Joies errantes/La Habanera

Alphonse Lemerre (p. 100-102).

LA HABANERA

À Jean Richepin.

En robe tissée de rayons de lune,
Dansez la habanera espagnole brune !
Nerveuse et langoureuse faites virer vos reins
Au son des guitares et des tambourins.

Dans votre œil — vive lumière —
Noir — sous la noire mantille
De dentelle légère —
C’est l’amour même qui brille.

Dansez la habanera
Ollé !
En robe de lune
Espagnole brune
Ollé !

Cette rose, couleur de sang, dans vos noirs cheveux
N’est-elle pas la cruelle fleur

Éclose en votre cœur ?
Cette jolie rose en vos noirs cheveux !

Mais plus rouge encore est votre bouche qui sourit —
Tendre et grave et cruelle aussi —
On dirait une petite flamme sorcière,
Redoutable et belle,
Vers qui l’éventail, — pavillon éperdu — bat de l’aile.

Dansez la habanera
Ollé !
En robe de lune
Espagnole brune
Ollé !

Les castagnettes rythment le pas
De cette danse tournoyante —
Endiablée à la fois et nonchalante —
Où le corps souple s’abandonne et puis se refuse.

Et les bras, passionnément levés,
Semblent implorer ;
Tandis que tes musiciens assis en cercle à terre
Stimulent de leurs cris la danseuse énervée :


Dansez la habanera
Ollé !
En robe de lune
Espagnole brune
Ollé !