Jeanne (illustré, Hetzel 1852)/Prologue

Jeanne (illustré, Hetzel 1852)
JeanneJ. HetzelŒuvres illustrées de George Sand, volume 2 (p. 2-4).
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PROLOGUE.

Dans les montagnes de la Creuse, en tirant vers le Bourbonnais et le pays de Combraille, au milieu du site le plus pauvre, le plus triste, le plus désert qui soit en France, le plus inconnu aux industriels et aux artistes, vous voudrez bien remarquer, si vous y passez jamais, une colline haute et nue, couronnée de quelques roches qui ne frapperaient guère votre attention, sans l’avertissement que je vais vous donner. Gravissez cette colline ; votre cheval vous portera, sans grand effort, jusqu’à son sommet ; et là, vous examinerez ces roches disposées dans un certain ordre mystérieux, et assises, par masses énormes, sur de moindres pierres où elles se tiennent depuis une trentaine de siècles dans un équilibre inaltérable. Une seule s’est laissée choir sous les coups des premières populations chrétiennes, ou sous l’effort du vent d’hiver qui gronde avec persistance autour de ces collines dépouillées de leurs antiques forêts. Les chênes prophétiques ont à jamais disparu de cette contrée, et les druidesses n’y trouveraient plus un rameau de gui sacré pour parer l’autel d’Hésus.

Ces blocs posés comme des champions gigantesques sur leur étroite base, ce sont les menhirs, les dolmens, les cromlechs des anciens Gaulois, vestiges de temples cyclopéens d’où le culte de la force semblait bannir par principe le culte du beau ; tables monstrueuses où les dieux barbares venaient se rassasier de chair humaine, et s’enivrer du sang des victimes ; autels effroyables où l’on égorgeait les prisonniers et les esclaves, pour apaiser de farouches divinités. Des cuvettes et des cannelures creusées dans les angles de ces blocs, semblent révéler leur abominable usage, et avoir servi à faire couler le sang. Il y a un groupe plus formidable que les autres, qui enferme une étroite enceinte. C’était peut-être là le sanctuaire de l’oracle, la demeure mystérieuse du prêtre. Aujourd’hui ce n’est, au premier coup d’œil, qu’un jeu de la nature, un de ces refuges que la rencontre de quelques roches offre au voyageur ou au pâtre. De longues herbes ont recouvert la trace des antiques bûchers, les jolies fleurs sauvages des terrains de bruyères enveloppent le socle des funestes autels, et, à peu de distance, une petite fontaine froide comme la glace et d’un goût saumâtre, comme la plupart de celle du pays Marchois, se cache sous des buissons rongés par la dent des boucs. Ce lieu sinistre, sans grandeur, sans beauté, mais rempli d’un sentiment d’abandon et de désolation, on l’appelle les Pierres Jomâtres.

Vers les derniers jours d’août 1816, trois jeunes gens de bonne mine chassaient au chien couchant, au pied de la montagne aux pierres, comme on dit dans le pays.

— Amis, dit le plus jeune, je meurs de soif, et je sais par ici une fontaine vers laquelle mon chien court déjà, comme à bonne connaissance. Si vous voulez me suivre, sir Arthur sera peut-être bien aise de voir de près ces pierres druidiques, bien qu’il en ait vu sans doute de plus curieuses en Écosse et en Irlande.

— Je verrai toujours, répondit sir Arthur, avec un accent britannique bien marqué ; et il se mit à gravir la colline par son côté le plus roide, pour marcher en ligne droite aux pierres jomâtres.

— Quant à moi, dit le troisième chasseur, qui avait l’air moins distingué que les deux autres, quoique sa physionomie eût plus d’expression et son œil plus de vivacité, je n’espère pas trouver ici de gibier, c’est un endroit maudit ; mais je vais à la recherche de quelque chèvre, pour la soulager de son lait.

Vous ne devez pas ! dit l’Anglais, dont le parler était toujours obscur à force de laconisme.

— Prenez garde, Marsillat, cria le premier interlocuteur, le jeune Guillaume de Boussac, qui se dirigeait vers la fontaine ; vous savez bien que sir Arthur est le grand redresseur de nos torts, et qu’il ne voit pas d’un bon œil vos attentats contre la propriété. Il ne veut pas qu’on saccage les murs de clôture, qu’on gâte les sarrasins, ni qu’on tue la poule du paysan.

— Bah ! reprit le jeune licencié en droit, le paysan sait bien prendre sa revanche au centuple.

Sir Arthur était déjà loin. Il avait une manière de marcher en rasant la terre, qui n’avait l’air ni active ni dégagée, mais qui gagnait le double en vitesse sur celle de ses compagnons. C’était un chasseur modèle ; il n’avait jamais ni faim ni soif, et les jeunes gens qui le suivaient avec émulation maudissaient souvent son infatigable persévérance.

Bien que Guillaume de Boussac et Léon Marsillat ne fissent que bondir et s’essouffler, l’Anglais, pareil à la tortue de la fable, qui gagne sur le lièvre le prix de la course, examinait depuis un quart d’heure la disposition et les qualités minéralogiques des pierres jomâtres, quand ses deux amis vinrent le rejoindre.

— Diable de fontaine ! disait M. de Boussac en faisant la grimace ; elle a un goût de cuivre qui ne me donne pas grande idée du trésor !

— Ces maudites chèvres, disait Marsillat, n’ont pas une goutte de lait ! au lieu de brouter, elles ne songent qu’à lécher les pierres. Est-ce qu’elles auraient le goût de l’or ?

Or ? trésor ? demanda sir Arthur, en les regardant d’un air étonné.

— C’est qu’il faut vous dire, repartit Guillaume de Boussac, qu’il y a une tradition, une légende sur cet endroit-ci. Vous n’ôteriez pas de la tête de nos paysans, à ce que prétend Marsillat, qu’un trésor est enfoui dans cette région.

— Cette croyance les rend fous, dit Marsillat. Les uns supposent ce trésor enterré sous ces pierres druidiques ; d’autres le cherchent plus loin, dans la montagne de Toull-Sainte-Croix, que vous voyez, à une heure de chemin d’ici.

L’Anglais regarda le sol maigre et pierreux, les bruyères qui étouffaient le fourrage, les chèvres efflanquées qui erraient à quelque distance.

— Il y a un trésor dans les terres incultes, dit-il : mais il faut un autre trésor pour l’en retirer.

— Oui, des capitaux ! dit Marsillat.

— Et des paysans ! ajouta Guillaume. Cette terre est dépeuplée.

Des hommes, et puis des hommes, reprit l’Anglais.

Comprends pas, dit Guillaume en souriant, à Marsillat.

— Pas de maîtres et pas d’esclaves ; des hommes et des hommes ! reprit sir Arthur, étonné de n’avoir pas été compris, lui qui croyait parler clair.

— Est-ce qu’il y a des esclaves en France ? s’écria Marsillat en haussant les épaules.

— Oui, et en Angleterre aussi ! répondit l’Anglais sans se déconcerter.

— La philosophie m’ennuie, reprit à demi-voix Marsillat en s’adressant à son jeune compatriote ; votre Anglais me dégoûterait d’être libéral. Combien voulez-vous parier, Guillaume, ajouta-t-il tout haut, que je monte sur la plus haute et la plus lisse des pierres jomâtres ?

— Je parie que non, répondit M. de Boussac.

— Voulez-vous parier ce que nous avons d’argent sur nous ?

— Volontiers, cela ne me ruinera pas. Je n’ai qu’un louis.

— Eh pardieu, je n’ai qu’une pièce de 5 francs, moi, reprit Marsillat après avoir fouillé toutes ses poches.

— C’est égal, je tiens ! dit M. de Boussac.

— Et vous, Mylord ? reprit Marsillat : que pariez-vous ?

— Je parie une pièce de 5 sous de France, répondit sir Arthur.

— Fi donc ! j’ai cru, dit Marsillat, que les Anglais étaient fous des paris. Ils ne méritent guère leur réputation. 5 sous pour monter là-dessus !

— C’est plus que cela ne vaut.

— Par exemple ! Il y a de quoi se casser bras et jambes !

— Alors, je ne parie rien, ou je parie 1,000 livres sterling contre vous que vous y monterez.

— L’argent n’est rien, la gloire est tout ! s’écria gaiement Marsillat ; je tiens vos 5 sous et je monte.

— C’est comme cela qu’on se tue, dit Arthur en lui ôtant froidement des mains son fusil armé dont il voulait s’aider.

Marsillat fit des efforts inouïs, des miracles d’adresse, et après s’être écorché les mains en glissant plus d’une fois jusqu’à terre, après avoir cassé ses bretelles et mis au désespoir son chien qui ne pouvait le suivre, il parvint à se dresser d’un air de triomphe sur la plate-forme du dolmen. Savez-vous, s’écria-t-il, que ces pierres étaient des idoles ? me voilà sur les épaules d’un Dieu !

— Écoutez, Léon, lui cria le jeune de Boussac, si vous trouvez là-haut la druidesse Velléda, faites-nous-en part.

— Bahl Je n’aime pas plus votre druidesse que votre Chateaubriand ! répondit Marsillat, qui se piquait de libéralisme. Vive Lisette ! vive le charmant Béranger !

— Écrivain de mauvaise compagnie, reprit le jeune homme avec dédain ; n’est-ce pas sir Arthur ? est-ce que vous pouvez supporter ce chansonnier de taverne ?

— Béranger ! grand poëte ! dit tranquillement l’Anglais.

— Un poëte, lui ! dites donc Chateaubriand !

— Et Chateaubriand grand poëte, reprit l’Anglais sans s’animer davantage.

— Allons, vous n’entendez rien à la littérature française, cher allié, vous êtes un véritable Anglais.

— Je suis, quand je dis cela, un véritable Français, répondit sir Arthur, et un jour, Chateaubriand, Béranger se donneront la main.

— Ce jour-là, repartit le jeune noble, Marsillat trouvera la druidesse Velléda sur la grande pierre jomâtre.

Quoi, Lisette, est-ce vous… ?

chantait Marsillat en parcourant la plate-forme du dolmen, et en sautant d’un bloc à l’autre. Tout à coup il s’arrêta, et son chant fut interrompu par une exclamation de surprise.

— Qu’est-ce donc ? un lièvre ? un serpent ? s’écria Guillaume.

— Velléda ? demanda sir Arthur en souriant un peu.

— Non ! Lisette, répondit Marsillat, pas laide du tout, ma foi ! mais est-elle morte ?

Et il disparut dans la coulisse que formait l’écartement des deux plus grosses pierres druidiques. Guillaume de Boussac, voyant qu’il ne répondait plus à ses questions, poussé par la curiosité d’une aventure, se mit en devoir d’escalader le rocher ; mais sir Arthur, moins pressé et nullement ému, lui fit remarquer qu’en tournant l’enceinte de roches et en rejoignant Marsillat par l’intérieur, il aurait beaucoup plus vite atteint son but. Ce fut l’affaire de quelques instants, et tous trois se trouvèrent réunis autour de la druidesse endormie.

— C’est un petit enfant, dit l’Anglais.

— Cela ? ça a quatorze ou quinze ans, répondit Marsillat ; peut-être plus !

— Je n’aurais pas cru, dit Guillaume.

— La race du pays est comme cela, reprit Marsillat ; les filles jusqu’à seize ans, et les garçons jusqu’à vingt, sont tout petits et conservent des traits enfantins ; ils se développent tout d’un coup, et deviennent grands et forts, lorsqu’on les croyait noués pour toujours. C’est la même chose que pour les poulains et les taureaux.

— Oh ! ce n’est pas la même chose, dit sir Arthur, scandalisé d’entendre parler si légèrement de l’espèce humaine.

— Comme elle dort ! dit Guillaume de Boussac ; un coup de fusil ne la réveillerait pas.

— J’ai envie d’essayer, dit Marsillat en cherchant à prendre l’arme de sir Arthur, qui la lui refusa avec fermeté, trouvant la plaisanterie cruelle et dangereuse.

— C’est le sommeil de l’ange ou de la bête, reprit Guillaume. Elle est jolie, n’est-ce pas, Léon ? Je ne peux voir que son profil, qui n’est pas laid.

— Je voudrais voir son figure, dit l’Anglais qui, par quelques fautes de langue, donnait parfois, sans le savoir, un tour assez plaisant à ses discours ordinairement graves.

— Oh ! son figure est beau ! répondit Marsillat avec l’indifférence que lui aurait inspirée une créature ruminante. Je l’ai vue ; c’est le beau type bourbonnais qui se mêle sur la frontière au type marchois moins sévère, mais plus piquant à mon gré. Si elle n’avait pas renfoncé son nez sous son bras, vous verriez une vraie beauté bourbonnaise, et cela plairait à mylord, j’en suis sûr, car il a des yeux tout comme un autre, malgré sa philosophie.

Guillaume de Boussac voulut pousser la dormeuse du bout de son fouet pour la réveiller ; l’Anglais s’y opposa, en disant d’un ton et avec un accent qui provoquèrent un éclat de rire :

— Laissez dormir l’innocence.

— On peut bien la faire remuer sans la réveiller, dit Marsillat en avançant la main pour retourner la tête de la pastourelle.

— Mettez votre gant, dit Guillaume, en le retenant ; les enfants de ce pays sont si malpropres !

— C’est vrai, reprit Marsillat en ramassant un brin d’herbe dont il chatouilla le front de la jeune fille.

Elle fit le mouvement de chasser une mouche importune, et se retourna avec ce gros soupir sans effort et sans tristesse, qui soulève la poitrine des enfants endormis, et qui a une harmonie particulière, une pureté de souffle qui inspire je ne sais quel attendrissement. Puis, sans ouvrir les yeux, elle prit à son insu une pose incroyablement gracieuse. Son bras était rejeté au-dessus de sa tête, et sa main brune, mais effilée et petite, rejeta en arrière sa coiffe de toile grise, et resta entr’ouverte sur ses cheveux d’un blond cendré magnifique. C’était bien le plus frais visage humain qui eut jamais bravé sans voile et sans ombrelle les ardeurs du soleil de midi. Il est certains cantons du Berri et des provinces limitrophes, où, malgré l’absence d’arbres, et en dépit d’une vie exposée à toutes les blessures du hâle, la carnation des paysans est aussi pure et aussi délicate que celle des Vénitiens et des montagnards des Alpes graïennes. Dans les endroits où ce caractère n’est pas général, il se produit et se perpétue dans certaines familles, et c’est une opinion assez répandue, que ces familles sont d’origine anglaise, les Anglais ayant occupé, comme on sait, assez longtemps nos provinces du centre pour y mélanger leur sang avec celui des indigènes ; mais nous croirions plutôt que le pur sang de la race gauloise primitive s’est conservé jusqu’à nos jours sans mélange, dans quelques tribus rustiques de nos provinces centrales.

La dormeuse était donc blanche comme l’aster des prés et rosée comme la fleur de l’églantier. Mais sa beauté eût pu se passer de cette recherche particulière à la race des oisifs. Ses traits étaient admirables, son front humide, un peu bas comme celui des statues antiques. Les lignes les plus pures et un calme angélique dans la physionomie lui donnaient une ressemblance frappante avec ces beaux types que l’art grec a immortalisés. Sa taille n’était pas développée, et annonçait pourtant la souplesse et la force ; elle était vêtue de haillons qui, dans leur désordre pittoresque, ne la déparaient nullement. Ses pieds nus reposaient dans l’herbe, et sa bouche entr’ouverte laissait voir des dents superbes. La véritable beauté est toujours chaste et inspire un respect involontaire. L’Anglais n’était pas d’humeur à s’en départir, et ses deux étourdis compagnons en subirent l’ascendant irrésistible.

— Ma foi, ce n’est pas Lisette, c’est Velléda, dit Marsillat en baissant la voix par un sentiment instinctif.

— Et pourquoi Lisette ne serait-il pas beau comme Velléda, demanda sir Arthur.

— Va pour Velléda, va pour Lisette ! répondit Marsillat ; si j’étais peintre, je voudrais croquer cette divine créature… Et si j’étais seul, ajouta-t-il, revenant à son naturel, je voudrais savoir si cette chevrière a tant soit peu d’esprit.

— Monsieur Marsillat, dit Arthur d’un air solennel, allons-nous-en.

— Oui, oui, allons-nous-en, dit Marsillat après avoir ri de la vertueuse sollicitude de l’Anglais. On se repent toujours d’avoir regardé les belles Marchoises ; la plus sotte et la plus novice en sait assez long pour compromettre le plus prudent et le plus discret d’entre nous. Au diable toutes les Vellédas et toutes les Lisettes de nos champs !

— Je ne comprends pas, reprit sir Arthur en s’échauffant un peu au feu de son indignation intérieure, qu’il vous vienne de pareilles pensées à la vue d’un enfant. Vous n’êtes pas dignes, Messieurs, de contempler la beauté.

— Oui, oui, mylord est seul digne de contempler la biouté, dit Marsillat, en contrefaisant l’accent comique de sir Arthur. Sir Arthur ne s’en aperçut pas. Le mot ne sonnait pas autrement à son oreille qu’il ne l’avait prononcé, et il souriait d’un air de pitié paternelle, quand les jeunes gens le traitaient de mylord avec une affectation ironique.

— Attendez, Messieurs, dit Guillaume : Marsillat a gagné son pari, et je lui dois un louis que je le défie de prendre où je vais le mettre.

En même temps, il déposa doucement, dans la main toujours ouverte de la dormeuse, le napoléon qu’il avait parié.

— Vous avez raison, dit Marsillat, et je suis bien fâché de n’avoir que cinq francs à joindre à votre aumône. Halte-là, Mylord, ajouta-t-il après avoir déposé son écu dans la main de la petite paysanne, et en voyant que sir Arthur se fouillait à son tour. Vous n’avez parié que cinq sous, et vous ne devez pas mettre davantage à l’offrande.

— D’autant plus, dit sir Arthur, après avoir retourné toutes ses poches d’un air consterné, que je n’ai rien autre chose sur moi.

— Je crois bien ! vous avez tout donné en chemin, reprit Guillaume qui connaissait l’extrême libéralité de l’Anglais. Son sommeil obstiné m’amuse, ajouta-t-il en jetant un dernier regard sur la chevrière. Je voudrais voir son étonnement quand elle trouvera ces trois pièces dans sa main en se réveillant.

— Elle croira que le diable s’en est mêlé, répondit Marsillat, ou tout au moins les fées qui hantent, comme chacun sait, les pierres jomâtres au coup de midi et au coup de minuit.

— Puisque nous faisons le rôle des fées, dit Guillaume, et que nous voici trois, nombre consacré dans tous les contes merveilleux, je suis d’avis que nous fassions chacun un souhait à cet enfant.

— Ça va, dit Marsillat, et étendant la main sur la tête de l’enfant : ma belle, lui dit-il, je te souhaite un gaillard vigoureux pour amant.

— Ma charmante, je te souhaite un protecteur riche et généreux, dit M. de Boussac en souriant.

— Ma fille, je te souhaite un honnête mari qui t’aime et t’assiste dans les peines, dit à son tour l’Anglais avec un sérieux et un accent de conviction qui arrêtèrent un instant la gaieté de ses compagnons.

Tous trois s’éloignèrent des pierres jomâtres, croyant avoir porté bonheur à l’enfant, chacun à sa manière, et ne se doutant guère que leurs aumônes allaient devenir dans sa petite main l’instrument de leurs destinées.