Journal (Eugène Delacroix)/31 décembre 1856

Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 3p. 187-188).

31 décembre. — L’article sur Charlet[1]. Il y a des talents qui viennent au monde tout prêts et armés de toutes pièces… Il a dû avoir dès le commencement cette espèce de plaisir que les hommes les plus expérimentés trouvent dans le travail, à savoir une sorte de maîtrise, d’assurance de la main, concordant avec la netteté de la conception. Bonington a eu cela aussi : cette main était si habile qu’elle devançait la pensée ; ses remaniements ne venaient que de cette facilité si grande, que tout ce qu’il posait sur la toile était charmant ; seulement chacun de ces détails ne se coordonnant pas souvent, des tâtonnements pour retrouver l’ensemble lui faisaient quelquefois abandonner ses ouvrages commencés. Il faut remarquer aussi que, dans cette espèce d’improvisation, il entrait un terme de plus que dans celle de Charlet, à savoir la couleur.

  1. Sous ce titre : Charlet, sa vie, ses lettres, le colonel de La Combe fit paraître en 1856 un livre qui est un pieux monument élevé à la mémoire de Charlet. C’est sans doute la lecture de ce livre qui a inspiré à Delacroix les réflexions qu’il consigne ici.
    Plus tard, en 1862, Delacroix consacrera à Charlet et à son œuvre un très important article dans la Revue des Deux Mondes.