Itinéraire raisonné de Marguerite de Valois en Gascogne/Année 1579
ANNÉE 1579
« Maison de la Royne de Navarre. — Estat des gaiges des dames, damoiselles, etc.[1]
En plus : | ||
Mme de Mioxent |
100 éc. | |
Mme la comtesse de Carmin |
— | |
Mme d’Arpa |
— | |
Mme de Verne |
— | |
Mlle de Gerponnite |
14 éc. 11 l. |
En plus : | ||
Villesavin |
66 éc. | |
Monluc |
83 éc. | |
Duras |
— | |
Mauléon |
— | |
En moins : Marguerite Burgensis. |
En plus : | ||
Guillemette Martin |
100 éc. 1 l. |
Le sieur de Fongramier remplace le sieur du Conte
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Le sieur de Fredeville remplace le sieur de La Bussière
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En plus : | ||
Le sieur de Tuty |
100 l. |
En plus : | ||
Me Richard Coquelet |
1 éc. | |
Me Michel de Conches remplace Me François Dasquanel
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Michel Ferré, mais pour le quartier de Janvier seulement |
33 éc. 1 l. |
Me Channin |
40 éc. | |
Me Thibault |
— | |
Me Baudres |
— | |
À la place de Mes Firmin Morran et Guérin de Mizan
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En plus : | ||
Jacques Le Doux |
1 éc. 2 l. | |
Daniel David |
— | |
Pierre Lefilassier |
— |
En plus :
Loys Binard, dict La Porte |
66 éc. 2 l. | |
Jacques de Namur |
— | |
Eustache de Namur |
— | |
Gilles Le Fevre |
— | |
Bernard Binard |
— |
Nicolas Cambronne |
133 éc. 1 l. |
En plus : | ||
Me N. de la Burthe |
100 éc. | |
Me François Duhamel |
1 éc. 1 l. | |
Me Jehan Benoist |
— | |
Me Grégoire Fouquelin |
— | |
Me Pierre Morin |
— | |
Lesquels remplacent Mes Denis et Pierre Tronne.
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En plus : | ||
Gabriel de Flexelles, marchand, fournissant l’argenterie |
3 éc. 1 l. | |
Jehan Asseline, drapier |
— | |
Nicolas Regnault, vertugadier |
1 éc. 1 l. | |
Pierre Laroze, brodeur |
1 éc. 1 l. | |
Peu ou pas de changements pour les autres offices subalternes.
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Pour Paris : 8 conseillers. | ||
Pour Toulouse : 4 conseillers qui sont : | ||
Me de Borderya, docteur et avocat en la Cour du Parlement de Tholouse |
10 éc. | |
Me de Lacroix |
— | |
Me d’Espenha |
— | |
Me Jehan Bour, procureur |
— | |
Pour Bordeaux : 4 conseillers. | ||
Me N. de Labarthe, advocat en ladite Cour |
10 l. | |
Me Pierre Thibaut |
— | |
Me de Labye |
— | |
Me Caprary, procureur |
— | |
Pour l’Agenais : 2 conseillers. | ||
Me N., advocat |
8 l. | |
Me N., procureur |
6 l. | |
Pour le Quercy : 2 conseillers. | ||
Me Anthoine de Regamat, avocat à Cahors |
8 l. | |
Me Jehan Ressanges, procureur |
6 l. | |
Pour le Rouergue : 2 conseillers. | ||
Me Duroy, avocat à Villefranche |
8 l. | |
Me N. procureur audit lieu |
6 l. |
Du jeudi 1er janvier au vendredi 2, séjour au Port-Saincte-Marie avec tout son train.
Le samedi 3, ladicte dame et partie de son train disne, souppe et couche à Nérac, et le reste dudit train audit Port Saincte-Marie.
En reprenant jour par jour, dans le volume 164, à partir du 1er janvier 1579, les dépenses et les déplacements de la Reine de Navarre, ses précieux livres de comptes nous font voir combien Marguerite restait peu oisive, et, tantôt au Port auprès de sa mère, tantôt à Nérac auprès de son mari, s’employait comme négociatrice habile entre les deux partis. Toute dévouée d’abord aux intérêts de la Reine-Mère, elle plaide chaleureusement sa cause et celle de la Cour auprès de son royal époux. Mais elle se prend bientôt à ses propres filets et se laisse si bien séduire par le rusé Béarnais qu’elle passe dans le camp adverse et entre tellement dans ses vues qu’elle obtient de sa mère, aux conférences qui vont suivre, les conditions les plus avantageuses pour le parti réformé.
Le dimanche 4, ladicte dame et son train estant audit lieu de Nérac et le reste du train au Port-Saincte-Marie.
Dans sa lettre du 4 janvier au Roi son fils, Catherine écrit : « Ma fille la Royne de Navarre alla hier matin à Nérac pour veoir son mary, que l’on nous avoit dict estre mallade de la migraine. Toutesfois elle trouva tout icy contre, la rivière seulement entre deux[2], et se met avecques elle au chariot, et s’en allèrent ensemble audict Nérac, où ma dicte fille séjournera encore aujourd’huy et ne retournera icy que demain[3]. »
Et l’un de ses grands arguments pour hâter la tenue de la Conférence est de lui remontrer « combien ce lieu du Port-Saincte-Marie est mal sain, ainsi que de vray il est, estant enfermé de fort près d’ung costé de la rivière et de l’aultre d’une haulte montaigne. Aussy n’y ais-je poinct esté à mon aise despuis que j’y suis arrivée, et sur cela le persuader que nous allions faire nostre dicte conférence à Villeneuve, où il y a deulx villes, et que je luy en baillerois une pour luy et les siens, et nous aurions l’aultre. »
L’idée de Catherine de choisir Villeneuve, terrain neutre, où chaque parti occuperait un côté de la ville et serait maître chez lui, n’était point mauvaise. Six années à peine s’étaient écoulées depuis la Saint-Barthélemy. De chaque part on redoutait une surprise et on cherchait à se prémunir contre toute trahison. Mais là encore la Reine-Mère ne réussit pas et dut faire une nouvelle concession.
Le lundi 5, ladicte dame et tout son train tout le jour au Port-Saincte-Marie.
« Cependant, je vous diroy, Monsieur mon filz, écrit Catherine, que mon filz le Roy de Navarre et vostre sœur revinrent hier matin de Nérac disner icy [Port-Sainte-Marie], où mon dict filz le Roy de Navarre a cousché ; dont je suis très aize ; car chascun congnoist par là la bonne intencion que nous avons à la paix, et sera cela cause de faire davantaige contenir les ungs et les aultres, à qui les mains demangent et qui ne cherchent qu’à troubler et empescher ce bon et sainct œuvre[4]. »
Et pour prouver son bon vouloir, le Roy de Navarre remettait ce jour-là à la Reine-Mère la promesse authentique de lui rendre Fleurance, aussitôt que La Réole lui serait revenue, » demandant en même temps la restitution de Lauzerte[5].
Du 6 au 19, séjour au Port-Saincte-Marie, avec tout son train.
C’est de cette époque, 10 janvier 1579, que date la lettre de Marguerite à Pomponne de Bellièvre, publiée déjà par M. Ph. Tamizey de Larroque[6]. Elle lui demande de « voulloir bien s’employer et faire en sorte qu’elle puisse sans aucune longueur et difficulté joyr du revenu de ses terres pour cette année », lesquelles sont presque toutes occupées par les Réformés et qui se montent « à soixante mil tant de livres. » Elle le désire, « attendu la grande nécessité de mes affaires et la despence qu’il m’a convenu et convient faire en ce voiage ».
Quant à Catherine, elle se plaint toujours à son fils de la lenteur apportée par les Protestants à la Conférence. Elle le met au courant de ce qui se passe à La Réole et à Condom, où « malgré tout, ils sont si anymez les ungs contre les aultres que ilz y sont en plus grand garbouge qu’ilz ne furent oncques. » Elle a mandé les sieurs de Saint-Orens et de Léberon auprès d’elle et a laissé la garde de la ville au chevalier de Monluc. Elle y enverra sous peu Bajaumont pour rétablir l’ordre[7].
Le Roi de Navarre « qui depuis deux jours étoit à la chasse, est venu ce soir soupper et couscher icy [au Port], délibérant de s’en aller demain à Nérac, où il trouvera les depputez de ceulx de sa religion arrivez, à ce qu’il m’a dict ce soir [13 janvier][8]. »
Ils arrivèrent en effet à Nérac, le lendemain et surlendemain 14 et 15 janvier, ces fameux députés Réformés, « lesquels, écrit Catherine, ne sont pas guères bien d’accord entre eux, aians diverses réquisitions à faire, et sont leurs cahiers fort gros, à ce que m’a rapporté le sieur de Pibrac. »
Henri voudrait Villeneuve pour lieu de la Conférence, à condition qu’on lui abandonnât la partie de la ville qui est au nord de la rivière, c’est-à-dire la plus considérable. Les députés préfèreraient Montauban. Mais, plutôt que de les laisser partir, Catherine est prête à tous les sacrifices, et, si elle ne peut les faire venir « à l’abbaie du Paravis », elle est décidée à aller à Nérac[9].
Le mardi 20, ladicte dame et tout son train disne au Port-Saincte-Marie, et icelle dame avec une partie de son train souppe et couche en la ville de Nerac, et le reste dudict train demeurant audict Port-Saincte-Marie.
Des mercredi 21 au vendredi 23, séjour à Nérac avec partie de son train.
Catherine envoya à ce moment sa fille à Nérac, afin que par son éloquence comme par son ascendant elle en imposât à tous ces députés « qui ne veulent la guerre que pour s’enrichir de la substance du pauvre peuple, estant bien aizé à veoir qu’ils avoient quelque meschante chose cachée au cœur[10]. » Elle compte « qu’elle fera dextrement d’elle-même tout ce qu’elle pourroit pour faire nostre dicte conférence icy. » « Et elle l’admoneste encores de faire tout ce qu’elle pourra envers son dict mary pour l’accélerer. »
À partir de ce moment, Marguerite entre véritablement en scène en tant que femme politique. Jusqu’alors son rôle n’avait été que décoratif. Les plaisirs, les jeux, les fêtes, les représentations étaient demeurés son apanage. Aussi n’a-t-elle que peu ou point écrit. On ne trouve en effet d’elle, tant dans les recueils manuscrits que dans le volume de Guessard[11], que des lettres insignifiantes, antérieures à cette époque. L’heure est venue où il va falloir compter avec la Reine de Navarre et où sa correspondance, qui malheureusement n’est presque jamais datée, nous fournira un appoint considérable pour voir clair dans cet imbroglio d’intrigues et dans ce déchaînement de toutes les passions.
Du samedi 24 au samedi 31 janvier, séjour au Port-Saincte-Marie, avec tout son train.
L’aimable ambassadrice eut un plein succès à Nérac. Elle revint le 24 janvier trouver sa mère au Port et l’assura que rien ne s’opposait plus à la Conférence. L’affaire de La Réole était terminée. Favas en était sorti ; d’Ussac avait été réintégré dans le poste de gouverneur, et Fleurance allait être rendue par le Roi de Navarre. Catherine exulte et ne peut cacher sa joie à son fils. Elle veut partir dès le lendemain 27 janvier. « Mais les eaux de la Garonne sont si fort creues depuis deux jours qu’il est impossible de pouvoir passer nos charriotz, coches et charroiz, et je crains bien que les eaux ne s’escoulent pas sitost (à ce que dient ceulx de ce pays)[12]. »
Marguerite profita de ce retard pour écrire à la duchesse d’Uzès, (Françoise de Clermont, femme de Jacques de Crussol, duc d’Uzès) celle que Catherine appelait sa Commère et Marguerite sa Sibille, et qui, venue avec les deux Reines, s’en était retournée peu de temps avant à la Cour, plusieurs lettres où percent la mélancolie et l’ennui d’un si triste séjour, en même temps que ses regrets de ne plus l’avoir auprès d’elle :
« Si cette compagnie estoit aussy fertile de nouvelles que la Court, j’aurois, ma Sibille, de quoy vous rendre preuve que je ne vous veux rien cacher ny dissimuler ; mais vivant sans aucune nouveauté, toujours en mesmes desseins et mesmes actions, je ne puis, etc.[13]. »
Autre mésaventure. Catherine tombe malade et elle est obligée de s’aliter, « ayant esté toute ceste nuict fort travaillée de mon catarre et mal de cuisse, pour lequel il falloit nécessairement que je prisse, ceste nuict, des pillules et me purger à bon essient, de sorte que je pourrais partir d’icy que mardi de la semaine prochaine pour « aller à Nérac[14]. »
Dépense totale pour le mois de janvier : 2, 738 écus, 46 sols, 1 denier. Le tout payé.
Du 1er au 2 février, séjour au Port-Saincte-Marie avec tout son train.
Ce jour-là Marguerite renouvelle à Bellièvre sa demande d’argent[15].
Le mardi 3, ladicte dame et son train disne au Port-Saincte-Marie, souppe et couche à Nérac.
Le 3 février, Catherine se décide enfin à se rendre à Nérac avec toute sa Cour, malgré les avis défavorables qui lui arrivaient de partout. On l’assure que les Protestants « préparent quelque grande entreprinse à exécuter et ont délibéré prendre la revanche de la Saint-Barthélemy[16]. » Mais la Reine-Mère a confiance dans la parole du Roy de Navarre, et, comme elle veut par dessus tout en finir, elle s’abandonne bravement à son sort : « Espérant en Dieu, auquel j’ai toute ma fiance, qu’il me fera la grâce que nous y ferons une bonne et heureuse fin, et bientost, pour l’exécution et l’establissement de la paix[17]. »
« Mardy, troysiesme de febvrier, écrit dans son journal le secrétaire du maréchal de Damville[18], la Royne-Mère du Roy partit du Port-Saincte-Marie après disner et arriva à Nérac sur le soir, où l’on avait préparé le chasteau dans lequel Sa Majesté, MMrs les Princes, le cardinal de Borbon deux frères du prince de Condé, et le prince Daulphin sont logés, avec les Roy et Reyne de Navarre. Ledit sieur roy de Navarre ala recuillir la Reyne jusques au Port, et s’embarqua sur le poinct que la Reyne passoit, sy bien qu’ils se rencontrèrent au milieu de la rivière de Garonne. Messieurs de Vallence, de Foix, de Pibrac, de Saint-Sulpice, de la Mothe-Fennellon et de Clermont, qui sont du conseil, estoient arrivés audit Nérac le judy auparavant. »
De son côté, Catherine raconte aussi à son fils son arrivée à Nérac, « où le Roy de Navarre fist très bien l’honneur de sa maison, nous ayant reçeus et festoyés de si bon cœur que ceulx qui sont avec moy commencent à perdre le doubte et la peur qu’ils avaient. » Elle fait part des craintes de son entourage à son gendre, « lequel ajoute-t-elle, m’a faict de si expresses promesses, non seulement pour moy, mais aussy pour tous ceulx qui me suivent, que toutes doubtes et soupçons sont maintenant levés[19]. »
Que devait penser la Reine-Mère, à cette heure et dans son for intérieur, du crime commis par elle le 25 août 1572 ? Ne sont-ce pas les souvenirs et peut-être aussi les remords de cette nuit sanglante qui la rendirent si conciliante, alors qu’elle se sentait à son tour à la merci du fils de Jeanne d’Albret, et qu’elle dut s’incliner devant sa grandeur d’âme, son pardon, sa générosité ?
La plupart des chroniqueurs, M. de Saint-Poncy[20] entre autres, et sans doute par mégarde M. le comte Baguenault de Puchesse, toujours si exact et si sûrement informé[21], assignent à cette date du 3 février 1379 l’entrée solennelle de la Reine de Navarre dans Nérac, celle où la demoiselle Sauvage, en Muse Gasconne, et les deux autres jeunes filles lui souhaitèrent la bienvenue. Ce n’est pas le 3 février, mais bien le 15 décembre précédent, ainsi que nous l’avons raconté, qu’eut lieu cette cérémonie. Aucun doute ne saurait exister. D’abord Catherine l’écrit tout au long, au début de sa lettre du 16 décembre : « ce jour où vostre sœur fist son entrée », tandis qu’en février elle ne signale aucun fait de ce genre. Puis, comment admettre que cette entrée ait été renvoyée à cette dernière date, alors que depuis près de deux mois nous avons vu Marguerite servir d’intermédiaire entre sa mère et son mari, ne ménageant ni sa peine, ni son temps, pour se rendre presque chaque jour à Nérac.
Il faut donc définitivement fixer au 15 décembre 1578 la date de son entrée officielle dans sa bonne ville de Nérac, qu’elle voyait ce jour là pour la première fois.
Du mardi 4 au samedi 28 février, séjour à Nérac avec tout son train.
Les articles qui furent signés entre les deux partis, à la suite des Conférences de Nérac, accordèrent des avantages considérables aux Protestants. Ils le durent à la lassitude de la Reine-Mère, à la diplomatie de la Reine de Navarre, qui, d’abord docile instrument des volontés de Catherine, comprit que dès lors qu’elle devait rester avec son mari il était plus avantageux pour elle de seconder ses desseins, passa presque ouvertement dans le camp ennemi et y entraîna son chancelier Pibrac, de plus en plus captivé par ses charmes. Ils le durent surtout à la souplesse en même temps qu’à l’énergie de leur chef Henri de Bourbon, dont les qualités supérieures triomphèrent de l’expérience et de l’habileté pourtant bien grandes de la fille des Médicis.
La plupart de nos historiens n’ont prêté qu’une attention médiocre à la Conférence de Nérac. Ils ignoraient probablement le texte des articles imprimés cependant depuis longtemps, et surtout les détails des longues négociations entamées de part et d’autre. De récents travaux d’histoire locale et principalement la publication nouvelle de ces articles[22], des « remonstrances des Ministres huguenots au Roi Henri III sur les moyens d’assurer le rétablissement de la paix, avec des notes de Catherine de Médicis en réponse[23] » ; du « discours de ce qui s’est passé à la Conférence de Nérac, rédigé par le secrétaire du maréchal de Damville[24] » ; enfin « d’un autre discours de ce qui s’est passé à la Conférence de Nérac[25] ; » auxquels nous renvoyons nos lecteurs, sont maintenant suffisamment connus pour que nous n’ayons pas à nous y arrêter outre mesure.
La Conférence s’ouvrit le lendemain même de l’arrivée de Catherine à Nérac, c’est-à-dire le mercredi 4 février 1579. Le Roy de Navarre, dit le journal du secrétaire de Damville, est assis avec sa femme près la Reyne, et tous les depputez demeurent debout et descouverts. » Assistèrent à cette première séance : « mes cousins le cardinal de Bourbon et prince Dauphin, et les aultres de vostre conseil qui sont icy (c’est-à-dire le duc de Montpensier et son fils, Joyeuse, Valence, Foix, Lansac, Lamothe-Fénelon, Pibrac, Duranti) où est veneu mondict fils le Roy de Navarre, suivy du vicomte de Turenne, Guitry, Segur et Gratin, et après eux des depputez, à sçavoir : Bouchard pour mon cousin le prince de Condé, de Meaupré, Poucaires, de Causse, de Vignolles, Yolet, Scorbiac, de la Place, Bérauld, de Lamer, Gebeaulin et Dupont, ayant ledit Scorbiac porté la parole pour tous et vous asseure, Monsieur mon fils, qu’il a fort honnestement parlé, etc.[26]. » Catherine lui répondit non moins éloquemment. On se fit toutes sortes d’assurances et de bonnes promesses. Finalement les députés remirent le long mémoire que nous venons de signaler et que la Reine-Mère promit d’examiner avec la plus grande attention, puis d’envoyer de suite au Roi. Catherine a le ferme espoir que tout s’arrangera ; car elle sait de bonne source que « s’ils demandoient beaucoup, ils se contenteroient de peu. »
La Reine Marguerite, absente ce jour-là, assista depuis à toutes les réunions.
Il ne faut pas croire, comme d’aulcuns l’ont écrit, que ces Conférences de Nérac se soient passées en bals et amusements[27]. La correspondance de Catherine nous prouve que les journées entières, sauf celles où « elle se purgeait », étaient employées à tenir séance, aussi bien le matin que dans l’après-dîner, et à discuter les articles. Elle nous nomme tous les députés qui prirent la parole, Scorbiac « qui a esté cejourd’huy très faible », Vignolles, Laplace, Lamer, Berauld, du côté protestant, et, leur donnant la réplique, les sieurs de Valence, de Foix, de Pibrac, de Lansac, et aussi le cardinal de Bourbon.
« Il y a longtemps, écrit-elle, que je n’ay travaillé tant et si longuement, pour quelque grande affaire qui ait esté traictée. Mais nous voilà prets à fondre la cloche, et espère que demain ou après nous ferons enfin une bonne résolution du tout[28]. »
Le Roi de Navarre continue à la bien traiter. C’est son unique satisfaction. Quant aux députés, « ils ressamblent tous à des ministres ou à des oiseaulx que vous savez » écrit-elle à sa commère, la duchesse d’Uzès, lui confiant « qu’elle se trove encore un peu mal de sa mayn, et prendra encore samedi prochain médecine » « laquelle mayn vous conesé, dit-elle en terminant, come de la plus seur amye que aurès jeamès[29]. »
Un moment même Catherine est si découragée « qu’elle demande conged et leur parle royallement et bien hault, jusques à leur dire qu’elle les ferait tous pendre comme rebelles. Sur quoy la Reine de Navarre se mist en devoir d’apaiser le tout, mesme plura, suppliant sa Mère de leur donner la paix[30]. »
La grande difficulté est de s’entendre sur le nombre des places de sûreté que détiennent les Protestants et qu’ils veulent toutes garder. D’abord ils en demandent plus de soixante ; puis ils réduisent ce nombre à vingt-quatre ; tandis que Catherine ne veut leur en concéder que six, oultre les huict qu’ils ont par l’édit. » Cette clause, qui est discutée de part et d’autre avec beaucoup d’aigreur, retarde la solution désirée.
Il y a aussi le mariage « du sieur de Miossens avec la demoiselle du Pont » qui empêchera le Roi de Navarre de venir le 22 février. « Toutesfoys, dit Catherine, je ne les laisseray pas en repos. »
Enfin la Conférence est terminée. Dès le 25 février au soir, Catherine l’écrit de sa propre main au maréchal de Damville : « La Conférence ayst achevée, Dieu mersis, et avons résolu l’exécution entière de l’édist, comme voyrés par la despêche que aurés si après[31]. » Et un peu plus loin au même. « Nous avons tant fest que nous avons achevé cette belle Conférence, qui m’a donné tant de pouine que je serès bien marrye qu’ele feult ynutile. » À son fils en effet, dans une sorte de résumé de toutes les difficultés qu’elle a rencontrées durant ces huit derniers jours, elle écrit « de sorte qu’il est advenu souvent et quasy tous les jours, qu’après avoir bien travaillé et contesté avec grande peine et labeur et infinies crieryes de part et d’aultre dont j’avais la teste continuellement tant estourdye et rompue durant ce long temps de nostre dicte conférence que je m’esbahys que n’en ay esté mallade, nous nous trouvions sans avoir rien fait. » Enfin, après d’infinis détails qu’elle donne sur cette dernière période des négociations, elle annonce qu’elle va partir pour le Port-Sainte-Marie et de là pour Agen, où elle a convoqué toute la noblesse du pays[32].
Les vingt-sept articles furent signés le 28 février 1579, tant par la Reine-Mère que par le Roi de Navarre, et après eux par Bouchart député du prince de Condé, Joyeuse, Biron, Pibrac, La Mothe-Fénelon, Lansae, Clermont, Duranti, du côté des catholiques et par Turenne, Guitry, du Faur, Scorbiac, député de la généralité de Bordeaux, Yolet et de Vaux, députés du Rouergue, du côté des protestants. Ils furent ratifiés par le Roi, le 14 mars suivant.
Ils contenaient en substance : le maintien et le respect de toutes les clauses édictées par le traité de Bergerac, et surtout l’occupation par le parti protestant (chapitre xvii) de quatorze nouvelles places, en plus des huit déjà accordées, concédées pour la sécurité dudit parti, lequel toutefois devait les remettre dans le délai de six mois. Ces places étaient pour le gouvernement de Guyenne : Bazas, Puymirol et Figeac, et pour celui de Languedoc : Revel dans la Haute-Garonne, Briatexte dans le Tarn, Alet dans l’Aude, Saint-Agrève dans l’Ardèche, Bez, Bagnols, Alais, Sommières et Aimargues dans le Gard, Lunel et Gignac dans l’Hérault. Durant cet intervalle de six mois, les Protestants pouvaient y tenir garnison, sauf à respecter le libre exercice du culte catholique. Le Roi de Navarre nommerait leurs gouverneurs « qui seroient gens de bien, amis de la paix et du repos », et la Reine-Mère approuverait leurs nominations. Suivent de nombreuses clauses relatives à l’organisation des chambres triparties, à la manière dont sera rendue la justice, à la fabrication de la monnaie, attribuée à la ville de Montpellier, à la remise des peines pour les faits de guerre antérieurs, etc., etc.
Mais la tâche de Catherine n’était pas finie. Il fallait le plus promptement possible assurer l’exécution desdits articles ; aussi envoya-t-elle Verac et Yolet en Languedoc, puis d’autres délégués dans les autres provinces et villes principales, afin qu’ils fissent observer l’édit de pacification. Elle emploie indistinctement protestants et catholiques, voulant bien prouver par là que le passé est oublié et que commence réellement pour le pays une ère de tolérance et de sécurité.
Catherine quitta Nérac le mercredi soir, 4 mars 1579, et s’en vint coucher au Port-Sainte-Marie[33]. Le lendemain elle arrivait à Agen.
Quant à sa fille Marguerite, la Reine-Mère écrit à cette date à sa Commère la duchesse d’Uzès :
« Je suys encore si estourdie de ceste Conférence et d’avoir tant escript, que n’aurés plus longue lettre de moy pour cet coup, sinon que vous diré que ma fille ayst demeurée avecques son mary, résolue de n’en plus bouger. Je les revoyré encore à Castelnaudary…[34] ».
Marguerite resta en effet à Nérac avec le Roi son mari, jusqu’au 11 mars. Ses livres de comptes sont formels à cet égard.
Total des dépenses pour le mois de février : 2,056 écus, 27 sols, 7 deniers. Le tout payé.
Du dimanche 1er mars au mardi 10, séjour à Nérac, avec tout son train.
À partir du moment où Marguerite se trouve séparée de sa mère, ses lettres se font moins rares. Quelques-unes mêmes, écrites à cette époque à la duchesse d’Uzès, nous édifient sur ses plus secrètes pensées, ses espérances, ses occupations journalières. Si Guessard nous en a fait connaître certaines, il en existe beaucoup d’autres dans les fonds français et Dupuy de la Bibliothèque nationale, entièrement inédites, et non les moins curieuses. Louise de Clermont-Tallart, veuve de François du Bellay, remariée à Antoine de Crussol, créé duc d’Uzès en 1565, était, on ne l’ignore pas, la meilleure amie de Catherine de Médicis. Elle l’appelait sa Commère, Marguerite sa Sibille. La duchesse d’Uzès accompagna les deux Reines en Gascogne. Mais elle dut les quitter, pour un motif que nous ne connaissons pas, vers la fin de décembre 1578, après l’entrée de Marguerite à Nérac et au moment de l’installation de la Reine-Mère au Port-Sainte-Marie. Marguerite était à Nérac auprès de son époux, quand elle apprit son projet de départ. Elle lui écrivit aussitôt :
« L’on m’a dit, ma Sibille, que voulés partir samedi. Je ne puis arriver au Port que se jour-là et me dessesperois si avant votre partement, je n’avois encore ce bien de vous voir ; je vous suplie si vous mesmes et pour reconfirmer toutes les obligations que je vous ai, demeurés jusques à lundi. Cest honeste porteur vous an suplira de ma part ; je ne panse pas que an pusiés refuser deux personnes qui vous aime tant ; de luy il vous pourra dire combien ; mes de moi je vous jure que je suis toute à vous ; si n’aves eu des chevaux, vous les ores a nouit. Tenes-moi en la bonne grase de la Roine et l’asures de mon afection. Adieu, ma Sibile[35]. »
La duchesse partit. Peu après Marguerite lui écrivait cette autre lettre, si curieuse à plus d’un titre.
« À ma Sibille.
« L’asuranse que cest honneste homme ma donnée de vous tesmougner la souvenanse qui me reste de lheur que je resevais par votre présance me fait esperer que tant que jan seré privée vous viverès en la créanse que je vous désire de moi que rien ne vous peut aimer et honorer plus que je fais et ferai avec une constance immuable. Je sai, qu’estant en ce desert, vous estimerez peu ma résolution, croiant que je vous garde ceste fidélité pour ni voir autre digne de prandre votre plase ; mes n’en croies rien, ma Sibille, car quant il liorait isi autant d’honnestes fames come il lian a peu, ma voulonté seroit ancore moins esbranlée : voulant non seulement que cete absance, mes que le reste de ma vie vous rande preuve de mon afection an votre endroict ; je ne vous mande point de nouveles, ce seroit faire tort à cest honneste homme qui sera fort aise de vous antretenir. Je m’en remes donc sur luy et vous baise sant mille fois les mains.
« Madame de Pequigny se porte bien ; mes nous nous porterions encore mieux, si nous avions ce bien de vous tenir au petit cabinet, pour lequel je vous garde ce qui ne se peult escrire.
« Je vous suplie me tenir toujours en la bonne grase du Roi et de la Roine… (mots déchirés) nos amis[36]. »
Dans les autres lettres de Marguerite à la duchesse d’Uzès, non inédites cette fois et publiées en partie par Guessard, relevons quelques détails intéressants. Dans l’une, la Reine de Navarre annonce que « la Conférence est fort avancée. J’en espère tout bien, pour ce que je le désire… car j’aimerois mieux la mort que la guerre. » Dans une autre, elle lui demande de la poudre qu’elle lui donna il y a quelque temps au Port-Sainte-Marie « car je ne trouve rien de meilleur pour les enleveures, à quoy je suis à ceste heure un peu sujette. » Et plus loin : « Je me suis si bien trouvée de vostre eau de mauve pour les enleveures, que je vous supplye m’en envoyer la recepte, mais seurement et l’adressez à Madame de Pequigny ; la première que me baillastes se monstroit verte ; mais cette-ci n’a nulle mauvaise couleur. Je vous suplie écrivez-en la recepte bien particulièrement, comme il la faut faire. »
Enfin, dans une troisième, elle lui écrit : « Je me suis, ces jours passés, retrouvée au Port-Sainte-Marie, lieu tant connu et remarqué de nous ; où je n’ay passé sans me ressouvenir de vous et de vos prophéties, que je ne tiens pour oracles, n’estant advenu que le contraire de ce que vous prédisiez, et la mesme chose que je vous ay toujours dicte. Ne croyez pas Madame de Pequigny, car ce sont resveries de son aage. Je suis pour cette heure à Nérac, fort contente et heureuse ; je le dis sans dissimulation. Je ne la puis faire plus longue… » À quoi Madame de Pequigny ajoute en post-scriptum : « Madame, tout ce que je vous puys dire de la Royne est qu’elle ne fust jamais si belle ni plus joyeuse ; et en les plaisirs désire incessamment sa Sibille, qui lui a prédict beaucoup de choses qui sont, à mon advis, ja advenues. Elle djet que non, et moy je dis que si[37]. »
Est-il bien difficile de concilier ce passage de la lettre de Marguerite avec celui de ses Mémoires où elle écrit sur la même époque « … Parce que le Roy mon mary estoit alors devenu fort amoureux de Dayelle et M. de Turenne de La Vergne, ce qui n’empeschoit pas que je ne reçeusse beaucoup d’honneur et d’amitié du Roy, qui m’en tesmoignoit aultant que j’en eusse peu désirer… montrant avec beaucoup de contentement que nous feussions ensemble. » Ou bien Marguerite ne prend pas au sérieux la flamme dont paraît brûler son mari pour Dayelle ; et alors son ciel est sans nuages, elle est heureuse. Ou bien, la sœur d’Henri III, habituée depuis longtemps à ne considérer l’amour que comme un passe-temps, une fois de plus son parti des infidélités du vert-galant ; et elle ne regarde celle-ci que comme une liberté nouvelle d’agir à sa guise et de se créer à cette Cour un peu triste de Nérac l’existence la plus douce en même temps que la plus fantaisiste ?
Ce qu’il y a de sûr, c’est que pendant toute la Conférence de Nérac, Henri compromit fort la belle Grecque, et que ce n’est qu’après son départ, alors qu’elle eut suivi Catherine en Languedoc, puis à Paris, où elle se maria avec le sieur de Villars, gentilhomme normand, qu’il se mit en quête d’une nouvelle aventure.
Le mercredi 11, ladicte dame et son train, tout le jour au Port-Saincte-Marie, souppe et couche à Agen.
Du jeudi 12 au lundi 16, séjour à Agen avec tout son train.
Catherine avait devancé sa fille à Agen de près d’une semaine. Son premier soin fut de convoquer dans la grande salle de l’Évêché, où elle logeait, tous les gentilshommes de la contrée. Elle leur tint, le 5 mars, un grand et beau discours, empreint de majesté royale, « où écrit-elle elle-même, elle leur fist entendre la résolution prinsse en la « conférence au bien de la paix, estans la plupart fort bien disposez à « se conformer à l’entretenir, garder et observer[38]. »
« Je vous laisse, dit-elle en terminant, le précieulx gaige que j’aye, qui est ma fille, laquelle est catholique, et m’assure qu’elle ne sera jamais aultre, m’ayant Dieu faict cette grâce que tous mes enfans l’ont esté et le sont. Elle sera tousiours protectrice des catholiques, prendra vos affaires en main et aura soing de vostre conservation ; adressez vous à elle et asseurez vous qu’elle y apportera tout ce que vous pourriez désirer[39]. »
Étaient présents : Janus Frégose, évêque d’Agen, le sénéchal de Bajaumont, Anthoine de Nort, président et juge-mage, Français de Cortète, Florimond de Redon, lieutenans, Robert Raymond et de Boria conseillers au Présidial, Félix et Caprais Delas, advocat et procureur du Roy, Pierre de Nort, Pelicier, du Périer, Corne, tous consuls, jurats et bourgeois de la ville, sans compter des ecclésiastiques et les plus grands noms de la noblesse de l’Agenois. Biron remercia la Reine-Mère au nom du pays. Après quoi « ils jurèrent tous de garder et observer, faire garder et observer entièrement, chascun en son droict, l’edict de pacciffication, faict au mois de septembre 1577, ensemble ce qui a esté dernièrement advisé et résoleu en la conférense teneue à Nérac, le tout de poinct en poinct, selon leur forme et teneur[40].
Quelques dissentiments se produisirent au début, « aulcuns de la noblesse estans poussez par ceulx qui n’ont bougé de leurs maisons durant la guerre et qui ont plus de malice que de valeur. » Mais la Reine-Mère refusa de recevoir leur requête et les engagea à s’en remettre au maréchal de Biron. Pour ce dernier, Catherine est toujours à le morigéner. Elle l’a trouvé furieux « et merveilleusement esgaré », principalement en ce qui concerne la place de Puymirol. On sait en effet que les articles de Nérac avaient maintenu cette place, une des plus fortes, pendant six mois encore en la possession des Réformés et que ni. Biron, ni Bajaumont, ni les habitants d’Agen, tous catholiques, ne pouvaient s’en consoler. Catherine exige néanmoins que cette place soit remise, comme il a été convenu, aux mains des protestants, et elle y envoie à cet effet le vicomte de Turenne qui la recevra des mains du maréchal[41]. Ce qui fut fait. « Et ung nommé le capitaine Lestorneau, qui est ung fort mauvais garçon, en sortit et ses soldats aussy, excepté quelques ungs qu’il laissa dans le chasteau, attendant que le sénéchal de Bajaumont et luy y retournent, pour parachever d’exécuter ce qui y est à faire et en bailler la charge au sieur de Lezignan, comme il a été advisé[42]. »
Le mardi 17, ladite dame et tout son train disne au Port-Saincte-Marie, souppe et couche à Nérac.
Du mercredi 18 au jeudi 26, séjour à Nérac avec son train. Marguerite avait hâte de rejoindre son mari, qui, depuis le départ de Catherine, était resté à Nérac. Elle ne se trouva donc pas à Agen, le 17 mars 1579, jour où eut lieu le fameux duel de Turenne et de Duras.
Tous les auteurs se sont occupés plus ou moins de cette affaire. Deux sources, absolument sûres, doivent être consultées : 1° la Correspondance de Catherine, jusqu’à ce jour inédite ; 2° les Mémoires de Turenne lui même, plus tard duc de Bouillon. On connaît l’origine du conflit. Un Durfort, seigneur de Rauzan, gouverneur de Casteljaloux, avait donné l’ordre de n’ouvrir les portes de cette ville à aucun personnage de distinction. Turenne, envoyé par le roi de Navarre, se présenta. Les portes restèrent fermées. Ne pardonnant pas cette insulte, ce dernier rencontra peu après Rozan et le provoqua en duel. Mais l’affaire revint aux oreilles de Catherine, qui, par deux fois, essaya de l’arranger. Il n’en fut rien.
« Mon cousin, écrit-elle le 17 mars d’Agen au maréchal de Damaville, il y a quelque tems que pour quelque léger propos que le sieur vicomte de Turenne et le sieur Rozan eurent ensemble, il s’étoit meu aussi quelque débat entre le sieur dict vicomte de Turenne et de Duras, dont je les avois depuis deux jours mis d’accord. Toutesfoys, ils se sont appelez sans que personne en ait rien sceu, et combattuz cejourd’huy de grand matin sur la grève de ceste ville, s’estans blessez les ungs et les aultres ; je fayz informer par la Chambre du Parlement, etc.[43] »
Beaucoup plus long, dans ses Mémoires, est le récit de Turenne[44]. Résumons-le. Pendant qu’il séjournait à Agen, Duras vient lui dire que son frère Rozan, à qui il en voulait, était arrivé. Turenne leur donne aussitôt rendez-vous pour le lendemain, « au bout du Gravier », avec une épée, un poignard et montés sur des courtauts. Il prévient le baron de Salignac, Jean de Gontaud, seigneur de Saint-Blancard, qu’il ait à l’assister. Tous deux, de grand matin, sortent par la porte du Pin et se rendent au lieu désigné, où ils attendent près de deux heures leurs adversaires. Enfin ceux-ci arrivent ; et, après d’assez longs pourparlers relatifs à leurs armes et à leurs tenues, tous en viennent aux mains. « Je lui donnois, écrit Turenne, des estocades que je croyais le percer ; il me blesse un peu à la main gauche, il tombe ; je le fais relever ; je veux aller aux prises en me jetant sur luy ; je rencontre le bout de son épée du bras gauche et m’en blesse, l’ayant mené à plus de soixante pas. » Bref il allait en avoir tout à fait raison, quand il survint neuf ou dix hommes de Duras, qui commencent à me charger par devant et par derrière, de sorte qu’ils me donnèrent vingt-huict coups : de quoy il y en avoit vingt-deux qui me tirèrent du sang, et les autres dans mon habillement. Je ne tombe ny mes armes. Pensant m’avoir donné assez de coups, ils me laissent… Le Roi de Navarre vint le lendemain sur le Gravier pour me quérir, où la Reine l’alla trouver, et tesmoigna un très vif ressentiment de la supercherie qu’on m’avait faicte. »
Sur ce dernier fait, Catherine tient un langage différent : Mondict filz le Roi de Navarre, qui veint couscher à une lieue d’icy, m’a aujourd’huy [19 mars] par Spalungues et depuis par le sieur de Miossens fort instamment pryé que je permisse audict vicomte de Turenne de sortir de ceste dicte ville pour se faire porter audict Nérac. Mais je m’en suis toujours escusée, sur ce que les médecins et chirurgiens disoient qu’il se mectroit en danger… et ay envoyé prier mondict filz le roi de Navarre, au lieu que nous nous debvions trouver aujourd’huy au Port Saincte Marye, que je le peus parler à luy dela l’eau, au port de ceste dicte ville, où il est soudain venu ; et avons esté ensemble près de trois heures, ayant fort remis et en sorte que cette querelle sera prinse, ainsy qu’elle doibt aussy estre, comme faict particulier, sans porter préjudice au général[45]. »
Malgré les efforts de Catherine, ce duel fit grand bruit. À peine arrivé à Nérac et entré en convalescence, Turenne cria bien haut à la trahison. Il chercha à prouver dans un Mémoire que Rauzan portait une cote de mailles sous son pourpoint et s’était fait accompagner d’une douzaine de serviteurs. Les Duras protestèrent. Chaque parti voulut avoir raison. Les écrivains des deux camps s’en mêlèrent, si bien que pour cette méchante affaire la guerre faillit se rallumer[46].
« Je suis ynfiniment marrye, écrit Catherine à Damville, que, après tant de peuine, l’on me donne de tel traverses et ne sé cesi féré « plus mal sur mon voiâge par le Languedoc[47]. »
Cette affaire, sur laquelle Catherine revient plusieurs fois dans ses Lettres postérieures et qu’elle cherche toujours à atténuer, s’était si peu calmée quatre mois après que le Roy dut, le 23 juin suivant, par acte public, « faire expressément deffences aux sieurs vicomtes de Turenne et de Duras de se faire accompaigner par aulcuns gentilzhommes et autres, à cheval et en armes ; soubz coulleur et prétexte du différent et querelle survenus entre eux[48]. »
Catherine resta la fin de mars à Agen. Un gros rhume en fut en partie la cause : « Les médecins me veullent purger, écrit-elle, pour me guérir d’un grand ruhme qu’il y a deux ou trois jours que j’ay en la moitié de la teste et sur ung œil. Aussy j’ay esté contraincte me résouldre de demeurer jusques à lundy prochain en ceste ville, pour me purger et les attendre tous[49].
Elle profite de ce retard pour calmer les esprits, adoucir les Réformés, « auxquels la querelle de Turenne et de Duras avoict faict un peu lever les aureilles » et organiser, le 25 de ce mois, « une procession géneralle pour rendre graces à Dieu, tant de la confirmation du bien de la paix que de l’arrivée du duc d’Anjou auprès du Roi[50]. » Elle prépare enfin son voyage de Languedoc et cherche à y amener le Roi et la Reine de Navarre. Mais ceux-ci font la sourde oreille ils n’ont point d’argent et Turenne n’est point guéri. Elle mande cependant sa fille auprès d’elle. Pour un jour seulement, Marguerite se rend à ses désirs.
Le vendredi 27, ladicte dame et son train disne au Port-Saincte-Marie, souppe et couche à Agen.
Le samedi 28, ladicte dame et son train disne au Port-Saincte-Marie, souppe et couche à Nérac.
Du dimanche 29 au mardi 31, séjour à Nérac avec tout le train.
(Dépenses totales pour ce mois de mars : 2492 écus, 34 sols, 7 deniers. — Le tout payé.)
Le mercredi 1er avril, ladicte dame et tout son train tout le jour audict Nérac.
Le jeudi 2, ladicte dame et tout son train disne au Port-Saincte-Marie, souppe et couche à Agen.
Dans son entrevue du 27 au soir, Catherine avait fini par vaincre toutes les hésitations de sa fille. Aussi cette dernière se décida-t-elle à accompagner la Reine-Mère en Languedoc, avec son mari.
Mais cette fois, les deux Cours, celle de Catherine et celle du Roi et de la Reine de Navarre, vont marcher chacune de leur côté et comme parallèlement. Elles se réuniront de temps à autre, mais suivront presque toujours un itinéraire différent.
Marguerite arriva à Agen le 2 avril au soir. Elle en repartit le lendemain.
Catherine, de son côté, avait quitté cette ville le jeudi 2 avril au matin, pour aller coucher à Valence. Dans sa lettre du 6, elle en rend compte ainsi à son fils :
« Je partis jeudy d’Agen et veins couscher à Valence, où mon filz le Roy de Navarre me veint trouver et le vicomte de Turenne avec luy, lequel se porte bien et est presque guéry. Ma fille la Royne de Navarre veint ledict jour seullement couscher audict Agen, où je luy escripviz que je séjourneray audict Valence vendredy dernier, comme je feyz, affin que je peusse voir, avant m’acheminer plus oultre, pour ce que mondict filz le Roy de Navarre ne veult s’acheminer à Castelnaudary que Saverdun ne soit remis[51]. »
Le vendredi 3, ladicte dame et son train disne à La Fosse, souppe et couche à Valence.
Le sénéchal de Bajaumont tint une fois encore à héberger la Reine de Navarre dans son château de Lafox[52]. Elle y avait déjà diné avec sa mère, nous l’avons dit, le 15 octobre de l’année précédente, et bien plus avant, le 23 mars 1564-1565. Elle ne devait plus, croyons-nous, s’y arrêter. Elle rejoignit le soir de ce jour la Reine-Mère à Valence.
Le samedi 4, ladicte dame et son train disne et couche à Saint-Nicolas.
Il s’agit ici de Saint-Nicolas de la Grave, entre Auvillars et Castelsarrasin sur la rive gauche de la Garonne, et non de Saint-Nicolas de la Balerme.
Le dimanche 5, ladicte dame et son train disne audict Saint-Nicolas, souppe et couche à Beaumont d’Allemagne (pour Beaumont de Lomagne).
Le lundi 6, tout le jour audict Beaumont d’Allemagne. Catherine se trouvait également ce jour-là à Beaumont de Lomagne, d’où elle écrivit à MM. de Saint-Orens et d’Ussac pour leur recommander de continuer à bien tenir les villes de Langon et de La Réole, dont ils étaient gouverneurs, en l’obéissance du Roi[53]. Dans sa lettre du 6 avril au Roi son fils, elle ajoute en post-scriptum : « Ledict Laffin arriva pendant que j’estois chez la princesse de Navarre, qui s’est trouvée un peu mal, mais ce ne sera rien[54]. Mon filz le Roy de Navarre et ma fille, sa femme, y estoient aussi[55]. » La Reine-Mère partit de Beaumont de grand matin ; car, à midi, elle dinait à Grenade-sur-Garonne, écrivait une lettre à son fils et arrivait le soir même à Toulouse, d’où elle avait le temps d’envoyer quelques mots à M. de Pailhès et à la duchesse de Nemours.
Quant à Marguerite, elle resta toute la journée du 6 à Beaumont et n’accompagna point sa mère à Toulouse.
« Et mon fils le Roy de Navarre, écrit Catherine, s’en va cependant à L’Isle-en-Jourdain, où il meyne ma dicte fille et en ses aultres terres qui sont là à l’entour. Mais s’il me tient promesse, ilz n’y seront pas longtemps. » Elle a donné, en effet, l’ordre formel que Saverdun fut rendu aux Réformés.
C’est donc pour ce motif seul que les deux Cours se séparèrent à Beaumont et que Marguerite, à son grand regret sans doute, n’accompagna pas sa mère une seconde fois à Toulouse, où son mari n’avait nulle envie d’entrer[56].
Force nous est donc de quitter ici la Reine-Mère, pour suivre, selon notre programme, la Reine et le Roi de Navarre.
Le mardi 7, ladicte dame et son train disne à Solomiac, souppe et couche à Mauvoisin[57].
Le mercredi 8, ladicte dame et son train disne et souppe à Saint-Germain et couche à L’Isle-Jourdain.
L’itinéraire d’Henri IV, d’après ses livres de comptes, dit : « dine et soupe au château de Saint-Germain, couche à l’Isle-en-Jourdain. » Le château de Saint-Germain se trouve sur la rive gauche de la Garonne, à 5 kilomètres au nord de Gimont et à 8 kilomètres au sud-est de Mauvezin.
Du jeudi 9 au dimanche 12, séjour à l’Isle-Jourdain avec tout le train.
« Le roi de Navarre, écrit Catherine, est à l’Isle-en-Jourdain. Il n’en veult partir qu’il ne saiche ledict Saverdun estre remis. Il y a aussy une petite ville appelée Muret, qui est à trois lieues d’icy sur la rivière, par où il fault qu’il passe nécessairement pour venir à Castelnaudary. » Mais les habitants de Muret sont catholiques et se refusent à laisser passer Henri de Navarre ; « aussy crains-je bien qu’il y ait du désordre, quelque peine que je mette d’y obvier et l’éviter[58]. »
Pibrac, envoyé par Catherine auprès du Roi de Navarre, en revint le 12, porteur d’une grosse nouvelle.
« Et pareillement des bonnes nouvelles que le sieur de Pibrac m’a rapportées ce matin de la part de ma fille la Royne de Navarre et de son mari, qui sont que mondict filz le Roy de Navarre s’en viendra avec moy, quand je m’en retourneray vous trouver. » Henri de Navarre tiendrait à voir le duc d’Anjou, qui, lui, brûle du désir de l’entretenir. « Sur quoy, madicte fille la Royne de Navarre m’a escript et mandé ce matin par le sieur de Pibrac que la résolution de son mary est de s’en venir avec moy, quand je partiray de ce pais[59]. » Catherine en conclut avec raison que, s’il ne reste plus en Guienne que le maréchal de Biron, la paix est assurée pour longtemps.
Le lundi 13, ladicte dame et son train disne et couche à Saint-Lys, souppe et couche à Muret.
Le 13 avril, les deux Cours se mirent en marche. Catherine quitta Toulouse et alla coucher à Caujac, près de Cintegabelle, d’où elle écrivit à sa commère la duchesse d’Uzès : « Encore que nostre heage soiet plus pour set repouser que pour feire voyage, si èse que yl en fault encore feire un enn Engleterre, etc.[60] »
Marguerite de son côté et, avec elle, son mari partirent de grand matin de l’Isle-en-Jourdain pour aller diner à Saint-Lys et coucher à Muret. De là la Reine de Navarre écrivit ce même jour à sa Sibylle. « J’ay depuis votre partement esté vingt fois avec la Reyne, et autant de fois séparée. Je retourne encore à nuict la trouver à Meuret, pour faire Pasques avec elle. Je vous trouve tant à dire, ma Sibille, que j’en fasche Madame de Pecquigny, comme aussi elle s’ennuie de moy, ne faisant tout le jour que vous souhaiter. Je suis si aise et contente de la réconciliation du Roy et de mon frère que je n’eus jamais une telle joie…[61]. »
Le mardi 14, ladicte dame et son train disne à Caujac, souppe et couche à Saverdun.
Marguerite alla rejoindre, ce soir là, sa mère Catherine qui était venue à Saverdun voir un peu ce qui se passait dans le comté de Foix. Henri de Navarre au contraire, ainsi que l’indique son itinéraire, était resté à Mazères, qui n’est distant de Saverdun que de dix kilomètres à peine.
Dans sa lettre du 23 à son fils, la Reine-Mère nous donne les raisons de ce déplacement. Elle cherche à faire exécuter l’édit « en toute la comté de Foix, qui n’est de nul gouvernement et où il s’en faict beaucoup plus croire et est bien davantaige crainct, [il s’agit du roi de Navarre], pour ce que ladicte comté est entièrement à luy, toustefois soubz vostre souveraineté, qu’en ses autres terres qui sont au dedans dudit gouvernement… Mais, en tous les lieulx où j’ay passé de ladicte comté de Foix, j’uzey de puissance absolue ; car vous estes autant roy de la comté de Foix que du reste de vostre royaume ; et a esté ung très grand mal que les gouverneurs de Guyenne ou de Languedoc y aient pas commencé, come ils ont négligé les autres soubs vos prédécésseurs et vous[62]. » Catherine quitta Saverdun le 15, pour aller à Castelnaudary. Marguerite de son côté rejoignit son mari à Mazères, mais pour un jour seulement.
Le mercredi 15, ladicte dame son train disne à Mazeres, souppe et couche à Castelnaudary.
Du jeudi 16 au dimanche 19, séjour à Castelnaudary avec tout le train.
Les deux Reines se réunirent en effet près d’une semaine dans cette ville, mais, comme l’écrit Marguerite, uniquement pour faire leurs Pâques. Cette fête se trouvait être cette année le 19 avril. Aussi restèrent-elles ensemble du mercredi de la Semaine Sainte jusqu’au lundi, 20 avril, lendemain de Pâques. « J’arrivai à Castelnaudary, écrit Catherine, où j’ay faict ma feste, et ma fille la royne de Navarre aussy, estans cependant mon fils le Roy de Navarre et la princesse sa sœur demeurés à Mazères[63]. » Henri resta en effet à Mazères les 15 et 16. Il se trouve le 17 à Saverdun, revient le même soir à Mazères, y demeure les 18, 19, et se rend le 20 au château de Marquein, où sa femme vint le rejoindre[64].
Le lundi 20, ladicte dame et tout son train disne à Castelnaudary, souppe et couche à Marquin.
De son côté, Catherine se rapprochait du Roi de Navarre et venait ce jour-là, 20 avril, s’installer à Saint-Michel de Lanès, petit bourg à dix kilomètres au nord-est de Marquein et à huit de Salles-sur-Lhers. Son but était de s’entendre avec lui « pour l’establissement de la Chambre de Justice en ce pais de Languedoc, et parachever à résouldre ce qu’il fault pour le bien de la paix[65]. » Elle est décidée à faire tenir les Estats de Languedoc à Castelnaudary, avant de rentrer à la Cour, bien que le roy de Navarre « se soit mis en la teste que quelques-uns de ses gens avaient querelle avec les habitans, et a pris son excuse sur cela ; de sorte que je feuz contraincte de venir dez lundy dernier en ce lieu, où (luy estan logé en ung chasteau icy près), nous nous sommes assemblés deja trois fois[66]. » Il s’agit du château de Marquein, où logeaient le Roi et la Reine de Navarre.
Les mardi 21 et mercredi 22, tout le jour à Marquin avec tout le train.
Les conférences préparatoires se tinrent durant six jours à Saint-Michel de Lanès, où Catherine séjourna jusqu’au 28 avril. Marguerite de son côté, fidèle à son rôle, s’interposait entre sa mère et son mari, cherchant à tout concilier.
Le jeudi 23, ladicte dame et son train disne à Saint-Michel, souppe et couche audict Marquin.
Le vendredi 24, tout le jour audit Marquin.
Le samedi 25, ladicte dame et tout son train disne à Saint-Michel, souppe et couche audict Marquin.
Le dimanche 26, ladicte dame et son train disne à Saint-Michel, souppe et couche audict Marquin.
Le lundi 27, tout le jour audict Marquin.
En plus des affaires courantes à régler, Catherine cherchait par tous les moyens possibles à attirer son gendre à Paris. Elle était à cet égard admirablement secondée par Marguerite. « Je ne sçay encores que vous dire, écrit-elle à son fils le 23 avril, de ce que fera mon filz le Roy de Navarre ; car il semble qu’il ayt quelque volunté de s’en venir avec moy et m’en a faict ouvrir les propos, il y a quelques jours, comme vous avez peu entendre par le sieur d’Arques ; et despuis la royne de Navarre, sa femme, m’en a encores parlé, et veoy bien qu’elle désirerait aussy pouvoir veoir son frère devant qu’il passast en Angleterre[67], mais ilz voudroient que j’allasse passer par Lymoges. Toutesfois considérant que ma présence pourra apporter, passant par le Languedoc, Provence et Daulphiné, beaucoup de commodité à vos affaires et service, je leur ay franchement déclaré que j’y veulx passer[68]. »
Elle se plaint toujours de la lenteur voulue, apportée par le Roi de Navarre et par son parti, pour hâter les négociations ; et elle lui reproche et la prise « du chasteau d’Astaffort » par ses partisans, et son mauvais vouloir de ne pas laisser sortir les pièces d’artillerie de la place de Monflanquin, en Agenais. « Ce pourquoy, nous sommes sur cela entrez luy et moy en disputte[69]. »
Le 26 avril, Catherine est toujours à Saint-Michel, Marguerite et son mari au château de Marquein. Les deux partis sont tombés d’accord pour la composition de la Chambre de Justice, qui sera présidée par un membre du Parlement de Toulouse, le président Saint-Jehan « qui est très homme de bien et catholicque. » Les États vont se tenir à Castelnaudary. Quant au voyage du Roi de Navarre, Catherine commence à en douter. « Il semble, dit-elle, qu’il ayt quelque regret de me laisser et ma fille la royne de Navarre aussi ; touttefois leur aiant résolu que je ne voullois en quelque façon que ce feust repasser par la Guyenne, pour ce que vos affaires et service m’appelaient fort du costé de Provence et de Dauphiné, ilz m’ont dit qu’ilz pourroient bien aller en Béarn pour regarder à leurs affaires, et aussy que ma dicte fille désire aller aux bains, mais que vers la fin de ceste année mon filz le roy de Navarre, à ce qu’il m’a dit, pourroit bien nous venir veoir du costé de France, et qu’aussy y a-t-il affaire pour ses biens et terres. Il désire, ce me semble, bien fort l’establissement de la paix, et m’a promis de se bien et du tout réconcillier avec le mareschal de Biron[70]. »
Le mardi 28, ladicte dame et son train disne à Saint-Michel, souppe et couche à Mazères.
Le 28 avril fut un grand jour, celui où la Reine-Mère se sépara d’avec le Roi de Navarre, qu’elle croyait ne devoir plus revoir.
Elle le convia à venir avec sa femme diner une dernière fois avec elle à Saint-Michel de Lanès, « tout, ayant durant huict jours séjourné à Saint-Michel, étant parachevé pour l’exécution tant de vostre édit de pacification que des articles de la Conférence… Et hier, après disner, voyant que nous estions sur notre partement et près de nous séparer, pour venir de deça, et mondict filz le roy de Navarre et ma fille, sa femme, pour retourner du costé de la Guyenne, je les pris tous deux à part, et mon cousin le mareschal de Biron aussy, et après avoir longuement parlé et remonstré à mondict filz le roy Navarre tout ce qui me sembla à propos, comme s’il estoit mon propre filz… Il m’a, présente ma fille, sa femme, et mondict cousin le mareschal de Biron, et Pinart, fort humblement remercyée et promis de se comporter doresnavant si bien que nous aurons occasion de contentement ; et oultre cela, de fort bonne façon promit aussy très franchement toute bonne amytié audict mareschal de Biron… de sorte que nous nous sommes séparez avec si bonne résolution que j’espère que vos affayres et service et surtout la paix et repos sera doresnavant maintenue, et toutes aultres choses soubz vostre obéissance[71]. »
Et elle ajoute : « Ainsy mondict filz le Roy de Navarre et madicte fille, sa femme, s’en allèrent couscher à Mazères, et moy en ce lieu [Castelnaudary], où madicte fille me viendra trouver demain, et sera icy avec moy vendredy tout le long du jour pour me dire du tout adieu, espérant partir samedy pour m’acheminer et estre en quatre jours après à Narbonne. »
L’itinéraire de Marguerite est conforme au dire de Catherine.
Le mercredi 29, ladicte dame et son train tout le jour audit Mazères.
Ce jour-là, tandis que Marguerite revenait à Mazères trouver son mari, Catherine arrivait sur le soir à Castelnaudary.
Le jeudi 30, ladicte dame et son train disne à Mazères, souppe et couche à Castelnaudary.
(Dépenses pour tout ce mois d’avril : 2167 écus, 13 sols, 9 deniers. — Payé seulement : 1645 écus, 10 sols, 11 deniers.)
Le vendredy 1er jour de mai, ladicte dame et son train tout le jour à Castelnaudary.
Le 1er mai, les deux Reines se trouvaient donc réunies à Castelnaudary, où Marguerite était venue, sans son mari, faire ses adieux à sa mère. Elle était à peine arrivée qu’on apprit la nouvelle que les affaires se gâtaient à Langon, que cette ville avait été reprise par les catholiques, et que le Roi de Navarre se montrait fort mécontent de cette trahison. Sans plus tarder, Catherine se décide à avoir une nouvelle entrevue avec lui et lui donne rendez-vous au Mas Saintes-Puelles, à quatorze kilomètres ouest de Castelnaudary et à moitié chemin de Salles. Henri s’y rendit de Mazères, où il s’était retiré. Catherine amena avec elle sa fille.
Le samedi 2, ladicte Reine de Navarre et partie de son train est allée disner au Mas Sainctes-Puelles, souppe et couche à Castelnaudary.
« Toutesfois nous nous rassemblâmes hier en une maison qui est à une demye lieue d’icy, où nous demeurasmes toute l’après-disnée. Je leur feiz entendre que le faict de Langon, combien que nous ne seussions pas encore la vérité de ce quy s’y est passé, s’estoit faict contre vostre intention et la mienne et qu’il fallait en fayre fayre justice exemplaire[72]. » Et comme le Roi de Navarre voulait surseoir à toutes négociations, après plusieurs grandes contestations et remonstrances que je leur feiz diverses foyz, leur représentant bien expressément le regret que j’avois que ceci feust advenu, » ils finirent par accepter les propositions de Catherine et les mesures de répression contre les rebelles de Langon qu’elle prit séance tenante, et lui permirent ainsi de rentrer le soir avec sa fille à Castelnaudary.
Du dimanche 3 au mercredi 6, séjour à Castelnaudary avec tout le train.
Durant ces quatre jours que Marguerite passa avec sa mère, Henri de Navarre eut encore une ou deux entrevues avec la Reine-Mère « en la maison de La Planche, qui est icy près », à seule fin de régler l’affaire de Langon et aussi celles de Marciac, d’Uzerche, de Mussidan et du château de Fronsac, places fortes que les deux partis continuaient à se disputer à main armée[73].
Pendant ce temps, les États de Languedoc s’étaient réunis selon l’ordre de la Reine-Mère et ils tenaient séance à Castelnaudary, sous la présidence de Monseigneur de Bardis, évêque de Saint-Papoul[74]. Ils se séparèrent le 4 mai. Catherine prit alors une décision subite. Elle résolut de brusquer son départ et elle l’arrêta au lendemain 7 mai.
Le jeudi 7, ladicte dame et son train disne à Castelnaudary, souppe et couche à Mazères.
Ce fut en effet ce jeudi 7 mai que Marguerite se sépara définitivement de sa mère. Mais ici, il faut laisser la parole à la Reine-Mère, racontant par le détail au Roi son fils toutes les péripéties, si curieuses, de cette séparation :
« Je me résoluz mercredy au soir, à l’heure de mon coucher, d’envoyer dire à ma fille la Royne de Navarre, et d’escripre à son mari, comme je fiz à l’instant, que pour les raisons dessus dictes (elle était d’accord sur tous les points avec le Roi de Navarre), je me déliberois, au lieu d’aller à la petite ville cy-dessus déclarée, comme avions advisé, de prendre mon chemin à l’abbaye de la Prouille, où s’il voulloit, il nous verroit encores pour nous dire de rechef adieu, combien qu’eussions prins congé l’un de l’autre desja par deux fois. Ma fille, saichant ces nouvelles que je lui envoyay dire par le sieur de Pibrac, estant au lict qu’elle gardoit ce jour-là, monstra d’en estre fort faschée, et me veint hier (7 mai) trouver en ma chambre sur l’heure de mon partement, aiant extrême regret de nostre séparation : sur quoy je n’oublioy pas de luy faire la remonstrance que luy devois faire sur ceste occasion, et nous séparasmes ainzy ; elle délibéroit d’aller trouver mon filz le roy de Navarre, son mary, à Mazères, et moy d’aller disner à ladicte abbaye, où j’entendiz par ceulx de mes gens, qui estoient demeurés derrière, que ma fille s’est infiniment attristée, s’estant enfermée toute seule en une chambre où elle a fort pleuré et regretté mon partement[75]. »
Et dans une autre lettre qu’elle écrit, ce même jour 8 mai, de Carcassonne à la duchesse d’Uzès, Catherine s’exprime ainsi :
« … Je dis yer au matin adieu à ma fille, laquele me fist grent pitié ; mès quant je pansès qu’i havoyst neuf moys et demi que je n’avoys veu le Roy mon filz, je vous assure que cela me aydest à me reconforter de panser que dans un moys je aurés cet bien ; je l’ay lésée ayxtremement bien aveques son mary, et en si bonne volonté de ne avoyr que le servise du Roy son frère den le cœur, et en tout ces actions et afferes, que je m’en voy vous retrover avesques grent contentement[76]. »
Dès qu’il eut appris par Marguerite le départ définitif de la Reine-Mère, Henri de Navarre, qui était à Mazères, monta aussitôt à cheval et résolut de la rejoindre pour lui faire ses adieux et l’assurer de son bon vouloir. Sa sincérité ne saurait être mise en doute. Catherine la proclame bien haut :
« Mon fils le roy de Navarre est venu au matin me trouver à Faj…[77], m’aiant parlé à cœur ouvert et avec toute sincérité, ou je suis la plus trompée femme du monde ; car je ne l’avois point encore veu de ceste façon, ne en aprocher. Il m’a commencé à dire à son arrivée qu’il n’eust poinct eu de bien si je feusse partie sans qu’il m’eust encore veue ; et de faict, il est venu toute ceste nuit de six grandes lieues de Gascongne, qui en vallent bien dix ou douze de France ; il print ceste résolution de partir de Mazères, après que ma fille la royne de Navarre et le mareschal de Biron y « feurent hier soir arrivés ; et par là se doibt juger que ma dicte fille, qui se comporte fort bien pour le gouverner (comme elle doibt), a faict tout ce bon office, comme aussy elle me l’avoit promis[78]. »
Et, pour preuves de ses bonnes intentions, Henri de Navarre apprend à Catherine qu’il a envoyé le vicomte de Turenne chez lui, pour pacifier le Quercy, le Rouergue, le Périgord et le Limousin. Il ne peut se résoudre à quitter là Catherine, et il lui annonce qu’il va l’accompagner plus loin : « seulement, comme il estoit fort travaillé d’avoir faict cete longue traicte de nuict, il s’en est allé desjeuner, pendant que je m’achevais d’habiller et que j’ay oy la messe ». Puis, « il l’a conduite à pied, depuis la porte de l’église jusque hors la ville, où il a prins congé de moy de la plus honneste et humble façon que j’eusse sceu désirer, et, à mon advis, avec sincérité de cœur. »
Ici se passe une véritable comédie. Il faut encore laisser parler la Reine-Mère.
« … Et m’a volontairement donné ce que m’avoit refuzé, je croy, cent fois depuis que je suis par deça, et permis de couper moy mesmes le toupet de grans cheveulx qu’il avoit autour de l’oreille gauche, lequel j’ay prins très volontiers ; et estime que c’estoit ung signal entre ceulx de la Relligion réformée qui ne sera plus, puisque Dieu nous a donné la paix. Mon fils le roy de Navarre ne m’a pas celle qu’il ne le guardast pour quelque occasion ; et ce qui me faict panser que c’estoit jusques à ce qu’ils feussent résoluz du tout à la dicte paix, c’est qu’il s’est retourné devers les siens et leur a dict : « Il les fault tous coupper et oster. » Quand je l’y coupay l’aultre, qu’il avoit au costé droit, qui feust dez que j’arrivoy au commencement à la Réolle, il ne voulut jamais que je coupasse cestuy-cy. Je crois qu’il attendait jusques à ce que tout feust résoleu entièrement au bien de la paix[79]. »
Tous deux montèrent ensuite à cheval et vinrent jusqu’aux portes de l’abbaye de Prouille, où le cardinal de Bourbon avait devancé la Reine-Mère. « Et là, suis descendeue de cheval et montée en mon charriot. Il a encore prins congé de moy devant toute la tourbe de gens qui y estoit, persévérant tousiours cette grande et bonne démonstration, et est remonté à cheval, m’accompaignant bien près de trois lieues françaises. Estant passez pendant qu’il estoit avec moy par une petite ville appelée Montréal, où ils sont tous catholiques, j’ay commandé aux consulz luy offrir les clefz, ce qu’ilz ont faict. Il a pris cela en très bonne part[80]. »
Là enfin, à Montréal, Henri de Navarre se décida à quitter la Reine-Mère. Était-il aussi sincère que le croit Catherine ? En tous cas, celle ci écrit à son fils, ravie de tant de politesse et de protestations, que sa mission est terminée et qu’elle a dépassé toutes les espérances qu’elle avait pu concevoir.
Et, de fait, tout lui a réussi. Elle avait voulu réconcilier Marguerite avec son mari ? Elle les laisse dans les meilleurs termes possibles. Elle avait espéré rétablir la paix en Guienne et en Gascogne ? L’Édit de Nérac était respecté de part et d’autre. Elle avait tenté de rapprocher son gendre du maréchal de Biron ? Si elle n’avait pu assouplir le caractère brutal de ce dernier, elle avait convaincu Henri de Navarre qu’il était de son intérêt de s’entendre avec lui. Enfin, elle avait enchaîné Damville et rétabli la Guienne et le Languedoc en l’obéissance du Roi.
Catherine pouvait donc s’en retourner tranquille et affirmer au Roi son fils qu’elle n’avait pas perdu son temps.
Henri revint à Mazères où l’attendait Marguerite, qui ne pouvait se consoler du départ de sa mère. Comme elle, déplorons cette séparation et regrettons de ne plus avoir désormais sa volumineuse correspondance, source si précieuse pour nous et la plus autorisée de nos renseignements. Quittons à notre tour la Reine-Mère ; et, nous attachant uniquement à la belle Reine de Navarre, accompagnons-la, selon toujours notre programme, partout où la politique et aussi la fantaisie conduiront ses pas.
Du vendredi 8 mai au dimanche 10, séjour à Mazères avec tout le train.
Le lundi ladicte dame et son train disne à Mazères, souppe et couche à Pamiers.
Du mardi 12 au mercredi 13, séjour à Pamiers.
Les deux époux ne se quittent pas. De Pamiers, Henri de Navarre écrit deux lettres à M. de Scorbiac, l’une par laquelle il lui donne l’ordre d’aller en Quercy pour faire exécuter l’édit, l’autre où il lui envoie un discours manifeste, « afin qu’avant de partir il soit mis sur la presse et distribué à ses partisans. »
Le jeudi 14, ladicte dame et tout son train disne à Pamiers, souppe et couche à Foix.
Le vendredi 15, ladite dame et partye de son train à Foix.
Est-ce à ce moment qu’eut lieu la fameuse chasse à l’ours offerte par Henri de Navarre aux dames de son entourage et dont parlent les Mémoires du temps, mais tous en lui assignant une date différente ? Nous répondons affirmativement, la Reine de Navarre n’étant venue que ces deux jours, 14 et 15 mai, à Foix. Sully, dans ses Œconomies royales, fort suspectes, la fait remonter à l’époque où les deux Reines se trouvaient à Auch, après l’incident de Fleurance, c’est-à-dire à la fin de novembre 1578. « Cet accident, écrit-il, esloigna pour quelques jours ces deux cours l’une de l’autre ; mais les choses s’estant un peu remises en apparence seulement, elles furent ensemble en Foix, où le roy de Navarre voulut faire voir la chasse des ours aux dames ; mais on leur en fit si grand peur, qu’il n’y eut pas moyen de les mener aux montagnes. Aussi arriva-t-il en icelle des cas fort estranges, de la force et furie de ces animaux ; car il y en eut deux qui desmembrèrent des chevaux de médiocre taille, quelques autres qui forcèrent dix Suisses et dix harquebusiers, et un des plus grands qu’il estoit possible de voir, lequel percé de plusieurs arquebusades et ayant six ou sept bris et tronçons de piques et hallebardes, embrassa sept ou huict qu’il trouva en l’acul d’un haut rocher, avec lesquels il se précipita en bas, et furent tous deschirez et brisez en pièces[81]. »
Il est impossible que cette chasse du pays de Foix ait été donnée à la fin de cette année 1578 : Entre Auch et Foix la distance est trop grande pour que les deux Reines aient pu y aller à ce moment, sans que le livre des Comptes, tenu journellement, en fasse mention. Or, l’itinéraire de Marguerite n’en souffle mot. De plus Catherine, si prolixe de détails, souvent insignifiants, n’aurait certes pas manqué de narrer cet épisode au roi son fils. Et, dans aucune de ses lettres, pas plus à cette époque que plus tard, elle ne parle de son voyage au pays de Foix.
Pour les mêmes raisons, nous contestons le récit qu’en fait d’Aubigné dans son Histoire universelle. Parlant des conférences de Montauban, qui se tinrent dans l’été de 1579, cet auteur les reporte à tort vers la fin de 1578, y fait assister les deux Reines, (ce qui est faux, nous l’avons vu par leur itinéraire) ; puis il ajoute :
« De là (Montauban), les deux Cours se firent compagnie jusques en Foix, où le Roi de Navarre fist une chasse notable, ou plutost une guerre aux ours, où, entre autres cas, arriva un grand ours allant à la charge sur dix suisses et dix soldats des gardes, et trouvant en son chemin un petit page de treize ans, nommé Castel-Gaillard, le mist du cul à terre sans le blesser, et de là avec dix arquebusades et dix hallebardes dans le corps, se précipita avec une dizaine de ses tueurs dans une crevasse de montagnes, où il se rompit le col[82]. »
Le savant éditeur de d’Aubigné, M. de Ruble, ne conteste pas cette chasse. Il met seulement en note que la Reine-Mère, venant de Toulouse, arriva dans le comté de Foix vers le 14 avril. D’Aubigné, il est vrai, moins explicite que Sully, n’écrit pas que les deux Reines y assistèrent.
Depuis, tous les auteurs ont répété à satiété, chacun avec une nouvelle date, cet épisode du voyage des deux Reines. Mongez, dans son Histoire de Marguerite[83], les fait quitter Agen au mois de mars 1579 pour aller à l’Isle-en-Jourdain, « d’où le Roi de Navarre les conduisit dans le comté de Foix » et leur donna le spectacle en question. M. de Saint-Poncy au contraire les fait aller à Foix en novembre 1578, pendant leur séjour à l’Isle-en-Jourdain, entre Toulouse et Auch, etc.
L’itinéraire de la Reine Marguerite et la correspondance de Catherine font justice de toutes ces versions contradictoires. Il ressort de ces documents que la Reine-Mère n’a pas assisté à cette chasse à l’ours dans les forêts du pays de Foix, où elle ne vint jamais ; que cette chasse n’eut pas lieu en 1578 ; enfin que, si elle fut organisée par le roi de Navarre, ce ne put être qu’à cette date du 15 mai 1579, où sa femme, qui n’en parle pas dans ses Mémoires et qui très certainement n’y alla pas, se trouvait avec lui et tout son train en la ville de Foix. Dans les Comptes du roi de Navarre, nous voyons que ce prince octroie à ce moment « 200 livres à Jean Ribès, blessé lors de l’entrée du Roi et de la Reine de Navarre, à Foix[84]. » Ce qui pourrait faire poser que ce serviteur fut une des victimes de la fameuse chasse en question.
Le samedi 16, ladicte dame et partye de son train disne à Foix, souppe et couche à Pamiers. Le dimanche 17, ladicte dame et son train, tout le jour audit Pamiers.
Le lundi 18, ladicte dame et son train disne à Saverdun, souppe et couche à Lézat.
Le couple royal s’acheminait vers Pau. L’entente était parfaite entre les deux époux. Dayelle avait suivi la reine Catherine. Il est vrai que Rebours et Fosseuse accompagnaient la reine de Navarre. Néanmoins Catherine pouvait, avec raison, écrire encore à son fils le 15 mai : « Mon fils le roy de Navarre s’en va, comme je vous ai escript, en Béarn, et ma fille pour aller aux bains : cela vient fort à propos ; car s’esloignant, par ce moien, comme il fera pour quelque temps de la Guienne, la paix s’establira mieulx et beaucoup plus aizément, et les deffiances s’osteront plus facilement[85]. » Et deux jours après, le 17 mai : « Vous verrés par la lettre de mon fils le roy de Navarre que je vous envoye comme il est toujours très disposé et faict tout ce qui se peut désirer pour le bien et establissement de la paix. En quoy ma fille, sa femme, faict tous les bons offices qu’elle peut[86]. »
Enfin, le 18 mai, Catherine écrit de Béziers à la duchesse d’Uzès la curieuse lettre suivante, autographe :
« Ma commère, c’et à cet coup que me voyrés dans un moys et « saine et sauve, se Dieu plest, encore que ye aye à paser en la peste, ou la mer, ou les Sévenes, que je crains bien aultant que les deux premyères ; car sont oyseaus de rapine, comme ceulx qui ont eu vos chevaulx ; més je me fie en Dieu qu’il me fayré tous jour, se me semble, sortir de tous périls, et ay cette fayrme fiense en luy… Ma fille ayst aveques son mary ; enn eu yer des novelles : c’et le melleur ménage que l’on satroy desirer ; je prie Dieu le continuer en cet heur, et vous conserver jeusques en l’eage de sept vins hans, que puysion super ensemble au Touylerie, sans chapeau ni bonnestes[87]. »
Le mardi 19 ladicte dame et son train disne à Rieux, souppe et couche à Saint-Félix[88].
Le mercredi 20, ladicte dame et tout son train, tout le jour audit Saint-Félix.
Le jeudi 21, ladicte dame et son train disne à Sainct-Martory, souppe et couche à Saint-Goden (Saint-Gaudens).
Le vendredi 22, ladicte dame et son train disne à Saint-Goden, souppe et couche à Montréal (pour Montréjeau).
Ce jour-là, nous trouvons sur les Comptes du roi de Navarre : « À Domenger Rivière, apothicaire de Montréjeau, 50 sous tournois pour deux boîtes de dragées, pesant deux livres, que Sa Majesté prit de lui pour donner aux filles d’honneur de la Reine sa femme[89]. »
Le samedi 23, ladicte dame et son train disne à Lasnemezan, souppe et couche à Tournant (pour Tournay).
Le dimanche 24, ladicte dame et son train disne audit Tournant, souppe et couche à Tarbes.
Le lundi 25, ladicte dame et son train disne audit Tarbes, souppe et couche à Pontac.
Le mardi 26, ladicte dame et son train disne à Coarraze, souppe et couche avec partye de son train à Pau, et le reste audit Coarraze.
Marguerite fit ce jour-là son entrée solennelle à Pau, qu’elle voyait pour la première fois. Comme dans toutes les autres villes qu’elle avait traversées, les Consuls vinrent à sa rencontre, l’assurèrent de la fidélité des habitants et l’escortèrent en grande pompe jusqu’au château[90]. Là, l’y attendait Catherine de Bourbon, sœur du roi de Navarre, véritable régente, à cause des absences si fréquentes de son frère, de ce petit royaume[91]. Les arcs de triomphe, les tentures de riches tapisseries « de taffetas vert », les violons, les comédies, les bals ne furent pas épargnés. Et si le récit que fait de cette mémorable entrée M. Bascle de Lagrèze se trouve quelque peu fantaisiste, l’aimable auteur, en nous décrivant sa litière « à piliers doublés de velours incarnadin d’Espagne, en broderie d’or et de soie nuée à sa devise », en se complaisant dans les mille détails de la toilette de Marguerite, de ses filles, de sa brillante escorte et de toutes les fêtes qui furent célébrées les premiers jours, ne paraît guère s’être écarté de la vérité[92]. Stériles efforts tentés par Henri de Navarre pour faire aimer à sa femme la capitale du Béarn ! Les haines religieuses allaient vite se raviver et dès ce moment jeter la désunion entre les deux époux.
Le mercredi 17, ladicte dame et partye de son train à Pau, le reste audit Coarraze.
Le jeudi 28, ladicte dame et tout son train tout le jour à Pau.
Du vendredi 29 au dimanche 31 mai, séjour à Pau.
(Total des dépenses pour le mois de mai : 2283 écus, 16 sols, 10 deniers. Payé seulement : 1703 écus, 54 sols, 11 deniers).
Le 30 mai, Marguerite écrit de Pau une nouvelle lettre à Bellièvre, où elle lui rappelle que le « Roi son frère lui a assigné dès l’année dernière la somme de 3008 écus, 6 sols, 8 deniers tournois sur la recepte généralle de Guienne pour le revenu des greffes de Périgueux qu’il lui avait donnés et dont elle n’a pu jouir. » Elle lui demande de s’interposer de nouveau « afin qu’elle en soit payée promptement, pour satisfaire à partie de la despence que je fais en ce voyage[93]. »
Du 1er juin au 12, séjour à Pau, avec tout le train.
Ce n’était pas en vain que pendant plus de quinze ans Jeanne d’Albret avait fanatisé son royaume. Le Béarn poussait à ce moment qu’à l’intolérance l’exercice du culte réformé. Ses États, où dominait l’esprit sectaire, persécutaient avec acharnement les catholiques ; et c’est d’un fort mauvais œil qu’ils avaient vu arriver la reine Marguerite, dont, à plusieurs reprises, ils avaient réclamé le divorce. Aussi Marguerite eut-elle à souffrir beaucoup, peu après son arrivée à Pau, de cette différence de religion. Il s’agit de l’affaire de la Chapelle.
Tous les auteurs ont raconté cet incident qui fut une des premières causes de brouille entre les deux époux. Mieux que tout autre, laissons parler Marguerite :
« Nous nous en revînmes à Pau en Béarn, où n’y ayant nul exercice de la religion catholique, l’on me permit seulement de faire dire la messe en une petite chapelle qui n’avait que trois ou quatre pas de long, qui, estant fort estroicte, estoit pleine quand nous y estions sept ou huict.
« À l’heure que l’on vouloist dire la messe, l’on levoit le pont du chasteau, de peur que les catholiques du pais, qui n’avoient nul exercice de religion, l’ouïssent ; car ils estoient infiniment désireux de pouvoir assister au saint sacrifice, de quoy ils estoient depuis plusieurs années privez ; et poussez de ce sainct et juste désir, les habitans de Pau trouvèrent moyen le jour de la Pentecoste, avant que l’on levast le pont, d’entrer dans le chasteau, se glissant dans la chapelle, où ils n’avoient poinct esté descouverts, jusques sur la fin de la messe, qu’entrouvrant la porte pour laisser entrer quelqu’un de mes gens, quelque huguenot espiant à la porte les aperceut et l’alla dire au Pin, secrétaire du Roy mon mary[94], lequel possedoit infiniment son maistre, et avoict grande auctorité en sa maison, maniant toutes les affaires de ceux de la religion ; lequel y envoya des gardes du roy mon mary, qui, les tirant dehors et les battant en ma présence, les menèrent en prison, où ils furent longtemps, et payèrent une grosse amende. » Marguerite prit aussitôt leur défense et alla se plaindre auprès du roi son mari. Mais le Pin se met en tiers, sans y estre appellé, et sans porter ce respect à son maistre de la laisser respondre, prend la parole et me dict que je ne rompisse point la teste au roy mon mary de cela, et que, quoy que j’en pusse dire, il n’en seroit faict aultre chose, qu’ils avoient bien mérité ce qu’on leur faisoit, et que, pour mes paroles il n’en seroit ny plus ny moins ; que je me contentasse que l’on me permettoit de faire dire une messe pour moy, et pour ceux de mes gens que j’y voudrois mener. »
Justement offensée de telles paroles, la reine de Navarre exigea le renvoi immédiat de du Pin. Henri, assez embarrassé, le lui promit, s’en rapportant au jugement du Parlement de Pau pour le sort des prisonniers. Quant au secrétaire du Pin, qui « la fuyoit et lui faisoit la mine, » Marguerite, soutenue par la plupart des serviteurs du Roi, qui détestaient son insolence, en eut finalement raison. Du Pin fut congédié. Mais le Roi de Navarre garda rancune à sa femme, poussé, dit celle-ci, par le chancelier Pibrac, « qui, d’après Marguerite, jouoit au double ; me disant à moy que je ne devois souffrir d’estre bravée d’un homme de peu comme cettuy-là, et quoy que ce fust, qu’il falloit que je le fisse chasser, et disant au roy mon mary qu’il n’y avoit apparence que je le privasse du service d’un homme qui luy estoit si nécessaire ; ce que M. de Pibrac faisoit pour me convier à force de desplaisir de retourner en France, où il estoit attaché à son estat de président et de conseiller au Conseil du Roy[95] ».
De ce moment date en effet la disgrâce du pauvre Pibrac, toujours amoureux fou de la jeune Reine, qui, à tort ou à raison, ne lui pardonna jamais sa conduite à ce moment. Nous verrons avec quel mépris elle lui écrivit, en 1581, deux lettres restées célèbres, et comment Pibrac y répondit dans ce mémoire fameux dénommé depuis son Apologie.
Un autre incident vint encore compliquer cette situation et rendre à Marguerite le séjour de Pau de plus en plus désagréable.
« Et pour empirer encore ma condition, écrit-elle, depuis que Dayelle s’estoit esloignée, le roy mon mary s’estoit mis à rechercher Rebours, qui estoit une fille malicieuse, qui ne m’aimoit point et qui me faisoit tous les plus mauvais offices qu’elle pouvoit en son endroit[96]. »
Mlle de Rebours, une des filles d’honneur de la Reine de Navarre, aux gages de 83 écus, 1 l. tournois par an, était fille de Guillaume Rebours, président au Parlement, qui plus tard au siège de Paris de 1590 fut blessé d’un coup de canon, lancé par les gens du Roi.
« Et pour ce que, écrit L’Estoile, ledit Rebours estoit tenu pour roial et politique, les prédicateurs dans leur chaire en faisoient une gosserie, et disoient que « les coups que tiroient les roiaux alloient tout à rebours[97]. » Il ne paraît pas que le Roi de Navarre ait pris bien au sérieux les coquetteries de cette fille. Car, tombée malade à Pau, elle ne put suivre son royal amant à Nérac. Quand elle le rejoignit, le cœur d’Henri brûlait déjà pour une autre ; ce dont Mademoiselle de Rebours semble du reste s’être assez facilement consolée.
Dans les Comptes du Roi de Navarre de cette époque, nous lisons : « Pour le Roy, à la chambre de Mlle de Rebou, deux fioles de sirop de violet et alexandrin, quatre onces sucre rosat[98]. »
Dans ce même recueil nous trouvons aussi : « À Johannes de Cazenave, fourrier ordinaire du Roy, 21 l. t. pour aller aux Eaux-Chaudes faire préparer les cabanes, y faire porter lits, vivres et aultres choses, pour subvenir au séjour que S. M. y pensoit faire[99]. »
Nous avons déjà vu dans une lettre de Catherine de Médicis à son fils, à la date du 15 mai précédent, que Marguerite, en accompagnant son mari à Pau, avait l’intention d’aller faire un séjour aux Eaux. Ce projet n’aboutit pas.
L’incident de la Chapelle fut sans doute la cause du départ précipité de la jeune Reine, à qui le séjour de Pau était devenu tout à fait intolérable : « En ces traverses, nous dit-elle, ayant tousiours recours à Dieu, il eut enfin pitié de mes larmes et permit que nous partissions de ce petit Genève de Pau, où, de bonne fortune pour moy, Rebours y demeura malade ; laquelle le roy mon mary perdant des yeux perdit aussi d’affection, et commença à s’embarquer avec Fosseuse qui estoit plus belle et pour lors toute enfant et toute bonne[100]. » Marguerite de Valois ne devait plus revenir à Pau. « La Reyne, écrit Brantôme, jura et protesta qu’elle ne mettroit jamais le pied en ce païs-là, d’autant qu’elle vouloit estre libre en l’exercice de sa religion ; et par ainsy en partit. Et depuis elle garde très bien son serment[101]. »
Henri de Navarre de son côté était mandé à Montauban, où devait se tenir une importante conférence entre les principaux chefs
huguenots. Aussi d’un commun accord résolurent-ils de quitter la capitale du Béarn et de s’acheminer vers Montauban, en passant toutefois par Nérac.Le samedi 13 juin, ladicte dame et partie de son train disne à Villepinte[102], souppe et couche à Vic-Bigorre.
Le dimanche 14, ladicte dame et partie de son train disne à Vic-Bigorre, souppe et couche à Beloc[103].
Le lundi 15, ladicte dame et son train disne à Noguero (pour Nogaro), souppe et couche à Eause.
Du 16 au 30 juin, séjour à Eauze.
(Total des dépenses pour le mois de juin : 2.256 écus, 59 sols, 4 deniers. Payé seulement 1420 écus, 12 sols, 6 deniers).
À peine arrivé à Eauze, le roi de Navarre tomba malade. Ce n’est donc pas comme l’ont écrit plusieurs auteurs, M. Ch. de Batz de Trenquelléon entre autres[104], après son séjour à Montauban et en se rendant à Nérac, que Henri de Bourbon passa par Eauze. Son séjour forcé en cette ville eut lieu quatre jours seulement après avoir quitté Pau.
Marguerite, dans ses Mémoires, est encore celle qui nous fournit les plus sûrs renseignements sur cette maladie du Roi son époux. « Dressants notre chemin devers Montauban, nous passasmes par une petite ville nommée Eauze, où, la nuict que nous arrivasmes, le Roy mon mary tomba malade d’une grande fièvre continue, avec une extrême douleur de teste, qui lui dura dix-sept jours ; durant lesquels il n’avait de repos ny jour ny nuict, et le fallait perpétuellement changer de lict à l’autre. Je me rendis si subjecte à le servir, ne me partant jamais d’auprès de luy, sans me déshabiller, qu’il commença d’avoir agréable mon service et à s’en louer à tout le monde, et particulièrement à mon cousin M. de Turenne, qui, me rendant office de bon parent, me remit aussi bien auprès de luy que j’y avais jamais esté [105]. »
La réconciliation est donc complète entre les deux époux. Marguerite consent à oublier les ennuis qu’elle a eus à Pau. Et Henri, privé de Dayelle, privé de Rebours, n’a des yeux que pour celle qui l’a si bien soigné.
On lit dans les comptes du Roi de Navarre : « À Nicolas Ferrand, chirurgien de la Reyne, 30 livres tournois pour avoir saigné le Roy lors de sa maladie qu’il eut en la ville d’Eauze[106]. »
Dans la note qu’il consacre au séjour forcé du roi de Navarre à Eauze, Berger de Xivrey, à propos de la lettre écrite par ce prince au roi de France et dans laquelle il fait allusion à sa maladie, écrit que, (le mois de juillet 1579 manquant aux Comptes de la dépense du roi de Navarre), ce dernier dut prolonger son séjour à Eauze pendant une grande partie de la première quinzaine de juillet[107]. Les Comptes de sa femme que nous publions pour la première fois, et avec eux son itinéraire, rectifient l’erreur commise par Berger de Xivrey. Le couple royal quitta Eauze le 2 juillet 1570, au matin.
Le mercredi 1er juillet, tout le jour audit Eauze.
Le jeudi 2 juillet, ladicte dame et tout son train disne à Barrère (pour La Barrère), souppe et couche à Saulx (pour Sos).
Le vendredi 3, ladicte dame et tout son train disne et souppe à Nérac.
Du samedi 4 au mardi 7, séjour à Nérac avec tout le train.
Henri ne s’arrêta à Nérac que juste le temps de prendre un peu de repos, dont il avait besoin après sa maladie, de donner quelques ordres en vue des réparations à effectuer au Château, et de régler les affaires les plus urgentes, notamment celle de Langon, qui, depuis le 8 avril dernier, jour où cette ville fut prise par les catholiques, n’était pas encore arrangée. Marguerite le suivit à Montauban.
Le mercredi 8, ladicte dame et tout son train, disne et souppe à La Plume, et couche à Layrac.
Pour se rendre dans le Quercy, les deux souverains prirent cette fois le chemin du Bruilhois. Les archives municipales de Laplume ont conservé, dans les registres des consuls, le souvenir de leur passage : « Dépense faite par les consuls de Laplume à la veneue du roy et reyne de Navarre, qu’estait le 8e jour de juillet 1579, lesquels firent deux repas dans la présente ville[108]. »
On lit d’un autre côté, dans les Comptes du roi de Navarre : « À deux messagers de Nérac, 58 livres tournois pour avoir porté de Nérac à Layrac les cages des petits oiseaux du Roi, partant de Nérac, allant à Montauban[109]. »
Le jeudi 9, ladicte dame et tout son train, tout le jour à Auvilla (pour Auvillars).
Ici malheureusement s’arrête le livre des Comptes de la Reine de Navarre. Plusieurs feuilles en ont été détachées, qui allaient du jeudi 9 juillet au mercredi 12 août. Nous avons déjà dit que, par une fatale coïncidence, la même lacune existe pour tout le mois de juillet dans le livre des Comptes du Roi de Navarre, aux archives des Basses-Pyrénées. Par la correspondance, ou les dépenses des deux souverains, nous allons tâcher d’y remédier.
Le vendredi 10, le Roi et la Reine de Navarre durent partir de bonne heure d’Auvillars et arriver le soir même à Montauban.
Du samedi 11 juillet au vendredi 31, séjour à Montauban.
À en juger par les dépenses que fit le Roi de Navarre dans cette ville, il n’est pas téméraire d’affirmer que son séjour dut y être d’assez longue durée, en tous cas tout le mois de juillet. Nous lisons en effet dans ses livres de dépense :
« À Bertrand Requin, maître du Jeu de Paume de Montauban, 39 livres, 4 sols tournois, pour 98 douzaines de paumes fournies au Roy, savoir le 19 juillet ; Sa Majesté jouant avec le prince de Condé ; le 21, jouant avec ledit prince et MM. de Turenne et Lavardin ; le 22, jouant avec MM. de Turenne et le Brave ; le 25, jouant avec ledit prince ; le 26, jouant le Brave et Poussillon par ordre du Roy ; le 27, jouant le Brave, le Petit et Poussillon ; le 28, Sa Majesté jouant avec le sieur de Lavardin et le sieur de Masparault ; » etc.[110]
C’était la troisième fois depuis un que les Réformés se réunissaient à Montauban. En octobre 1578 et en avril 1579, la présence de la Reine-Mère dans les environs de cette ville avaient apporté quelque gêne à leurs délibérations. Cette fois ils étaient plus libres, ayant à leur tête leurs deux chefs, le prince de Condé et le Roi de Navarre[111]. Turenne, dans ses Mémoires, nous donne de curieux détails sur ce qui se passa à ces conférences. « Les soupçons croissant, on tint une assemblée générale de ceux de la religion à Montauban, où l’on fist union plus étroite de tout le corps ; et, pour estre plus certain des commandemens et résolutions lors qu’il faudrait que tout le général suivist une mesme délibération, on rompit quelques escus, desquels toutes les moitiez demeurèrent entre les mains du roy de Navarre, et les autres furent données à M. le Prince et à chacun de nous les principaux du party, et à chaque province, pour les garder entre les mains de gens esleus, et ensuite ordonner ce qu’ils auroient à faire lorsqu’on les avertiroit de quelque résolution générale. Nous séjournasmes à Montauban quelque temps ; chacun s’employait à se préparer à un nouveau remuement et à reconnaistre des places, etc.[112] »
Cinq lettres d’Henri de Navarre attestent également sa présence à Montauban pendant tout ce mois de juillet. Dans l’une, du 18 juillet, il prévient M. de Saint-Géniès, sénéchal du Béarn, « qu’il désire que les capitaines et soldats de son pays de Béarn se pourveussent de poudre du sieur G. Constantin, pouldrier de Navarreins, et acheptassent ce qui leur sera necessaire pour la prochaine arrivée de la Royne sa femme et sienne[113]. » Dans une autre du 25 juillet, il écrit à M. de Bénac, son conseiller, pour le tenir au courant de ce qui a été fait à la conférence, et le prier de transmettre au maréchal de Biron les réclamations de son parti, concernant l’édit de paix ; « où il prie ce dernier de se trouver le sixieme du moys prochain à Nérac, où ma femme et moy nous rendrons aussi pour traicter avec luy des moyens que l’on peult apporter pour establir à bon essiant la paix, etc[114]. »
Dans une troisième, du 29 juillet, toujours datée de Montauban, il écrit à la Reine-Mère pour l’assurer de ses bonnes intentions à maintenir fermement la paix, et la mettre au courant des résolutions toutes pacifiques qui ont été prises par l’assemblée de Montauban[115].
Le lendemain 30 juillet il lui écrit encore pour la prévenir qu’il lui envoie le sieur de Lézignan, « porteur des plaintes de ceulx de la Religion[116]. »
Enfin, le même jour, il écrit, toujours de Montauban, à Henri III « pour lui faire entendre, par l’entremise du sieur de Lézignan, ce qui s’est passé en l’assemblée qui a esté faicte en cette ville où il n’a esté rien traicté que pour le bien du service du Roi et l’entretenement de ses édicts, et lui présenter aussi de sa part les plainctes de ceux de la religion reformée[117]. »
Cette assemblée de juillet 1579 fut une des plus importantes, tenues par le parti réformé. Les réunions furent si nombreuses, il vint tant de délégués des quatre coins de la France, que c’est à peine si la grande salle du Sénéchal put les contenir. Elle fut close le 27 juillet.
Le Roi et la Reine de Navarre durent quitter Montauban le dernier jour de juillet, ou le 1er août au plus tard. Nous ignorerions complètement leur itinéraire pour rentrer à Nérac, si les livres de Comptes du Roi de Navarre ne nous édifiaient sur une partie de leur trajet.
Nous y trouvons en effet : « Aux maîtres des six bateaux qui ont porté et conduit Sa Majesté la Reine, Madame et leur suite, de Moissac à Agen, 80 livres[118]. »
D’où l’on peut conclure que Marguerite préféra rentrer par eau, en descendant le cours de la Garonne, avec sa belle-sœur Catherine de Bourbon et tout son train.
À côté nous lisons également : « À l’argentier, 67 sous tournois qu’il a payés le dimanche 2 août par ordre du Roy, partant de Layrac pour aller disner à La Fotz, chez le sieur de Bajaumont, savoir : au batelier qui passa la rivière à dix-huit ou vingt chevaux, demi-teston, et à une troupe de mariniers qui dansaient sur le bord de la rivière, pour leur vin, un écu sol[119]. »
La Reine Marguerite rentra donc de Montauban à Nérac par Moissac, Lafox et Agen, du 1er au 6 août 1579.
Le 7 août toute la Cour était à Nérac. Ce jour-là en effet le Roi de Navarre écrivait, de ce lieu, une lettre à Biron, au sujet du démantellement du château de Langon, toujours occupé par les catholiques[120].
Du 7 au 11 août, séjour audict Nérac.
Les livres des Comptes de la Reine de Navarre, et par suite son itinéraire, reprennent à la date du 12 août.
Du mercredi 12 aout au lundi 31, ladicte dame et tout son train audict Nérac.
(Total des dépenses pour le mois d’août : 2 137 écus, 26 sols, 1 denier. Payé seulement : 1 774 écus, 3 sols).
Cet été de 1579 fut véritablement l’âge d’or de la petite Cour de Nérac. Au souffle des brises embaumées de la Baise, les orages de Pau se sont dissipés, et l’on n’entend plus parler que de fêtes et de chasses, que de bals, que d’amour, que de récréations de toutes sortes. Marguerite est bien la reine de son joli royaume ; et cette souveraineté, elle l’exerce avec sa grâce habituelle. Les deux partis ont le libre exercice de leur religion. Entre eux plus de jalousie, plus de haines réciproques. Il semble qu’une bonne fée ait étendu sur tous sa baguette bienfaisante et qu’une ère de paix se soit ouverte pour de longues années.
Tous les écrivains de l’époque ont célébré à l’envi cet heureux état de choses. Mieux que tout autre encore nous le dépeint Marguerite dans ce charmant passage de ses Mémoires, si souvent reproduit, et d’où s’exhale comme un parfum de Cour d’amour des anciens temps :
« Félicité qui me dura l’espace de quatre ou cinq ans que je fus en Gascogne avec luy (le roy mon mary[121]), faisant la pluspart de ce temps-là nostre séjour à Nérac, où nostre Cour estoit si belle et si plaisante que nous n’enviions point celle de France ; y ayant Madame la princesse de Navarre, sa sœur, qui depuis a esté mariée à M. le duc de Bar, mon nepveu[122], et moy avec bon nombre de dames et de filles ; et le roy mon mary estant suivy d’une belle troupe de seigneurs et gentilshommes, aussi honnestes gens que les plus galants que j’aye veus à la Cour ; et n’y avoit rien à regretter en eux sinon qu’ils estoient huguenots. Mais de cette diversité de religion il ne s’en oyait point parler ; le roy mon mary et Madame la princesse sa sœur allants d’un costé au presche, et moy et mon train à la messe, en une chapelle qui est dans le parc ; d’où, comme je sortois, nous nous rassemblions pour nous aller promener ensemble ou en un très beau jardin qui a des allées de lauriers et de cyprez fort longues, ou dans le parc que j’avais faict faire en des allées de trois mille pas qui sont au long de la rivière ; et le reste de la journée se passoit en toutes sortes d’honnestes plaisirs, le bal se tenant d’ordinaire l’aprés-disnée et le soir[123]. »
Nous avons déjà, dans les pages précédentes, décrit sommairement le château de Nérac, tel qu’il se trouvait au moment où Marguerite vint l’habiter. Nous ne reviendrons pas ici sur ses dispositions intérieures[124]. Disons seulement qu’il est de tradition constante à Nérac que la belle et poétique garenne, qui étale ses magnifiques ramures sur la rive droite de la Baïse, fut plantée à ce moment par la reine Marguerite. Le Jardin du Roi au contraire, « aux allées de lauriers et de cyprez fort longues », s’étendait le long de la rive gauche, au pied même des terrasses du château[125].
La Huguerye nous dit à ce propos dans ses intéressants Mémoires :
« Le lendemain matin, S. M. (le roi de Navarre) me faist appeler et conduire en son jardin, où je le trouvay en la grande allée des lauriers. Et congneu qu’il me fist longtemps promener avec lui exprès pour me faire voir au sieur de Belièvre que je vey au bout de ladite allée, venu vers lui pour negotier la reconciliation de la reyne sa femme. Et peu après S. M. me mena en sa sale de lauriers[126]. »
C’est dans ce cadre charmant, chanté aussi bien par les poètes du xvie siècle que par ceux de nos jours[127], que se complaît la reine de Navarre ; et c’est cet heureux séjour dont elle aime à évoquer le souvenir aux heures tristes de son âge mûr. N’est-ce pas elle qui planta aux abords de la fontaine Saint-Jean ces deux ormeaux jumeaux, symboles de sa réconciliation avec son mari[128] ? Elle, qui avait obtenu d’Henri de Navarre que les plus belles tapisseries de Pau fussent portées au château de Nérac[129] ; qui avait présidé à l’embellissement des jardins, à la construction d’une serre pour les orangers ? Elle enfin, qui pour égayer les longues soirées d’été avait fait venir cette troupe nombreuse d’artistes italiens, joueurs de luth et de violon, comédiens et bouffons, dont les comptes nous révèlent les joyeuses et multiples fonctions ?
« Aux violons de la ville de Condom que S. M. avait mandés venir à Nérac pour jouer des violons et autres instruments de musique, 30 livres.
« À Paul de Padoue, chef comédien et à sa troupe, 90 livres[130].
« Idem à Marco Antonio Scotivilli et Massimiano Milanino, comédiens italiens[131].
« Gages de Nicolas Léon, joueur de farces[132], etc. »
Et, avec cela, de continuels achats de confitures, « tant d’abricots que de poires de safran, apportées de Tours », de pâtes d’Italie, de boîtes de dragées, « pour porter aux filles d’honneur », de massepains surtout « pour porter, par ordre du Roi, dans la chambre de Fousseuse, fille d’honneur de la Reine ». Enfin « à Raymond de Laliève, apothicaire et valet de chambre du Roi, 483 livres, 7 sols, 6 deniers tournois, pour plusieurs parties de confitures de Gênes, par lui fournies au Roy et en diverses foys dont il a fait des collations aux filles de la Reine, sa femme et de Madame la Princesse, sa sœur, etc.[133] ».
Fosseuse joue dès ce moment un grand rôle dans les dépenses du Roi de Navarre. On ne peut mettre en doute qu’elle était friande ; et Henri de Navarre ne recule devant aucun obstacle pour contenter ses caprices d’enfant gâté. Rien encore d’ailleurs de bien sérieux entre eux. Marguerite l’écrit ingénuement :
« Durant tout ce temps-là, le roy servait Fosseuse, qui dépendant du tout de moy, se maintenait avec tant d’honneur et de vertu, que si elle eut toujours continué de cette façon, elle ne fut tombée au malheur qui depuis luy en a tant apporté et à moy aussi[134]. » Son père du reste se montrait-il bien irrité des poursuites du Vert-Galant ? On sait qu’elle était fille de Pierre de Montmorency, marquis de Thury, baron de Fosseux et de Catherine d’Avaugour. Or, dans le même livre des Comptes du Roi, recueil trop indiscret décidément, nous lisons : « Au sieur de Fosseuse-Montmorency, payé 114 écus pour certaines bonnes et justes raisons[135]. »
Le grave Sully lui-même subit le sort commun, lorsqu’il nous dépeint ainsi la Cour de Nérac en 1579. « Le Roy et la Reine de Navarre et Madame, sœur du Roy, s’estant retirez à Nérac, la Cour y fut un temps fort douce et plaisante ; car on n’y parlait que d’amour et des plaisirs et passe-temps qui en dépendent, auxquels vous (pour je) participiez autant que vous (idem) pouviez, ayant une maistresse comme les autres[136].
Et d’Aubigné, le rigide censeur : « La Cour de Nérac se faisait florissante en brave noblesse, en dames excellentes, si bien qu’en toutes sortes d’avantages de nature et de l’acquis, elle ne s’estimoit pas à moins que l’autre. L’aise y amena les vices, comme la chaleur les serpents. La Reine de Navarre eut bientôt dérouillé les esprits et fait rouiller les armes. Elle apprit au Roy son mary qu’un cavalier estoit sans âme quand il estoit sans amour, et l’exercice qu’elle en faisait n’estoit nullement caché, voulant par là que la publique profession sentist quelque vertu et que le secrest fust la marque du vice. Ce prince, tendre de ce costé, eust bientost appris à caresser les serviteurs de sa femme, elle à caresser les maistresses du roi son mari, les instruisant qu’elles avoient en leur puissance la vie de leur maistresse et la déposition des plus grandes affaires de France, si bien qu’en concertant avec elles, la paix et la guerre du royaume estoient entre leurs mains[137]. »
Mais d’Aubigné jette déjà une ombre sur ce riant tableau. Nous devons néanmoins reconnaître que, jusqu’en novembre ou décembre de cette année 1579, rien de bien grave ne vint altérer la sérénité de ce beau ciel sans nuages.
Du mardi premier jour du mois de septembre au mercredi 30, séjour audit Nérac avec tout le train.
(Total des dépenses : 2 490 écus, 11 sols, 4 deniers. Payé seulement 1.610 écus, 20 deniers.)
Il ne faut pas croire cependant que les délices de Nérac, les parties de paume, les grandes chasses dans les landes de Durance et de Casteljaloux, aient fait perdre de vue à Henri de Navarre à ce moment les affaires de ses coreligionnaires. Bien au contraire il y pense tous les jours, et il écrit lettres sur lettres à ses lieutenants pour stimuler leur zèle, comme à la Reine-Mère et au Roi son beau-frère pour plaider leur cause et faire valoir leurs revendications. C’est ainsi qu’il se défend énergiquement d’être le complice de Bellegarde au sujet de l’affaire du marquisat de Saluces, d’entretenir des relations avec les Espagnols[138], et qu’à la date du 22 août il commence à se plaindre amèrement du maréchal de Biron, qui favorise « les ligues en diverses villes, comme Aulx, Geaune, etc., au lieu de les rompre et de les empêcher[139]. »
Marguerite, de son côté, en qualité de comtesse de l’Agenais, écrit le 24 août de cette année une longue lettre aux consuls d’Agen où elle les avertit des menées que l’on projette contre cette ville, et les prie « de se garder d’être surprins par telle manière de gens, et de conserver ladite ville soubs l’auctorité de Sa Majesté le plus doulcement et avec le moindre semblant et esmotion que faire ce pourra[140]. »
La surprise de Figeac par les catholiques, au mois de septembre, vient encore aviver les plaintes du Roi de Navarre et donner lieu à de nouvelles négociations[141].
Enfin le roi et la reine de Navarre entretiennent avec Damville une active correspondance, soit au sujet des affaires générales, soit pour lui recommander quelque cas particulier, comme celui du sieur du Bosq, conseiller et maître d’hôtel de Marguerite, pour lequel cette dernière lui écrit une longue lettre, à la date du 21 septembre, toujours datée de Nérac[142].
Du jeudi 1er octobre au samedi 31, séjour audict Nérac avec tout le train.
Avec l’automne, la situation s’assombrit. Les catholiques reprennent partout les armes, notamment dans le Languedoc. La prise de Montagnac, dans le diocèse d’Agde, par le parti de la Ligue émeut à ce point le Roi de Navarre qu’il écrit toujours de Nérac, à la date du 7 octobre, au maréchal de Montmorency, « que le grand meurtre des habitans, l’ignominieuse mort des ministres et le pillage et saccagement de ladicte ville, lui a esté grandement desplaisant, tant pour l’énormité de l’exécution que pour le préjudice qu’elle peut apporter à l’establissement de la paix, en donnant par ce mauvais exemple occasion à d’autres turbulens d’en faire le semblable[143]. »
Enfin, le 4 novembre, il craint tellement que les affaires ne se brouillent de ce côté qu’il lui donne rendez-vous dans son comté de Foix. « J’ay deslibéré n’y espargner pas mesme ma propre personne, et pour ce faict m’acheminer en peu de jours en mon comté de Foix ; vous priant aussi de vous approcher, à ce qu’estant plus près du mal, nous puissions y apporter ensemble plus promptement le remède qui sera requis et nécessaire pour l’establissement du bien et repos public[144]. »
Dans ces deux mois de septembre et octobre, Henri de Navarre ne reste que peu de temps à Nérac. Les 6 et 7 septembre, il est à Pau, puis à Eauze. Du 10 au 22 à Nérac, du 23 au 25 à la chasse à Casteljaloux. Il repart de Nérac le 11 octobre, va à Tonneins passer une partie de ce mois, et ne rentre que le 25 à son château de Nérac.
Marguerite, elle, ne bouge pas de Nérac.
Du dimanche 1er novembre au lundi 30, séjour à Nérac avec tout le train.
(Dépenses totales pour ce mois : 2.150 écus, 37 sols, 9 deniers. Payé seulement 1.460 écus, 25 sols, 6 deniers.)
Même repos pour Marguerite et son train, à Nérac, pendant tout ce mois de novembre. Soit pour des motifs politiques, soit à cause de la mauvaise saison, la Reine de Navarre n’accompagna point son mari en pays de Foix, où se tint, dans la seconde moitié du mois, à Mazères une importante réunion des chefs réformés.
Les lettres d’Henri de Navarre de cette époque nous édifient pleinement sur le but poursuivi. En apparence, il cherche à pacifier le Languedoc. En réalité, il se prépare à la guerre. Dupleix nous donne d’intéressants et sûrs détails sur ce qui fut décidé à cette dernière conférence. « Le Roy de Navarre estant en la ville de Mazères au comté de Foix, les dépputez des églises de Languedoc et de Daufiné l’y vindrent trouver pour lui représenter les infractions que les catholiques faisaient aux édits de pacification, et se résoudre avec lui de ce qu’ils avaient à faire. Luy, qui ne vouloit point rompre légèrement de son costé, les admonesta de temporiser un peu, en attendant que le Roy effectuât ses promesses ; et afin de se tenir prest à tout évenement, rompit deux escus d’or en deux pièces ; bailla l’une pièce de l’un à Antoine du Pleix, baron de Lecques, député des églises du Languedoc, et la moitié de l’autre escu à Sofroy de Colignon, député des églises du Daufiné et depuis chancelier de Navarre ; et, retenant devers soy les deux aultres moitiés, commanda à l’un de porter sa moitié au sieur de Chastillon, fils de l’admiral, gouverneur pour les religionnaires en Languedoc, et à l’autre la sienne au sieur de Les Diguières, qui avait été fait gouverneur du Daufiné en la place de Montbrun par le Roy de Navarre. Le secrest estoit qu’en leur envoïant à chacun l’autre moitié de l’escu, ils prissent en même temps les armes, comme feroit généralement le parti de toutes les églises de France. Ils se devoient saisir en un mesme jour (marqué, comme dit d’Aubigné, au xv d’avril de l’année suivante) de plus de soixante villes ou places d’importance[145]. »
On voit que, dès cette fin de novembre ou commencement de décembre, la guerre, que l’on a appelée depuis Guerre des Amoureux, en la faisant découler de causes pour la plupart erronées, était arrêtée en principe dans l’esprit des chefs protestants.
Du mardi 1er décembre au jeudi 31, séjour audict Nérac avec tout le train.
(Dépenses totales de ce mois : 2 250 écus, 56 sols, 7 deniers. Payé seulement 361 écus, 24 sols, 6 deniers.)
Deux événements, auxquels Marguerite attache beaucoup d’importance, marquèrent pour elle cette fin de l’année 1579 : le départ pour Paris de M. de Pibrac ; la rentrée de la Reine-Mère à la Cour.
On peut voir par les chiffres qui précèdent que la bourse de la Reine de Navarre n’était guère bien garnie en ce mois de décembre 1579. Sur 2 250 écus de dépense, elle ne peut en payer que 361. Aussi charge-t-elle son chancelier Pibrac, que son emploi de président au Parlement rappelait à Paris, de plaider sa cause auprès de la Reine-Mère.
« Madame, lui écrit-elle tout d’abord, Monsieur de Pibrac est ancore isi, que j’i ai retenu pour mes afères, qui sont en si mauves estat, qui l’ont bien besoin que me fasiès cet honneur de m’i secourir ; mes il m’est moins eutile pour le servise du Roy ; il fait difiguleté d’antrer dans ce Conseil pour ce qui n’i est point nommé ; si vous plaisait, Madame, par une de vos lettres et du Roy lui commander de s’an mesler, vous le contanteriés, car il l’an est tout mutiné, et si an retirerès de grans servisses an cet endroit[146]. »
Le départ de Pibrac dut coïncider avec l’arrivée à Paris de Catherine de Médicis. On sait que la Reine-Mère ne rentra qu’à la fin de novembre 1579 de son long voyage dans le Midi, qui avait duré près de seize mois et qui s’était terminé par le Dauphiné, la vallée du Rhône et Lyon. Une nouvelle lettre de Marguerite à sa mère nous renseigne à cet égard :
« Madame, bien que je n’aie ancores seu vostre heureuse arrivée auprès du Roi, si ai se qu’aiant su qu’i partoit de Dolinville pour aler à Orléans, je panse que soiès à ceste heure ansamble ; de quoi, Madame, avecques vostre permition, j’oserè dire vous porter un peu d’anvie ; mes atandant que la fortune me fase jouir d’un pareil heur, je vous suplie très humblemant, Madame, ne vous santir importunée que Monsieur de Pibrac vous ramantoive quelque fois cele de toutes vos filles et servantes qui vous a plus voué d’afection et très humble obéissance. » Elle lui recommande tout particulièrement Pibrac, lui rappelant « comme il a bien servi le Roi et vous an ceste conféranse et comme dinemant il s’an est acquité an ceste nesgotiation-la. » Quant à elle : « Je luy suis pour mon particulier tant obligé, n’aiant eu secours depuis si mois pour ma meson que de luy, que je serois ingrate si je ne m’an revanchois[147]. »
L’incident de Pau, on le voit, est oublié. La meilleure harmonie règne encore entre Marguerite et son chancelier. Et si la jeune Reine regrette quelque chose, c’est de ne pouvoir le suivre en ce moment à Paris.
L’hiver en effet est arrivé. Le temps est froid, les heures tristes. Henri de Bourbon est en pays de Foix avec Sully, Turenne et tous ses familiers. Marguerite, restée seule à Nérac, commence à s’ennuyer.
« Ma Sibille, écrit-elle à cette date à la duchesse d’Uzès, je vous escrirois plus souvent, mais la Gascougne est si fâcheuse qu’elle ne peut produire que des nouvelles semblables à elle ; je ne vous parleray donc point d’icy : mais je me resjouiray du contentement que vous avez de voir la Rayne, ma mère, de quoy je vous porte grand’envie et vous supplie, quand vous parlerez à elle, luy faire quelquefois ressouvenir du très humble service que je luy ay fidèlement voué… »[148].
Sa seule ressource est de s’occuper de bonnes œuvres et d’intercéder auprès de sa mère ou du Roi son frère pour les malheureux.
À cet effet elle plaide auprès d’eux la cause des habitants de Condom, où l’affaire entre le lieutenant général et le lieutenant particulier est loin d’être terminée[149], et elle contribue « par une pension annuelle de 200 livres à l’entretienement du collège de Montauban », que son frère Henri III et également son mari viennent de fonder[150].
- ↑ Archives nationales, série KK, vol. 164. — Ainsi que nous l’avons dit, nous n’insérerons plus au commencement de chaque nouvelle année que les changements survenus depuis l’année précédente dans ce nombreux personnel.
- ↑ Ce qui prouve bien que les deux Reines étaient logées dans la ville même du Port-Sainte-Marie et non au couvent du Paravis.
- ↑ Bibl. nat., Fonds français, no 3300, fo 124. — Cf. : Lettres de Catherine, t. vi, p. 200.
- ↑ Lettre de Catherine « du Port-Sainte-Marie, le jour et feste des Roys ». Fonds français no 3300, fo 126. Cf. t. VI, p. 205.
- ↑ Idem, t. VI, p. 415. In extenso.
- ↑ Lettres inédites de Marguerite de Valois à Pomponne de Bellièvre, par Ph. Tamizey de Larroque. Toulouse, Privat, 1897, p. 7-9.
- ↑ Lettre du 10 Janvier 1579. Fonds français no 3300, fo 128. Cf. : t. VI, p. 214.
- ↑ Idem., fo 138. Cf. : t. V, p. 217.
- ↑ Lettres des 16 et 19 janvier. Fonds français, no 3300, fo 133. — Cf. : t. V, p. 223 et suivantes.
- ↑ Cette lettre de Catherine au Roi son fils du 24 janvier 1579 (Fonds français 3300, fo 134), est vraiment admirable ! Elle finit par perdre patience devant tant de mauvais vouloir, et c’est avec une véritable éloquence et un grand sens politique qu’elle iui adresse ses doléances.
- ↑ Mémoires et Lettres de Marguerite de Valois, publiés par M. Guessard. Paris, 1842.
- ↑ Lettre du 26 janvier 1579. Fonds français, no 3300, fo 139. Cf. : t. V, p. 235.
- ↑ Lettres de Marguerite, édit. Guessard, p. 196-203. L’annonce que son frère, le duc d’Anjou, est allé à Alençon (ce qui arriva, d’après L’Estoile, le 25 janvier de ce mois), nous permet de dater cette lettre à quelques jours près de cette fin de janvier.
- ↑ Lettres de Marguerite, édit. Guessard.
- ↑ Lettres inédites de Marguerite, publiées par M. Ph. Tamizey de Larroque, p. 9-10.
- ↑ Lettre du 2 février au Roi. Fonds français, no 3300, fo 143. — Cf. : t. vi, p. 245.
- ↑ Idem.
- ↑ « Discours de ce qui s’est passé à la conférence de Nérac, rédigé par le secrétaire du maréchal de Damville. » Pièce fort intéressante, très claire et très bien tenue, tirée des manuscrits de la Bibliothèque municipale de Toulouse, manuscrit 612 ; P. 80, fo 284-294. Elle a été publiée pour la première fois par M. le comte Baguenault de Puchesse. Lettres de Catherine de Médicis, t. vi, p. 441-448. Appendice.
- ↑ Lettre du 4 février. Fonds français, no 3300, fo 145. Cf. t. V, p. 249.
- ↑ Histoire de Marguerite de Valois, t. I, p. 40.
- ↑ Lettres de Catherine, t. VI, p. 249.
- ↑ Les 27 articles de la Conférence de Nérac ont été imprimés pour la première fois en 1579 par Frédéric Morel, imprimeur ordinaire du Roi. (Bibl. nat. Imprimés), et réédités depuis, maintes et maintes fois, en 1580, 1581, 1591, etc., et de nos jours dans le Corps diplomatique de Dumont, t. V, p. 337, la France protestante, t. X, p. 159, etc., etc.
- ↑ Cette pièce des plus intéressantes existe à la Bibl. nat. Fonds français, no 3300, fo 147. Elle a été publiée in extenso, avec les autres ci-après énoncées, par M. le comte Baguenault de Puchesse. Lettres de Catherine de Médicis, t. V, p. 417 et suiv., no xxvi de l’appendice.
- ↑ Bibliothèque municipale de Toulouse, manuscrit 612. P. 80, fo 284-294. — Cf. : t. VI. Appendice, no xxviii, p. 441-448.
- ↑ Bibl. nat. Fonds français, no 3319, fo 9. Cf. : t. VI, des Lettres. Appendice no xxix, p. 449-452.
- ↑ Lettre de Catherine au roi son fils. Fonds français, no 3300, fo 145. Cf. : t. vi, p. 250 et suiv.
- ↑ Nous ne relevons dans le journal du secrétaire de Damville, présent à la conférence, qu’une seule mention de partie de plaisir : « Ce vendredi, écrit-il, la Reine de Navarre demeura au conseil ladicte après-dinée, et, au sortir dessendit au parc, pour voir courre la bague au Roy son mary et aux aultres seigneurs de la suitte, cependant que la Reyne-Mère estoit à Vespres. Le sieur de Fontenilles, ne pouvant donner dedans la bague, dict tout hault en gascon que quelque ministre l’avait enchanté, qu’il ne sçavait où se vouer, parceque dans Nérac n’y avoit aulcung sainct ni saincte, les églizes estans toutes abatues. »
- ↑ Lettre du 12 février. Fonds français, 3300, fo 157, Cf. : t. VI, p. 159.
- ↑ Bibl. nat. Fonds français, no 331, fo 29.
- ↑ Journal du secrétaire de Damville.
- ↑ Lettre du 23 février au maréchal de Damville. Fonds français, no 3248, fo 21. — C. t. VI, p. 280.
- ↑ Lettre du 25 février au maréchal de Damville. Fonds français, no 3319, fo 5.
- ↑ Lettre du 4 mars. Fonds français, no 3319, fo 5. Il est probable qu’elle séjourna à ce moment au couvent de Paravia, attendu que quelques jours avant, et alors qu’elle croyait tout rompu, la Royne avoit deja commandé d’aprester son disner lendemain aux religieuses du Paradis » dit le Journal du secrétaire de Damville.
- ↑ Lettre à la duchesse d’Uzès, Fonds français, no 3387, 18. Cf. t. IV, p. 292.
- ↑ Fonds français, no 3887, fo 42. Autographe. Lettre inédite.
- ↑ Fonds français, no 3387, fo 44. Autographe. Lettre inédite. — Il ne faut pas oublier, comme l’écrit Marguerite dans une autre lettre, que la duchesse d’Uzès avait alors au moins soixante ans : « Je vois bien, ma Sibille, qu’il y a une grande sympathie entre vous et moi, et que la différence de soixante ans à vingt-cinq n’empêche la conformité de nostre humeur. » (Fonds français, ancien fonds Béthune, no 8890.)
- ↑ Lettres de Marguerite de Valois, publiées par Guessard. On a vu précédemment par les menues dépenses du Roi de Navarre combien ce prince ne négligeait rien pour rendre aux deux Reines et à leur aimable suite le séjour de Nérac aussi agréable que possible.
- ↑ Lettre de Catherine du 10 mars 1579. Fonds français, no 3310, fo 11. — Cf. t. VI, p. 296.
- ↑ Ce discours de la Reine-Mère a été publié in extenso sous le titre de : Recueil des propos tenus par la Reyne mère du Roy à la noblesse de Guyenne, en la salle de l’Évêché d’Agen, le V de mars 1579, par M. le comte Baguenault de Puchesse, Lettres de Catherine, t. VI, pp. 452-454 en appendice. — Cf. : Bibl. nat. Fonds français no 3319, fo 26.
- ↑ Archives mun. d’Agen. BB. 38, fo 44-45. — Cf Histoire religieuse du diocèse d’Agen, par l’abbé Barrère, t. I, p. 328 ; Saint-Amans, Histoire du département de Lot-et-Garonne ; Tholin, Agen pendant les guerres de religion, etc., etc.
- ↑ Lettre de Catherine. Fonds français, no 3319, fo 11. — Cf : t. VI, p. 199.
- ↑ Lettre du 15 mars. Fonds français, no 3319, fo 14. Cf : t. VI, p. 302. — Cf : Archives mun. d’Agen. BB, 33.
- ↑ Lettre de Catherine au maréchal de Damville. Fonds français, no 3203, fo 44. — Cf : t. VI, p. 306.
- ↑ Mémoires du duc de Bouillon, 1579, Coll. Petitot. t. xxxv, p. 179-183. Le duel eut lieu entre Henri de La Tour, vicomte de Turenne, assisté de Jean de Goutaud, baron de Salignac, chambellan du roi de Navarre, et Jean de Durfort, vicomte de Duras et seigneur de Rauzan, assisté de son frère Jacques de Durfort de Duras.
- ↑ Lettre de Catherine du 19 mars. Fonds français, no 3319, fo 17. — Cf : t. V, p. 310.
- ↑ Voir de Thou, Brantôme, L'Estoile, Sully, etc.
- ↑ Lettre à Damville, précitée.
- ↑ Fonds français, no 3319. fo 163. Cf : t. vi, p. 494. Appendice.
- ↑ Lettre du 25 mars au Roi. Fonds français, no 3319, fo 22.
- ↑ Idem. Cf. vi, p. 320.
- ↑ Lettre du 6 avril. Fonds français, no 3319, fo 28. Cf. t. V, p. 328. Saverdun en Foix était une place forte, laissée aux Réformés par l’édit de Nérac. Or, au moment de la Conférence, elle était prise par les troupes catholiques. Henri de Navarre ne voulut suivre Catherine qu’à la condition formelle qu’elle serait rendue à son parti. Ce à quoi s’emploie très loyalement la Reine-Mère.
- ↑ Lafox, château à M. de Bajaumont, où les deux Reines s’étaient déjà arrêtées le 15 octobre précédent et dont nous avons parlé à cette date.
- ↑ Collection Baguenault de Puchesse. Cf. : t. V, p. 327.
- ↑ Catherine de Bourbon, sœur du Roi de Navarre.
- ↑ Lettre du 6 avril. Fonds français, no 3319, fo 28. — Cf t. V, p. 331.
- ↑ À relever dans les comptes du Roi de Navarre, pour le mois d’avril 1579, la mention suivante : « Au capitaine Laqueuille, 60 sols tournois, données par ordre de Sa Majesté aux tambours de la garnison du Mas-de-Verdun pour que la garnison vint faire une salve à Sa Majesté près Beaumont-de-Lomagne, allant conduire la Reine-Mère sur les champs de Grenade. »
- ↑ Pour Mauvezin. Nous ferons remarquer que l’itinéraire que nous donnons de la Reine Marguerite concorde en tous points avec celui du Roy de Navarre dressé pour cette époque par Bergier de Xivrey. Pourquoi ce dernier est-il dans la suite, comme précédemment, si incomplet.
- ↑ Lettre du 11 avril. Fonds français, no 3319, fo 29. — Cf. : t. vi, p. 333.
- ↑ Lettre du 12 avril, Fonds français, no 3319, fo 30. — Cf. : t. vi, p. 335.
- ↑ Lettre du 14 avril. Fonds français, no 3387, fo 1. — Cf. : t. vi, p. 337.
- ↑ Lettre de Marguerite, éd. Guessard, pp. 198-199.
- ↑ Lettre du 23 avril. Fonds français, no 3319, fo 32. — Cf. t. V, p. 341.
- ↑ Idem.
- ↑ Marquein, canton de Salles sur Lhers, dans l’Aude, à l’extrême limite de ce département.
- ↑ Lettre de Catherine à Damville, du 22 avril. Fonds français, no 3345, fo 71. — Cf. t. V, p. 340.
- ↑ Lettre du 23 avril. Fonds français, no 3319, fo 32. — Cf. t. VI, p. 341.
- ↑ Il s’agit ici du projet de mariage entre François d’Alençon, quatrième fils de Catherine, actuellement duc d’Anjou, avec la Reine Élisabeth d’Angleterre ; union que désirait ardemment Catherine et qui n’aboutit pas.
- ↑ Lettre du 23 avril. Fonds français, no 3319, fo 32. — Cf. t. V, p. 340-345.
- ↑ Idem.
- ↑ Lettre du 26 avril. Fonds français, no 3319, fo 35. — Cf. t. VI, p. 347.
- ↑ Lettre du 29 avril, Fonds français, no 3319, fo 36. — Cf. t. VI, p. 348.
- ↑ Lettre de Catherine du 3 mai. Fonds français, no 3319, fo 38. Cf. : t. I, p. 353.
- ↑ Lettre de Catherine du 6 mai. Fonds français, no 3319, fo 39. — Cf. : t. VI, pp. 355-356.
- ↑ Extrait des procès-verbaux des États du Languedoc, tenus à Castelnaudary du 27 avril au 4 mai 1579. Bibliothèque municipale de Toulouse, manusc. reg. 611, fo 290-308. — Cf. : t. VI, pp. 481-485. Appendice.
- ↑ Lettre de Catherine, du 8 mai, au roi son fils. Fonds français, no 3319, fo 39. — Cf. t. VI, p. 357.
- ↑ Lettre à la duchesse d’Uzès. Fonds français, no 3387, fo 32. Autographe.
- ↑ La fin du mot manque. Il faut lire probablement Fanjeaux, plutôt que Fajac la Relenque, trop à gauche de la route de Castelnaudary à Carcassonne.
- ↑ Lettre du 8 mai. loc. cit.
- ↑ Lettre du 8 mai 1579, Fonds français, no 3319, fo 39. — Cf. t. VI, p. 359.
- ↑ Lettre du 8 mai 1579. Fonds français, no 3319, fo 30. — Cf. t. VI, p. 359.
- ↑ Œconomies Royales. Coll. Petitot, t. I, p. 284.
- ↑ Histoire universelle, t. V, p. 362, éd. de Ruble.
- ↑ Mongez : Histoire de Marguerite de Valois, p. 263.
- ↑ Archives départementales des Basses-Pyrénées. B. 2408.
- ↑ Fonds français, no 3319, 45. Cf. t. VI, p. 365.
- ↑ Idem, fo 46.
- ↑ Idem, 3381, fo 31. Cf. t. VI, p. 367.
- ↑ Saint-Félix, village de la Haute-Garonne, dans la vallée de la Garonne entre Carbonne et Cazères. Ancien château de Montmorency.
- ↑ Archives des Basses-Pyrénées. Comptes du roi de Navarre.
- ↑ Archives des Basses-Pyrénées. B. 42. id. Comptes du roi de Navarre, p. 603 et suivantes.
- ↑ Voir sur Catherine de Bourbon l’attrayant ouvrage de Madame la comtesse d’Armaillé.
- ↑ Le Château de Pau, par Bascle de Lagrèze, p. 253 et suivantes.
- ↑ Lettres inédites de Marguerite de Valois, publiées par Ph. Tamizey de Larroque, 1897, p. 12-13.
- ↑ Jacques Lallier, seigneur du Pin.
- ↑ Mémoires de Marguerite. éd. Charpentier, p. 212 et suivantes.
- ↑ Mémoires de Marguerite. éd. Charpentier, p. 246.
- ↑ Journal de l’Estoile. Année 1590.
- ↑ Arch. des Basses-Pyrénées. Comptes du Roi de Navarre. Juin 1379.
- ↑ Idem.
- ↑ Mémoires de Marguerite. éd. Charpentier, p. 216.
- ↑ Brantôme : Vie des dames illustres. art. Marguerite.
- ↑ Pontiacq-Villepinte, canton de Montaner, arrondissement de Pau.
- ↑ Belloc-sur-l’Adour, canton de Plaisance (Gers), en face de Castelnau Rivière-Basse.
- ↑ Henri IV en Gascogne, par Ch. de Batz de Trenquelléon. Paris. Oudin, 1885, in-8o, de 338 p.
- ↑ Mémoires de Marguerite, éd. Charpentier, p. 216-247.
- ↑ Archives des Basses-Pyrénées, B. 157. Comptes du roi de Navarre, année 1582.
- ↑ Lettres missives, t. 1, p. 233, note.
- ↑ Archives municipales de Laplume. Supplément aux Archives départementales de Lot-et-Garonne, série E, p. 92.
- ↑ Archives départementales des Basses-Pyrénées, B. 48. Comptes du Roi de Navarre, juillet 1579.
- ↑ Archives des Basses-Pyrénées. B. 48. Juillet 1579.
- ↑ Nous ignorons pourquoi, dans ses notes sur l’Histoire universelle de d’Aubigné, t. V, p. 368, M. de Ruble a pu écrire qu’à cause de sa maladie à Eauze, Henri de Navarre ne put assister à la réunion de Juillet. » Bien au contraire, il en présida toutes les séances. Même erreur dans l’Histoire de Montauban par Le Bret. (t. ii, p. 80) où il est dit qu’ « une indisposition empêcha le roi de Navarre de venir dans cette ville. »
- ↑ Mémoires du duc de Bouillon. Coll. Petitot. 1579, p. 185.
- ↑ Lettres missives, t. i, p. 36.
- ↑ Idem, t. viii, Supplément, p. 137-138.
- ↑ Idem, t. i, p. 236-240.
- ↑ Idem, t. i, p. 241.
- ↑ Idem, t. i, p. 240-241.
- ↑ Archives des Basses-Pyrénées. B. 48. Comptes pour août 1579.
- ↑ Idem.
- ↑ Lettres missives. t. v, p. 139-140.
- ↑ Marguerite exagère un peu. Ce bonheur ne dura que trois années, au bout desquelles, comme nous le verrons, commencera pour elle l’ère des infortunes.
- ↑ Voir le charmant ouvrage : Catherine de Bourbon, par Mme la comtesse d’Armaillé. Paris, Didier, 1872.
- ↑ Mémoires de Marguerite. éd. Charpentier, p. 217-218.
- ↑ Voir aussi notre étude sur Le Château de Nérac, avec une reproduction de plan en relief du vieux château (Agen, 1896).
- ↑ La vue de 1610, reproduite plus tard en lithographie par Lomet, donne une idée fort exacte de ce qu’étaient à cette époque le château de Nérac et ses différents parcs.
- ↑ Mémoires de Michel de la Huguerye, publiés par le baron de Ruble, t. ii, p. 307.
- ↑ Salluste du Bartas dédia à cette époque à la Reine Marguerite, « qu’il s’étoit donnée, dit-il, pour marraine, » un des premiers poëmes de son recueil la Muse Chrétienne, intitulé : La Judith. édit. 1579.
- ↑ Voir dans la Guirlande des Marguerites, p. 13, la note explicative qui accompagne le sonnet consacré à ces deux arbres désormais historiques.
- ↑ Archives des Basses-Pyrénées. Comptes du roi de Navarre, 1579.
- ↑ Idem, B. 1518 et B. 237.
- ↑ Idem, B. 46 et B. 2365.
- ↑ Archives des Basses-Pyrénées. B. 2380.
- ↑ Idem, B. 2374, 47, 46, etc.
- ↑ Mémoires de Marguerite, éd. Charpentier, p. 218.
- ↑ Archives des Basses-Pyrénées, B. 163.
- ↑ Œconomies royales. Collect. Petitot, p. 285.
- ↑ D’Aubigné, Histoire universelle, t. v, p. 381.
- ↑ Lettres missives, t. viii, p. 140. Lettre du 12 août 1579.
- ↑ Lettres missives, t. viii, p. 144. Lettre du 22 août, de Nérac, à la Reine-Mère.
- ↑ Arch. municip. d’Agen, BB. 33, p. 55. Inédite. Cf. : Lettre du roi de Navarre à M. de Vivans, du 16 septembre 1579. — Cf. : Lettres missives. t. i, p. 245.
- ↑ D’Aubigné, Histoire universelle, t. ii, l.iv, ch. iii. — Cf. : Lettres missives, t. i, p. 245.
- ↑ Bibl. nat., Fonds français, vol. 3330. — Cf. : Guessard, p. 196. — Cf. Lettres missives, t. i, p. 246.
- ↑ Lettres missives, t. i, p. 249-251.
- ↑ Lettres missives, t. I, p. 254-253.
- ↑ Dupleix, Histoire d’Henri III. Édition Denis Béchet, 1663, p. 76.
- ↑ Bibliothèque Impériale de Saint-Pétersbourg. N. xxii du man., fol. 36. Lettre déjà publiée par nous pour la première fois dans les Lettres inédites de Marguerite de Valois, tirées de la Bibl. Imp. de St-Pétersbourg. Auch, 1886, in-8o p. 6.
- ↑ Idem. N. xxii du man., fol. 34.
- ↑ Bibl. Nat., Fonds français, vol. 3387, p. 50. — Cf : Guessard, p. 208.
- ↑ Lettres, du 28 décembre 1579, de la Reine de Navarre à la Reine-mère et au Roi son frère. Bibl. Imp. de Saint-Pétersbourg. Voir plus haut, page 43, la note explicative que nous avons écrite sur ces évènements de Condom.
- ↑ Jean de Lettes, évêque de Montauban, eut le premier l’idée de fonder un collège en cette ville. Elle n’aboutit pas. En août 1579 ce projet fut repris, et les habitants adressèrent une requête au Roi qui, en octobre de cette année, accorda des lettres patentes en faveur de cet établissement. Henri de Navarre en sa qualité de chef des Réformés voulut y contribuer. À cet effet il assigna une somme de 200 livres à prendre chaque année sur ses revenus du comté de Rodez. Marguerite à son tour ne voulut point rester en arrière, et elle accorda, le 28 décembre 1579, « à l’imitation du roy son mary, une pension annuelle de 200 livres pour l’entretenement dudit collège. » L’original de cette libéralité, signé de la main de la Reine, est conservé aux archives départementales de Tarn-et-Garonne. D. Fonds du collège. — Voir à ce sujet : la Notice historique sur le collège de Montauban, par M. Georges Bourbon. Bulletin archéologique du Tarn-et-Garonne, t. iv, 1870.