Joies errantes/Chanson d’autrefois

Alphonse Lemerre (p. 21-22).

CHANSON D'AUTREFOIS

À Auguste Marin.

Dans votre château, belle châtelaine,
Dans votre château
Vous dormez encor près du vieux seigneur
Quand déjà je chante
Je chante vos yeux, fiers comme les fleurs
De la marjolaine…
Mais tu n’entends pas — belle châtelaine !
 
Dans votre château, les beaux chevaliers
Mènent grande liesse tout le long du jour.
Cœur sitôt donné,
Cœur sitôt repris : vous souvenez-vous
D’un doux soir d’amour
Où vous êtes tombée vaincue dans mes bras ?
Nul ne le saura,
Nul ne le saura — belle châtelaine !


Dans votre château, belle châtelaine,
Vous dormez déjà près du vieux seigneur
Quand je pleure encore…
Je pleure vos lèvres, rouges comme les fruits
Du Saint Paradis,
Dont tu me baisas, entraînée d’amour,
Belle châtelaine !

L’aube de demain me trouvera mort
Au fond de l’étang où l’eau verte dort ;
Et pour ma pauvre âme maudite à toujours,
Dans la chapelle haute, devant la Vierge en pierre,
Tu diras une prière,
Belle châtelaine qui m’aimas un jour,
Belle châtelaine !