Je dis en moi, que ne suis-je une mouche

Seconde partie des Muses françoises, Texte établi par Despinelle, chez Matthieu Guillemot (p. 227).


SONNET.

 
Ie dis en moi, que ne ſuis-ie vne mouche,
Te me perdroi heureuſement en l’air,
Et puis tout coi ie voudrois m’enuoler
Deſſus le lict de ma belle farouche :
 Ie rauiroi le baiſer de la bouche,
Et ne voudroi pourtant me deceler ;
Mais plus hardi ie me voudroi couler
Au paradis que perſonne ne touche.
 Dieu quel bon heur ſi ie changeois ſoudain
Mon moucheron auec mon corps humain
Mouche faict homme & homme dieu ensemble :
 O faux penſer, tu n’es que vanité
Je suis vn dieu en ma temerité,
Quand ie la voi ie ne ſuis plus qu’vn Tremble.


A. D. V.





MVZAIN SUR SON ANAGRAME.
Abraham de Vermeil.


 
Les dédains, les rigueurs, les morts
Me chaſſent comme chiens auides ;
Amour bandant tous ſes efforts
M’abbat de ses mains homicides :
 Et mourant ie n’ai pour renom
Que l’heur d’auoir eſté ſa fable ;
Pourquoi donc en tournant mõ nom,
Gourdin, ne treuues tu ſinon
Ces mots,
ame d’heur amirable ?

A. D. V.