Iconologie (Cesare Ripa, 1643)/II/Force de Courage

Force de covrage.


COmme il y a diuers degrez en toutes choſes, cela ſe remarque particulierement en la Force, qui eſt ſuſceptible, & de plus & de moins. Mais ie ne penſe point qu’il y en ait de plus conſiderable que celle qui procede de la grandeur du Courage, & des entrepriſes qui ſont veritablemẽt heroïques. Cét Embleme en eſt vne preuue, repreſentant vne Femme reſoluë, ayant vn morion ſur la teſte, vne maſſuë en la main gauche, & en la droite vne Toiſon, qui tous deux enſemble nous remettent en memoire les actions memorables des Monſtres, & la conqueſte que fit Iaſon de la Toiſon d’or.

En ſuitte de ces Forces qui ie viens de rapporter, s’en rencontrent auſſi quelques autres. La premiere eſt celle d’Amour, repreſentée par vn Enfant tout nud, ayant des aiſles ſur les eſpaules, vn poiſſon en la main gauche, & en la droite vne guirlande de fleurs, Embleme tiré d’Alciat, qui monſtre que l’Empire d’Amour eſt vniuerſel ſur mer & sur terre.

La ſeconde a pour Hyeroglife vne Femme extremement robuſte, qui a ſur la teſte des cornes de Taureau, & à ſon coſté vn Elephant auec ſa trompe. Car, au rapport d’Orus, par ce prodigieux animal, les Egyptiens denotoient vn homme fort. Ce qui eſt encore demonſtré par les cornes du Taureau. Lib. 2. Hyeroglif. A quoy ſe rapporte ce que Ciceron dans ſon Liure de la Vieilleſſe a remarqué de Caton, auquel il fait dire, que lors qu’il eſtoit ieune il ne deſiroit point d’auoir les forces ny d’vn Taureau, ny d’vn Elephant, ſe ſeruant de l’exemple de ces deux animaux, à cauſe qu’ils ſont plus forts que les autres.

La troiſieſme Figure fait voir, qu’il faut neceſſairement que la moindre Force cede à la plus grande. Ce que les Anciens donnoient à connoiſtre par l’oppoſition de la peau de l’Hienne à celle de la Panthere ; car l’experience monſtre que l’vne fait rompre l’autre par vne ſecrette Antipatie, qui eſt le meſme effet que produiſent les plumes de l’Aigle, aupres deſquelles celles des autres oyſeaux ſe gaſtent & ſe pouriſſent.

La quatrieſme nous apprend que pour grande que ſoit la Force, elle ne peut reſiſter à la Iuſtice. Ce que Pierius Valerian, dit auoir remarqué dans vne Medaille qui fut trouuée de ſon temps, repreſentant vne Dame veſtuë en Reine, aſſiſe ſur vn Lyon, & en action de mettre la main à l’eſpée, par laquelle, ſelon le meſme Pierius, falloit entendre la Iuſtice, & la Force par le Lyon ; l’vn & l’autre en eſtant les vrayes figures hyeroglifiques.

La cinquieſme & derniere Figure d’vne Femme aagée, modeſtement veſtuë, ayant en ſa main droite vn Caducée de Mercure, & ſous ſes pieds vn Lyon, donne manifeſtement à connoiſtre, que l’Eloquence des Sages eſt ordinairement plus puiſſante que la Force des Guerriers.