Cosmo (p. 35-36).

TEMPS 13


Temps 13 a débarqué sur nos bords et par la gueule, entre deux rocs, dans la barricade des monts Hautpics, d’instinct il est descendu jusque dans la Vallée-des-Endormis. Il y a trouvé tous les hommes plongés dans leur noir sommeil à l’heure qui bascule à midi. Puis la belle Motée aux larges hanches qui rêvait près de la pompe, a souri avec du rouge aux joues.

Cela est la triste histoire d’une déesse qu’on a trompée avec une illusion.

* * *

Temps 13 fut un jour rappelé par le soleil son père. Il fallait dissiper, à l’aide d’un boyau très long, plongeant dans le plus grand lac de la terre, les nuages presque noirs que des humains très savants s’étaient amusés, avec leurs machines, à rassembler là-haut. À cause des rayons négatifs qu’ils lançaient de la terre, ces nuages ne pouvaient pas crever. Ils devinrent si lourds qu’ils firent comme de l’huile à moteur qui s’est rendue à dix mille milles, une espèce de nuit continuelle sur la terre. On entendait, comme un tourment d’en haut, un roulement sourd de tonnerre qui progresse sans jamais aboutir. Les hommes manquant d’eau et aveuglés se traînaient sur la terre comme des poissons malades dans un aquarium infect, parmi les bêtes les plus étranges.

Mais un jour ils en eurent assez et menacèrent, certains d’entre eux du moins, et qu’on tua aussitôt, d’allumer un grand feu. Les Puissants évitèrent ce suicide collectif par la peur qu’ils inscrivent à coups redoublés dans leurs cerveaux lavés, d’un châtiment plus terrible encore que la mort ; la vie éternelle. Mais l’idée du grand feu resta enfouie dans les consciences jusqu’au jour où, le rayonnant Temps 13 se réveilla parmi les hommes, lui l’endormi séculaire, d’un siècle qui avait duré mille ans. Il comprit assez vite que la nuit durait trop.

Il décida, avec douze hommes qu’il rendit pareils à lui, d’aller délivrer le soleil en secret. En les regardant d’une certaine façon, les hommes reprirent un vieil instinct de vie et les plantes se remirent à pousser au soleil revenu à cause d’un boyau très long, plongeant dans le plus grand lac de la terre.