Journal (Eugène Delacroix)/6 février 1847

Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 1p. 260-261).

6 février. — Peu de travail, le matin. L’après-midi, ébauché entièrement les figures du Christ au tombeau. — Dîné et passé la soirée avec J…

Planet[1] est venu à quatre heures ; il a paru très frappé de mon ébauche ; il eût voulu la voir en grand. L’admiration sincère qu’il me montre me fait grand plaisir ; il est de ceux qui me réconcilient avec moi-même. Que le ciel le lui rende ! Le pauvre garçon manque tout à fait de confiance, et c’est dommage, car il montre des qualités supérieures.

  1. Planet, de Toulouse, peintre, élève de Delacroix. M. Lassalle-Bordes prétend que Planet fit dans l’atelier de Delacroix les quatre pendentifs suivants, qui font partie de la décoration de la voûte de la bibliothèque, à la Chambre des députés : Aristote décrit les animaux que lui envoie Alexandre ; Lycurgue consulte la Pythie ; Démosthène harangue les flots de la mer ; La drachme du tribut. (Correspondance, t. II. p. ix.)
    Cette assertion de M. Lassalle-Bordes ne doit être accueillie, croyons-nous, qu’avec une extrême réserve, car son témoignage, en maintes circonstances, n’a pas rencontré partout un crédit absolu. Néanmoins, en admettant qu’il ne se soit point trompé en ce qui concerne Planet, on doit affirmer hardiment que ce dernier n’aurait, en tout cas, exécuté que des agrandissements des esquisses arrêtées du maître, et l’on sait combien d’études dessinées sur nature et autres accompagnaient ces peintures de moindre dimension qu’il remettait à ses élèves préparateurs, en ayant soin de ne rien livrer sans avoir donné lui-même les dernières touches portant bien la marque de sa maîtrise.