Joies errantes/Notes féminines

Alphonse Lemerre (p. 35-39).

NOTES FÉMININES

À Edmond de Goncourt.

devant le miroir

Cette grave entrevue
Est fertile en émois,
L’image, pourtant connue,
Surprend toujours ; — est-ce bien soi
Cette soudaine apparue ?

Et les petites mines d’aller
Pour calmer l’inquiétude qui vient
De n’être pas — il se peut — aussi bien
Que l’on voudrait ;

Mais, bientôt, une distribution de récompenses
Généreuses, commence.
Les cheveux ? ah ! les cheveux, parfait !
Surtout de profit ; on dirait


De telle peinture d’artiste admiré ;
Puis on retrouve à des détails menus,
Le souvenir du même visage des jours révolus
Des jours enfantins si vite — en somme — disparus.

Et l’on songe à cet autre miroir enchanté
Si impressionnant pour nos jeunes cœurs
L’eau de l’étang que l’on croyait
Un morceau de ciel tombé
Où poussaient aussi des herbes et des fleurs.

coquetterie

Un désir — déjà presque un regret
Un émoi paresseux qui ne sait
Ce qu’il redoute ni ce qui lui plairait.

Une mélancolie de refuser — savoureuse
Comme un fruit qui serait amer — aimablement ;
Puis une allégresse pâle comme un feu de veilleuse ;

Et l’on devine bien, tout au fond de soi,
Que rien ne demeurera
De cette petite flamme éloquente qui ment,
De ce désir, de cet émoi ;

Si non une fatigue heureuse et une joie d’artiste
D’avoir su jongler avec du subtil
— Une joie pourtant décevante et triste,
Car, d’aimer tout simplement — c’eût été plus gentil.

caprice

Une petite Folie
Qui d’elle-même se rit
Comme une folle ;
Une petite Folie aux clochettes de passion,
Folle pour de bon ;
Une façon plutôt bête de jouer son cœur
À pigeon vole,
Car, je vous demande, comment tout cela
Pourrait devenir du bonheur.

Tandis qu’on peut en souffrir vraiment —
Pas du tout pour rire —
Voir de cette blessure ouverte en jouant
Couler du vrai sang ;
Et pleurer des larmes pires.


Voir saigner même son orgueil
Comme s’il y avait de quoi — sans raison ;
Cette idée aussi de mettre tout son orgueil
Entre les mains d’un seul
Est absurde plus que de raison.