Introduction à la vie dévote (Boulenger)/Seconde partie/10

Texte établi par Fernand Boulenger,  (p. 80-82).


CHAPITRE X

EXERCICE POUR LE MATIN


Outre cette oraison mentale entière et formée, et les autres oraisons vocales que vous devez faire une fois le jour, il y a cinq autres sortes d’oraisons plus courtes, et qui sont comme agencements et surgeons de l’autre grande oraison, entre lesquelles, la première est celle qui se fait le matin, comme une préparation générale à toutes les œuvres de la journée. Or, vous la ferez en cette sorte :

1. Remerciez et adorez Dieu profondément pour la grâce qu’il vous a faite de vous avoir conservée la nuit précédente ; et si vous aviez en icelle commis quelque péché, vous lui demanderez pardon.

2. Voyez que le jour présent vous est donné afin qu’en icelui vous puissiez gagner le jour à venir de l’éternité, et ferez un ferme propos de bien employer la journée à cette intention.

3. Prévoyez quelles affaires, quels commerces et quelles occasions vous pouvez rencontrer cette journée-là pour servir Dieu, et quelles tentations vous pourront survenir de l’offenser, ou par colère, ou par vanité, ou par quelque autre dérèglement ; et, par une sainte résolution, préparez-vous à bien employer les moyens qui se doivent offrir à vous de servir Dieu et avancer votre dévotion ; comme au contraire, disposez-vous à bien éviter, combattre et vaincre ce qui peut se présenter contre votre salut et la gloire de Dieu. Et ne suffit pas de faire cette résolution, mais il faut préparer les moyens pour la bien exécuter. Par exemple, si je prévois de devoir traiter de quelque affaire avec une personne passionnée et prompte à la colère, non seulement je me résoudrai de ne point me relâcher à l’offenser, mais je préparerai des paroles de douceur pour la prévenir, ou l’assistance de quelque personne qui la puisse contenir. Si je prévois de pouvoir visiter un malade, je disposerai l’heure et les consolations et secours que j’ai à lui faire ; et ainsi des autres.

4. Cela fait, humiliez-vous devant Dieu, reconnaissant que de vous-même vous ne sauriez rien faire de ce que vous avez délibéré, soit pour fuir le mal, soit pour exécuter le bien. Et comme si vous teniez votre cœur en vos mains, offrez-le avec tous vos bons desseins à la divine Majesté, la suppliant de le prendre en sa protection et le fortifier pour bien réussir en son service, et ce par telles ou semblables paroles intérieures : « O Seigneur, voilà ce pauvre et misérable cœur qui, par votre bonté, a conçu plusieurs bonnes affections ; mais hélas ! il est trop faible et chétif pour effectuer le bien qu’il désire, si vous ne lui départez votre céleste bénédiction, laquelle à cette intention je vous requiers, o Père débonnaire, par le mérite de la Passion de votre Fils, à l’honneur duquel je consacre cette journée et le reste de ma vie ». Invoquez Notre Dame, votre bon ange et les saints, afin qu’ils vous assistent à cet effet.

Mais toutes ces actions spirituelles se doivent faire brièvement et vivement, devant que l’on sorte de la chambre s’il est possible, afin que, par le moyen de cet exercice, tout ce que vous ferez le long de la journée soit arrosé de la bénédiction de Dieu ; mais je vous prie, Philothée, de n’y manquer jamais.