Idées républicaines, augmentées de remarques/63

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LXIII.

Malgré ſes défauts, cet ouvrage doit être toujours cher aux hommes, parce que l’auteur a dit ſincérement ce qu’il penſoit, au lieu que la plupart des écrivains de ſon pays, à commencer par le grand Boſſuet, ont dit ſouvent ce qu’ils ne penſoient pas. Il a partout fait ſouvenir les hommes qu’ils ſont libres, il préſente à la nature humaine ſes titres qu’elle a perdus dans la plus grande partie de la terre : il combat la ſuperſtition, il inſpire la morale.

LXIII.

L’Auteur a encore de la conſcience : après avoir dit du mal de M. D. M. & de ſon ouvrage, il eſt ſaiſi des remords. Il tâche de le dédommager en excitant en ſa ſaveur l’eſtime & la réconnoiſſance du genre humain ; motif d’eſtime, l’Auteur de l’eſprit des Loix dit ſincérement ce qu’il penſe : à ce prix le livre d’Eſcobar a droit à l’eſtime du public, car l’Auteur a certainement écrit comme il penſoit : motif de réconnoiſſance, par le ſecours de l’Eſprit des Loix la nature humaine a recouvré un titre primordial qu’elle n’avoit plus : au moyen de ce titre déciſif nous la verrons un jour intenter procès à tous les Monarques qui ont prétendu l’aſſujettir & l’Univers ne formera plus qu’une Démocratie. Autre motif de réconnoiſſance, l’Eſprit des Loix inſpire la morale, ſans doute celle des vices ; car on n’y trouve pas une leçon de vertu ; il apprend à combattre la ſuperſtition, & de plus à mépriſer tout ſentiment de religion & de piété. Chez les Romains un homme dévoué de la ſorte au bien public eût été envoyé à l’Amphitéatre.

Nous livrons à un ſilence de mépris la criminelle audace de l’auteur qui charge la mémoire de l’illuſtre Boſſuet d’une indigne duplicité. Elle trouve ſon apologie dans la gloire de ſon propre nom gravé dans les annales de l’Egliſe, immortaliſé par des monuments qui ont fait de ce grand homme l’Oracle de ſon ſiecle, & l’ont mis de niveau avec les SS. PP. ; mais quand le lion fut mort les mouches vinrent piquer.