Ingres d’après une correspondance inédite/LXV

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LXV
À Pauline Gilibert.
Paris, 26 septembre 1850.

Que ne puis-je donc te voir i Je t’ai laissée petite fille et tu es une demoiselle, belle de talents et j’en sais quelque chose. Mais je ne puis t’entendre dire une sonate de Beethoven. Patience ! ou c’est moi qui irai, ou c’est toi qui viendras. Je pense plutôt que ce sera moi ; car comment faire ?… Tu n’as pas vu d’indiscrétion dans mon juste désir de connaître ta position après un si grand malheur, et tu as eu raison. Ce que tu m’en dis me fait le plus grand plaisir et je te vois aussi heureuse que possible avec de bons parents, comme le sont ton oncle et ta tante. Heureuse, tu ne le seras jamais trop, et personne plus que moi ne s’y intéresse. Moi, je suis encore bien étourdi de ma triste position. Je ne suis encore que campé, sans logement définitif. Je possède tant d’objets d’art, que je me trouve très difficile à loger. Ce qu’il y a de sûr, c’est que je n’y oublierai pas la chambre de ma petite amie et celle de la personne qui t’accompagnera. Penses-y

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Oui, c’est avec un bien grand plaisir que j’ai eu l’honneur de recevoir Mme Lacoste. C’est une personne infiniment aimable et qui t’aime bien. Quelle bonne musique nous ferons, à nous deux, sous l’invocation bien tendre de ce bon père qui l’aimait, la disait, la sentait si bien !

Chère enfant, et toujours en m’occupant de mon ami, je te dirai que je réalise dans mon portefeuille toutes les œuvres que j’ai faites, et peut-être pour en faire un recueil gravé en petit format, au simple trait. Les portraits y jouent leur rôle. Je tiens à ce que celui de ton père y tienne place première. Pour cela, je te demanderais bien un calque de son portrait peint, mais j’ose plus et je te demande de me l’envoyer dans une caisse plate. Cela peut être terminé en une quinzaine de jours. Le portrait sera alors remis chez toi… Couvre la peinture de papier fin d’enveloppe. Le tout arrivera par la diligence, avec le mot Fragile dessus…