Iconologie (Cesare Ripa, 1643)/I/Gratitude


Gratitvde, ou, Reconnoissance. LXXIII.


LE naturel de cette Vertu paroiſt en trois choſes differentes, qui ſont, vne Cygongne, vn bouquet de fleurs de febues, & vn Elephant ; par où ſe fait remarquer cette Femme qui la repreſente.

Par la Cygongne, pource, dit Orus Apollo, qu’il n’y a point d’animal qui ſoit plus reconnoiſſant que celuy-cy, qui ſoulage continuellement la vieilleſſe de ceux qui l’ont mis au monde. Car en ce meſme lieu où il a eſté nourry, il leur fait vn nid des deſpoüilles de leurs plumes inutiles, & leur donne à manger, en attendant que les bonnes leur ſoient reuenuës, & que d’eux-meſmes ils puiſſent trouuer à viure ; A raiſon dequoy cét animal eſtoit en grande conſideration chez les Egyptiens, & ſeruoit de myſterieux ornement aux Sceptres des Rois.

Par le Rameau de fleurs de febues ; d’autant que les legumes Lib. 18. c. 14. de cette eſpece, comme le remarque Pline, engraiſſent le terroir où elles viennent, & nous enſeignent par conſequent, Que nous deuons touſiours contribuer par nos ſoins à la bonne fortune de ceux qui ſont cauſe de la noſtre.

Par l’Elephant, pource que cét animal n’oublie iamais le bien qu’il a receu. Teſmoin celuy dont parle Elian, qui voyant ſon Maiſtre mort par la violence de ſes ennemis, le print auecque ſa trompe, & le porta dans ſon eſtable, où il fut longtemps pres de luy ſans vouloir manger, auec de ſi grandes demonſtrations de dueil, que tous ceux qui le voyoient en eſtoient eſmeus à pitié.