Journal (Eugène Delacroix)/3 septembre 1857

Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 3p. 288-289).

Paris, 3 septembre. — Visite du docteur Laguerre pour moi.

Visite du docteur Laguerre pour Jenny.

J'écris au bon cousin :

« Malgré la vie solitaire que je mène ici, autant que cela est possible à Paris, je regretterai souvent notre tranquillité véritable de Strasbourg et combien elle était salutaire en particulier pour ma santé délabrée et pour mon esprit inquiet et fatigué. Dans votre paisible ville, tout me semblait respirer le calme : ici je ne trouve sur tous les visages qu’une fièvre ardente ; les lieux même semblent livrés à une vicissitude perpétuelle. Ce monde nouveau, bon ou mauvais, qui cherche à se faire jour à travers nos ruines, est comme un volcan sous nos pieds et ne permet de reprendre haleine qu'à ceux qui, comme moi, commencent à se regarder comme étrangers à ce qui se passe, et pour qui l’espérance se borne à un bon emploi de la journée présente. Je ne suis encore sorti qu’une fois dans les rues de Paris : j’ai été épouvanté de toutes ces figures d’intrigants et de prostituées. »