Instructions aux domestiques/Règles

Traduction par Léon de Wailly.
À l’enseigne du pot cassé (p. 27-42).


RÈGLES QUI CONCERNENT
TOUS LES DOMESTIQUES EN GÉNÉRAL



Quand votre maître ou maîtresse appelle un domestique par son nom, si ce domestique n’est pas là, aucun de vous ne doit répondre, car alors il n’y aura pas de raison pour que vous finissiez de trimer ; et les maîtres eux-mêmes reconnaissent que si un domestique vient lorsqu’on l’appelle, cela suffit.

Quand vous avez fait une faute, payez d’effronterie et d’impertinence, et conduisez-vous comme si c’était vous qui aviez à vous plaindre ; cela calmera immédiatement votre maître ou maîtresse.

Si vous voyez un de vos camarades faire tort à votre maître, ayez soin de n’en rien dire, de peur d’être traité de rapporteur : à moins, pourtant, qu’il ne s’agisse d’un domestique favori, qui soit justement haï de toute la maison ; auquel cas il est prudent de rejeter sur lui tout ce qu’on pourra de fautes.

Le cuisinier, le butler, le groom, l’homme qui va au marché, et tous les autres domestiques chargés des dépenses de la maison, feront bien d’agir comme si la fortune entière du maître devait être affectée à leur budget particulier. Par exemple, si la cuisinière évalue la fortune de son maître à mille livres sterling par an, elle en conclut raisonnablement qu’avec un millier de livres par an on aura suffisamment de viande, et que par conséquent il n’est pas besoin de lésiner ; le butler fait le même raisonnement ; autant en peuvent faire le groom et le cocher ; et ainsi la dépense en tous genres se fait à l’honneur de votre maître.

Quand vous êtes grondé devant le monde (ce qui, avec toute la déférence due à vos maîtres et maîtresses, est de bien mauvais goût), il arrive souvent que quelque étranger a la bonté de glisser un mot à votre excuse ; dans ce cas, vous serez en droit de vous justifier vous-même, et vous pouvez justement conclure que lorsqu’il vous grondera plus tard, dans d’autres occasions, il peut avoir tort ; opinion dans laquelle vous vous confirmerez en exposant à votre façon le cas à vos camarades, qui certainement décideront en votre faveur ; c’est pourquoi, je le répète, toutes les fois que l’on vous gronde, plaignez-vous comme si c’était vous qui étiez lésé.

Il arrive fréquemment que les domestiques envoyés en message sont sujets à rester un peu plus longtemps que le message ne l’exige, peut-être deux, quatre, six ou huit heures, ou quelque semblable bagatelle ; car la tentation à coup sûr est grande, et la chair ne saurait toujours résister. Quand vous revenez, le maître jette feu et flamme, la maîtresse crie ; vous faire mettre habit bas, vous bâtonner, vous jeter à la porte, voilà ce qui se dit. Mais vous devez être muni d’un assortiment d’excuses qui suffisent à toutes les occasions : par exemple, votre oncle est arrivé ce matin en ville ayant fait quatre-vingts milles tout exprès pour vous voir, et il s’en retourne demain au point du jour ; un camarade, qui vous avait emprunté de l’argent lorsqu’il était sans place, se sauvait en Irlande ; vous preniez congé d’un vieux camarade à vous, qui s’embarquait pour les Barbades ; votre père vous avait envoyé une vache à vendre, et vous n’avez pas pu trouver d’acheteur avant neuf heures du soir ; vous avez fait vos adieux à un cher cousin qui doit être pendu samedi prochain ; vous vous êtes donné une entorse au pied contre une pierre, et vous avez été forcé de rester trois heures dans une boutique avant de pouvoir faire un pas ; on vous a jeté quelque chose de sale d’une mansarde, et vous avez eu honte de rentrer avant d’être nettoyé et que l’odeur soit partie ; vous avez été pressé pour le service maritime, et mené devant un juge de paix, qui vous a gardé trois heures avant de vous interroger, et vous avez eu beaucoup de peine à vous en tirer ; un recors, par méprise, vous a arrêté comme débiteur et vous a tenu toute la soirée en prison chez lui ; on vous a dit que votre maître était allé à une taverne et qu’il lui était arrivé un malheur, et votre douleur a été si grande, que vous avez demandé Son Honneur à une centaine de tavernes entre Pall-Mall et Temple-Bar.

Prenez le parti de tous les marchands contre votre maître, et quand on vous envoie acheter quelque chose, ne marchandez jamais, mais payez généreusement tout ce qu’on demande. Ceci tourne grandement à l’honneur de votre maître, et peut vous mettre quelques shillings en poche ; et vous devez considérer que si votre maître a payé trop, il peut mieux supporter cette perte qu’un pauvre boutiquier.

Ne vous soumettez jamais à remuer un doigt pour aucune besogne autre que celle pour laquelle vous avez été particulièrement engagé. Par exemple, si le groom est ivre, ou absent, et que le butler reçoive l’ordre de fermer l’écurie, la réponse est prête : « Sauf le respect de Votre Honneur, je ne m’entends pas aux chevaux. » Si le coin de la tenture a besoin d’un seul clou pour la rattacher, et qu’on dise au valet de pied de le clouer, il peut répondre qu’il n’entend rien à cette sorte d’ouvrage, mais que Son Honneur peut faire venir le tapissier.

Les maîtres et maîtresses querellent communément les domestiques de ce qu’ils ne ferment pas les portes après eux ; mais ni les maîtres ni les maîtresses ne réfléchissent qu’il faut ouvrir ces portes avant de pouvoir les fermer, et que fermer et ouvrir les portes, c’est double peine ; le meilleur moyen donc, le plus court et le plus aisé est de ne faire ni l’un ni l’autre. Mais si vous êtes si souvent tourmenté pour fermer la porte qu’il vous soit difficile de l’oublier, alors poussez-la avec tant de violence en vous en allant que la chambre en soit ébranlée et que tout y tremble, afin de faire bien voir à votre maître ou maîtresse que vous suivez ses instructions.

Si vous voyez que vous faites des progrès dans les bonnes grâces de votre maître ou maîtresse, saisissez quelque occasion de leur demander d’un ton très doux votre compte ; et lorsqu’ils s’enquerront du motif, et qu’il paraîtra leur en coûter de se séparer de vous, répondez que vous aimeriez mieux vivre chez eux que chez n’importe qui, mais qu’un pauvre domestique n’est pas à blâmer s’il essaie d’améliorer sa condition ; que les gens qui servent n’ont pas de rentes ; que votre besogne est lourde, et que vos gages sont très légers. Là-dessus, votre maître, s’il a aucune générosité, ajoutera cinq ou six shillings par quartier, plutôt que de vous laisser partir ; mais si vous êtes pris au mot, et que vous n’ayez pas envie de partir, faites dire à votre maître par quelque camarade qu’il vous a décidé à rester.

Tous les bons morceaux que vous pouvez dérober dans la journée, serrez-les de côté pour vous régaler le soir en cachette avec vos camarades ; et mettez le butler de la partie, pourvu qu’il vous donne de quoi boire.

Écrivez votre nom et celui de votre bonne amie, avec la fumée de la chandelle, au plafond de la cuisine ou de l’office, pour montrer votre savoir.

Si vous êtes un jeune homme de bonne mine, chaque fois que vous parlez bas à votre maîtresse à table, fourrez-lui votre nez dans la joue ; ou si vous avez l’haleine fraîche, soufflez-lui en plein visage ; j’ai vu ceci avoir de très bons résultats dans les familles.

Ne venez jamais que vous n’ayez été appelé trois ou quatre fois, car il n’y a que les chiens qui viennent au premier coup de sifflet ; et quand le maître crie : « Qui est là ? » aucun domestique n’est tenu d’y aller ; car qui est là n’est le nom de personne.

Quand vous avez cassé en bas toutes vos tasses de faïence (ce qui ordinairement est l’affaire d’une semaine), la casserole servira tout aussi bien. On y peut bouillir du lait, chauffer le potage, mettre de la petite bière, ou, en cas de nécessité, remplacer un pot de chambre ; appliquez-la donc indifféremment à tous ces usages ; mais ne la nettoyez ni ne la récurez jamais, de peur d’enlever l’étamage.

Quoiqu’on vous ait affecté des couteaux pour vos repas à l’office, vous ferez bien de les ménager et d’employer ceux de votre maître.

Que ce soit une règle constante que ni chaise, ni escabeau, ni table de l’office ou de la cuisine n’ait plus de trois pieds, ce qui a été l’ancien et invariable usage dans toutes les maisons que j’ai jamais connues, et est fondé, dit-on, sur deux raisons : premièrement, pour montrer que les domestiques sont toujours dans un état branlant ; deuxièmement, il est bon, au point de vue de l’humilité, que les chaises et tables des domestiques aient un pied de moins que celles de leurs maîtres. Je reconnais qu’il a été fait une exception à cette règle en faveur de la cuisinière, à laquelle une vieille coutume accorde une bergère pour y dormir après dîner ; et cependant je l’ai rarement vue avec plus de trois pieds. Or, cette claudication épidémique des sièges de domestiques est imputée par les philosophes à deux causes qui, on l’a observé, font les plus grandes révolutions dans les États et Empires : je veux dire l’amour et la guerre. Un escabeau, une chaise ou une table est la première arme lorsqu’on se bat pour rire ou pour tout de bon ; et après une paix, les chaises, si elles ne sont pas très fortes, sont sujettes à souffrir dans la conduite d’une galante intrigue, la cuisinière étant ordinairement grosse et lourde, et le butler un peu pris de vin.

Je n’ai jamais pu souffrir de voir des servantes assez peu comme il faut pour aller par les rues avec leurs jupons retroussés ; c’est une bête d’excuse d’alléguer que leurs jupons se sont crottés, lorsqu’elles ont le remède si facile de descendre trois ou quatre fois un escalier propre une fois de retour à la maison.

Quand vous vous arrêtez à babiller avec quelque camarade de la rue, laissez la porte de la maison ouverte, afin de pouvoir rentrer sans frapper ; autrement votre maîtresse pourrait savoir que vous êtes sorti, et vous seriez grondé.

Je vous exhorte tous instamment à l’union et à la concorde ; mais ne vous méprenez pas sur ce que je dis : vous pouvez vous quereller entre vous tant que vous voudrez ; seulement ayez toujours présent à l’esprit que vous avez un ennemi commun, qui est votre maître ou maîtresse, et que vous avez une cause commune à défendre. Croyez-en un vieux praticien : quiconque, par malveillance pour un camarade, fait un rapport à son maître, ameutera tout le monde contre lui et sera perdu.

Le rendez-vous général de tous les domestiques, tant en hiver qu’en été, c’est la cuisine ; c’est là que doivent se traiter les grandes affaires de la maison, qu’elles concernent l’écurie, la laiterie, l’office, la buanderie, la cave, la chambre des enfants, la salle à manger, ou la chambre de madame : là, comme dans votre propre élément, vous pouvez rire, et batifoler, et crier, en pleine sécurité.

Lorsqu’un domestique rentre ivre et ne peut pas se montrer, vous devez tous vous entendre pour dire à votre maître qu’il est allé se coucher très malade ; sur quoi votre maîtresse sera assez bonne pour faire donner quelque chose de réconfortant à ce pauvre domestique.

Quand vos maîtres vont ensemble dîner en ville, ou en soirée, vous n’avez pas besoin de rester plus d’un au logis, et même il suffira d’un gamin, si vous en avez un, pour répondre à la porte et prendre soin des enfants, en cas qu’il y en ait. Qui de vous restera doit se décider à la courte-paille, et celui sur qui le sort tombera peut avoir pour consolation la visite d’une bonne amie, sans courir le danger d’être surpris avec elle. Ces occasions-là ne doivent pas se manquer, elles viennent trop rarement ; et rien ne périclite tant qu’il y a un domestique à la maison.

Quand votre maîtresse ou maître rentre, et a besoin d’un domestique qui se trouve être dehors, votre réponse doit être qu’il n’y a qu’une minute qu’il vient de sortir, demandé par un de ses cousins qui se meurt.

Si votre maître vous appelle par votre nom, et qu’il vous arrive de répondre à la quatrième fois, vous n’avez pas besoin de vous presser ; et si l’on vous gronde d’avoir tardé, vous pouvez très légitimement dire que vous n’êtes pas venu plus tôt parce que vous ne saviez pas ce qu’on vous voulait.

Quand vous êtes grondé pour une faute, en sortant de la chambre et en redescendant, murmurez assez haut pour être bien entendu ; cela fera croire que vous êtes innocent.

Quelle que soit la visite qui vienne en l’absence de votre maître ou maîtresse, ne chargez jamais votre mémoire du nom de la personne ; vous avez, ma foi, bien d’autres choses à vous rappeler. D’ailleurs, c’est une besogne de portier, et c’est la faute de votre maître s’il n’en a point. Et qui peut se souvenir des noms ? vous auriez certainement fait quelque méprise, et vous ne savez ni lire, ni écrire.

S’il est possible, ne faites jamais de mensonge à votre maître et maîtresse, à moins d’avoir l’espérance qu’ils ne pourront pas le découvrir avant une demi-heure. Quand un domestique est renvoyé, il faut raconter tous ses méfaits, quoique la plupart ne soient pas connus de son maître ou de sa maîtresse, et tout ce que les autres ont fait de mal doit lui être imputé. Et lorsqu’on vous demandera pourquoi vous n’en avez pas averti, la réponse est : « Monsieur, ou Madame, réellement j’avais peur de vous fâcher ; et puis vous auriez peut-être cru que c’était méchanceté de ma part. » Lorsqu’il y a des enfants dans une maison, ils sont ordinairement de grands obstacles à ce que les domestiques s’amusent ; le seul remède est de les gagner avec des bonbons, pour qu’ils ne fassent pas de rapports à papa et à maman.

Je conseille à vous autres dont le maître vit à la campagne et qui attendez des profits, de toujours vous mettre sur deux lignes lorsqu’un étranger s’en va, de façon à ce qu’il soit forcé de passer entre vous. Il faudra qu’il ait plus d’assurance ou moins d’argent que d’habitude, si aucun de vous le laisse échapper ; et selon qu’il se conduit, souvenez-vous de le traiter la prochaine fois qu’il vient.

Si l’on vous donne de l’argent pour acheter quelque chose dans une boutique, et que vous ne vous trouviez pas en fonds à ce moment-là, dépensez l’argent pour vous et prenez la marchandise à crédit. C’est pour l’honneur de votre maison et le vôtre ; car un crédit lui est ouvert, et c’est à votre recommandation.

Quand votre maîtresse vous fait appeler dans sa chambre pour vous donner quelque ordre, ne manquez pas de rester à la porte et de la tenir ouverte, jouant avec la serrure tout le temps qu’elle vous parle, et gardez le bouton dans votre main de peur d’oublier de fermer la porte après vous.

Si votre maître ou maîtresse se trouve une fois dans leur vie vous accuser à tort, vous êtes un heureux domestique ; car vous n’avez plus rien à faire, chaque fois que vous commettrez une faute dans votre service, que de leur rappeler cette fausse accusation et de vous jurer également innocent dans le cas présent.

Quand vous avez envie de quitter votre maître, et si, craignant de l’offenser, vous êtes trop timide pour rompre la glace, le meilleur moyen est de devenir tout d’un coup grossier et impertinent plus qu’à votre ordinaire, jusqu’à ce qu’il juge nécessaire de vous renvoyer ; et quand vous êtes parti, pour vous venger, faites-lui, et à sa femme, auprès de vos camarades qui sont sans place, une réputation telle, qu’aucun ne se hasardera à offrir ses services.

Des dames délicates qui sont sujettes à s’enrhumer, ayant remarqué que les domestiques oublient souvent, en bas, de fermer la porte après eux lorsqu’ils rentrent ou sortent dans la cour de derrière, ont imaginé de faire adapter à la porte une poulie et une corde avec un grand morceau de plomb au bout, de façon à ce qu’elle se ferme d’elle-même, et qu’il faille une certaine force pour l’ouvrir ; ce qui est une énorme peine pour les domestiques, que leur besogne peut obliger d’entrer et de sortir cinquante fois dans une matinée. Mais l’esprit peut beaucoup, car de prudents domestiques ont trouvé un remède efficace contre cet insupportable abus, en attachant la poulie de façon à ce que le poids ne fasse aucun effet ; cependant, pour ma part, je préférerais tenir la porte toujours ouverte en mettant au bas une grosse pierre.

Les chandeliers des domestiques sont généralement cassés, car rien ne peut durer éternellement. Mais vous pouvez trouver bien des expédients ; il est assez commode de mettre votre chandelle dans une bouteille, ou avec un morceau de beurre contre la boiserie, dans une poudrière, ou un vieux soulier, ou un bâton fendu, ou un canon de pistolet, ou dans sa propre graisse sur une table, dans une tasse à café, ou un verre à boire, ou un pot en corne, une théière, une serviette tortillée, un pot à moutarde, un encrier, un os à moelle, un morceau de pâté, ou bien vous pouvez faire un trou dans le pain et la ficher dedans.

Quand vous invitez un soir les domestiques du voisinage à se régaler avec vous à la maison, enseignez-leur une manière particulière de frapper ou de gratter à la fenêtre de la cuisine, que vous puissiez entendre, mais non votre maître ou maîtresse, que vous devez prendre soin de ne pas troubler ou effrayer à des heures indues.

Rejetez toutes les fautes sur un petit chien, ou un chat favori, un singe, un perroquet, un enfant, ou sur le domestique qu’on a renvoyé dernièrement : en suivant cette règle, vous vous excuserez vous-même, vous ne ferez de mal à personne, et vous épargnerez à votre maître ou maîtresse la peine et l’ennui de gronder.

Quand vous manquez des instruments convenables pour l’ouvrage que vous êtes en train de faire, usez de tous les expédients que vous pouvez inventer plutôt que de laisser votre besogne inachevée. Par exemple, si le poker n’est pas là sous votre main, ou qu’il soit cassé, remuez le feu avec les pincettes ; si les pincettes n’y sont pas non plus, employez le bout du soufflet, le manche de la pelle à feu, ou du balai, le bout d’une mop, ou la canne de votre maître. S’il vous faut du papier pour flamber un poulet, déchirez le premier livre que vous verrez dans la maison. Essuyez vos souliers, à défaut d’un torchon, avec le bas d’un rideau, ou une serviette damassée. Arrachez le galon de votre livrée pour en faire des jarretières. Si le butler a besoin d’un pot de chambre, il peut se servir de la grande tasse d’argent.

Il y a plusieurs manières d’éteindre les chandelles, et vous devez les connaître toutes : vous pouvez promener rapidement le bout de la chandelle contre la boiserie, ce qui l’éteint immédiatement ; vous pouvez la mettre par terre et l’éteindre avec votre pied ; vous pouvez la renverser sans dessus dessous, jusqu’à ce que sa propre graisse l’étouffe, ou l’enfoncer dans la bobèche ; vous pouvez la faire tourner dans votre main jusqu’à ce qu’elle s’éteigne ; quand vous allez au lit, après avoir pissé, vous pouvez tremper le bout de la chandelle dans le pot de chambre ; vous pouvez cracher sur votre index et votre pouce et pincer la mèche. La cuisinière peut la fourrer dans le tonneau à farine, ou le groom dans un boisseau d’avoine, ou une botte de foin, ou dans la litière ; la fille de service peut éteindre la chandelle contre le miroir, que rien ne nettoie si bien que la mouchure de chandelle ; mais la plus prompte et la meilleure de toutes les méthodes est de la souffler, ce qui la laisse nette et plus facile à rallumer.

Il n’est rien de si pernicieux dans une maison qu’un rapporteur. Contre lui votre principale affaire à tous est de vous liguer ; quel que soit son genre de service, saisissez toutes les occasions de gâter ce qu’il fait, et de le traverser en tout. Par exemple, si c’est le butler, cassez ses verres chaque fois qu’il laisse la porte de l’office ouverte, ou enfermez-y le chat ou le gros chien, ce qui fera aussi bien ; égarez une fourchette ou une cuiller, de façon à ce qu’il ne la retrouve jamais. Si c’est la cuisinière, chaque fois qu’elle tourne le dos, jetez dans le pot un morceau de suie, ou une poignée de sel, ou des charbons fumants dans le lèche-frite, ou barbouillez le rôti contre le fond de la cheminée, ou cachez la clef du tourne-broche. Si un valet de pied est suspect, que la cuisinière lui barbouille le dos de sa livrée neuve ; ou lorsqu’il monte avec une soupière, qu’elle le suive tout doucement avec une pleine cuiller à pot, et qu’elle la répande goutte à goutte sur l’escalier jusqu’à la salle à manger, et ensuite que la fille de service fasse un tel bruit que sa maîtresse l’entende. La femme de chambre est vraisemblablement celle qui commettra cette faute, dans l’espoir de se faire bien venir : en ce cas la blanchisseuse doit avoir bien soin de lui déchirer ses chemises en les lavant, et cependant ne les laver qu’à moitié ; et, lorsqu’elle se plaint, dire à toute la maison qu’elle sue si fort, et a une peau si huileuse, qu’en une heure elle salit plus une chemise que la fille de cuisine en une semaine.