Iconologie (Cesare Ripa, 1643)/I/Neceẞité


Necessité. CVI.


POvr la donner à connoiſtre par ſa plus eſſentielle partie, on la peint en ieune Femme, qui tient de la main droite vn marteau, & de la gauche vne poignée de cloux.

L’on vſe ordinairement du mot de Neceſſité, quand vne choſe eſt reduite a tel point qu’elle ne peut eſtre autrement : car alors elle a cét auantage de ne releuer que de ſoy-meſme, & de ne reconnoiſtre aucune Loy : Et d’autant que là où elle ſe trouue, elle y tient vn nœud qu’il eſt impoſſible de deſnoüer ; on la compare pour cét effet à celuy qui porte vn marteau d’vne main, & des cloux de l’autre ; à quoy ſert de ſujet ce Prouerbe, Le clou eſt enfoncé, dont on vſe ordinairement, quand il n’eſt plus temps de ſe conſeiller d’vne affaire, qui ſe treuue deſia faite.

Le mot de Neceſſité ſe prend encore en noſtre langue, pour la Pauureté, qui violente quelquefois ſi fort vn eſprit qu’elle luy donne la gehenne, & le contraint de faire des choſes à la volée, dont il a tout loiſir de ſe repentir. On la peint maigre & deffaite, auec les mains & les pieds liez contre vn eſcueil, pour monſtrer, Que les plus honneſtes gens ſont inhabiles à tout, depuis que cette eſpine s’attache à eux : ce qui fait dire à S. Gregoire de Nazianze, Qu’elle eſt vn obſtacle à pluſieurs actions ; & vn voyage qui en empeſche beaucoup d’autres. Elle ſe peut vanter neantmoins, comme dit Theocrite à Diophante, de ſçauoir polir les eſprits groſſiers, de reſueillier les Arts aſſoupis, & de faire reuiure les plus nobles inentions quand elles ſemblent enſeuelies.