Journal de la comtesse Léon Tolstoï/Tome II/Seconde partie/Chapitre I

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2 août 1893.


Je viens d’apprendre de Tchertkov que la plupart des manuscrits de Léon Nikolaïévitch se trouve soit chez lui, soit chez le colonel Trépov à Pétersbourg. Il faut que nos enfants le sachent. Plus tard, Tchertkov a pris, les uns après les autres, tous les manuscrits de Léon Nikolaïévitch et les a emportés chez lui en Angleterre, à Christchurch1.

Moscou, 5 novembre 1893.


Je crois aux bons et aux mauvais esprits. Les mauvais esprits se sont emparés de l’homme que j’aime sans que celui-ci s’en aperçoive. Cet homme exerce une influence néfaste. Son fils, ses filles vont à leur perte comme vont à leur perte tous ceux qui entrent en relations avec lui. Jour et nuit, je prie pour les enfants ; cet effort psychique m’est pénible, je maigris, je dépéris physiquement, mais moralement, je suis sauvée parce que rien ne peut briser les liens qui m’unissent à Dieu aussi longtemps que je ne suis pas sous l’influence de celui que dominent les forces mauvaises, de celui qui est aveugle, froid, qui oublie et ne reconnaît pas les obligations que le ciel lui a imposées, qui est fier et présomptueux. Pour le moment, je ne prie pas pour les petits, car il est encore impossible de les gâter. Ici, à Moscou, Liova est devenu plus gai ; son état s’est amélioré. Il ne subit aucune influence autre que celle de mes prières [7]. Pourvu que je conserve la force de prier, sinon tout est perdu ! Seigneur, ayez pitié de nous et préservez-nous de toute autre influence que la vôtre !


1. Cette dernière phrase a été écrite ultérieurement.


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