Librairie de la Plume (p. 115-128).
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VIII

— Madame Jane d’Espant, présenta Nhine embarrassée, Madame Altesse, ma meilleure amie… la seule… Elle ne savait trop quelle contenance prendre. Je suis enchantée, ma Tesse, de t’avoir à déjeuner… c’est une bonne idée, une vraie bonne idée… Vous partez déjà, Madame ?

Jane prenait congé.

— Je vous laisse, mais oui… vous savez ce que j’ai à faire… je reviendrai bientôt si je puis supporter ma cruelle situation. Si je puis ?… Allons, au revoir, madame.

Elle soupira en lui donnant une vigoureuse poignée de main, et la regardait fixement. Elle faillit lui broyer les os, Annhine fut sur le point de crier. En passant devant Altesse, elle eut une légère inclinaison de tête :

— Madame !

Altesse salua. Quand elle fut partie :

— Qui est-ce ? Une nouvelle amie ? Une nouvelle figure, en tous cas ? Cette femme a l’air hagard, hystérique, le vrai type de la femme fatale. Je ne l’ai encore jamais vue ici ?

— Tu ne m’embrasses même pas ?… reprocha Nhine d’un ton plaintif… tu t’occupes de cette inconnue bien plus que de moi, méchante…

— C’est vrai, chérie, tu as raison, mais c’est à toi que tout cela se reporte… Qu’as-tu, ma jolie ? Je te vois pâle. Est-ce un faux jour ? Elle l’entraîna près de la fenêtre, écarta un peu les stores rosés et l’examina avec soin. Mais oui, tu es très pâle… tes traits sont tirés… tes yeux las… tu n’es pas bien, Nhine.

— Je ne sais pas. En effet… je me sens faible, drôle, je ne sais pas ce que j’ai… je suis lasse, nerveuse, je voudrais toujours dormir…

— Tu es surmenée, sais-tu, Nhinette… et puis… elle la menaça du doigt gentiment, souriante : Est-ce qu’on dit bien tout à sa grande amie ?

— Mais oui, murmura faiblement Nhine.

— Ah ! ah ! fit Altesse sans vouloir insister, j’aperçois de belles choses : les deux convoitises d’hier. Henri s’est donc exécuté.

— J’ai suivi tes conseils, ma Tesse, tu vois… elle vint près d’elle lui montrer les deux objets… c’est joli, hein ? Oh ! et puis je vais te raconter. Nous… c’est-à-dire je suis allée chez tes pauvres gens.

— Avec Henri ?… Tu as dit « nous », d’abord !… Et Tesse riait. Ah ! Nhinon ! tu ne sais pas bien mentir ! Voyons.

— Non ? eh bien, tiens ! je vais tout t’avouer… tu ne me gronderas pas ?…

Et heureuse de pouvoir donner libre cours à ses pensées débordantes et qui l’absorbaient toute intérieurement, Nhine vint s’asseoir sur un pouf très bas, auprès d’Altesse. Elle lui dit tout : ses résistances, l’attrait qui la poussait invinciblement vers Flossie, sa visite à Montmartre, leur course folle à travers la campagne sous la pluie… comment elle avait trouvé ces bijoux posés sur elle.

— Ça, interrompit Tesse, ce n’est pas le plus mal, mais il ne faudrait pas que l’on fatiguât ma Nhine si fraîche, si délicatement tendre… Je veux bien que l’on t’amuse, que l’on t’encense, que l’on t’adore, que l’on te couvre de bijoux, que l’on te comble de cadeaux, mais je crains, vois-tu, Nhinon, que la contagion de ce vice ne t’atteigne en plein cœur, toi, si sensitive et si profondément impressionnable. Tu serais fichue, pardonne-moi le mot. Tu te refuses, mais tu y penses ensuite, dans la solitude de tes nuits, et cela t’énerve… oh ! à ton insu… ta tête travaille… La pente est glissante et douce, ainsi que les mots et les caresses de Miss Florence. Que le diable l’emporte, encore, celle-là, elle avait bien besoin de venir à toi ! Vois, elle a vingt ans à peine, mais en la regardant bien et de près tu lui trouveras la figure striée de mille imperceptibles rides ! Je parierais qu’elle se met du rouge, mais oui ! Les plis de sa bouche sont déjà marqués par un sceau d’amertume et de scepticisme qui se voit parfaitement à l’œil nu et qui ne fera que croître. Toutes ces femmes sont fanées très tôt et très vite, à mon âge elle sera vieille et cassée, sinon pire ! La folie les guette. Rappelle-toi la Prélat, cette femme que tu voyais chez moi à Ville-d’Avray et qui jouait si cher à Monte-Carlo, elle est morte de ça tout dernièrement, dans une maison d’aliénés, puis Diane de Croissy, paralysée des deux jambes, que l’on traîne à vingt-huit ans dans une petite voiture. Puis encore cette femme de l’artiste Delavagne qui s’est suicidée dans un accès de fièvre, parce que je ne sais quelle femme à cheveux courts l’avait lâchée net. Regarde Riscogni, cette danseuse espagnole qui était si belle et tellement admirée, elle est tombée dans les filets de la Koniarowska, sa beauté a disparu subitement, elle est devenue massive, hommasse, elle porte au visage le masque froidement significatif de son vice. Ah ! Nhinon ! Nhinon ! Je ne voudrais pas te voir changer ainsi !

Annhine réfléchissait, troublée, le regard perdu… Elle se disait que la volupté devait être bien forte et bien prenante pour que celles qui y succombaient perdissent ainsi, sans regret et sans retour, et la notion de leur dignité de femme et leur fraîcheur et leur beauté.

— À quoi penses-tu, Nhine ?… Nhine ? et Tesse la secouait… Tu serais autre, je te dirais : eh bien, essaie un peu… une fois… Donne-toi ce plaisir pervers, si je savais que tu en ries ensuite, mais telle que je te connais, nerveuse, tendre, avec tes imaginations ardentes et cérébrales, je te dis : Non, Nhine, fais attention, ce serait ta perte… Et puis, Henri qui te donne tout et qui te garde si jalousement, Henri serait furieux. Il te quitterait sur l’heure et comment ferais-tu ? Tu as encore besoin de lui. Réfléchis bien à tout cela, chérie !

Nhinon rêvait toujours. Les mots sages de Tesse l’oppressaient. Elle ne voulait plus les entendre… ses yeux fixaient le mur… elle préférait le son caresseur de la voix de Flossie, elle songeait à la félinité de ses regards et de ses moindres gestes.

— Déjà tu es toute changée, continuait Tesse. Écoute-moi, ma chérie, jamais je ne t’ai donné un mauvais conseil, tu sais quelle sincère affection je te porte, balaie-moi tout cela bien vite… nous ferons un voyage, si tu veux, avec Henri — Nhine eut un geste brusque — eh bien, sans Henri, avec mon vieux Georges qui a un tel culte pour toi. Sais-tu bien que je devrais en être jalouse ? Je lui parlerai… pour l’amour de ta Joliesse il quittera sans hésiter son boulevard et ses collections, ses vieux amis et leurs parties de whist afin de nous accompagner où notre fantaisie nous mènera. Veux-tu ? C’est fait de suite et je me charge d’enlever la chose auprès d’Henri… À propos, tu te souviens que nous dînons ce soir tous les quatre à la Maison-Dorée ?

— Oui, dit Nhine, je le sais, mais ne leur dis rien encore. Nous partirons, plus tard… plus tard, je te le promets. Ah ! ne crains donc rien, ma Tesse !… elle prit ses mains dans les siennes et les pressa doucement, mais évitant son regard, confuse, comme si elle eût voulu cacher le fond de sa pensée. Elle prend tout au tragique, décidément, cette pauvre Tesse… elle est trop sage, se disait-elle. Flûte ! cria-t-elle tout haut. Tout m’embête, tout. Je ne te dirai plus rien puisque tu me sermonnes ainsi, et elle éclata en sanglots, nerveuse, crispée, ayant besoin de cette crise, salutaire et calmante.

— Ma Nhine, ma Nhinette ! Et Altesse l’embrassa sur la peau blanche de son cou qui paraissait à travers la dentelle du peignoir, tu vois pourtant que j’ai raison, tes nerfs sont tendus. Pleure, ma jolie… cela te fera du bien,… et Tesse secouait la tête, impassible en apparence, mais déjà le cœur serré par une poignante angoisse.

— Pour une petite chose imprévue… qui m’amuse et qui… m’intéresse… moins banalement… que… tout le reste… tu… me grondes… tu veux… m’emmener… et ces hommes… Ah ! ma chaîne ! mon boulet ! Ils me refusent tout… et Nhine parlait par saccades, entre de gros soupirs… tout… ce qui… me plaît… Ah !… m… ! m… ! m… !

— Ma petite fée, tu me fais l’effet de cette princesse des vieilles légendes. Elle était belle comme le jour, mais, lorsqu’elle ouvrait la bouche, il en sortait des serpents, des crapauds et des grenouilles ainsi que toutes sortes de choses immondes…

Nhine ne put s’empêcher de rire au milieu de ses larmes.

— Pardonne-moi, Tesse chérie, mais ça me soulage, vrai ! Je ne sais pas ce qui me prend. Elle tordait ses mains convulsivement. Je ne t’ai pas fini…

En besoin de confidence elle lui raconta l’arrivée de Jane et la scène qui s’ensuivit.

— Ah ! j’y suis maintenant ! C’est ce quatrième acte qui t’a bouleversée. Ma Nhinette, je ne veux plus rien te dire puisque ça t’agace… Tu es libre, mais tout ça est mauvais, malsain, entends-tu ? À toi de t’en méfier. Dis donc, iras-tu au bal, demain ?… À ce bal d’artistes ?

Nhine hésita :

— Non ! hasarda-t-elle timidement.

— Tant mieux, ce sera une cohue, je crois, moi non plus.

Ernesta entrait, elle semblait gênée.

— Madame, c’est… Elle cherchait ses mots.

— Eh bien, quoi ? Nhine se leva et s’assit à sa toilette. Allons ! Qu’est-ce que c’est ?

— Madame, c’est une femme qui… elle est venue pour…

— Ah ! non ! J’en ai assez de ces visites inattendues, de ces mystères, pas, Tesse ? Elle se peignait vigoureusement, arrachant ses cheveux, toute surexcitée encore.

— Ah ! oui, dit Tesse. Assez ! de grâce !

— Madame Altesse, reprit la femme de chambre sur un ton de cachotterie familière, c’est une procureuse, je ne savais pas comment le dire à madame.

Nhine allait se poudrer, elle se retourna violemment, brandissant la houppe dans sa main levée.

— Foutez-moi ça à la porte, et vivement.

— Elle a tant insisté, madame.

— Puisque je vous le dis !

— Écoute encore, reprit Tesse en courtisane sage et pratique, reçois-la un instant, ça ne t’engage à rien. C’est sain et intéressant, en somme, car c’est du métier, ça… Peut-être une bonne aubaine… Vois-la toujours.

— Oui, et puis après elle ira clabauder partout qu’elle n’a eu qu’à se présenter ici pour être reçue.

— Mais non, ces femmes-là sont très discrètes, prononça Tesse, le secret professionnel, voyons ?

— Et c’est une affaire toute particulière, paraît-il.

— Allons, faites-la venir alors.

Ernesta introduisit une femme âgée, aux cheveux blancs et ondés qui lui faisaient une couronne de respect et de neige. Elle était vêtue de noir et avait l’air très comme il faut. Elle baissait la tête, n’osant regarder en face, et portait un petit paquet à la main. Elle s’excusa aussitôt de sa hardiesse, mais elle ne pouvait manquer une telle occasion : C’était — et elle parlait doucement, mystérieusement, chuchotant presque comme si elle se fût trouvée dans une église, c’était un étranger, très riche et follement épris de madame de Lys. Un jour il l’avait vue passer au Bois et il l’avait suivie ; depuis il en rêvait, il la voulait à tout prix ; ne connaissant personne qui pût le présenter il était venu chez elle, lui demander son aide. Elle savait combien l’accès était difficile auprès de madame, alors — elle était franche — elle avait tenté d’abord de le dissuader, lui en proposant d’autres, bien jolies aussi et plus aisément corruptibles… Il n’avait rien voulu entendre. C’était Annhine de Lys qu’il voulait. Oh ! elle comprenait bien ça maintenant qu’il lui était permis d’admirer madame de près. Écoutez, avait-elle dit en fin de compte, je ne vous promets rien de certain, mais je vais risquer le tout pour le tout et j’irai la trouver. Mais que lui donnerez-vous ? — Ce qu’elle voudra, allez jusqu’à vingt-cinq mille francs…

Tesse eut une lueur de joie :

— Ça, c’est une veine, ma Nhine !

— Est-ce bien sûr ?… demanda Nhine qui se défiait.

— Madame, c’est comme je vous le dis, cet homme est fou… il devenait tout pâle en parlant de vous. Je vous l’avoue, j’ai essayé par mille moyens de changer son idée, rien n’y a fait. Je n’osais pas venir, sachant que vous n’avez rien à souhaiter… c’est si délicat de se présenter ainsi chez une reine comme vous. J’ai pris un petit paquet bien attaché et je me suis annoncée comme dentellière, puis, j’ai parlé à part à votre femme de chambre. J’ai insisté, elle voulait me renvoyer ! Pensez donc ! Ce monsieur m’a promis cinq cents francs pour moi si je parvenais à voir Madame… même sans résultat, et deux mille francs si Madame venait. Il est riche comme un Crésus, c’est sûr ! Son portefeuille était bourré. Peut-être enrichirait-il vite Madame ! Un homme qui promet vingt-cinq mille francs comme cela ! Il les déposera d’avance entre mes mains… Des diamants, bien sûr… des perles grosses comme des noix… on en aura tout ce qu’on voudra. Il vous veut, il vous veut, il n’en démordait pas. Ah ! on n’est pas digne de manger du pain dans sa vieillesse si on refuse une telle chose : vingt-cinq mille francs pour une heure ou deux de l’après-midi… et des espoirs d’or… Elle arrangerait l’entrevue demain entre deux et quatre, elle savait que Madame n’était pas libre… Oh ! elle connaissait tout dans Paris — son air devenait entendu, sa voix obséquieuse — surtout quand il s’agissait d’une femme si en vue. Madame aimerait certainement mieux ça dans la journée. Ce serait plus vite fini… plus aisé…

— Qu’en penses-tu, Tesse, demanda Nhine ébranlée ?

— Ma foi, qu’est-ce que tu risques ?… Est-il joli garçon ?

— Un amour !… avec de grands yeux bleus… mais il était ému ! Il en tremblait !… Il bafouillait un peu aussi… mais il parlait cependant un bon français… tout jeune, une trentaine d’années, pas plus !… Madame ne s’embêterait pas, pour sûr… à moins que l’émotion… dame !… ça se voit souvent cet effet-là ! Il attendait la réponse chez elle, rue Tronchet.

Nhine hésitait encore :

— Vous êtes bien sûre que c’est un étranger… et pas un guet-apens de mon ami, par exemple !

L’autre se récria :

— Un guet-apens ! ah ! non ! bien sûr !… Sa maison était connue pour une honnête maison, elle ne mangeait pas de ce pain-là ! Entremetteuse, maquerelle, oui ! mais pas Judas ! Ah ! non !… Pour ça, Madame pouvait être tranquille. C’était bien un Anglais. Si Madame se méfiait, elle aimait mieux y renoncer. Se prêter à une infamie pareille ! Ah ! certes !…

Elle s’animait, parlant haut.

— Chut, lui dit Annhine… Alors je puis avoir la certitude des vingt-cinq mille francs et de toute discrétion ?

— Absolument, Madame…

Rassérénée, elle baissait la voix… Si Madame veut, la femme de chambre peut venir avec moi jusqu’à la maison, elle verra le Monsieur, et se rendra compte par elle-même.

Nhine réfléchissait :

— Cela m’ennuie d’aller chez vous… on peut me rencontrer, et chez moi c’est impossible…

— Comment, Madame ! Mais on ne vous verra pas !… Vous prendrez un bon sapin bien fermé, vous aurez une toilette sombre de femme du monde et une épaisse voilette de dentelle qui dissimulera vos traits. Je vous attendrai derrière la porte qui sera entr’ouverte, vous n’aurez qu’à pousser sans vous donner la peine de sonner… vous entrerez dans le couloir désert, sans vous préoccuper du fiacre que je ferai payer ensuite. À la sortie vous en trouverez un autre qui vous attendra au coin de la rue pour ne rien afficher, une fois dedans vous vous ferez conduire par ici… pas justement chez vous… à une centaine de mètres, par exemple, et ce sera une affaire faite : vingt-cinq mille balles de plus, et qui peut savoir le reste ?… Est-ce entendu ?… Convenu ?…

Comme Nhine se taisait, Tesse dit :

— Mais oui, bien sûr, pas, Nhinon ? C’est chic de courir les dangers de son état, surtout lorsque c’est si bien payé !

— Je vous donnerai aussi cent louis, déclara Nhine.

— Madame était bien bonne, bien généreuse, oh ! on la connaissait bien pour telle sur la place de Paris… Alors ce serait une bonne journée pour tout le monde !

— Mais je les veux d’avance, vous savez, je n’ai pas l’habitude de ces choses-là, seulement cette fois, la somme excuse tout.

— Rappelle-toi le fameux « vous m’en direz tant » de je ne sais plus quelle reine, dit son amie.

— Justement, et puis comme on ne s’est guère gêné pour me demander brutalement un rendez-vous dans un endroit pareil, je ne veux pas faire des manières, et bien régler la question d’argent. Madame était bien dure !… Des endroits pareils, la plus chic maison de Paris ! Ah ! Madame verrait ça demain : on lui préparerait la plus belle chambre avec cabinet de toilette, bain, douche, salon, goûter !… Mais c’était splendide chez elle ! Madame verrait, Madame reviendrait de son erreur ! Quant au reste, donnant, donnant, c’était déjà arrangé ; en descendant de voiture Madame palperait la galette.

— Et vous aussi alors. À deux heures… j’arriverai entre deux heures et deux heures et demie.

— Que Madame soit bien exacte… ah ! c’est qu’il était fou. Il ne pourra plus se contenir, bien sûr et d’ici demain !… Mon Dieu !… Elle ne voudrait pas se trouver dans ses draps, cette nuit ! Que Madame ne le fasse pas trop attendre — il ne tiendra pas en place — et toute la maison sera à la disposition unique de Madame. Personne n’ira dans les couloirs, on fera mettre des fleurs partout. Ah ! on avait souvent de belles affaires avec de belles dames, des « du monde », et du plus grand, du meilleur. Ça avait un peu diminué dans ces temps-ci, car chacun a son aimoir à présent, mais encore quelquefois, avec des étrangers surtout.

— Vraiment ?

Intriguée, Altesse l’interrogeait.

— Contez-nous un peu ça… des femmes du monde ?

Elle prit une mine discrète et confite. Elle ne pouvait trop rien dire, mais bien sûr, il en venait des tas, allez… des tas… et pas pour des vingt-cinq mille francs encore !… Pour des sommes joliment minimes ! Ah ! elle serait partie d’un pied plus léger si ça avait été pour se rendre chez une de ces comtesses ou de ces baronnes de la haute au lieu de venir ici, certainement… — et le pauvre qui attend ! — je pars, au revoir, Mesdames… Oh ! si Madame voulait, on pourrait en faire de l’or ensemble ! Enfin ! d’abord cette affaire-là, ensuite on verrait, pas ?… Je me sauve, à demain, je passerai encore vers midi… sans déranger Madame, rien que pour rappeler à la femme de chambre afin d’être bien sûre… au revoir… au revoir.

— Au revoir, Madame, et à demain.

— À demain…

Une courbette, un plongeon, et elle s’en fut triomphante, radieuse messagère de la bonne nouvelle.