Ingres d’après une correspondance inédite/XLVII

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XLVII
Dampierre, 14 septembre 1843.

Il y a longtemps que je veux causer avec toi. Je te remercie de tes belles pèches, belles comme le prisme d’un beau soleil couchant du midi aux couleurs d’or et de feu ; et le goût en est digne des dieux et de l’Age d’Or où je veux les peindre, à leur place. C’est à notre belle solitude de Dampierre qu’elles sont arrivées.

Moi, je suis ici, comme un poisson dans l’eau.  Tu connais les lieux. Ajoute à cela d’y être bien, sous tous les rapports, et avec un entrain que je ne puis te dire. J’ai déjà peint sur cette belle page, quinze têtes et figures. Le tout est dessiné et, si j’avais trois mois, tout serait couvert, en ébauche arrêtée et soignée, à n’y rien changer. Mais on ne peut tout obtenir en ce monde et, le premier novembre, je reprendrai la terrible vie de Paris et les portraits que Dieu confonde !

Ma femme et moi ne sommes pas seuls, ici. Mme Desgoffes et sa fille y sont venus passer huit jours et, depuis, nous y avons eu les dames Hittorf. Le soir, de bonnes et divines sonates de Mozart et de petits jeux innocents, comme le loto. Couchés à dix heures et demie, levés de bonne heure et au travail jusqu’à midi ; déjeuner et au travail jusqu’au soir. Que nous serions heureux de te voir ici, avec ta chère fille !…