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La NuitLibrairie Fischbacher (Collection des poètes français de l’étranger) (p. 27-28).




ISRAFEL


À Georges Destrée.


 
Dans les hauts palais d’ambre et d’ébène du ciel,
Aux parcs de roses d’or, qu’ombrent des violettes,
— La plus parfaite des créatures parfaites —
Dans la brise, en chantant, glisse l’ange Israfel.

Les fibres de son cœur font les cordes d’un luth
Qui rythme les accords des splendeurs éternelles,
Quand le battement doux du velours de ses ailes
Baise le cœur en feu des étoiles du sud.

Les astres frissonnants taisent leur vaste chœur,
La lune énamourée empourpre son visage
Lorsqu’aux sons lumineux de son léger passage
Se meurt au ciel en pleurs la langueur de son cœur.

Ils disent, les élus des légendes, qu’il doit
La flamme de son être à cette lyre étrange
Dont chaque fibre vibre à son pur essor d’ange,
Sans voix et sans toucher musical de nul doigt.

Il chante la beauté du suprême néant
Où va s’évanouir l’illusion de vivre,
La tristesse d’aimer qu’un cher mensonge enivre,
Le passé tout en cendre et l’avenir béant.

Mais ce chant est plus doux que la douce clarté
Des roses d’or dans les palais d’ambre et d’ébène.
Ah ! qu’un mystère ami vers la terre t’amène,
Et le bonheur naîtra sous ton vol velouté !

Israfel ! Abolis nos maux et nos rancœurs
Et fais mourir dans ta flamme mélodieuse
— Mélancolie exquise et douleur radieuse ! —
Nos pauvres cœurs, échos plaintifs des autres cœurs !