L’INTERNATIONALE - Tome I
Deuxième partie
Chapitre X
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X


Articles de Bakounine dans l’Égalité (26 juin-4 septembre). La Section de l'Alliance, à Genève, admise comme Section de l'Internationale par le Conseil général de Londres (28 juillet). Lutte entre la « fabrique » et le « bâtiment » dans l'Internationale de Genève. Les délégués des Sections de la Suisse française au Congrès général de Bâle.


À Genève, pendant les grèves du printemps de 1869, tous les membres des corps de métier adhérents à l'Internationale, qu'ils fussent de la « fabrique » ou du « bâtiment», avaient marché d'accord. Mais cette entente ne subsista pas longtemps : en automne devaient avoir lieu les élections au Conseil d'État[1], et une alliance se préparait entre quelques meneurs du parti socialiste et les chefs du parti radical. Dans la seconde moitié de juin, Perron, qui avait été constamment sur la brèche depuis six mois, fut forcé par ses affaires personnelles d'abandonner momentanément la direction de l’Égalité[2] : le Conseil de rédaction désigna Bakounine pour le remplacer. Ce fut alors que Bakounine écrivit (numéros 23 à 33, du 26 juin au 4 septembre) cette série de remarquables articles, si pleins d'idées, d'une verve si entraînante, d'une crânerie si endiablée, les Endormeurs (n° 23, 24, 25, 26 et 27), la Montagne (n° 25, 26 et 27), le Jugement de M. Coullery (n° 28), l’Instruction intégrale, suite des Endormeurs (n° 28, 29, 30 et 31), la Politique de l'Internationale (n° 29, 30, 31 et 32), la Coopération (n° 33), qui ont été reproduits en partie dans les Pièces justificatives du Mémoire de la Fédération jurassienne, et que le manque de place ne me permet pas, à mon grand regret, de réimprimer ici. Son langage franc et allant au vif des choses fit jeter les hauts cris aux politiciens de la fabrique.

« C'était précisément l'époque où le parti radical fît d'incroyables efforts pour se rapprocher de l'Internationale à Genève et pour s'en emparer. Beaucoup d'anciens membres, agents reconnus du parti radical et qui comme tels s'étaient séparés de l'Internationale, y rentrèrent alors. Cette intrigue se faisait au grand jour, tant on était sûr du succès. Mais il fallait à tout prix empêcher l’Égalité de tenir un langage aussi compromettant, qui pouvait faire échouer l'alliance projetée. Les comités des Sections de la fabrique vinrent l'un après l'autre protester auprès du Comité fédéral romand contre la rédaction de l’Égalité. Heureusement le Conseil de rédaction était sauvegardé par un article des statuts fédéraux qui le protégeait contre l'arbitraire du Comité fédéral[3].

« Cependant le Congrès de Bâle approchait, et les Sections de Genève devaient s'occuper de l'étude des cinq questions mises à l'ordre du jour par le Conseil général et de la nomination des délégués au Congrès. Parmi ces cinq questions, il y en avait deux qui avaient le don d'exciter très fort la mauvaise humeur des coryphées de la fabrique : c'étaient l’abolition du droit d'héritage et l’organisation de la propriété collective. Ils s'étaient déjà montrés mécontents qu'on eût discuté la seconde de ces questions au Congrès de Bruxelles « Ce sont des utopies », disaient-ils, « nous devons nous occuper de questions pratiques. »

« Ils s'étaient bien promis d'éliminer ces deux questions du programme du Congrès de Bâle. C'était pour eux non seulement l'effet d'une antipathie de tempérament, mais une nécessité politique. Ils s'étaient définitivement entendus et alliés avec la bourgeoisie radicale de Genève ; on travaillait activement toutes les Sections proprement genevoises, c'est-à-dire les ouvriers-citoyens de la fabrique, pour les grouper autour du drapeau radical en vue des élections qui devaient avoir lieu en automne, et pour lesquelles Grosselin[4] devait se présenter comme candidat au Conseil d’État. Mais pour que l’alliance en question se réalisât complètement, il fallait absolument que les ouvriers-citoyens fissent disparaître de leur programme des questions de nature à agacer les nerfs de leurs alliés bourgeois.

« La tactique des hommes de la coterie genevoise, qui inspirait et dirigeait le Comité cantonal et qui, par lui, fixait l’ordre du jour des assemblées générales, fut très simple. Ils tirent nommer par les assemblées générales des commissions pour préparer des rapports sur les trois dernières questions du programme[5], et ils oublièrent d’en faire nommer pour les deux questions fâcheuses de l’abolition de l’héritage et de la propriété collective, espérant qu’on arriverait à la veille du Congrès sans que cet oubli eût été réparé. Mais ce calcul fut déjoué[6]. » On verra tout à l’heure comment (p. 186). Mais il faut d’abord achever de parler de ce qui concerne la Section de l’Alliance.


La Section de l’Alliance, une fois ses statuts adoptés, avait eu à se faire reconnaître officiellement comme Section régulière de l’Internationale. Dans la séance du 12 juin, Bakounine, président de la Section, annonça que le règlement revisé allait être envoyé au Conseil général. Ce fut encore Perron qui correspondit avec Londres, cette fois en qualité de « secrétaire provisoire de la Section de l’Alliance » ; sa lettre, datée du 22 juin 1869, disait que, la dissolution de l’Alliance internationale de la démocratie socialiste ayant été prononcée, la Section de l’Alliance de la démocratie socialiste de Genève venait soumettre au Conseil général ses statuts, en le priant de la reconnaître comme branche de l’Association internationale des travailleurs. La réponse du Conseil général (écrite en anglais) à la lettre de Perron arriva à Genève à la fin de juillet ; en voici la traduction :


Conseil général de l’Association internationale des travailleurs.
266, High Holborn, Londres W. G., le 28 juillet 1869.
À la Section de l' Alliance de la démocratie socialiste, à Genève.

Citoyens,

J’ai l’honneur de vous annoncer que vos lettres ou déclarations aussi bien que le programme et règlement ont été reçus, et que le Conseil général a accepté votre adhésion comme Section à l’unanimité.

Au nom du Conseil général : Le secrétaire général, G. Eccarius.


Cette lettre fut lue dans la séance hebdomadaire de la Section de l’Alliance, le 31 juillet. La Section décida que sa cotisation serait envoyée immédiatement à Londres, et que l’admission dans la Fédération cantonale genevoise serait demandée au Comité central (ou Comité cantonal) des Sections de Genève (Comité composé de deux délégués de chacune des Sections).

C’est à ce moment que Bakounine prit la résolution de quitter Genève, résolution qui nous contraria beaucoup et dont je ne connus la véritable cause (une grossesse de Mme Bakounine) qu’un peu plus tard. Les raisons qu'il nous donna alors étaient qu'il désirait trouver un séjour plus tranquille, où il fût à l'abri des tracasseries policières ; que sa santé réclamait un climat plus doux ; que l'état de son budget — maintenant qu'il ne pouvait plus compter, comme précédemment, sur la bourse de la princesse Obolensky — l'obligeait à transporter ses pénates dans un endroit où la vie fût à bon marché ; enfin, qu'il avait maintenant achevé à Genève, au point de vue de la propagande et de l'organisation, tout ce qu'il était en son pouvoir de faire, et qu'il considérait son rôle dans cette ville comme terminé[7]. Le 13 août, dans une séance du comité de la Section de l'Alliance, il fit connaître son intention : « Le président [Bakounine] nous annonce — dit le procès-verbal — que son départ de la localité aura lieu aussitôt après le Congrès de Bâle, et il propose pour son remplaçant comme président le citoyen Heng, et comme secrétaire le citoyen Robin[8]. Après une longue discussion, la proposition du citoyen Bakounine est acceptée, et sera annoncée dans une séance générale prochaine. » (Nettlau, p. 316.) Mais le changement projeté n'eut pas lieu immédiatement : Bakounine conserva la présidence de la Section de l'Alliance, et Heng le secrétariat, jusqu'en octobre.

La demande d'entrée dans la Fédération cantonale genevoise, présentée par la Section de l'Alliance, se heurta à l'hostilité, déjà ouvertement déclarée, des meneurs politiciens qui dominaient dans les comités : le 16 août, le Comité central des Sections de Genève, dans une séance à laquelle n'assistaient d'ailleurs qu'une douzaine de délégués sur environ soixante, refusa l'admission sollicitée. C'était au plus fort de la lutte au sujet du programme du Congrès de Bâle.

À Londres, au contraire, on paraissait avoir désarmé, et on traitait les membres de l'Alliance en amis.

La cotisation ayant été expédiée conformément à la décision du 31 juillet, Hermann Jung, secrétaire pour la Suisse auprès du Conseil général, par une lettre datée du 25 août et adressée à Heng, « secrétaire de la Section de l'Alliance de la démocratie socialiste, à Genève », accusa réception de la somme de 10 fr. 40 c. représentant la cotisation de cent quatre membres pour l'année courante ; il terminait sa lettre par ces mots : « Dans l'espoir que vous pratiquerez activement les principes de notre Association, recevez, cher citoyen Heng, de même que tous les amis, mes salutations fraternelles ».

C'est à ce moment que se placent deux faits qui eurent des conséquences fâcheuses pour l'Internationale à Genève : la retraite de Brosset, qui sortit du Comité fédéral romand, et la mort de Serno Soloviévitch.

Brosset était écœuré par d'incessantes et mesquines attaques : il donna sa démission en août. Ce fut Guétat qui le remplaça à la présidence du Comité fédéral. Pour compléter le Comité, Heng, nouveau-venu à Genève, mais qui avait été président de la Section de la Chaux-de-Fonds, fut désigné, et ce choix fut ratifié par les Sections.

Serno Soloviévitch souffrait depuis longtemps d'une maladie noire, et était hanté par l'idée du suicide. Perron, revenu de Savoie, était allé passer avec lui quelques jours à Saint-Cergues, au-dessus de Nyon : on espérait que le repos et l'air de la montagne agiraient favorablement sur l'esprit du pauvre malade. Il n'en fut rien. Entré ensuite dans une maison de santé, Serno s'évada, et quelques jours après on le retrouvait mort dans son appartement de Genève : après avoir allumé un réchaud de charbon, il s'était couvert le visage d'un masque imbibé de chloroforme, et s'était coupé la gorge (17 août).

Le Mémoire de la Fédération jurassienne a présenté, en l'empruntant au manuscrit de Bakounine intitulé Rapport sur l'Alliance (rédigé en juillet et août 1871), le tableau détaillé des luttes qui eurent lieu à Genève au sein de l'Internationale, pendant l'année 1869. Je le compléterai en donnant ici — comme il a été annoncé p. 98, note 2 — un passage resté inédit de ce même manuscrit. Bakounine y explique les raisons qui provoquèrent l'hostilité de la « fabrique » et des meneurs des comités à l'égard de la Section de l'Alliance :


Voici la première cause de cette hostilité. Les membres les plus influents, les meneurs des Sections de la fabrique, considérèrent d'abord notre propagande, les uns, avec indifférence, les autres même avec un certain degré de bienveillance, tant qu'ils crurent que l'Alliance ne devait être qu'une sorte d'académie où allaient se débattre platoniquement de pures questions théoriques. Mais lorsqu'ils s'aperçurent que le groupe de l'Alliance, peu soucieux de faire de la théorie en pure perte, s'était donné pour but principal l'étude des principes et de l'organisation de l'Internationale, et surtout lorsqu'ils virent que l'Alliance exerçait une attraction toute particulière sur les ouvriers du bâtiment, et tendait à leur donner l'idée d'une organisation collective qu'ils n'avaient point eue jusque-là, et qui aurait eu pour conséquence de les rendre plus clairvoyants et plus indépendants, d'abord vis-à-vis de leurs comités qui se fourvoyaient de plus en plus dans une voie excessivement autoritaire, et en second lieu vis-à-vis des meneurs de la fabrique, qui s'efforçaient ostensiblement d'étendre leur domination sur les Sections des ouvriers du bâtiment au moyen de leurs comités, — alors ils commencèrent à suspecter et à voir de mauvais œil l'action si légitime du groupe de l'Alliance.

Toute cette action de l'Alliance se réduisait à ceci : elle donnait à la grande masse des ouvriers du bâtiment le moyen de définir leurs instincts, de les traduire en pensée et d'exprimer cette pensée. Au sein du Cercle et des assemblées générales, cela était devenu impossible, grâce à la prédominance organisée des ouvriers de la fabrique. Le Cercle était devenu peu à peu une institution exclusivement genevoise, gouvernée et administrée par les Genevois seuls, et où les ouvriers du bâtiment, pour la plupart étrangers, étaient considérés et finirent par se considérer eux-mêmes comme tels. Trop souvent, les citoyens genevois de la fabrique leur firent entendre ces mots : « Ici nous sommes chez nous, vous n'êtes que nos hôtes ». L'esprit genevois, esprit bourgeois-radical excessivement étroit, finit par y dominer tout à fait ; il n'y avait plus de place ni pour la pensée de l'Internationale, ni pour la fraternité internationale. Il en résulta ceci, que peu à peu les ouvriers du bâtiment, fatigués de cette position subordonnée, finirent par ne plus aller au Cercle.

Dans les assemblées générales, une discussion approfondie et sérieuse des questions de l'Internationale était également impossible. D'abord, à cette époque (1868), elles étaient assez rares, et ne se réunissaient que pour discuter des questions spéciales, principalement celle des grèves. Sans doute, les deux tendances qui se partageaient l'Internationale à Genève se manifestèrent et se combattirent dans chaque assemblée générale, et le plus souvent, il faut bien le constater, ce fut la tendance révolutionnaire qui l'emporta, grâce à la majorité des ouvriers du bâtiment soutenue par une petite minorité de la fabrique. Aussi les meneurs de la fabrique eurent-ils toujours fort peu de goût pour les assemblées générales, qui déjouaient parfois en une ou deux heures les intrigues qu'ils avaient ourdies pendant des semaines. Ils tendirent donc toujours à remplacer les assemblées générales, populaires, publiques, par les assemblées secrètes des comités, sur lesquels ils étaient parvenus à établir leur domination complète.

Dans les assemblées générales, toutefois, la masse des ouvriers se taisait. C'étaient toujours les mêmes orateurs des deux partis opposés qui montaient à la tribune et qui répétaient leurs discours plus ou moins stéréotypés. On effleurait toutes les questions, on en relevait avec plus ou moins de bonheur le côté sentimental, dramatique, laissant toujours intact leur sens profond et réel. C'étaient des feux d'artifice qui éblouissaient quelquefois, mais qui ne réchauffaient ni n'éclairaient personne, toujours replongeant au contraire le public dans une nuit plus profonde.

Restaient les séances de la Section centrale, Section immense d'abord, dans laquelle les ouvriers du bâtiment, qui furent les premiers fondateurs de cette Section, se trouvaient en majorité, et qui était une sorte d'assemblée populaire organisée en Section de propagande. Cette Section aurait dû devenir en effet ce que la Section de l'Alliance se proposa d'être, et, si elle avait réellement rempli sa mission, la Section de l'Alliance n'aurait eu sans doute aucune raison d'être[9].

La Section centrale fut la première et d'abord l'unique Section, la Section fondatrice de l'Internationale à Genève. Elle fut constituée en majeure partie par les ouvriers du bâtiment, sans différence de métiers ; un très petit nombre d'ouvriers de la fabrique y avaient adhéré individuellement ; de sorte que pendant bien longtemps ce fut le franc socialisme instinctif des ouvriers du bâtiment qui y domina. C'était une Section bien unie : la fraternité n'y était pas encore devenue un vain mot, c’était une réalité. La Section, étrangère aux préoccupations et aux luttes politiques des citoyens radicaux et conservateurs de Genève, était animée d’un esprit réellement international.

Après la grande grève des ouvriers du bâtiment en 1868, grève qui se termina par un succès éclatant grâce au généreux et énergique concours — je me plais à le reconnaître — des ouvriers de la fabrique citoyens de Genève, ces derniers entrèrent en masse dans la Section centrale, et y apportèrent naturellement leur esprit bourgeois-radical, politique, genevois. Dès lors la Section centrale se partagea en deux camps, en deux partis, les mêmes qui se trouvèrent en présence dans les assemblées générales.

Les Genevois, quoique d’abord en minorité, avaient cette supériorité qu’ils étaient organisés, tandis que les ouvriers du bâtiment ne formaient qu’une masse inorganique. En outre, les ouvriers genevois avaient l’habitude de la parole, l’expérience des luttes politiques. Enfin, les ouvriers du bâtiment étaient paralysés par le sentiment de la « reconnaissance » qu’ils devaient aux ouvriers-citoyens de la fabrique de Genève pour le concours décisif que ces derniers leur avaient apporté dans leur grève.

Dans les séances de la Section centrale, — qui n’avaient lieu d’ailleurs qu’une fois par mois, — les deux partis se contrebalancèrent pendant quelque temps. Puis, à mesure que se formaient les Sections de métier, les ouvriers du bâtiment, trop pauvres pour payer une double cotisation, celle de leur Section de métier et celle de la Section centrale, se retirèrent peu à peu, et la Section centrale tendit visiblement à devenir ce qu’elle est devenue complètement aujourd’hui (1871) : la Section des métiers réunis de la fabrique, une Section exclusivement composée de citoyens genevois.

Il ne restait aux ouvriers du bâtiment, pour la propagande sérieuse des principes, et pour la connaissance mutuelle et le groupement si nécessaire des caractères et des volontés, que leurs Sections de métier. Mais celles-ci ne se réunissaient également qu’une fois par mois, et seulement pour liquider leurs comptes mensuels ou pour l’élection de leurs comités. Dans ces réunions il ne peut y avoir de place pour la discussion des principes ; et, qui pis est, peu à peu les Sections de métier s’habituèrent à borner leur rôle, leur action, au simple contrôle des dépenses, laissant tout le reste aux soins de leurs comités, qui devinrent en quelque sorte permanents et omnipotents : ce qui eut pour résultat naturel d’annihiler les Sections au profit de ces comités.

Les comités, presque toujours composés des mêmes personnes, finirent par se considérer comme autant de dictatures collectives de l’Internationale, décidant de toutes les questions, sauf celles d’argent, sans se donner même la peine d’interroger leurs Sections ; et comme ils tenaient toutes leurs séances à huis-clos, ils finirent, en se coalisant entre eux, sous l’influence dominatrice des comités de la fabrique, par former le gouvernement invisible, occulte, et à peu près irresponsable, de toute l’Internationale de Genève.

Le groupe de l’Alliance s’était proposé de combattre cet état de choses, qui devait aboutir — comme nous ne le voyons que trop maintenant — à faire de l’Internationale un instrument politique du radicalisme bourgeois à Genève. Pour arriver à ce but, le groupe de l’Alliance n’eut jamais recours à l’intrigue, comme les intrigants genevois et non genevois ont osé l’en accuser depuis. Toute son intrigue a consisté dans la plus grande publicité et dans la discussion publique des principes de l'Internationale. Se réunissant une fois par semaine, il appelait tout le monde à ses discussions, s'efforçant de faire parler précisément ceux qui dans les assemblées générales et dans les séances de la Section centrale se taisaient toujours. Il fut posé comme loi qu'on ne prononcerait pas de discours, mais qu'on causerait. Tous, membres du groupe ou non, pourraient prendre la parole. Ces habitudes égalitaires déplurent à la majorité des ouvriers de la fabrique, de sorte qu'après être accourus d'abord en grand nombre aux séances de l'Alliance, ils s'en éloignèrent peu à peu ; si bien que, de fait, la Section de l'Alliance devint celle des ouvriers du bâtiment. Elle leur donna le moyen, au grand déplaisir de la fabrique sans doute, de formuler leur pensée et de dire leur mot. Elle fit plus, elle leur donna le moyen de se connaître, de sorte qu'en peu de temps la Section de l'Alliance présenta un petit groupe d'ouvriers conscients et réellement unis entre eux.

La seconde raison de la rancune d'abord, et plus tard de l'antipathie prononcée des meneurs ambitieux de la fabrique contre la Section de l'Alliance, fut celle-ci. L'Alliance, par son programme aussi bien que par tous les développements donnés plus tard à ce programme, s'était résolument prononcée contre toute union adultère du socialisme révolutionnaire du prolétariat avec le radicalisme bourgeois. Elle avait pris pour principe fondamental l'abolition de l'État avec toutes ses conséquences politiques et juridiques. Cela ne faisait pas du tout le compte de Messieurs les bourgeois radicaux de Genève, qui, aussitôt après leur défaite aux élections de novembre 1868, avaient commencé à songer à faire de l'Internationale un instrument de lutte et de triomphe ; ni celui non plus de certains meneurs de la fabrique de Genève, qui n'aspiraient à rien de moins qu'à monter au pouvoir à l'aide de l'Internationale.

Telles ont été les deux raisons principales de la haine vouée par les chefs de la fabrique à la Section de l'Alliance[10].


De vifs débats eurent lieu dans les assemblées générales des Sections de Genève, au Temple-Unique, lorsqu'il fallut discuter, dans le courant d'août, les questions qui devaient figurer à l'ordre du jour du Congrès de Bâle et se concerter pour la nomination de délégués. Les meneurs de la coterie, on l'a vu, avaient tenté d'éliminer, par simple prétérition, les questions de la propriété collective et du droit d'héritage. Mais, dans une assemblée générale, les collectivistes rappelèrent qu'il y avait deux questions du programme pour lesquelles le Comité cantonal avait négligé de nommer des commissions, ajoutant qu'il était urgent de réparer cette omission. « Alors l'orage éclata : tous les grands orateurs de la fabrique et des comités, Grosselin, Weyermann, Crosset, Wæhry, Dupleix, le père Reymond, Rossetti, Guétat, Paillard, vinrent tour à tour à la tribune déclarer que c'était un scandale, une action subversive, une inutile perte de temps, que de venir proposer des questions pareilles à des ouvriers. Robin, Bakounine, Brosset, Heng répondirent, et la victoire resta aux révolutionnaires : deux commissions furent élues pour les deux questions ; Bakounine fut nommé dans celle de l'abolition du droit d'héritage, et Robin dans celle de la propriété collective[11]. » Alors les Sections de la fabrique, dans une assemblée particulière, décidèrent qu'elles se feraient représenter par un délégué spécial, Henri Perret, qui reçut mandat de s'abstenir de voter au Congrès sur les deux questions ci-dessus[12]. Une assemblée générale de toutes les Sections se réunit le mardi 17 août ; « il y fut décidé que trois délégués seraient envoyés à Bâle au nom de toutes les Sections genevoises de langue française ; tout membre ou tout groupe pourrait proposer des candidats, qui seraient immédiatement inscrits sur un tableau ; le vote devait avoir lieu au scrutin secret, chaque membre mettant sur sa liste trois noms ; pour être admis au vote, il faudrait prouver par la présentation de son livret que l'on était en règle avec sa Section ; le scrutin devait être ouvert les samedi, dimanche et lundi 21, 22 et 23 août, de huit heures du matin à dix heures du soir[13] ». Les trois délégués ainsi élus furent Brosset, Heng et Grosselin[14]. Deux nouvelles assemblées générales approuvèrent les conclusions du rapport sur l'abolition du droit d'héritage, présenté par Bakounine[15] et celles du rapport sur la propriété collective, présenté par Robin[16] ; et les trois délégués reçurent le mandat impératif de voter à Bâle dans le sens des décsions de l'assemblée générale. Cela mettait Grosselin dans une singulière position : il devait figurer en automne sur la liste radicale comme l'un des candidats au Conseil d'État (gouvernement du canton de Genève) ; mais s'il allait, au Congrès de Bâle, voter pour la propriété collective et contre le droit d'héritage, il rendait sa candidature impossible. Comment faire ? Grosselin trouva un moyen bien simple de sortir d'embarras : il demanda au Comité central (ou Comité cantonal) des Sections genevoises l'autorisation d'aller au Congrès sans mandat impératif ; et ce Comité prit sur lui de dispenser Grosselin démettre un vote sur les deux questions compromettantes[17].

La Section de l'Alliance décida de se faire représenter, elle aussi, au Congrès de Bâle. Le médecin espagnol Gaspard Sentiñon, délégué à Bâle par la Section internationale de Barcelone, se trouvant de passage à Genève, avant le Congrès, se fit admettre comme membre de la Section de l'Alliance le 29 août : séance tenante, la Section le choisit comme délégué[18].

Quant à Bakounine, il avait reçu deux mandats pour le Congrès de Bâle : l'un de l'Association des ouvrières ovalistes de Lyon, qui venait d'adhérer à l'Internationale à la suite de la grève retentissante dont j'ai parlé, l'autre de la Section des mécaniciens de Naples[19].

Coullery avait compris que son rôle était fini à la Chaux-de-Fonds et dans l'Internationale : il disparut momentanément de la scène, pour aller s'enterrer dans un petit village de Val de Ruz, Fontainemelon, où de riches industriels appartenant au parti conservateur, les frères Robert, venaient de l'appeler comme médecin attaché à leur fabrique d'ébauches de montres. La Section de la Chaux-de-Fonds nomma pour son délégué au Congrès de Bâle Fritz Robert, et lui donna le mandat de voter pour la propriété collective et pour l'abolition du droit d'héritage. Le monteur de boîtes François Floquet fut délégué de la Section centrale du Locle, Adhémar Schwitzguébel délégué de la Section du district de Courtelary, l'horloger Alcide Gorgé délégué de la Section de Moutier. La Section de Lausanne avait délégué le corroyeur Jaillet. Sur mon initiative, il venait de se reconstituer une Section à Neuchâtel ; mais je n'acceptai pas d'aller la représenter au Congrès : il m'eût été trop difficile de m'absenter, à cause de mes occupations à l'imprimerie ; en outre, ma santé était ébranlée ; j'avais donc résolu de ne pas me rendre à Bâle.

Le dimanche 5 septembre, jour de l'ouverture du Congrès, je vis arriver à Neuchâtel un jeune Français, l'ex-abbé Martinaud, auteur d'une brochure qui avait fait quelque bruit l'année précédente, la Lettre d'un jeune prêtre athée et matérialiste à son évêque, le lendemain de son ordination[20]. Je copie à ce sujet un passage de ma lettre du lendemain :


Je n'ai pas pu t'écrire hier, malgré mon envie : j'ai été occupé tout le jour à une aventure qu'il faut que je te raconte.

J'étais encore endormi quand on vient m'annoncer qu'un monsieur vêtu de noir me demande, et m'apporte une lettre d'un ami de Paris. Je lis cette lettre, et je vois que l'ami en question me recommande M. Martinaud, ex-prêtre catholique, qui a quitté la soutane parce qu'il a pris des convictions nouvelles, qui a publié une brochure contre le catholicisme, et qui a été condamné pour cela à deux ans de prison. Je connaissais bien cette histoire pour l'avoir lue il y a quelques mois dans les journaux. Je me hâte donc de m'habiller et d'aller recevoir M. Martinaud. Il a fait neuf mois de prison, et c'est l'amnistie du 15 août qui lui a permis de sortir de SaintePélagie ; il quitte la France, où le clergé le persécuterait, et vient chercher en Suisse des moyens d'existence. Il me demande des conseils. Nous déjeunons ensemble, puis nous passons la matinée à causer avec mon père qui, contre mon attente, a fait à M. Martinaud un très bon accueil. Enfin, sans te conter tous les détails, je te dirai que M. Martinaud a demandé s'il ne pourrait pas trouver du travail comme ouvrier compositeur chez nous ; il a autrefois commencé un apprentissage d'imprimerie. Nous lui avons répondu qu'il y gagnerait à peine sa vie, au moins en commençant. Malgré cela, il paraît résolu à essayer, et nous lui avons dit qu'il y avait de l'ouvrage à son service.

Il a dîné avec nous ; mes sœurs et frères, ma mère, tout le monde le trouve très comme il faut ; sa sincérité et son courage nous ont vivement intéressés à lui. J'avais promis à David Perret d'aller chez lui l'après-midi ; j'y suis allé avec M. Martinaud et Charlet[21] ; enfin, nous sommes tous revenus goûter à la maison, et nous avons passé la soirée ensemble. Martinaud s'est logé à l'hôtel, et il viendra cet après-midi essayer son métier. (Lettre du 6 septembre 1869.)


Le mardi 7 septembre, je reçus de Bâle des télégrammes pressants, qui m'adjuraient de me rendre au Congrès, en acceptant le mandat que m'offrait la Section des graveurs du Locle. Je ne me crus pas le droit de ne pas répondre à l'appel de mes amis, et je me décidai à partir. Outre le mandat des graveurs du Locle, j'avais encore à ma disposition celui de la Section de Neuchâtel. Me voyant faire mes préparatifs de voyage, Martinaud, qui à Paris s'était fait inscrire parmi les adhérents de l'Internationale, me témoigna l'intention de se rendre à Bâle aussi : je le fis agréer comme délégué par la Section de Neuchâtel à ma place, gardant pour moi le mandat des graveurs du Locle[22]. Nous partîmes ensemble. Dans le train, je trouvai Charles Longuet, que je connaissais depuis 1867, et qui se rendait à Bâle non comme délégué, mais comme journaliste : il fit route avec nous.

Dans cette même lettre du 6 septembre dont je viens de reproduire le commencement, je faisais part en ces termes d'une nouvelle que je venais de recevoir :


Il paraît que le père Meuron quitte le Locle[23] mais non pas pour venir à Neuchâtel comme je l'espérais : il dit qu'il veut aller finir ses jours dans sa commune, à Saint-Sulpice, au fond du Val de Travers. C'est une résolution qui m'attriste, et un vrai crève-cœur pour moi de ne pas pouvoir offrir au père Meuron quelque occupation facile à Neuchâtel ; je voudrais pouvoir lui rendre une partie de ce qu'il a fait pour moi, lorsque j'étais au Locle si isolé et qu'il remplaçait pour moi ma famille.



  1. Dans le canton de Genève, le Conseil d'État (pouvoir exécutif) est élu directement par le peuple.
  2. Perron avait sacrifié à la création de l’Égalité non seulement son temps, mais le peu d'argent qu'il avait ; il se trouvait maintenant « en face de dettes et de patrons bijoutiers qui lui refusaient de l'ouvrage. » (lettre citée par Nettlau, note 1942) ; sa situation économique était des plus critiques ; il résolut alors de faire un effort pour se créer une clientèle à l'étranger, afin de s'assurer ainsi l'indépendance ; mais, pour réussir, il était nécessaire qu'il concentrât, pendant quelque temps, toutes ses facultés sur ce point. En outre, sa santé était ébranlée, et son médecin lui avait prescrit du repos et l'air de la montagne ; il se rendit à Soudine (Haute-Savoie), où il passa quelques semaines. L’Égalité du 3 juillet contient l'avis suivant : « Les membres du Conseil de rédaction de l’Égalité sont invités à se rencontrer sans faute, au Cercle, mercredi prochain 7 juillet, à huit heures et demie précises, pour pourvoir aux fonctions que M. Charles Perron remplit dans la rédaction et qu'une absence de deux mois le force d'abandonner provisoirement. Le président : Ch. Perron. »
  3. Il y a là une erreur. Ce qui sauvegardait les droits du Conseil de rédaction, ce n'était pas un article des statuts fédéraux, c'était le règlement même du journal, voté par le Congrès.
  4. Jacques Grosselin était un monteur de boîtes de montres, bel homme, vaniteux et ambitieux ; un certain talent de parole l’avait mis en évidence dans les solennités patriotiques, et lui avait fait acquérir, parmi les ouvriers de la fabrique, une popularité dont il sut profiter pour poser sa candidature à un fauteuil de membre du gouvernement genevois.
  5. Le crédit, l’instruction, et les sociétés corporatives.
  6. Mémoire de La Fédération jurassienne, p. 72.
  7. Dans une lettre à Carlo Gambuzzi, à Naples, non datée, mais qui est certainement des derniers jours d'août 1869, Bakounine dit : « Mes affaires s'arrangent fort bien. Je viens de recevoir la commande d'une traduction d'un livre de vingt feuilles, à cent cinquante francs la feuille ; en outre une correspondance politique assurée et bien payée, et de l'argent d'avance promis à la fin de septembre. Il me tarde de me retirer dans une solitude avec Antonie, ce que je ferai certainement après le Congrès de Bâle, à la fin de septembre ; car il me faudra deux semaines à peu près pour mettre en ordre toutes mes affaires publiques et privées ; après quoi, au moins un an de silencieuse, studieuse et lucrative retraite ; ce qui ne m'empêchera pas de m'occuper des affaires les plus intimes, au contraire. » (Lettre citée par Nettlau.) Le livre dont il est question n'est certainement pas Das Kapital, qui forme un volume de quarante-neuf feuilles ; ce projet de traduction est donc différent de celui dont l'exécution, comme on le verra (au chapitre XIV), fut commencée à Locarno.
  8. Paul Robin, professeur français établi à Bruxelles, venait d'être expulsé de Belgique à cause de la part qu'il avait prise à la propagande de l'Internationale (l’Égalité du 7 août reproduit un article de l'Internationale de Bruxelles relatif à cette expulsion, et annonce un meeting de protestation qui eut lieu le 2 août dans la grande salle du Cygne, Grande-Place, à Bruxelles). Robin avait quitté Bruxelles le 26 juillet, accompagné à la gare par une délégation de tous les corps de métier ; il se rendit directement à Genève, où Bakounine lui donna provisoirement l'hospitalité. On lit dans une lettre de Bakounine à Ogaref, du 5 août 1869 (Correspondance publiée par Dragomanof, page 242 de la traduction française) : « Robin est venu chez moi avec une lettre de Herzen ; il m'a beaucoup plu. Comme j'avais une chambre vide, il est descendu à la maison. Sur la demande de Herzen et parce que moi-même j'ai le désir de le faire, je l'amènerai chez toi, demain peut-être, ou après-demain. » Robin devint aussitôt membre de la Section centrale de Genève, et collaborateur de l’Égalité. La Section de l'Alliance l'admit le 14 août, le lendemain de la réunion du comité où Bakounine avait parlé de lui.
  9. Bakounine paraît avoir ici présente à l'esprit l'objection que lui avaient faite les socialistes du Locle, lui expliquant, en février 1869, qu'un groupe de l'Alliance n'aurait chez eux aucune raison d'être à côté de la Section internationale.
  10. Extrait des pages 29-36 du manuscrit intitulé Rapport sur l'Alliance.
  11. Mémoire de la Fédération jurassienne, p. 73.
  12. Les Sociétés qui furent représentées par Henri Perret au Congrès de Bâle sont celles des monteurs de boîtes, des bijoutiers, des gainiers, des guillocheurs, des graveurs, des faiseurs de ressorts, et des faiseurs de pièces à musique. (Rapport présenté par H. Perret au Congrès de Bâle, dans le Compte-rendu officiel du Congrès, page 49. Ce rapport dit que « sauf une seule, les faiseurs de pièces à musique, ces sociétés font toutes partie du groupe des Sections de Genève et de la Fédération romande » ; donc la Société des faiseurs de pièces à musique n'appartenait pas à l'Internationale.)
  13. Égalité du 21 août 1869.
  14. Il semble, d'après le passage de l'Égalité qui vient d'être cité, que les trois délégués Brosset, Heng et Grosselin avaient été élus par toutes les Sections de Genève. Mais on ne comprend pas bien comment sept Sociétés de la fabrique ayant décidé de nommer un délégué spécial en la personne de H. Perret, ces mêmes Sociétés, ou du moins les six d'entre elles qui étaient des Sections de l'Internationale. auraient néanmoins participé ensuite à l'élection d'une délégation collective représentant toutes les Sections de Genève. Le Mémoire dit (page 95) : « Devant cette attitude de la fabrique, la séparation devint un fait accompli. Les ouvriers du bâtiment, réunis aux tailleurs et aux cordonniers, décidèrent d'envoyer de leur côté trois délégués, qui furent Heng, Brosset et Grosselin. En nommant ce dernier, les ouvriers du bâtiment, voulurent faire preuve d'un esprit de conciliation. » Ce point reste obscur pour moi, de savoir si les trois délégués Heng, Brosset et Grosselin représentèrent à Bâle l'ensemble des Sections internationales de Genève, ou seulement « les ouvriers du bâtiment, réunis aux tailleurs et aux cordonniers » ; les documents dont je dispose ne me permettent pas de l'élucider.
  15. Le rapport de la commission sur la question de l'héritage, présenté et adopté dans une assemblée générale dont la date n'est pas indiquée (probablement le samedi 21 août), a été publié dans l’Égalité du 28 août 1869.
  16. Le rapport de la commission sur la question de la propriété foncière, présenté et adopté dans l'assemblée générale du 28 août, a été publié dans l’Égalité du 4 septembre 1869.
  17. Cette singulière histoire est racontée en détail dans le Mémoire, page 76. — À Bâle, Grosselin, après avoir présenté au Congrès (séance du 8 septembre), le rapport administratif des Sections de Genève, dit que le Comité central genevois lui avait donné toute latitude pour traiter les questions de la propriété et de l'héritage comme il l'entendrait, contrairement à ce qui avait été fait pour ses deux collègues Brosset et Heng. Brosset protesta aussitôt : il dit que Grosselin avait reçu, tout comme Heng et comme lui-même, mandat impératif de voter en faveur de la propriété collective et de l'abolition de l'héritage, et que dix-sept Sections les avaient investis de ce mandat. (Compte-rendu officiel du Congrès, page 60.)
  18. Extrait des procès-verbaux de la Section de l'Alliance, analysés par Nettlau (page 316).
  19. La candidature de Bakounine à la délégation avait été posée à Genève, au scrutin des 21-23 août, mais il n'avait pas été élu. Un entrefilet de l’Égalité (11 septembre 1869) dit : « Bakounine, dans l'élection d'une délégation commune aux Sections qui font partie de la Fédération genevoise, venait, par le nombre des suffrages, immédiatement après les trois internationaux élus, et il est certain qu'il aurait passé des premiers si l'on n'avait pas su que sa présence à Bâle était déjà assurée ».
  20. Le Progrès publia dans ses n° 20 et 21 (2 et 16 octobre 1869) cette Lettre, dont Martinaud, qui n'en possédait plus d'exemplaire, avait reconstitué le texte de mémoire.
  21. Mon plus jeune frère.
  22. Dans la liste des délégués au Congrès de Bâle (Compte-rendu du Congrès, page XV), mon nom et celui de Martinaud sont mentionnés de la façon suivante :
    « James Guillaume, professeur, délégué de la Section du Locle et de la Société des graveurs (à Neuchâtel).
    » Martinaud, typographe, délégué de la Section de Neuchâtel (chez M. Guillaume, au Mail, près de Neuchâtel). »
    La mention qui me concerne est inexacte : il aurait fallu dire « délégué de la Section des graveurs du Locle » ; je n'étais pas délégué de la « Section du Locle », qui était représentée par François Floquet, ainsi que le constate la liste, où on lit (même page) :
    « Floquet, monteur de boîtes, délégué de la Section centrale du Locle (rue du Collège, au Locle, canton de Neuchâtel). »
    La liste des délégués renferme plusieurs inexactitudes ; par exemple, Schwitzguébel est qualifié de « délégué des Sections du district de Courtelary » : or il n'y avait dans le district de Courtelary qu'une Section unique.
  23. Le propriétaire de l'atelier de monteurs de boîtes où Constant Meuron était comptable (c'était le beau-père du pasteur Comtesse) venait de le remercier, parce qu'il le trouvait trop vieux, lui avait-il dit ; en réalité, parce qu'on voulait se débarrasser d'un homme jugé dangereux. Il ne resta d'autre ressource au condamné de 1831 que les secours légaux qu'il était en droit de réclamer de sa commune d'origine à la condition d'aller y résider, et une petite pension qu'il obtint d'une caisse de famille connue sous le nom de « fonds Meuron », et dont le lieutenant-colonel H.-F. de Meuron, l'un des chefs de l'insurrection royaliste du 3 septembre 1856, était l'administrateur.