Traduction par Albert Montémont.
Ménard (Tome 15p. 175-190).


CHAPITRE XV.

LE MESSAGE.


Valets grossiers et impolis ! quoi ! nul soin, nulle attention, nul sentiment du devoir ! Où est le coquin que j’ai envoyé d’abord ?
Shakspeare. La méchante Femme mise à la raison.


Il n’y a pas de moment où les hommes paraissent plus laids aux yeux les uns des autres, et se sentent plus mal à leur aise que lorsque les premiers rayons du jour les surprennent à veiller. Une beauté du premier ordre elle-même, après un bal auquel le soleil levant est venu mettre fin, ferait sagement de se soustraire aux regards de ses admirateurs les plus ardents et les plus dévoués. Telle était la lumière triste et défavorable qui commençait à éclairer ceux qui avaient veillé toute la nuit dans l’antichambre de Say’s-Court, et qui mêlait sa clarté pâle et bleuâtre à la lueur rouge, jaune et fumeuse des torches et des lampes expirantes. Le jeune élégant dont nous avons parlé dans notre dernier chapitre avait quitté la salle depuis quelques minutes pour aller reconnaître la cause de plusieurs coups de marteau qu’il avait entendus à la porte du château. Comme il rentrait, il fut si frappé de l’air abattu et défait de ses compagnons de veille, qu’il s’écria : « Dieu ! mes maîtres, que vous ressemblez à des hiboux ! il me semble qu’au lever du soleil je vous verrai vous enfuir, les yeux éblouis, pour aller vous cacher dans quelque buisson, ou dans quelque clocher ruiné.

— Tais-toi, maudit fou, dit Blount, tais-toi, pour Dieu ! Est-ce le moment de plaisanter lorsque l’honneur de l’Angleterre rend peut-être le dernier soupir dans la pièce voisine ?

— Tu mens, répondit le jeune élégant.

— Comment ! » s’écria Blount en se levant, « je mens, et c’est à moi que tu oses le dire !

— Oui, tu as menti, damné bourru, répliqua le jeune homme ; tu as menti sur ce banc où tu es assis. Mais n’es-tu pas fou de t’emporter ainsi pour un mot de travers ? J’aime et j’honore milord aussi sincèrement que toi, et qu’aucun autre ; pourtant je soutiens que si le ciel nous l’enlevait, tout l’honneur de l’Angleterre ne périrait pas avec lui.

— Sans doute, répondit Blount, une bonne part en survivrait avec toi, n’est-ce pas ?

— Et avec toi aussi, Blount, et avec ce brave Markham que voici, et avec Tracy, et avec nous tous. Mais c’est moi qui ferai le mieux valoir le talent que le ciel nous a donné à tous.

— Et comment, je te prie ? dit Blount : explique-nous ce mystère de multiplication.

— Vous, monsieur, reprit le jeune homme, vous êtes comme la bonne terre qui ne produit pas de moissons, parce qu’elle n’est pas fécondée par l’engrais ; mais moi, je me sens une ardeur vivifiante qui empêchera mes faibles facultés de sommeiller. Mon ambition stimulera puissamment mon esprit, je vous en réponds.

— Je prie Dieu qu’elle ne te rende pas fou, dit Blount ; pour ma part, si nous perdons notre noble seigneur, je dis adieu à la cour et aux camps. J’ai cinq cents acres de terre dans le Norfolk ; là j’échangerai mes pantoufles de cour pour de gros souliers ferrés de paysan.

— Ô la vile métamorphose ! s’écria son antagoniste : tu as déjà toute la tournure d’un franc rustre ; tes épaules sont courbées comme si tes mains maniaient la charrue, et tu répands autour de toi une odeur de terre, au lieu d’être parfumé d’essences comme il appartient à un galant courtisan. Sur mon âme, il faut que tu te sois roulé sur un tas de foin. Ta seule excuse sera de jurer sur la garde de ton épée que le fermier avait une jolie fille.

— Je t’en prie, Walter, dit une autre personne de la compagnie, cesse tes plaisanteries, qui ne conviennent ni au lieu, ni à la circonstance. Dis-nous plutôt qui frappait tout à l’heure à la porte.

— Le docteur Masters, médecin ordinaire de Sa Majesté, qui venait, par ordre exprès de la reine, s’informer de la santé du comte.

— Bah ! quoi ! comment ! s’écria Tracy ; ce n’est pas une petite marque de faveur. Si le comte en revient, il pourra encore marcher de front avec Leicester. Masters est-il en ce moment avec milord ?

— Non, répondit Walter, il est à présent à moitié chemin de Greenwich, et de fort mauvaise humeur.

— Tu ne lui as pas refusé la porte ? s’écria Tracy.

— Sans doute tu n’auras pas fait une pareille folie ? dit Blount.

— Je lui ai refusé l’entrée aussi net, Blount, que tu refuserais un sou à un pauvre aveugle ; aussi obstinément que toi, Tracy, tu refuserais la porte à un créancier.

— Pourquoi diable l’as-tu laissé aller à la porte ? dit Blount à Tracy.

— Cela convenait à son âge plutôt qu’au mien, répondit Tracy ; mais il nous a perdus sans ressource. Que milord vive ou meure, il n’obtiendra plus un regard favorable de la reine.

— Ni les moyens de faire la fortune de ses adhérents, dit le jeune homme avec dédain ; c’est là le plus triste de l’affaire, ce qu’il y a de plus dur à digérer. Mes bons messieurs, j’ai fait sonner mes lamentations sur milord un peu moins haut que plusieurs de vous ; mais quand l’occasion de le servir se présentera, je ne le céderai à personne. Si ce savant docteur fût entré, pensez-vous qu’il n’y eût pas eu entre le médecin de Tressilian et lui un bruit à éveiller non seulement le malade, mais un mort même ? Je sais quel vacarme font les disputes de docteurs.

— Et qui prendra sur lui le tort de s’être opposé aux ordres de la reine ? dit Tracy ; car, incontestablement, le docteur Masters venait avec l’ordre positif de Sa Majesté de soigner le comte.

— J’ai fait la faute, j’en supporterai le blâme, dit Walter.

— Alors, en dépit de tes talents si vantés et de ton ambition, au diable les rêves de faveur que tu as nourris ! dit Blount. Le Devonshire te verra comme un vrai cadet de famille, fait pour s’asseoir au bas bout de la table, découper tour à tour avec le chapelain, veiller à ce que les chiens aient à manger, et serrer les sangles du cheval de l’écuyer quand il ira à la chasse.

— Non pas, » dit le jeune homme en rougissant, « non pas tant qu’il y aura des guerres en Irlande et dans les Pays-Bas, tant que la mer aura des vagues à braver. Le riche Occident a encore des terres inconnues, et l’Angleterre ne manque pas de cœurs assez hardis pour s’aventurer à leur découverte. Adieu pour un moment, mes amis ; je vais faire un tour dans la cour, pour visiter les sentinelles.

— Ce garçon-là a du vif-argent dans les veines, c’est indubitable, » dit Blount en se tournant vers Markham.

« Il en a dans le sang et dans la tête, répliqua Markham, assez pour s’élever bien haut ou se perdre. Mais en fermant la porte à Masters il a fait preuve de hardiesse et de grand attachement ; car le compagnon de Tressilian a toujours assuré qu’éveiller le comte ce serait lui donner la mort ; et Masters éveillerait les Sept-Dormants s’il croyait qu’ils ne dormissent pas en vertu d’une ordonnance en forme de la médecine. »

La matinée était déjà fort avancée lorsque Tressilian, fatigué d’avoir passé la nuit, descendit dans l’antichambre apportant la joyeuse nouvelle que le comte s’était éveillé de lui-même, qu’il trouvait ses douleurs internes beaucoup adoucies, et parlait avec une gaîté et regardait autour de lui avec une vivacité qui annonçaient qu’un changement positif et favorable s’était opéré en lui. Tressilian commanda en même temps que deux ou trois personnes de la suite du comte vinssent avec lui pour lui rendre compte de ce qui s’était passé pendant la nuit, et relever ceux qui avaient veillé dans sa chambre.

Quand le message de la reine fut communiqué au comte de Sussex, il sourit d’abord de l’accueil que le médecin avait reçu de son jeune et zélé partisan. Mais faisant sur-le-champ un retour sur lui-même, il ordonna à Blount, son écuyer, de prendre à l’instant un bateau et de descendre jusqu’au palais de Greenwich, en prenant avec lui le jeune Walter et Tracy, pour aller présenter ses respectueux hommages à la reine, lui exprimer sa profonde reconnaissance, et lui faire connaître la cause pour laquelle il n’avait pas pu profiter de l’assistance du savant docteur Masters.

« Peste soit de la commission ! » dit Blount en descendant l’escalier ; « s’il m’eût envoyé avec un cartel pour Leicester, je me fusse acquitté passablement bien d’un pareil message ; mais aller trouver notre gracieuse souveraine, près de laquelle il ne faut user que de paroles dorées ou sucrées, c’est une besogne à me faire perdre ma pauvre vieille cervelle. Viens avec moi, Tracy, et toi aussi, maître Walter Bel-Esprit, toi qui es cause de tout ce mouvement. Voyons si ton cerveau, dont jaillissent tant de brillants éclairs, pourrait aider un pauvre diable qui a besoin de quelques-unes de tes subtilités.

— Ne craignez rien, ne craignez rien ! s’écria le jeune homme, je saurai vous tirer d’embarras ; laissez-moi seulement aller chercher mon manteau.

— Mais ne l’as-tu pas sur tes épaules, dit Blount ; ce garçon-là a perdu la tête.

— Eh non ! c’est le vieux manteau de Tracy ; je n’irai avec toi à la cour que comme un gentilhomme doit s’y montrer.

— Va, dit Blount, tes beaux habits éblouiront tout au plus les yeux du portier ou de quelque autre pauvre valet.

— C’est bon, dit Walter ; mais je n’en suis pas moins décidé à mettre mon manteau et à donner un coup de brosse à mon pourpoint avant de partir avec vous.

— Dieu ! que d’embarras pour un manteau et un pourpoint ! dit Blount : dépêche-toi, au nom du ciel ! »

Ils voguèrent bientôt sur l’onde majestueuse de la Tamise que le soleil dorait alors de toutes ses splendeurs.

« Il y a deux choses sans pareilles au monde, dit Walter à Blount : le soleil dans le ciel, et la Tamise sur la terre.

— L’un nous éclairera bien assez jusqu’à Greenwich, l’autre nous y mènerait plus vite si la marée voulait descendre, dit Blount.

— Et c’est là tout ce que tu penses, tout ce dont tu t’inquiètes ! tu ne vois d’autre utilité au roi des éléments et à la reine des rivières que de guider trois pauvres diables comme toi, Tracy et moi, dans un ennuyeux voyage menant à une visite de cérémonie à la cour.

— Ce n’est pas un message que j’aie recherché, par ma foi, dit Blount, et j’épargnerais volontiers au soleil et à la Tamise l’embarras de me conduire où je n’ai pas grande envie d’aller, et où je m’attends, pour ma peine, à un fort mauvais accueil. Mais, sur mon honneur, » ajouta-t-il en mettant la tête hors du bateau, « il me semble que nous avons fait une course inutile, car la barque de la reine est au pied de l’escalier, comme si Sa Majesté allait faire une promenade sur l’eau. »

C’était la vérité. La barque au-dessus de laquelle flottait le pavillon anglais, et équipée de matelots portant la livrée royale, était en effet amarrée au bas de l’escalier qui conduisait de la rivière à Greenwich, et à côté d’elle étaient deux ou trois autres bateaux destinés à transporter les personnages de la suite de Sa Majesté qui n’étaient pas immédiatement attachées à sa personne. Les yeomen de la garde, les plus grands et les plus beaux hommes de l’Angleterre, formaient une haie avec leurs hallebardes depuis la porte du palais jusqu’à la rivière, et tout semblait prêt pour la sortie de la reine, quoiqu’il fût encore de très bonne heure.

« Par ma foi, ceci ne nous présage rien de bon, dit Blount ; il faut qu’il y ait quelque circonstance extraordinaire pour que Sa Majesté se mette en mouvement de si grand matin. Selon moi, le mieux est de nous en retourner et de dire au comte ce que nous avons vu.

— Dire au comte ce que nous avons vu ! s’écria Walter ; nous n’avons rien vu qu’un bateau et des hommes en habits rouges, la hallebarde à la main. Remplissons le message du comte, et nous lui dirons ce que la reine nous aura répondu. »

À ces mots il fit approcher le bateau de la rive à quelque distance de l’escalier, dont il n’eût pas été respectueux de s’approcher en ce moment, et sauta à terre, suivi, quoiqu’à regret, de Blount, son méticuleux compagnon. Comme ils avançaient vers la porte du palais, un des huissiers leur dit qu’ils ne pouvaient pas entrer, parce que Sa Majesté allait sortir. Ils prononcèrent le nom du comte de Sussex ; mais il n’eut aucune vertu pour fléchir ce personnage, qui leur répliqua que ce serait risquer son emploi que de désobéir le moins du monde aux ordres qu’il avait reçus.

« Ne te l’avais-je pas dit ? s’écria Blount. Allons, mon cher Walter, reprenons notre barque, et allons-nous-en.

— Non pas avant que j’aie vu sortir la reine, » répliqua le jeune homme avec fermeté.

« Tu es fou, tout-à-fait fou, par la messe ! répondit Blount.

— Et toi, dit Walter, te voilà devenu tout-à-coup un poltron. Je t’ai vu tenir tête à une dizaine de kernes irlandais[1], et t’en tirer avec honneur, et maintenant tu clignoterais, tu reculerais pour éviter le regard courroucé d’une belle dame. »

En ce moment les portes s’ouvrirent, et les huissiers commencèrent à défiler en ordre, précédés et suivis de la troupe des gentilshommes pensionnaires[2]. Après eux, au milieu d’une foule de seigneurs et de dames, disposés cependant de façon qu’elle pût être vue de tous les côtés, venait Élisabeth elle-même, alors dans la force de l’âge et brillante de tout l’éclat de ce qu’on peut appeler beauté dans une reine ; en effet, même dans la classe la plus obscure, on eût trouvé sa taille noble et sa physionomie remarquable et imposante. Elle s’appuyait sur le bras de lord Hunsdon, à qui sa parenté avec la reine du côté de sa mère procurait souvent une marque d’intimité assez prononcée de la part d’Élisabeth.

Le jeune cavalier que nous avons nommé si souvent n’avait probablement jamais approché de si près la personne de sa souveraine, et il s’avança jusqu’à la dernière ligne des gardes pour profiter de cette occasion de la voir. Son compagnon, au contraire, maudissant son imprudence, ne cessait de le tirer par derrière ; mais Walter se débarrassa de ses mains, et par une secousse brusque, qui fit tomber son manteau de l’une de ses épaules, il fit ressortir sa belle taille avec plus d’avantage. Ôtant en même temps son bonnet, il fixa ses regards avides sur la reine, avec un mélange de curiosité respectueuse et d’admiration ardente quoique modeste : cette attitude convenait si bien à sa charmante figure, que les gardes, frappés de ses riches vêtements et de sa noble tournure, le laissèrent approcher de l’endroit par où la reine devait passer, un peu plus près qu’il n’était permis aux simples spectateurs. De cette façon, le jeune téméraire se trouva exposé en plein aux regards d’Élisabeth, dont l’œil n’était jamais indifférent à l’admiration qu’elle excitait à juste titre parmi ses sujets, ni aux avantages extérieurs qu’elle remarquait dans quelqu’un de ses courtisans. Aussi, comme elle approchait de l’endroit où était Walter, elle arrêta son œil perçant sur ce jeune homme ; elle le regardait même d’un air où la surprise que lui causait sa hardiesse n’était mêlée d’aucun déplaisir, lorsqu’un incident de peu d’importance appela plus particulièrement son attention sur lui. La nuit avait été pluvieuse, et précisément à la place où était Walter un peu de boue gênait le passage de la reine. Comme elle hésitait à avancer, le galant chevalier, détachant son manteau de ses épaules, l’étendit sur l’endroit fangeux, afin que la reine pût y passer à pied sec. Élisabeth regarda le jeune homme, qui accompagna cet acte de courtoisie exquise d’un profond salut, en même temps qu’une vive rougeur se répandait sur toute sa figure. La reine confuse rougit à son tour, lui fit un signe de tête, passa rapidement, et monta dans sa barque sans dire un mot.

« Allons, monsieur le fat, dit Blount, votre manteau aura besoin d’un bon coup de brosse aujourd’hui. Par ma foi, puisque vous aviez l’intention d’en faire un tapis de pied, il eût mieux valu garder le manteau de bure de Tracy ; celui-là du moins ne craint pas les taches.

— Ce manteau, » dit Walter en le ramassant et le pliant, « ne sera jamais brossé, tant qu’il sera en ma possession.

— Et il ne durera pas long-temps si vous ne le ménagez pas davantage. Nous vous verrons bientôt en cuerpo[3], comme disent les Espagnols. »

Leur conversation fut interrompue par l’arrivée d’un des gentilshommes pensionnaires.

« Je suis envoyé, » dit-il après avoir regardé attentivement, « pour chercher un gentleman qui n’a pas de manteau, ou qui a crotté le sien. C’est vous, je crois, » dit-il en s’adressant à Walter ; « ayez la bonté de me suivre.

— Il est à ma suite, dit Blount ; et je suis l’écuyer du noble comte de Sussex.

— Je n’ai rien à dire à cela, répondit le messager ; mes ordres viennent directement de Sa Majesté et ne concernent que monsieur. »

À ces mots, il s’éloigna suivi de Walter, laissant Blount les yeux presque hors de la tête, tant était grand son étonnement. À la fin il laissa échapper cette exclamation : « Qui diable aurait imaginé cela ! » Et, hochant la tête d’un air mystérieux, il se dirigea vers son bateau, s’embarqua, et retourna à Deptford.

Cependant le jeune Walter s’avançait vers le rivage, guidé par le pensionnaire qui lui témoignait un grand respect, circonstance qui, en pareil cas, peut être considérée comme d’un excellent augure. Il le fit monter dans une des petites barques destinées à suivre celle de la reine, qui remontait déjà le fleuve à la faveur de la marée dont Blount s’était plaint si vivement à ses compagnons quand ils le descendaient.

Les deux rameurs, d’après l’ordre du gentilhomme pensionnaire, menèrent leur barque avec une telle diligence qu’elle eut bientôt atteint la poupe du canot de la reine, où elle était assise sur un tendelet, entourée de deux ou trois dames et de quelques-uns des officiers de sa maison. Elle arrêta ses yeux plus d’une fois sur l’esquif où était le jeune aventurier, parla à ceux qui étaient près d’elle, et même sembla rire. À la fin un de ses gens, sans doute par l’ordre de Sa Majesté, fit signe de faire approcher le bateau, et dit au jeune homme qu’il voulût bien passer dans la barque de la reine, ce que celui-ci fit avec autant de grâce que d’agilité en sautant à l’avant. Alors il fut conduit en présence de la reine, tandis que le bateau qui l’avait amené allait se placer à l’arrière. Walter soutint le regard de sa souveraine avec d’autant plus de grâce que son assurance était mêlée d’un peu d’embarras. Il portait encore sur son bras son manteau souillé, ce qui fournit à la reine une occasion toute naturelle d’entrer en conversation.

« Vous avez gâté aujourd’hui un joli manteau pour nous, jeune homme ; nous vous remercions du service que vous nous avez rendu, quoiqu’il y eût quelque chose d’inusité et même de hardi dans la manière de l’offrir.

— Quand notre souverain a besoin de nous, répondit le jeune homme, c’est le devoir de tout sujet d’être hardi.

— Mon Dieu ! ceci est bien répondu, milord, » dit la reine en se tournant vers un grave personnage qui était assis auprès d’elle, et qui répondit en baissant la tête, et en murmurant quelques mots d’approbation, « Bien, jeune homme ; ta galanterie ne restera pas sans récompense. Va trouver notre maître de la garde-robe, et il aura l’ordre de remplacer le vêtement que tu as gâté pour notre service. Tu auras un habillement complet et des plus à la mode, je te le promets, foi de princesse.

— Avec la permission de Votre Grâce, » dit Walter en hésitant, « il n’appartient pas à un humble serviteur de Votre Majesté de peser vos bontés ; mais s’il m’était permis de choisir…

— Tu aimerais mieux de l’or, je gage, » dit la reine en l’interrompant. « Fi ! jeune homme ! Je suis honteuse de le dire, dans notre capitale il y a tant de moyens de faire de folles dépenses, que donner de l’or aux jeunes gens, c’est jeter de l’huile sur le feu et leur fournir les moyens de se perdre. Si ma vie et mon règne se prolongent, je couperai court à ces désordres antichrétiens. Cependant, tu es peut-être pauvre, ou tes parens peuvent l’être… Tu auras de l’or, si c’est cela que tu veux, mais tu me rendras compte de l’usage que tu en feras. »

Walter attendit que la reine eût fini, et alors, d’un air modeste, il l’assura qu’il désirait encore moins de l’or que l’habillement que Sa Majesté lui avait offert.

« Comment, jeune homme ! dit la reine, ni or, ni habit ! Que veux-tu donc de moi ?

— La seule permission, madame, si ce n’est pas demander un trop grand honneur, de porter le manteau qui vous a rendu ce léger service.

— La permission de porter ton manteau, jeune fou ! dit la reine.

— Il ne m’appartient plus, dit Walter ; depuis que le pied de Votre Majesté l’a touché, il est devenu digne d’un prince, et beaucoup trop riche pour son possesseur primitif. »

La reine rougit de nouveau, et tâcha de dissimuler en riant une légère émotion de surprise et de confusion qui ne lui était pas désagréable.

« Avez-vous jamais rien entendu de pareil, milord ? La lecture des romans a tourné la tête à ce jeune homme… Il faut que je sache qui il est, pour le renvoyer sous bonne escorte à ses parents… Qui es-tu ?

— Un gentilhomme de la maison du comte de Sussex, sous votre bon plaisir, envoyé ici avec son écuyer pour porter un message à Votre Majesté. »

En ce moment l’expression gracieuse qui avait jusqu’alors régné sur la figure d’Élisabeth, fit place à un air de hauteur et de sévérité.

« Milord Sussex, dit-elle, nous a enseigné le cas que nous devons faire de ses messages, par le prix qu’il attache aux nôtres. Ce matin même, à une heure qui n’avait rien d’ordinaire, nous lui avons envoyé le médecin de notre chambre, parce que nous avions appris que Sa Seigneurie était plus dangereusement malade que nous ne l’avions craint d’abord. Il n’est aucune cour d’Europe où il y ait un homme plus savant en son art, plus utile, plus respectable que le docteur Masters, et il se présentait de notre part chez un de nos sujets. Cependant il a trouvé la porte de Say’s-Court défendue par des hommes armés de mousquets, comme si c’eût été sur la frontière d’Écosse et non dans le voisinage de notre cour ; et quand il a demandé en notre nom qu’on le laissât entrer, on le lui a obstinément refusé. Nous ne recevrons, du moins quant à présent, aucune excuse pour le mépris avec lequel on a accueilli cette marque d’excessive condescendance, et nous supposons que le motif du message de lord Sussex était de nous en offrir. »

Ces mots furent dits d’un ton et avec des gestes qui firent trembler ceux des amis de Sussex qui étaient à portée de les entendre. Mais celui à qui ils étaient adressés n’en fut point épouvanté : et aussitôt que la colère de la reine lui parut un peu calmée, il répliqua avec autant de déférence que d’humilité : « Sous le bon plaisir de Votre Majesté, je ne suis chargé d’aucune excuse de la part du comte de Sussex.

— Et de quoi êtes-vous donc chargé, monsieur ? » s’écria la reine avec cette impétuosité qui, au milieu de qualités plus nobles, était un des traits distinctifs de son caractère ; « était-ce de le justifier, ou, mort de mon Dieu ! de me braver ?

— Madame, dit le jeune homme, milord Sussex a reconnu toute la gravité de cette offense, et n’a songé qu’à s’assurer du coupable pour le remettre aux mains de Votre Majesté et l’abandonner à sa merci. Le noble comte, par suite d’une potion que son médecin lui avait administrée, était profondément endormi quand votre gracieux message est arrivé, et Sa Seigneurie n’a appris l’accueil fait à ce royal et consolant message que ce matin après son réveil.

— Et lequel de ses domestiques, au nom du ciel ! a osé repousser mon message, sans même admettre mon médecin en présence de son maître, auquel je l’envoyais donner des soins ? » dit la reine surprise au dernier point.

« Le coupable est devant vous, madame, dit Walter en s’inclinant profondément ; « c’est sur moi, sur moi seul que doit tomber tout le blâme ; et c’est avec raison que milord m’a envoyé pour subir les conséquences d’une faute dont il est aussi innocent que les rêves d’un homme endormi peuvent l’être des actions d’un homme éveillé.

— Quoi ! c’est toi, toi-même qui as refusé la porte de Say’s-Court à mon messager et à mon médecin ? dit la reine. Qui a pu inspirer tant d’audace à un jeune homme qui semble devoir… c’est-à-dire dont les manières annoncent tant de dévouement à sa souveraine ?

— Madame, » dit le jeune homme, qui, malgré l’air de sévérité de la reine, croyait lire sur son visage quelque chose qui ne ressemblait pas à de l’inflexibilité, « nous disons dans notre pays que le médecin est temporairement le souverain absolu de son malade. Hé bien ! mon noble maître était alors soumis à l’empire d’un médecin dont les avis lui ont grandement profité, et qui avait ordonné qu’on n’interrompît pas le sommeil du malade si l’on ne voulait mettre sa vie en danger.

— Ton maître se sera livré à quelque misérable empirique ! dit la reine.

— Je ne sais, madame ; mais le fait est que ce matin il s’est éveillé frais et vigoureux du seul sommeil qu’il ait goûté depuis longtemps. »

Les courtisans se regardaient l’un l’autre, bien plus pour voir ce que chacun pensait de ces nouvelles que pour se communiquer aucune observation sur ce qui était arrivé. « Par ma foi, je suis charmée qu’il soit mieux ; mais tu as été bien hardi de refuser la porte à mon médecin Masters. Ne sais-tu pas que la sainte Bible dit : Dans la multitude des conseils gît le salut.

— Oui, madame ; mais j’ai entendu dire à des savants que c’est du salut des médecins et non de celui du malade qu’il est question.

— Par ma foi, enfant, je n’ai plus rien à dire, » reprit la reine en riant ; « car ma science en hébreu se trouve en défaut. Qu’en dit milord Lincoln ? le texte a-t-il été convenablement interprété.

— Le mot salut, très gracieuse princesse, dit l’évêque de Lincoln, a été peut-être adopté avec un peu de légèreté, le mot hébreu étant…

— Milord, » dit la reine en l’interrompant, « nous venons de vous dire que nous avons oublié notre hébreu. Mais toi, jeune homme, dis-nous quel est ton nom et ta naissance.

— Raleigh est mon nom, très gracieuse princesse ; je suis le plus jeune enfant d’une nombreuse mais honorable famille du Devonshire.

— Raleigh ! » dit Élisabeth après un moment de réflexion, « n’avons-nous pas entendu parler de vos services en Irlande ?

— J’ai été assez heureux, madame, pour servir en ce pays ; mais je n’y ai rien fait qui méritât d’arriver aux oreilles de Votre Majesté.

— Elles entendent plus de choses que vous ne croyez, » dit la reine avec beaucoup de grâce, « et elles ont entendu parler d’un jeune homme qui, dans le Shannon, défendit un gué contre une troupe d’Irlandais révoltés, et qui rougit les eaux du fleuve de leur sang et du sien.

— Il est possible que j’aie perdu un peu de sang, » dit le jeune homme en baissant les yeux, « mais je devais tout sacrifier dans cette circonstance, puisque c’était pour le service de Votre Majesté. »

La reine, après un moment de silence, reprit vivement : « Vous êtes bien jeune pour avoir si bien combattu et pour parler si bien ; mais vous ne devez pas échapper à votre punition pour avoir forcé Masters à rebrousser chemin. Le pauvre homme a pris du froid sur la Tamise ; car notre ordre lui est parvenu au moment où il revenait de faire quelques visites à Londres, et il s’est fait un devoir et une affaire de conscience de se remettre en route sur-le-champ. Ainsi donc, écoute bien, maître Raleigh, ne manque pas de porter ton manteau crotté en signe de pénitence, jusqu’à ce que nous en ordonnions autrement. Et voici, » ajouta-t-elle en lui donnant un bijou d’or en forme de pion d’échecs, « ce que je te donne pour le porter à ton cou. »

Walter Raleigh, qui tenait en quelque sorte de la nature ces manières de cour que tant de gens ont peine à acquérir après une longue expérience, s’agenouilla, et en prenant le bijou de la main de la reine, baisa les doigts qui le lui présentaient. Il savait peut-être mieux qu’aucun des courtisans qui l’entouraient jusqu’à quel point il convenait de mêler le respect dû à la reine à la galanterie due à la beauté de sa personne ; et dans ce premier essai pour les concilier, il réussit si bien qu’il satisfit en même temps la vanité d’Élisabeth et son amour de la domination.

Le comte de Sussex recueillit aussi le fruit de la satisfaction que Raleigh avait causée à la reine dans cette première entrevue.

« Milords et mesdames, » dit Élisabeth en s’adressant aux personnes de sa suite, « il me semble que, puisque nous sommes sur la Tamise, nous ferions bien de renoncer à notre projet d’aller à Londres, et de surprendre ce pauvre comte de Sussex en lui faisant une visite. Il est malade, souffrant sans doute de la crainte d’avoir encouru notre déplaisir, auquel il vient d’échapper honorablement par le franc aveu de ce jeune audacieux. Qu’en pensez-vous ? ne serait-ce pas un acte de charité de lui porter des consolations telles que les remercîments d’une reine qui lui doit beaucoup pour ses loyaux services ? »

On pense bien qu’aucun de ceux à qui ces paroles étaient adressées ne s’avisa de s’opposer à son dessein.

« Votre Majesté, dit l’évêque de Lincoln, est le souffle de nos narines. »

Les hommes de guerre affirmaient que la présence de la souveraine était la pierre qui donnait le fil au glaive du soldat. Les hommes d’état, de leur côté, déclaraient que l’aspect lumineux de la reine était une lampe qui guidait ses conseillers ; et les dames convinrent unanimement qu’aucun seigneur d’Angleterre ne méritait autant l’estime de sa royale personne que le comte de Sussex ; sans préjudice des droits du comte de Leicester, ajoutèrent quelques-unes des plus politiques ; exception à laquelle Élisabeth ne fit en apparence aucune attention.

L’ordre fut donc donné de débarquer la royale personne de Sa Majesté à Deptford, l’endroit le plus proche de Say’s-Court, et le plus commode pour y arriver, afin que la reine pût satisfaire sa sollicitude royale et maternelle, en s’informant directement de la santé du comte de Sussex.

Raleigh, dont l’esprit pénétrant prévoyait vivement les conséquences des événements les plus frivoles, se hâta de demander à la reine la permission de passer dans un esquif et d’aller annoncer la royale visite à son maître, insinuant ingénieusement que cette agréable surprise pourrait avoir un effet fâcheux sur sa santé, puisque le cordial le plus puissant et le plus salutaire pouvait quelquefois être fatal à ceux qui avaient été trop long-temps dans un état de langueur.

Mais soit que la reine trouvât que ce fût trop de présomption à un jeune courtisan de donner ainsi son avis sans être consulté, soit par un retour des sentiments de méfiance jalouse qu’on lui avait inspirés en lui rapportant que le comte entretenait des gens armés autour de sa personne, elle invita Raleigh, d’un ton aigre, à réserver ses avis pour le moment où on les lui demanderait, et répéta son premier ordre de prendre terre à Deptford, ajoutant : « Nous verrons par nous-même quelle espèce de maison tient milord Sussex.

— Maintenant, que le Seigneur ait pitié de nous ! » dit en lui-même le jeune courtisan. « Pour de braves cœurs, le comte en a autour de lui ; mais les bonnes têtes sont rares parmi nous, et il est lui-même trop malade pour donner des ordres. Blount sera à déjeuner avec des harengs d’Yarmouth et un pot d’ale ; Tracy avec ses maudits boudins noirs et son vin du Rhin : de leur côté, ces buses de Gallois, Thomas Ap Rica et Evans seront en train de préparer leur soupe aux poireaux et de faire griller leur fromage : avec cela, on assure que la reine déteste les aliments grossiers, les odeurs fortes et les vins communs. S’ils pouvaient seulement songer à brûler un peu de romarin dans la grande salle… Mais vogue la galère ! il faut maintenant tout abandonner au hasard. Le sort ne m’a pas trop maltraité ce matin, car je crois que si j’ai gâté un manteau, j’ai fait en revanche une assez belle fortune de cour. Puisse mon excellent patron ne pas être plus malheureux ! »

La barque de la reine aborda bientôt après à Deptford, et, au milieu des acclamations générales que sa présence ne manquait jamais d’exciter, la reine, accompagnée de sa suite, s’avança sous un dais vers Say’s-Court, où le bruit lointain des cris du peuple donna la première nouvelle de son approche. Sussex, qui délibérait alors avec Tressilian sur les moyens de réparer le tort que pouvait lui avoir fait auprès de la reine l’événement du matin, fut extrêmement surpris d’apprendre sa prochaine arrivée, non qu’il ignorât que la reine était dans l’usage de faire des visites aux personnages les plus distingués de sa cour, malades ou non ; mais sa soudaine apparition ne lui laissait pas le temps de faire, pour la recevoir, aucun de ces préparatifs qu’il savait être si fort du goût d’Élisabeth ; et le désordre, la confusion de sa maison militaire, qui avaient encore augmenté pendant sa maladie, faisaient qu’il se trouvait tout-à-fait au dépourvu pour une pareille réception.

Maudissant intérieurement le hasard qui lui procurait cette visite si gracieuse et si imprévue, il se hâta de descendre avec Tressilian, dont il venait d’écouter très attentivement l’intéressante histoire.

« Mon digne ami, lui dit-il, tout l’appui que je pourrais prêter à votre accusation contre Varney, vous avez droit de l’attendre de ma justice et de ma reconnaissance. Le hasard va, du reste, nous montrer tout à l’heure si je puis quelque chose auprès de notre souveraine, ou si réellement mon intervention dans cette affaire ne vous sera pas plus préjudiciable qu’utile. »

Ainsi parla Sussex, tandis qu’il passait à la hâte une large robe fourrée, et s’ajustait de son mieux pour paraître devant la reine. Mais quelque soin qu’il donnât à sa toilette, il ne pouvait effacer les traces qu’avait laissées la maladie sur un visage que la nature avait doué de traits fortement prononcés plutôt qu’agréables. D’ailleurs, il était de petite taille, et, quoiqu’il eût de larges épaules et que ses formes athlétiques annonçassent un homme fait pour la guerre, son aspect n’était pas de nature à plaire dans une pacifique réunion de dames : circonstance fâcheuse, qui faisait, pensait-on, que Sussex, tout estimé et honoré qu’il fût de la reine, avait auprès d’elle un grand désavantage quand elle le comparait à Leicester, qui était également remarquable par l’élégance de ses manières et la beauté de sa personne.

Malgré toute sa diligence, le comte ne put se trouver à la rencontre de la reine au moment où elle entrait dans l’antichambre, et il s’aperçut tout d’abord qu’un nuage avait obscurci son front. Son œil jaloux avait remarqué ce train militaire de gentilshommes et de gardes armés dont la maison du comte était remplie, et ses premiers mots exprimèrent son mécontentement. « C’est ici une garnison royale, milord Sussex ? ou aurions-nous, par aventure, dépassé Say’s-Court et débarqué à notre Tour de Londres ? »

Lord Sussex voulait présenter quelques excuses. « Il n’en est pas besoin, dit-elle. Milord, nous nous proposons de faire cesser au plus tôt certaines querelles entre vous et un autre seigneur de notre cour, et de réprimer en même temps cette habitude barbare et dangereuse de vous entourer de gens armés, comme si, dans le voisinage de notre capitale, à la porte même de notre résidence royale, vous vous prépariez à une guerre civile l’un contre l’autre. Nous sommes bien aise de vous voir rétabli, milord, quoique sans l’assistance du savant médecin que nous vous avons envoyé… Point d’excuses !… Nous savons comme cela s’est passé, et nous avons, à ce sujet, corrigé ce jeune étourdi de Raleigh… Par la même occasion, milord, nous vous annonçons que nous comptons débarrasser au plus tôt de lui votre maison pour l’attacher à la nôtre. Il a des dispositions qui méritent d’être mieux cultivées qu’elles ne peuvent l’être parmi vos hommes de guerre. »

Sussex, qui ne comprenait pas trop le motif de cette résolution, ne sut que s’incliner et exprimer sa soumission. Il supplia ensuite la reine de s’arrêter le temps nécessaire pour qu’on lui servît quelques rafraîchissements ; mais sur ce point il ne put rien obtenir ; et après quelques compliments plus froids et plus ordinaires qu’on n’aurait dû l’attendre d’une visite aussi favorable, la reine quitta Say’s-Court où elle avait apporté la confusion, et laissa l’inquiétude et la crainte derrière elle.


  1. Fantassins irlandais armés à la légère. a. m.
  2. Gardes nobles des rois d’Angleterre. a. m.
  3. En corps ; c’est-à-dire, tout nu. a. m.