le curé reste l’arbitre le plus invoqué et le mieux écouté. Cela se marque à ses prônes ; ce sont moins des sermons qu’une consultation sur les sujets généraux les plus variés : récoltes, marchés, foires, élections. Il décide souverainement et de tout. Quand on a voulu vaincre l’opposition des campagnes à la vaccine, il a fallu s’adresser au clergé ; son intervention n’a pas été moins efficace dans les épizooties. Qui dit prêtre, pour le Breton, dit science, possession de soi, autorité.

On l’appelle même pour les affaires de famille. Il est ou se croit si bien de la famille qu’il intervient spontanément si on ne l’a pas appelé. C’est ainsi que Belle-Isle-en-Terre garde le souvenir d’un redoutable vieillard, brusque, colère, fantasque, au demeurant le meilleur homme du monde, qui s’était institué le commissaire de police de sa paroisse. Lorsqu’une dispute éclatait dans un ménage, l’abbé Le Roux (c’était son nom) accourait avec sa matraque et en besognait jusque-là que mari et femme implorassent comme une faveur de se raccommoder. « La danse était-elle trop bruyante ou se prolongeait-elle trop avant dans la nuit, dit Benjamin Jollivet, il surgissait tout d’un coup au milieu des danseurs qu’il apostrophait et houspillait de si belle manière qu’on les voyait fuir de tous côtés comme chats qu’on échaude. Il appelait cela distribuer des bouquets et les bouquets de l’abbé Le Roux étaient plus redoutés encore que son bâton. »

Il lui arriva, un jour, et avec un visiteur de marque, une aventure que je ne crois point très connue et qui peint admirablement la bonhomie naïve de ces vieux desservants de campagne. L’abbé, qui avait quelque peu chouanné dans sa jeunesse et qui s’en ressentait dans son automne, réclamait depuis longtemps un vicaire. Il avait écrit directement au roi Louis-Philippe, mais sa lettre était demeurée dans les cartons. Comme il se disposait à en écrire une seconde, on vint lui dire que le prince de Joinville, qui arrivait de Brest, s’était arrêté à Belle-Isle pour déjeuner. L’abbé ne prend point le temps de changer de soutane. Il court à l’hôtel ; il ne se fait point annoncer ; il ne frappe même point ; il entre, marche droit au prince, qui tournait le dos à la porte, et, lui tapant sur l’épaule :

— Bonjour, mon fils ; comment vas-tu ?

Le prince se retourne, étonné ; mais devant le vieux prêtre qui le regarde en souriant, il se lève et salue avec respect.

— Bien, bien, mon fils, reprend l’abbé. Je savais déjà que tu es un bon enfant et je venais te charger d’une commission pour monsieur ton père. Nous avons été dans le malheur tous les deux ; lui aussi a mangé le pain de la douleur ; il n’a pas dû l’oublier. Cependant je lui ai écrit et il ne m’a pas répondu. Il n’a pas toujours été assis sur le trône (je dois dire que la tradition attribue au vieux prêtre une expression sensiblement plus énergique) ; qu’il se tienne sur ses gardes !…

Et, après une pause où il parut prendre une détermination qui lui coûtait, se dressant avec un geste brusque :

— Tiens, mon cher enfant, je ne veux pas en dire davantage ; il est ton père et je ne te ferai pas de peine. Mais tu lui diras que je suis accablé de fatigues de toutes sortes et que, s’il ne m’accorde pas le traitement d’un vicaire, c’est tant pis pour lui : je lui enverrai un bouquet…

L’abbé Le Roux n’est point une exception ; il court de ces vieux desservants bretons mille et une anecdotes qui les montrent, comme il fut, bonnes gens, simples gens, d’écorce un peu rude, mais de conviction ardente, cumulant volontiers, au plus grand bien de la foi, le spirituel et le temporel. Ils avaient connu de durs moment sous la Terreur et pendant l’émigration et, si quelques-uns y révélèrent une âme plus frénétique qu’il n’était nécessaire, beaucoup aussi y firent briller les pures lumières de l’apostolat. Hommes de ressources avec cela ! En 1858, lors de ce voyage triomphal à travers la Bretagne où, dans un toast mémorable, Napoléon III ne craignit pas d’employer une expression qui effrayerait aujourd’hui les plus libéraux de nos gouvernants et salua la nation bretonne » groupée autour du chef de l’État et de sa famille, on s’égaya fort, dans la suite du souverain, d’un vieux recteur nonagénaire dont les cheveux en cadenette battaient sous un tricorne de feutre peluché comme on en portait sous l’ancien régime et qui, juché sur un bidet de Brasparz, une houssine à la main, la soutane retroussée, gras et rose à plaisir, trottait comme un cavalcadour à la portière du landau impérial. L’empereur, que cette juvénilité amusait, se fit présenter le bonhomme au relais de Quimper.

— Sire, dit l’évêque qui était chargé de la présentation, vous voyez céans le plus grand celtiste de votre empire : il a porté jusqu’en Livonie le renom de la langue bretonne.

— Contez-moi cela, monseigneur, dit Napoléon III.

C’était toute une histoire et que j’abrège bien à regret : l’abbé, ancien aumônier de Puisaye, roulé à travers le monde par le flot de l’émigration et déposé, après de longues erreurs, sur l’inhospitalière plage de Riga ; personne pour l’y secourir ; son escarcelle à sec ; l’hôpital pour suprême ressource… En ces lamentables conjonctures, il apprend qu’un négociant du pays cherchait pour son fils un professeur d’italien. L’abbé se présente. D’italien, il n’en sait pas un traître mot.

— Bon ! se dit-il, avec une grammaire et un dictionnaire, je ne suis point si sot que je ne puisse toujours me mettre d’une leçon ou deux en avance sur mon élève.

Et notre abbé de battre toutes les librairies de Riga à la recherche d’un rudiment italien. Peine perdue ! De rudiment italien à Riga on n’en connaissait ni peu ni prou et le dernier libraire auquel il recourut lui confia qu’il s’écoulerait bien un grand mois et demi avant qu’on en pût faire venir de Florence ou de Milan.

L’abbé se gratta la tête : comment occuper ce mois et demi ? Bopp n’avait pas encore inventé la grammaire comparée ; l’abbé, fort heureusement, possédait quelques notions de linguistique générale. Encore fut-il au bout de son rouleau plus vite qu’il ne pensait : le jeune Russe, son élève, montrait une désolante aptitude pour les langues ; l’abbé sentait sa science s’épuiser et le moment allait venir où maître et disciple en toucheraient le fond. Il ne restait plus qu’une ressource au malheureux précepteur : c’était de recourir au bas-breton, sa langue maternelle, et de l’enseigner à son élève sous le nom d’italien. Ce qu’il fit avec de grands soupirs, car sa conscience n’était point en repos, et il commençait à vérifier la sagesse de l’adage :

Culpa trahit culpam, post culpam culpa revertit,
Et post tot culpas cogeris ire foras…

« Un mensonge en entraîne un autre et de mensonge en mensonge… » Hélas, pourrait-il s’arrêter à temps, prévenir les terribles effets du comminatoire distique ? Il l’essaya, mais vainement voulut-il s’attarder à l’alphabet, aux mutations et autres bagatelles de la sorte : quand les rudiments demandés arrivèrent à Riga, le jeune Russe avait marché d’un tel pas dans la connaissance du bas-breton qu’il était impossible de lui faire rebrousser chemin. Coûte que coûte, pour que sa supercherie ne fût pas dévoilée, il fallut que l’abbé continuât d’enseigner à son élève la langue de Nominoë et d’Allan Barbe-Torte. Le mal n’eût point été si grand, après tout ; mais le père du jeune Russe eut vent de l’installation d’un consul italien à Riga et, jaloux de contrôler les progrès de son fils, s’empressa de lui demander audience. L’abbé se vit perdu. Il fut sur le point de déguerpir et de planter là le consul, le jeune Russe et son père. La réflexion lui fit voir le danger de cette conduite. Le père l’avait chargé des présentations : il s’y prit si bien et dans un latin si volubile que personne n’y comprit goutte. Le consul répliqua en pur toscan ; le jeune Russe, croyant avoir mal entendu, y alla quand même de son petit compliment en bas-breton ; sur quoi le père, qui ne prenait point garde à l’étonnement du consul, grogna quelques mots de slave pour exprimer toute sa satisfaction. L’honneur était sauf et l’abbé, qui s’était hâté de lever la séance, reçut ce mois-là les appointements d’une année.

« Lorsqu’un recteur est aimé, écrivait le président Ilabasque en 1832, il a sur le paysan breton une influence toute puissante. Il le gouverne dans ses moindres actions. Qu’on juge du rôle que joue un maire lorsqu’il se trouve en opposition avec lui ! » Cela est resté vrai à la lettre : il n’y a point d’autorité qui, en opposition avec la sienne, la contraigne ou lui résiste. Le prêtre d’abord. Dans les centres industriels où ils s’expatrient, à Trélazé, au Havre, à Saint-Denis, à Grenelle, les Bretons ont un aumônier à eux, du pays, qui les confesse et leur parle en chaire dans l’idiome national. Cette voix deux fois sainte les sauve de leur grand mal, la nostalgie.

M. Louis Hémon, dans un discours plein d’une belle et sombre éloquence, M. Arthur Dessoye, dans une étude récente sur le Parti libéral et les missions bretonnes de 1818 à 1827, d’autres encore ont dit combien est profonde cette emprise du clergé breton.

Mais M. Hémon est député et M. Dessoye est le vice-président de la Ligue de l’Enseignement. Âmes droites, intelligences réfléchies, ils sont des hommes de parti et ne s’en cachent point. Puis l’un et l’autre avaient surtout en vue le Finistère. Je dirai mon sentiment tout net et qui est que ce que nous avons peine à concevoir, dans ce Paris tolérant jusqu’au scepticisme, s’explique fort bien en un département comme le Finistère, tout frémissant encore des dernières luttes civiles et qui n’attend qu’un mot pour les reprendre. Le clergé m’y paraît un des meilleurs qui soient, appliqué à ses devoirs, extrêmement probe et convaincu. Comme dans les autres départements de l’Ouest et plus encore, il se recrute surtout dans les campagnes, qui sont une matrice inépuisable de forces spirituelles et morales, mais qui les donnent comme elles viennent, rudes, primitives et mal dégagées de leur gangue. Le séminaire ou, du moins, l’éducation qu’on y reçoit ne mord point sur ces natures réfractaires. Loin de les assouplir, il semble qu’au contraire elle les bande et les tende et leur communique un ressort qu’elles ne connaissaient point. Un tel clergé a quelque chose d’une milice, et c’en est une en effet, avec toute la force agissante, l’esprit de combativité, les allures offensives d’une troupe de partisans.

De quel ensemble elle a donné au 16 mai ! Quel élan ! Quels assauts furieux ! Quelle conviction surtout ! Il n’y a plus que ce clergé-là qui soit capable de faire des martyrs et des saints. Mais on conçoit aussi en quelle posture il mettait vis-à-vis de lui la société laïque, obligée de se tenir perpétuellement sur la défensive et de lui rompre en visière à tous les instants.

La parole du Saint-Père a changé tout cela : le prêtre breton, qui ne brûlait point d’une amour immodérée pour Marianne, s’est sincèrement rallié à l’ordre de choses établi. Pourquoi suspecter sa sincérité et de quel droit ? La suspectent-ils, ces électeurs paysans qui se rangent sans hésiter du côté de M. l’abbé Gayraud et de la République contre M. le comte de Blois et la monarchie ? Sans doute, c’est le prêtre qu’ils suivent et sans trop regarder à la couleur de son drapeau. Mais justement le prêtre n’est tant ici que parce que la religion est demeurée la grande, presque l’unique chose. À qui voudrait revivre, respirer d’une même haleine tout le moyen âge hiératique, il faudrait venir, les soirs de mission ou de jubilé, dans ces petites églises bretonnes d’où la foule trop dense déborde longuement par delà le porche sur les tombes et les murs d’enceinte du cimetière. Le paradis, l’enfer, le purgatoire, qui sont l’obsession de la race, sont aussi les thèmes ordinaires des prédicateurs. Cambry n’y comprit rien ; il parle avec indignation « des dialogues institués par les missionnaires de Basse-Bretagne entre deux têtes de morts » et qu’accompagnaient un commentaire et des apparitions si effroyables qu’il n’était point rare de voir des femmes avorter dans l’église.

On en a dit autant des pièces d’Eschyle. Ces sortes de scènes étaient excellentes, au moins, pour induire les pêcheurs à résipiscence. Elles étaient de tradition dans l’église bretonne, qui les avait empruntées en partie de Le Nobletz et elles n’ont point encore disparu de toutes les paroisses. Le Père Maunoir s’y acquit une célébrité au XVIIe siècle ; il n’avait point son pareil dans l’explication des tableaux volants : l’âme en état de péché, l’âme contrite, l’âme en état de grâce, l’âme dans l’épouvante, la mort du pêcheur, l’enfer, etc.

Ce même abbé Le Roux, qui a laissé dans l’imagination populaire un souvenir si pénétrant et le plus précieux du monde à consulter, excellait aussi dans le maniement et l’explication des tableaux volants. Les siens représentaient les sept péchés capitaux et les quatre fins dernières. Un paon symbolisait l’orgueil, un cochon la gourmandise, etc. ; il ne s’y voyait qu’une figure humaine : Catel-gollet qui incarnait la luxure. Monté sur une longue table, dit son biographe, une baguette blanche à la main dont il frappait les tableaux, l’abbé allait et venait, imitant Catel qui entrait au bal ou faisant la roue et se renversant comme les farauds de village ou crispant ses doigts, à la façon des ladres, sur un or imaginaire. Il y avait tant de vérité dans ses imitations que de dix lieues à la ronde on se rendait au prône pour l’entendre.

Ne sourions point trop de ces naïvetés. Les religions qui tournent au déisme philosophique sont bien près de leur déclin ; celles-là seules sont restées profondes et ancrées au cœur des foules qui ont gardé la rouille des vieux âges. Et puis tout n’est point méprisable dans cette autorité du curé breton. Portalis avait imaginé sous main de ressusciter les monitoires qu’il estimait d’un merveilleux secours pour la bonne administration de la justice séculière. Une décision du conseil d’État, en date du 10 septembre 1806, réglait, quelques années plus tard, les conditions dans lesquelles pouvait se produire cette intervention. Il est regrettable qu’on n’y fasse plus appel. L’impunité, ici, du moins, où le prêtre est tout, ne serait plus aussi fréquemment assurée aux assassins et aux voleurs.

Et que d’autres domaines où l’intervention du prêtre breton serait décisive ! Il faudrait seulement qu’il se résignât à ne l’exercer qu’où elle est tolérable et, comme il a renoncé définitivement à l’attitude agressive qu’il avait prise vis-à-vis du pouvoir, qu’il fit en sorte de dissiper les dernières équivoques et d’imposer aux plus défiants la conviction de sa sincérité. Restreinte au seul domaine de la conscience, son action resterait encore assez belle et garderait de quoi l’occuper. Mais il a une tâche plus noble à remplir. Du jour que son rôle politique est fini, son rôle social doit commencer : cette triste Bretagne, noyée d’alcoolisme, malade, s’il se penchait sur elle, pourrait encore guérir. Voilà une grande œuvre à tenter, un apostolat qui vaudrait les plus beaux, ce sauvetage d’une race dont les jours sont comptés et qui glisse peu à peu du rêve à l’hébétude, de l’hébétude au suicide.