Iconologie (Cesare Ripa, 1643)/I/Ame bien-heureuse


Ame bien-heureuse. XI.


ENcore que l’Ame, comme diſent les Theologiens, n’ait rien de corporel, & qu’elle ſoit vne ſubſtance immortelle, l’homme neantmoins attaché aux ſens du corps, ſe la figure en l’imagination le mieux qu’il la peut comprendre, & non autrement qu’on a de couſtume de repreſenter Dieu & les Anges. Il ne faut donc pas trouuer eſtrange, ſi pour en laiſſer à l’eſprit vne veritable idée, nous an faiſons ainſi la peinture.

C’eſt vne ieune Fille, en qui la grace & la beauté ſont également jointes enſemble. Elle a vne Eſtoile ſur la teſte, des aiſles au dos, le viſage couuert d’vn voile tranſparent, & vne robe eſclatante, & fort deliée.

On la peint belle, pource qu’elle eſt faite à l’image de Dieu ſon Createur, ſource inepuiſable de beauté, de grace, & de perfection.

Le voile qu’on luy met ſur le viſage, nous fait remarquer Lib. def. an. auecque ſainct Augustin, Qu’elle eſt vne ſubſtance inuiſible aux yeux humains, & vne forme ſubſtantielle du corps, où elle ne paroiſt point, & ne ſe comprend que par certaines actions exterieures.

L’eſclat de ſa robe eſt vne marque de la grande pureté par qui elle eſt en ſon luſtre, & vn ſigne myſterieux de la perfection de ſon eſſence.

L’Asſtre qui brille deſſus ſa teſte ſignifie ſon immortalité, que les Egyptiens ſouloient dépeindre par vne Eſtoile, comme Lib. 44. ſe void dans Pierius en ſes Figures Hieroglifiques.

Quant à ſes aiſles, il n’y a celuy qui ne les prenne auecque raiſon pour des effets de ſa viſteſſe incroyable dans les fonctions ſpirituelles, & qui par elles-meſme n’entende ſes deux plus nobles puiſſances, qui font l’Entendement & la Volonté.