Jean-Daniel Dumas, le héros de la Monongahéla/Son caractère

G. Duchamps, libraire-éditeur (p. 37-40).

Son caractère

Une bravoure à toute épreuve, une scrupuleuse probité dans ces temps de rapine, l’attachement au devoir, l’obéissance passive, même quand les ordres des supérieurs sont ou paraissent impérieux, injustes, ou inopportuns, des sentiments d’humanité qu’on ne trouve malheureusement pas toujours chez les militaires de profession, endurcis par le métier ; une grande sagesse dans le commandement, telles étaient les éminentes qualités qui distinguaient son beau caractère. Aussi bien, il était aimé de ses soldats et apprécié de ses chefs.

Le chevalier de Lévis le portait en haute estime ; il lui témoignait une véritable affection, comme il se plaisait à le lui répéter dans ses lettres.

M. de Vaudreuil le tenait pour un excellent officier à qui, disait-il, on avait fort mal à propos fait perdre son droit d’ancienneté depuis qu’il était dans la colonie.

Le marquis de Montcalm prisait fort l’habileté dont il avait fait preuve dans la direction des Sauvages durant son séjour au fort Duquesne.[1]

Toutes les mesures prises ou proposées par M. Dumas, durant son commandement à Jacques-Cartier et à Deschambault pendant l’hiver de 1759-1760, furent pleinement approuvées par le chevalier de Lévis et M. de Vaudreuil, qui ne cessaient de lui en témoigner leur satisfaction.[2] La lettre suivante en est une preuve convaincante. Nous la prenons au hasard dans le grand nombre.


« 3 juin 1760.

« J’ai reçu mon cher Dumas votre lettre du premier de ce mois ; rien de mieux que toutes les dispositions que vous avez fait pour vos vivres et toutes les précautions militaires que vous prenés. J’en ai rendu compte à M. le général qui a tout aprouvé et dans toutes les circonstances n’est pas en peine des événemens, il est aussi persuadé que moi que la besogne ne saurait être en meilleures mains…

« Vous connaissez mon cher Dumas les sentiments de sincère attachement avec lesquels j’ai l’honneur d’être votre très humble et très obéissant serviteur,

Le Cher de Lévis. »

Ces compliments ne sont ni vulgaires ni communs, bien qu’ils se présentent souvent sous la plume du chevalier de Lévis.

M. Parkman, de son côté, dit de lui, en parlant des incursions qu’il dirigeait du fort Duquesne sur les frontières de la Pennsylvanie en 1756 : « Dumas, required by the orders of his superiors to wage a detestable warfare against helpless settlers and their families, did what he could to temper its horrors ; and enjoined the officers who went with the Indians to spare no efforts to prevent them from torturing prisoners. » Il ajoute : « The attempt should be set down to his honor ; but it did not avail much ».[3]

Les Mémoires de Famille de l’abbé Casgrain, ajoute M. Parkman, contiennent un ordre de M. Dumas à M. Baby, officier canadien, à cet effet, et des ordres semblables de MM. de Contrecœur et de Ligneris. Un de ces ordres, signé de Dumas, fut trouvé dans les poches du sieur Douville qui fut tué sur la frontière.

Dans des Remarks upon the present situation of Canada datées novembre 1759, et adressées au général Amherst, le major Grant dit : « The command at Jacques Cartier is given to Mr. Dumas, the best Officer in the Colony — he is a Frenchman, but is much esteemed by the Canadians »…

« Captain Dumas », dit à son tour M. A. G. Doughty,[4] « was one of the bravest and most experienced of the officers of the Colonial Troops… »

À toutes ces précieuses qualités on peut encore, sans exagération, croyons-nous, ajouter l’esprit gaulois, et la faculté de sentir et de s’exprimer vivement, propre au méridional, qui se font jour dans ses lettres. Témoin, entre autres, sa lettre du 24 juillet 1756, dans laquelle il plaide si chaleureusement sa propre cause, et qu’il termine en disant que son style « sent un peu les bords de la Garonne où j’ai été élevé ».



  1. Lettre à M. de Paulmy, 10 avril 1758.
  2. Correspondance de MM. Vaudreuil, Lévis et Dumas dans Rapport sur les Archives du Canada pour l’année 1905, vol. I.
  3. Montcalm and Wolfe, 1888, vol. I, p. 330.
  4. Siege of Quebec, vol. III, p. 188.