Journal (Eugène Delacroix)/3 septembre 1858

Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 3p. 347-348).

3 septembre. — Je suis souffrant depuis mardi soir ; la veille, dîner chez Barbier avec Malakoff et sa prétendue, Mme de Montijo, etc.

Toute la fin de la semaine j’interromps la peinture, je lis Saint-Simon. Toutes ces aventures de tous les jours prennent sous cette plume un intérêt incroyable. Toutes ces morts, tous ces accidents oubliés depuis si longtemps consolent du néant où l’on se sent soi-même.

Lu aussi les commentaires de Lamartine sur l’Iliade ; je me propose d’en extraire quelque chose. Cette lecture réveille en moi l’admiration de tout ce qui ressemble à Homère, entre autres du Shakespeare, du Dante. Il faut avouer que nos modernes (je parle des Racine, des Voltaire) n’ont pas connu ce genre de sublime, ces naïvetés étonnantes qui poétisent les détails vulgaires et en font des peintures pour l’imagination et qui la ravissent. Il semble que ces hommes se croient trop grands seigneurs pour nous parler comme à des hommes, de notre sueur, des mouvements naïfs de notre nature, etc., etc.