Iconologie (Cesare Ripa, 1643)/Deuxième partie

Seconde partie

L’air. L’eav.

La terre. Le fev.

Iconologie



Les qvatre elemens



LES quatre Elemens, par la compoſition deſquels ſe font les generations naturelles, participent en vn ſouuerain degré aux quatre premieres qualitez, à l’eſgard deſquelles ſe trouuent auſſi en l’homme quatre complexions, quatre vertus, quatre ſciences principales, quatre arts les plus nobles, quatre ſaiſons de l’année, quatre ſcituations, quatre vents, quatre differences locales, & quatre cauſes, ou ſujets de Sciences humaines. Ces Elemens peuuent eſtre agreablement repreſentez auec leurs viſibles effets ſans aucun Hyerogliphe methaphorique ; ce qui ne me ſemble pas hors de propos, afin d’eſtaller aux yeux toutes les choſes qui peuuent tomber ſous la veuë, les Anciens en ayant ainſi vſé auec beaucoup de raiſon, ce me ſemble.




L’air.


VOvs le voyez icy repreſenté par vne Femme qui a les cheueux eſpars, & qui eſt aſſiſe ſur vn nuage. Elle careſſe d’vne main vn Paon, animal conſacré à Iunon Deeſſe de l’Air, où volent diuers Oyſeaux ; Et à ſes pieds eſt remarquable vn Cameleon, Pline li. cap. 33. pource qu’au rapport de Pline, ce merueilleux animal ne s’entretient d’autre choſe que d’Air.


L’eav.


ELle eſt figurée par vne Femme nuë, aſſiſe ſur vn nuage. Elle tient vn Sceptre de la main droite, & s’appuye de la gauche ſur vne Vrne, d’où s’eſpand de l’eau en abondance, ayant derriere elle quantité de Cannes & de Roſeaux. On ne donne pas le Sceptre à cét Element ſans vne grande raiſon ; eſtant veritable qu’il n’y a rien de ſi neceſſaire à la vie humaine que l’Eau, de laquelle le Poëte Heſiode & Thales Mileſien ont eſcrit que non ſeulement elle eſt le principe de toutes choſes, mais la Reyne de tous les Elemens. En effet c’eſt elle qui conſume la Terre, qui eſteint le Feu ; & qui s’eſpandant par l’Air d’où elle tombe, eſt cauſe que toutes les choſes dont l’homme a beſoin, naiſſent icy bas ; à raiſon dequoy les Anciens l’auoient en ſi grande veneration, que lors qu’ils juroient par elle, comme le remarque Cap. 4. 44 Virgile, il falloit tenir tel ſerment pour irreuocable. Ce qui eſt encore rapporté par Thomas Thomay, dans ſon Idée du Iardin du Monde.


La terre.


CElle que vous voyez icy aſſiſe & couronnée de fleurs, vous repreſente la Terre. Elle tient de la main droite vn Globe, & de la gauche vne Corne d’Abondance, pleine de toutes ſortes de fruicts. On la peint en Dame venerable, ou, ſi vous voulez, feconde, pour Ouid. I, meth. eſtre, comme diſent les Poëtes, la Mere de tous les animaux, Lucret. de nat. rer. & auec vn Globe à la main, pour monſtrer qu’elle eſt ſpherique & immobile. Quant à la Guirlande & à la Corne d’Abondance qu’elle porte, l’vne & l’autre ſignifient, qu’elle produit abondamment toutes ſortes de fleurs & de fruicts,

pour la nourriture des creatures vivantes.

Le fev.


CEt Element ſi neceſſaire & ſi dangereux tout enſemble, a pour Figure hyeroglifique vne Femme aſſiſe, qui de ſes deux mains ſouſtient vn Vaſe plein de Feu. Le Soleil darde ſes rayons à plomb ſur ſa teſte, & à ſes coſtez ſont mis pour Symboles vne Salemandre, & des Pyralies, animaux qui ne viuent que dans le Feu, principalement la Salemandre, qui, ſelon Ariſtote, eſt ſi froide qu’elle l’eſteint. Car quant au Phœnix, il n’eſt icy mis que pour monſtrer qu’eſtant conceu dans la flamme, c’eſt dans la flamme auſſi qu’il laiſſe la vie.

C’eſt à peu prés ce qu’on peut dire ſuccinctement des quatre Elemens, les principales puiſſances deſquels, ſelon Empedocles, ſont l’amitié & le diſcord, dont l’vne mit en enſemble les choſes, & l’autre les ſepare. Luy-meſme encore appelle Phyſiquement du nom de Iupiter, le Feu qui eſt au deſſus de l’Air, tout ainſi que l’Air meſme eſt denoté par Iunon. A quoy ſe rapportent les ſentimens de tous les Poëtes, quands ils feignent que la Deeſſe Iunon eſt ſœur & femme de Iupiter ; Pour monſtrer par là que leur qualité eſt preſque vne meſme choſe, ou qu’il n’y a du moins que fort peu de difference entre l’vn & l’autre. A quoy j’adiouſte, que le pere Dis eſt auſſi pris pour la Terre, c’eſt à dire, qu’il eſt Seigneur & Roy ſouuerain de cét Element, des entrailles duquel les plus precieux threſors ſont tirez, comme l’or, l’argent, & les pierreries.

Asie. Afrique.

Europe. Ameriqve.


Les qvatres parties dv monde.

L’Asie.


ELle eſt couronnée d’vne agreable guirlande de fleurs & de fruits, & veſtuë d’vne riche robe, ſemée de pierrerie & de perles. De la main droite elle tient pluſieurs rameaux, de ces arbres qui produiſent la caſſe, le poivre, le geroffle, & autres choſes ſemblables, dont on peut voir la forme dans Mathiole : En la gauche elle porte vn Encenſoir, d’où s’exhalent des parfums extremément agreables, & qui fortifient le cerueau. A quoy le Peintre peut adjouſter vn Chameau couché, ou en telle poſture qu’il aduiſera.

L’Aſie, dont les Coſmographes font la troiſieſme partie du Monde, bien que par ſon eſtenduë elle en pourroit faire la moitié, eſt ainſi appellée d’vne fille de Thetis & de l’Ocean, qu’on a feint auoir eu l’Empire des deux Aſies, à ſçauoir de la grande & de la petite, autrement nommée Natholie.

On la couronne d’vne guirlande de fleurs & de fruicts, pour ſignifier par là que ſon air n’eſt pas moins benin que bien temperé. Auſſi ne produit-elle pas ſeulement les choſes neceſſaires à l’entretenement de la vie humaine, mais encore tout ce qu’il y a de plus delicieux dans le Monde.

Son riche habillement eſt le vray Symbole de l’abondance & de la fertilité de ce Pays-là, dont les peuples vont superbement veſtus, & où les femmes particulierement eſtalent deſſus leurs corps tout ce que la magnificence & le luxe ont de plus precieux & de plus charmant.

Elle tient de la main droite des rameaux de diuers aromates, pource que l’Aſie en produit vne ſi grande quantité, qu’elle en fournit le reſte du Monde.

Par l’Encenſoir qu’elle tient, ſont denotées les precieuſes gommes & les eſpiceries qui nous viennent de diuerſes Prouinces d’Aſie ; principalement l’Encens qu’on employe ordinairement dans les Sacrifices.

Quant au Chameau qui eſt mis au pied de cette Figure, ce n’eſt pas ſans vne grande raiſon, dautant qu’il eſt celuy de tous les animaux dont ceux de ce Pays-là ſe ſeruent le plus communément.


L’Afrique.


À Voir cette Femme morne, on juge auſſi-toſt que par elle-meſme nous eſt repreſentée l’Afrique ; Elle eſt preſque toute nuë, ayant les cheueux creſpus, pour cimier une teſte d’Elephant, & vn colier de coral. Elle tient vn Scorpion de la main droite, & de la gauche vne Corne d’Abondance pleine d’eſpics, outre qu’elle est toûjours ſuiuie par vn Lyon, & par des Serpens.

L’Afrique, qui eſt vne des quatre parties du Monde, a pris ſon nom, ſelon Ioſephe, d’vn des deſcendans d’Abraham, qu’on appelloit Afer.

Elle eſt repreſentée par vne Moriſque, pour eſtre ſouſmiſe au Midy, & meſme à la Zone Torride. D’où vient que ſes peuples ont naturellement le teint brun, ou meſme noir tout à fait.

On la peint nuë, d’autant que ce Pays-là n’a pas de grandes richeſſes, & qu’en diuers endroits il eſt infertile.

Ce qu’on luy donne pour coiffure la teſte d’vn Elephant, eſt tiré d’vne ancienne Medaille de l’Empereur Adrian ; car en effet c’eſt ce Pays-là qui produit le plus d’Elephans, dont les Africains ſe ſeruent ordinairement à la guerre. Ce qui n’eſtonna pas ſeulement autrefois les Romains leurs ennemis, mais qui leur donna meſme de la terreur, comme il eſt remarqué dans l’Hiſtoire.

On la peint auec des cheueux noirs & creſpus, pource que les Mores les ont tels ordinairement ; outre qu’on leur donne pour ornement le coral, d’autant que leurs femmes ont accouſtumé de s’en parer.

Le Lyon, le Scorpion, & les Serpens ſont icy adjouſtez auecque raiſon, pource que l’Afrique abonde en ſemblables animaux, qui ſont extremément venimeux.

Quant à la Corne d’Abondance pleine d’eſpics, elle demonſtre qu’autant que l’Afrique eſt ſterile en autres choſes, autant eſt-elle fertile en grains, comme le declare ce vers d’Horace.

Et tous les grains qui viennent de Lybie.


L’Europe.


CEtte partie du Monde qui excelle par deſſus toutes les autres, nous eſt figurée par vne Dame royallement veſtuë d’vne robbe de pluſieurs couleurs. Elle porte ſur la teſte vne riche Couronne, & ſe voit aſſiſe au milieu de deux Cornes d’Abondance, dont l’vne eſt pleine de toutes ſortes de fruicts, & l’autre eſtalle particulierement des raiſins en abondane. Outre ces choſes, elle tient de la main droite la figure d’vn beau Temple, & de la gauche vn Sceptre. Vn Cheual eſt remarquable auprés d’elle, auec quantité de Trophées, & d’Armes de toutes ſortes. A quoy ſont joints encore à coſté, des Diadémes, des Couronnes, des Mytres, des Liures, des Globes, des Compas, des Regles, des Pinceaux, & des Inſtrumens de Muſique.

L’Europe eſt ainſi nommée à cauſe de la fille d’Agenor Roy des Phœniciens, qui fut enleuée par Iupiter & menée en l’Iſle de Crete, & eſt icy dépeinte veſtuë en Reine, & de pluſieurs differentes couleurs, pour monſtrer par là, comme le remarque Lib. 2 Strabon, que cette partie du Monde eſt grandement riche, & que les beautez en ſont diuerſes.

La Couronne qu’elle porte fait voir que l’Europe a toûjours eu le principal aduantage ſur les autres parties de l’Vniuers, dont elle a triomphé comme Reine.

On la peint aſſiſe entre deux Cornes d’Abondance, pleines de toutes ſortes de fruicts : pource, qu’au rapport du meſme Strabon dans l’endroit que ie viens de citer, il n’eſt point de climat dans le Monde qui ſoit plus fecond & plus fertile que celuy-cy.

On luy fait tenir vn Temple de la main droite, pour ſignifier que dans ſon eſtenduë eſt cultiuée la vraye & parfaite Religion.

Le Sceptre qu’elle porte eſt le Symbole de ſa puiſſance, à cauſe qu’en ſon enclos tiennent leur Court les plus grands Princes du Monde, & particulierement le Souuerain Pontife Romain, l’authorité duquel s’eſtend generalement par tous les lieux où l’on fait profeſſion de la Foy Chreſtienne, qui par la grace de Dieu eſt aujourd’huy paruenuë juſqu’au nouueau Monde.

Par le Cheual & les Armes qui ſe voyent à l’entour d’elle, il eſt denoté qu’elle a touſiours emporté le prix en matiere des plus nobles connoiſſances, & des exercices de guerre, comme par les Liures & autres choſes ſemblables on peut iuger de l’excellence des Eſprits tant Grecs que Latins, qu’elle a produits en toutes ſortes de diſciplines.


L’Ameriqve.


CEtte Femme qui a le teint oliuaſtre, le viſage effroyable à voir, & vn voile de pluſieurs couleurs qui luy couure le corps à demy, repreſente l’Amerique. Outre qu’vne eſcharpe de plumes tres-agreables, artiſtement jointes enſemble, la fait particulierement remarquer, par ce biſare ornement : elle porte en vne main vne fleſche, en l’autre vn arc, & vn carqois à ſes coſtez. A quoy l’on peut adjouſter qu’elle a ſur la teſte vne guirlande de pluſieurs plumes eſtranges, & à ſes pieds vn eſpece de Lezard reſſemblant à peu pres à vn Crocodyle. Comme encore vne teſte humaine arrachée de ſon corps, & trauerſée d’vn dard.

Cette derniere partie du Monde nouuellement deſcouuerte par Americ Veſpuce Florentin, dont elle a pris ſon nom, eſt dépeinte preſque toute nuë, pource que ſes habitans ont accouſtumé d’aller tous nuds, ſi ce n’eſt qu’ils ſe couurent les parties honteuſes d’vne ceinture faite de plumes & de coton, en forme de frange.

La guirlande de plumes eſt vn ornement dont ils ſe parent d’ordinaire. Outre qu’en certain temps de l’année, ils en portent vn habillement qu’ils font eux-meſmes auec beaucoup d’art pour des Sauuages, comme le remarquent les meilleurs Autheurs qui ont eſcrit de ce Pays-là.

L’art & les fleſches ſont les Armes, dont, non ſeulement les hommes, mais encore les femmes ont accouſtumé de ſe ſeruir en allant combattre leurs ennemis.

La teſte qu’elle a ſous les pieds, y eſt miſe exprés auec beaucoup de raiſon, pour monſtrer que ces Peuples inhumains ſe repaiſſent ordinairement de chair humaine : Car ils ne manquent iamais de manger enſemble ceux qu’ils ont pris à la guerre.

Et d’autant qu’entre diuers Animaux que produit ce Pays-là, les Lezards ſont remarquables, ce n’eſt pas ſans ſujet qu’on les peint icy, veu que dans ces terres neufues, il y en a de ſi grands & de ſi cruels, qu’ils deuorent les autres animaux, & les hommes meſmes.

Le printemps. L’esté.

L’avtomne. L’hyver.


Les qvatre saisons de l’année.

Le printemps.


CEtte Figure s’explique aſſez d’elle-meſme, ſans qu’il ſoit beſoin d’en faire vn plus ample recit, puiſque par la Guirlande & les Bouquets de diuerſes fleurs qu’elle porte, il eſt demonſtré que toutes les plantes ſe renouuellent en cette belle Saiſon, la plus agreable de toutes celles de l’année.


L’esté.


IL ne peut mieux eſtre dépeint, ce me ſemble, qu’il eſt icy, par vne ieune Fille couronnée d’eſpics, veſtuë de jaulne, & qui tient vne Torche allumée.

Elle eſt peinte jeune, dautant que l’Eſté ſe peut nommer proprement la jeuneſſe de l’année, pource que la chaleur de la terre eſt alors plus en ſa force qu’en tout autre temps, pour faire meurir les fruicts que la nature produit.

La Guirlande dont elle eſt couronnée faite d’eſpics, eſt le Symbole du principal fruict que donne cette Saiſon.

On l’habille de jaulne, pour la reſſemblance qu’a cette couleur auec le bled quand il eſt en ſa maturité.

Quant au Flambeau allumé qu’on luy met en main, il denote Matham. lib. 2. proprement la grande chaleur que le Soleil rend en Eſté, comme le remarque le Poëte Ouide.

A ce que ie viens de dire on peut ajouſter que les Anciens, au rapport de Gregoire Giraldi, repreſentoient ordinairement l’Eſté par la Deeſſe Cerés, qu’ils habilloient en Dame majeſtueuſe & d’aage robuſte, luy faiſant tenir des faiſſeaux d’eſpics, des pauots, & d’autres plantes qui luy eſtoient conuenables.


L’avtomne.


IL ſe voit icy ſous la figure d’vne Femme que ſon embompoint rend remarquable auſſi bien que ſon habillement qui eſt fort riche ; Elle eſt couronnée d’vne Guirlande de Pampres ; outre que de la main droite elle tient vn gros Raiſin, & de la gauche vne Corne d’Abondance, plein de fruicts de diuerſes ſortes.

Elle eſt peinte d’vn aage viril, à cauſe que la ſaiſon de l’Automne, eſt appellée la virilité de l’année. Et ſi les Poëtes la nomment ainſi, c’eſt pour monſtrer que la terre eſt alors diſposée à donner aux hommes les fruicts que la chaleur de l’Eſté a meurris, & de ſe deſpoüiller des fueilles & des ſemences, eſtant comme laſſée d’engendrer.

Son embompoint & ſon habillement ſuperbe, monſtrent que cette Saiſon eſt la plus feconde & la plus riche de toutes celles de l’année.

Le meſme eſt encore ſignifié par le Raiſin & la Corne d’Abondance que porte l’Automne, pource que luy-meſme donne abondamment du vin, des fruicts, & autres choſes ſemblables, neceſſaires à leur entretenement.


L’hyver.


ON le repreſente par vne vieille Femme, veſtuë d’vne robe fourrée, ayant le dos tourné vers le feu, ſans autre ſoin que de mãger, de boire, & de ſe chauffer.

Sa vieilleſſe nous figure celle de l’année, pource qu’en Hyuer la terre laſſée de ſes trauaux naturels, deuient glacée, melancolique, & deſpoüillée de ſes plus grandes Metam. lib. II. beautez. Ces vers d’Ouide le demonſtrent.

L’Hyuer froid & tramblant tout couuert de glaçons
Par d’eſtrangers dégaſts vient deſoler la terre,
Il deſpoüille les champs de fruicts & de moiſſons,
Faiſant aux animaux vne effroyable guerre.

Sa robe fourrée, & l’action de manger & de boire prés du feu, nous font remarquer auec Pierius, qu’apres la peine que nous auons priſe en Eſté, l’Hyuer nous inuite à joüir paiſiblement des richeſſes que la terre nous a données, & ſemble nous inciter à viure plus ſplendidement que de couſtume.

Outre les choſes que j’ay rapportées, quelques Poëtes voulant deſcrire l’Hyuer, ont repreſenté Vulcan prés de ſa Forge, comme encore Eole, laſchant peſle-meſle d’vne grotte les vents les plus impetueux, à cauſe qu’ils eſmeuuent ordinairement les tempeſtes, qui ſont plus frequentes en Hyuer qu’en toutes les autres Saiſons de l’année.

Il ne faut pas oublier icy que dans la Medaille d’Anthonin Caracalla, ces meſmes Saiſons ſont denotées par les Figures de quatre Enfans qui ſont ineſgaux en aage, dont le premier porte ſur ſes eſpaules vne corbeille pleine de fleurs ; le ſecond, vne faulx de la main droite ; le troſieſme, vn pannier qui eſt remply de fruicts ; & le quatrieſme qui eſt veſtu, au lieu que les autres ſont nuds, a la teſte voilée, & ſur ſon dos vn baſton, aux extremitez duquel ſe voyent des oyſeaux morts & differens l’vn de l’autre.

Orient. Midy.

Septentrion. Occident.


Les qvatre qvartiers du monde.

L’Orient.


CEt Enfant doüé d’vne excellente beauté, qui a le teint vermeil, les cheueux blonds comme l’or, & ſur le haut de la teſte vne Eſtoile reſplendiſſante, eſt mis icy pour la Figure Hyeroglifique de l’Orient. Son habillement eſt rouge, agreable à voir, & ſemé par tout d’vne riche broderie de Perles fines. Dans la ceinture qu’il porte, qui eſt de bleu Turquin, ſe voyent par ordre les Signes du Mouton, du Lyon, & du Sagittaire. Il tient de la main droite vn Bouquet de fleurs qui commencent à s’eſpanoüir, & de la gauche vn beau Vaſe plein de feu, d’où s’exhalent des parfums odorans. Où il eſt à remarquer encore qu’en l’vn de ſes coſtez le Soleil ſemble ſortir de terre, d’où il darde ſes rayons de toutes parts ; & qu’en l’autre les Oyſeaux ſe reſioüiſſent parmy les fleurs, & charment les ſens par leur agreable ramage.

Nous repreſentons icy l’Orient en l’aage d’enfance, pource qu’ayant à diuiſer le iour en quatre parties, il n’eſt pas mal à propos qu’en la premiere il paroiſſe Enfant, en la ſeconde jeune Garçon, en la troiſieſme Homme fait, & en la quatrieſme Vieillard : D’où il arriue qu’au meſme inſtant que le Soleil ſe fait voir ſur l’Horizon, & qu’il donne naiſſance au iour, le Ciel commence à ſe remplir de lumiere, afin d’en remplir les globes de la terre. Ce qui fait dire à Petrarque,

À peine le Soleil ſorty de l’Orient,
A fait voir aux mortels ſon viſage riant.

On luy attribuë vne beauté ſinguliere ; pource que ſi il arriue que le Soleil à ſon aſcendant predomine aux autres corps celeſtes à la natiuité de quelqu’vn, de là s’enſuit que par vne influence particuliere, il eſt beau de viſage, & aimable, agiſſant, ſplendide, doüé de qualitez excellentes, & entr’autres d’vne generoſité remarquable.

Son teint vermeil & ſa cheuelure blonde, ſont des effets, des agreemens, & des beautez que luy communique le Soleil, qui met en leur luſtre toutes les plus belles choſes.

L’Eſtoile qui brille ſur ſa teſte eſt vn Symbole de celle qui deuance le iour, appellée pour cét effet des Latins, Lucifer. D’où vient que Petrarque dit,

Qu’vn peu deuant le iour cette amoureuſe Eſtoile
Paroiſt ſur l’Orient ſans nuage & ſans voile.

2. Æn. Et Virgile pareillement :

Deſia ſur les ſommets des Rochers d’alentour
L’Eſtoile du matin nous ramenoit le iour.

L’on feint que ſon habillement eſt rouge, ſuiuant l’opinion Lib. 4 de Bocace, qui dans ſa Genealogie des Dieux, dit qu’au matin le Soleil nous paroiſt de couleur de ſang, à cauſe de l’oppoſition des vapeurs qui s’eſleuent de deſſus la Terre.

Son veſtement eſt ſemé d’vne riche broderie de Perles, à cauſe que celles que l’on priſe le plus viennent d’Orient pour l’ordinaire, à raiſon dequoy elles ſont dites Orientales, & fort eſtimées par tout le mõde pour leur blancheur extraordinaire. Sa Ceinture de bleu Turquin, repreſente les Signes du Mouton, du Lyon, & du Sagittaire, d’autant qu’au dire des Aſtrologues, ces meſmes Signes ſont Orientaux.

A cecy ſe rapporte encore qu’il tient le bras droit eſleué, pour monſtrer que l’Orient eſt comme la dextre du Monde ; Et c’eſt pour le meſme ſujet auſſi qu’il a le viſage tourné de ce coſté-là : Comme pour nous apprendre que ce n’eſt pas ſans raiſon qu’on porte ſa veuë vers ce meſme endroit quand on veut prier & adorer Dieu.

Le Boucquet de diuerſes fleurs qui commencent à s’eſpanoüir, qu’il porte de la main droite, & l’Aſtre du iour tel qu’il eſt icy dépeint, ſignifient qu’auſſi-toſt que le Soleil paroiſt ſur les riues d’Orient, les fleurs s’ouurent par la pointe de ſes rayons, leur eſmail eſclate dans les prairies, & toutes les creatures viuantes ſe reſioüiſſent.

La fumée qui s’exhale du beau Vaſe, qu’il ſouſtient de la main gauche, nous apprend qu’aux parties Orientales naiſſent les aromates, les eſpiceries, les baumes, & autres drogues de prix, dont les parfums ne ſont pas moins delicieux qu’agreables à l’odorat. Le Poëte Bembo dit à ce propos,

Que le Soleil naiſſant dans le Ciel allumé,
Fait ſentir les odeurs dont l’air eſt parfumé.

Et l’ingenieux Petrarque,

Qu’aux riues d’Orient & par tout cet Empire
S’exhalent les odeurs que le peuple y reſpire.


Le midy.


IL eſt figuré par vn ieune More de moyenne taille, ayant ſur la teſte le Soleil à plomb, que ſes rayons reſplendiſſans enuironnent de toutes parts. Son habillement eſt rouge, & ne laiſſe pas toutefois de tirer sur le jaulne. Il porte vne Ceinture de bleu Turquin, où ſont remarquables les Signes du Taureau, de la Vierge, & du Capricorne. Il tient en ſa main droite des Fleſches, & en ſa Cap. 13. 17. 18. gauche vn rameau de Lotte, arbriſſeau qui ſelon Pline, reſſemble à peu prés aux febues lors qu’elles ſont en fleur. Et à ſes pieds ſe voyent des bouquets & des herbes que le Soleil a ſeichées. Il eſt peint jeune, pour la meſme raiſon que nous auons rapportée dans la Figure de l’Orient. Son teint eſt tout à fait noir, pource qu’aux parties Meridionales où le Soleil predomine, il y fait les hommes mores par vne vertu dont la raiſon eſt naturelle. Ce grand Aſtre l’enuironne de ſes rayons qu’il darde droit à la teſte, à cauſe que le Soleil eſtant au milieu du Ciel en eſt ardent, & que ſes rayons auſſi en ſont plus reſplendiſſans, comme le remarque le Prince des Poëtes Latins.

Le Soleil tout de feu paroiſſoit à nos yeux
Plus clair & plus brillant dans le milieu des Cieux.

Son veſtement de couleur d’or & de flamme, ſignifie la violence de la chaleur, & le merueilleux eſclat de la beauté de cét Aſtre.

Pour ce qui eſt des Signes que ce More porte empreints ſur ſa ceinture, ils ſont tous Meridionaux, ſelon les Aſtrologues, & par conſequent mis icy fort à propos.

I’obmets qu’il porte deux Fleſches dans la main droite, pource qu’au milieu du iour les rayons du Soleil ſont comme autant de dards, qui par leur force admirable penetrent iuſques dans les entrailles de la Terre.

Quant aux Rameaux de Lotte, il eſt bien certain que ce n’eſt pas ſans ſujet qu’on le fait porter à ce More ; Car cette merueilleuſe plante, qui ſelon les Naturaliſtes, ſe trouue dans le fond de l’Euhprate, dés que le Soleil paroiſt au matin ſur l’Horiſon, commence auſſi à paroiſtre hors de l’Eau, & à ſe leuer à meſure qu’il ſe hauſſe : De maniere que lors qu’il a gagné le milieu du Ciel, elle ſe trouue ſur pied, & a produit ſes fleurs & ſes fruicts ; comme au contraire, lors que ce bel Aſtre panche à l’Orient & s’abaiſſe, elle en fait de meſme, & ſe cache dans l’Eau.

Pour ce qui eſt des Fleurs & des Herbes qui ſe voyent à ſes pieds toutes arides & ſeiches, cela ſignifie l’exceſſiue ardeur du Soleil, à laquelle il eſt impoſſible d’apporter aucun temperament ; ſi bien que par ce moyen les plantes bruſlées perdent toute leur vigueur & leur ſubſtance.


Le Septentrion.


SA Figure eſt celle d’vn homme d’aage robuſte & viril, qui a la taille belle, les yeux bleus & eſtincellans, & les cheueux blonds : il eſt couuert d’Armes blanches, en action de mettre la main à l’Eſpée, & porte vne Eſcharpe de bleu Turquin, où ſe voyent trois Signes Septentrionaux du Zodiaque, qui ſont le Cancer, le Scorpion, & les Poiſſons. Il a le viſage tourné vers le Ciel qui eſt tout couuert de Frimas, & regarde tout à meſme temps les deux Ourſes.

Son viſage eſt viril, pour la raiſon que nous auons alleguée dans la Figure de l’Orient.

Il a le regard affreux, la taille forte, & le teint ſanguin ; qualitez qui luy viennent du climat froid, dont les hommes ont l’eſthomac meilleur que les autres, & digerent mieux les viandes : comme au contraire ceux qui naiſſent au Midy, ont la taille petite, & le teint noir. Outre qu’ils ne ſont pas ſi ſanguins ny ſi groſſiers, & qui excellent en l’art de tromper.

Il eſt couuert d’Armes blanches, & en action de tirer l’Eſpée hors du fourreau ; pour donner à connoiſtre le naturel indomptable, & la fierté de courage des peuples Septentrionaux. Car en effet l’experience a fait voir à la pluſpart du monde, & particulierement à l’Italie, qu’ils ont touſiours eſté fort aguerris. Or ce qu’ils ont ainſi l’humeur fougueuſe, & portée aux Armes, & d’vn excés de colere qui s’allume en eux pour la moindre choſe. Auſſi ſont-ils, comme dit Petrarque,

Ennemis de la Paix, quand vne folle enuie
Les porte à ſe vanger aux deſpens de leur vie.

Il porte vne Eſcharpe de bleu Turquin, auec les figures du Cancer, du Scorpion, & des Poiſſons : pource que, ſelon les Aſtrologues, ces trois Signes ſont Septentrionaux.

Son viſage eſt tourné du coſté du Ciel, où il regarde en meſme temps la grande & la petite Ourſe, à cauſe que ces Eſtoiles fixes au Septentrion ne ſe couchent iamais, eſtant, comme dit Petrarque,

Viſibles en tout tems & deſſus noſtre Pole.

Quant aux Nuages & aux Frimas dont le Ciel eft chargé, & du coſté defquels ce Guerrier tourne ſa veuë, cela ſe rapporte à ce que dit le meſme Petrarque parlant des Pays Septentrionnaux,

Que l’on peut appeller vn Climat ſans pareil
        Eſloigné du Soleil.
Où ſont de toutes parts les glaces eſtenduës,
        Et les neiges fonduës.


L’Occident.


IL eſt dépeint en Vieillard, ayant vne robe de couleur brune, & vne Ceinture de Bleu Turquin, où ſont les Signes des Iumeaux, de la Balance, & du Verſeur d’Eau. Vne Eſtoile brille tout droit ſur ſa teſte, & vne bandelette luy ſerre la bouche. Auecque cela de la façon qu’il porte la main droite if ſemble monſtrer cette partie de l’Occident où le Soleil ſe couche, & tient de la gauche des Pauots. Il faut ajouſter à cecy que l’Air qui l’enuironne, où volent des Chauues-Souris, eſt grandement obſcur, & l’ombre de cette Fiture fort longue.

On peint l’Occident Vieillard, à cauſe que le Soleil eſt à ſon declin lors qu’il a fait ſa carriere. Il eſt habillé d’vne couleur ſombre, pour monſtrer la diſtance qu’il y a entre le coucher du Soleil, & le temps auquel l’Air commence de s’obſcurcir. Ce qui fait dire à Pontan,

L’on ne voyoit qu’objets horribles & funebres,
Lors que la nuict couuroit la terre de tenebres.

Les ſignes de ſon eſcharpe, à ſçauoir les Iumeaux, la Balance, & le Verſeur d’Eau, y ſont mis auec grande raiſon, pour eſtre tous trois Orientaux, ſelon les Aſtrologues.

La bouche qu’il a fermée ſignifie que durant la nuict toutes choſes ſont calmes & dans le ſilence, comme le remarque Ouide. 10. Metam.

C’eſtoit en vn temps où le bruit
Auoit calmé ſa violence
Quand le repos & le ſilence
Suiuoient les ombres de la nuict.

L’Eſtoile qui luit ſur ſon chef eſt celle que les Latins nomment Heſperus, qui ſe fait voir d’ordinaire en Occident vers le commencement de la nuict.

Il monſtre de la main droite l’endroit où le Soleil ſe couche, pour en marquer la difference d’auecque l’Orient, & faire voir par meſme moyen que le Soleil ne ſe couche pas pluſtoſt, qu’en ſuite de cela il faut neceſſairement qu’il nous priue de ſa lumiere.

Les Pauots qu’il tient de la main droite ſont les Symboles du ſommeil, qui eſt deſtiné pour le repos de la nuict. Ce qui nous eſt declaré par ce vers d’Ouide,

La nuict vient cependant de Pauots couronnée,
        Et de ſonge enuironnée.

Il eſt enueloppé de Nuages ſombres, à trauers deſquels volent confuſément des Chauues-Souris, pource que la nuict s’approchant, l’air s’obſcurcit en meſme temps, & qu’on void alors paroiſtre ces animaux nocturnes.

Adjouſtons icy pour concluſion de ce dernier quartier du Monde, que l’ombre de l’homme qui le repreſente, le ſurpaſſe luy-meſme, pource que tant plus le Soleil s’eſloigne de nous, tant plus eſt grande l’ombre de tous les corps, puiſque, comme dit Virgile,

Par le Soleil couchant les ombres ſe redoublent.


Les quatre vents.


CE que les Poëtes ont feint d’Eole, qu’ils ont nommé Roy des Vents, diſant qu’il les laſchoit quand il luy plaiſoit de leurs obſcures cauernes, eſt entierement fondé ſur la vray-ſemblance. Hiſt. lit. 6. Car en effet Diodore Sicilien rapporte, qu’Eole fut vn grand roy qui regna dans les Iſles appellées de ſon nom Eoliennes, qui ſont ſur la mer de Sicile. Et dautant que ce Prince tres-bon & tres-iuſte, apprit aux mariniers l’vſage des voiles, & qu’il connoiſſoit la nature des Vents par vne ſoigneuſe obſeruation qu’il en auoit faite, il en fut appellé Roy, & donna lieu au fabuleux recit que l’on en fit depuis.

Or bien qu’il ſoit fait mention de pluſieurs Vents par les Autheurs qui en ont eſcrit, ſi eſt-ce qu’il y en a quatre principaux dont nous auons à parler, qui ſoufflent des quatre parties du Monde, & que le Poëte Ouide a particulierement deſcrits dans ſes Metamorphoſes.


Le vent d’Orient.


LE premier des Vents est celuy de l’Orient, repreſenté par vn jeune More, qui a des Aiſles au dos, vn Soleil leuant derriere luy, des Nuages ſous ſes pieds, & aux mains diuerſes Fleurs qu’il va ſemant en tous les lieux par où il paſſe.

Il eſt peint de couleur noire, à raiſon de ſa reſſemblance auec les Ethiopiens, qui ſont en Leuant d’où il vient. Et c’eſt ainſi que les Anciens nous l’ont figuré.

Ses Aiſles ſont le Symbole de ſa legereté ; ce qui ſuffira pour ſeruir d’explication à tous les autres à qui l’on en donne.

Quant au Soleil qui ſe voit derriere luy, il eſt mis icy pour vn pronoſtic du temps auquel ce Vent doit ſouffler ; comme Georg. I le remarque Virgile quand il dit,

Que le Vent d’Orient nous preſage la pluye.


Le vent d’Occident.


IL a des Aiſles au dos comme tous les autres, & meſme à ſes pieds, pour vne marque de ſon extreme viſteſſe.

Quelques-vns le peignent auſſi en action de produire des Fleurs par la force de ſon haleine ; & meſme ils luy en donnent vne guirlande, comme l’obſerue Philoſtrate en ſes plattes Peintures, où il dit que lorsque ce Vent vient à ſe leuer les Cygnes en chantent plus doucement.

A quoy j’adjouſte que Boccace, dans ſa Genealogie des Lib. 4. Dieux dit, qu’encore que ce Vent ſoit de complexion froide & humide, il ne laiſſe pas toutesfois par ſon temperament de

produire les Plantes & les Fleurs, dont pour cét on le couronne.

Le vent de Midy.


ON le repreſente en Homme robuſte, qui a les joües enflées, & tient vn arroſoir en main, pour faire voir d’vn coſté que ſa violence eſt grande, & de l’autre qu’il amene ordinairement la pluye.


Le vent de bise.


IL eſt couché de ſon long ſur des nuages obſcurs, & ſur des frimas, pour monſtrer par là, comme dit Lib. 4 Boccace dans ſa Genealogie des Dieux, que ce Vent eſt naturellement froid & ſec ; bien que toutefois pour venir juſques à nous, il paſſe par la Zone Torride, & que changeant depuis de nature vers le Midy, il couure l’air de nuages, qui viennent depuis à ſe reſoudre en pluye.

Mars. Avril.

May. Ivin.

Ivillet. Aovst.

Les dovze mois.

Septembre. Octobre.

Novembre. Decembre.

Ianvier. Fevrier.


Les dovze mois de l’annee.

Mars.


IL eſt peint en ieune Guerrier, qui porte vn habillement de couleur tannée, ayant des aiſles au dos, en la main droite le ſigne du Mouton, & en la gauche vne taſſe pleine des fruicts de la ſaiſon.

Nous repreſentons icy les mois ieunes, pource qu’ayant à diuiſer le temps, en heures, en iours, en mois, & en années, nous preſuppoſons que les heures ſont en enfance, les iours en adoleſcence, les mois en leur ieuneſſe, l’année en ſa virilité, & le Temps qui les comprend tous enſemble, dans vne extreme vieilleſſe.

L’on feint que ce mois a la mise ſeuere, & ſur la teſte vn heaume, pour auoir eſté dedié par Romulus à ſon pere Mars, qui luy donna ce meſme nom.

Il eſt veſtu de tanné, dautant que cette couleur eſt compoſée de noir & de rouge, tellement que par l’vn eſt denotée la couleur de la terre, & par l’autre en ce mois là, fortifiée de la chaleur du Soleil, fait pouſſer les plantes, & reſchauffe tous les animaux.

Ses aiſles demonſtrent la courſe continuelle des mois exprimée par ce vers de Petrarque dans ſon Triomphe du temps.

Les ans, les mois, les iours, les heures,
Paſſent viſte comme vn eſclair,
Et tels que les broüillas de l’air
N’ont point de certaines demeures.

Il tient de la main droite le Signe du Mouton enuironné de diuerſes fleurs, dautant qu’en ce mois-là, qui donne naiſſance au Printemps, la terre commence de s’eſmailler. Car alors, comme dit l’Arioſte,

L’Aſtre du iour par ſa chaleur
Fait rire icy bas toute choſe,
Et renouuelle la couleur
Des Lys, des Oeillets, & des Roſes.

Par où il eſt encore monſtré que comme le Mouton eſt foible derriere, & fort par deuant, ainſi le Soleil, commençant d’entrer dans ce Signe, eſt encore foible, à cauſe du froid qui diminuë beaucoup de ſa vigueur ; mais qu’allant plus auant dans l’Eſté, il accroiſt inſenſiblement ſa chaleur.

La Taſſe pleine de fruicts eſt le Symbole de ceux que cette ſaiſon commence à produire, & que le Peintre iudicieux peut diuerſifier ſelon la qualité des lieux où ils naiſſent. Car aux climats chauds, il vient pluſtoſt, & plus lentement aux pays froids.


Avril.


IL porte vne guirlande de Myrthes, vn habillement verd, des aiſles au dos, & en la main droite le Signe du Taureau, enuironné de diuerſes fleurs qui naiſſent en ce mois-là. Outre qu’en la gauche il tient vne Couppe pleine de fruicts & des plantes de ſaiſon.

Ce mois s’appelle Auril, ſelon Varron du mot Latin aperire, à cauſe qu’alors la terre commence à s’ouurir pour eſtaller ſes richeſſes.

Sa guirlande de Myrthe, Plante dediée à Venus, ſignifie qu’en ce meſme mois, comme dit fort bien Virgile,

L’influence du Ciel & de l’aſtre du iour
Porte les arbres meſme à ſe faire l’amour.

On luy donne le Verd pour liurée, pource qu’en ce meſme mois la terre ſe pare de cette belle couleur, d’autant plus agreable à la veuë, qu’il ſemble que dans vn champ d’Emeraudes elle rehauſſe ſon principal eſclat par l’Email des fleurs, qui ſont comme autant de pierreries. Ce que l’ingenieux Petrarque repreſente agreablement par ces vers.

C’eſt en ce mois que le Soleil riant
Eſtale aux yeux les threſors d’Orient,
Que dans les champs on void briller les plantes
Pleines d’objets de couleurs differentes.
Que dans ſon char l’Aſtre du iour porté
Fait icy bas eſclater ſa beauté,
Et qu’aux foreſts la triſte Phylomele
Auec le iour ſes plaintes renouuelle.

Que ſi il tient de la main droite le Signe du Taureau, c’eſt pour donner à entendre que le Soleil paſſant en ce mois-là par ce meſme Signe, augmente peu à peu ſa force.


May.


CE mois eſt icy peint en ieune Homme, dont l’habillement de couleur verte, eſt femé de toutes ſortes de fleurs, dont il porte auſſi vne guirlande. Il tient de la main droite le Signe des Iumeaux, entourré de roſes, & de la gauche vn rameau verdoyant.

Ce mois eſt appellé May des Latins, à Maioribus, à cauſe que Romulus ayant diuiſé le peuple Romain en deux parties, compoſées de ieunes gens & de vieillards, dont les vns deuoient gouuerner la Republique par les armes, & les autres par le conſeil, il trouua bon pour memoire de cette action de donner à ce mois & au ſuiuant les noms de May & de Iuin, comme le remarque Ouide.

Par les fleurs de ſa guirlande & de ſa robe verte, eſt ſignifiée la beauté des prez, des colines, & des champs, par qui toutes les choſes dumonde, qui ont vne ame ou vegetatiue, ou ſenſitiue, ou raiſonnable, ſont comme charmez, & duierſement eſmeus à ſe reſioüir.

Quant au Signe des Iumeaux qu’il porte, c’eſt pour monſtrer que la force du Soleil ſe redouble en ce mois-là. Car alors il commence à faire ſentir ſa chaleur. Auſſi eſt-il vray que comme en ce mois le Soleil ſe leue de terre de deux degrez, ainſi les choſes du monde s’accroiſſent & ſe multiplient par la generation des animaux.


Ivin.


ON luy donne des aiſles comme aux autres mois, vn habillement de verd jauniſſant, & vne guirlande d’eſpics qui ne ſont point encore meurs. Outre qu’on luy fait tenir pour enſeigne à la main droite, le Signe de l’Eſcreuice, & de la gauche vne couppe pleine de toutes ſortes de fruicts de la ſaiſon.

Les Latins l’appellent Iuin, pour la meſme raiſon que nous venons d’alleguer en parlant de May. Quelques-vns neantmoins en tirent l’ethymologie de Iunon, pource que le premier iour de ce mois fut dedié le Temple de cette Deeſſe ; ou de Iuius Brutus, qui ce meſme mois chaſſa Tarquin du Royaume.

Il eſt veſtu de verd jauniſſant, d’autant que le Soleil commence alors de faire jaunir les grains, & meſmes les herbes.

L’Eſcreuice ſignifie que le Soleil arriuant à ce Signe commence de rebrouſſer en arriere, & de s’eſloigner de nous, c’eſt à dire d’aller à recullons comme fait cét animal.


Ivillet.


IL eſt repreſenté ieune comme les autres mois, habillé de jaune, & couronné d’eſpics, outre qu’il tient d’vne main le Signe du Lyon, & de l’autre vne taſſe pleine des fruicts de la ſaiſon.

On l’appelle Iuillet, du nom du dictateur Iules Ceſar, qui naſquit le douzieſme du meſme mois. On le nommoit auparavant Quintilius à cauſe du nombre, & que commençant par Mars il ſe trouue le cinquieſme en ordre.

Son habillement eſt jaune, pource que les bleds deuiennent de cette couleur à meſure qu’ils meurriſſent dans ce mois-là.

Le Lyon, animal cruel & chaud de ſa nature, ſignifie que le Soleil paſſant par ce Signe, produit vne chaleur exceſſiue, d’où s’enſuit ordinairement vne grande seichereſſe.


Aovst.


SOn habillement eſt de couleur de feu, & ſa guirlande de Roſes de Damas, de Iaſmins, & d’autres ſemblables fleurs, qui naiſſent en cette ſaiſon-là. Il tient de la main droite le Signe de la Vierge, & de la gauche vne taſſe remplie de fruicts conuenables à la ſaiſon.

Le Senat conſacra jadis en l’honneur d’Auguſte ce mois le plus chaud de l’année, auquel ce grand Prince fut premierement fait Conſul, triompha dans Rome par trois diuerſes fois, aſſujettit l’Egypte à la puiſſance du peuple romain, & mit fin aux guerres ciuiles. On l’appelloit auparauant Sextil, pour eſtre le ſixieſme en ordre, commençant par Mars.

L’effroyable regard qu’on attribuë à ce mois, donne à connoiſtre combien il eſt dangereux, à cauſe qu’alors le Soleil ſe trouue dans la Canicule, dont la chaleur violente eſt nuiſible juſques au dernier point à la ſanté des mortels.

Le Signe Celeſte qui regne durant ce mois-là eſt appellé Vierge, pour monſtrer, que comme vne vierge eſt ſterile & n’engendre point, le Soleil de meſme ne produit rien en ce mois-là, & ne fait ſeulement que perfectionner & reduire en maturité les choſes deſia produites.

Pour ce qui eſt des fruicts qu’on luy fait tenir en main, ils ne ſont autres que ceux meſmes que la terre donna en ce temps-là à l’vſage des mortels.


Septembre.


IL eſt peint en ieune homme qui a des aiſles, le viſage riant, vn habillement de pourpre, vne belle guirlande. Il tient d’vne main le Signe de la Balance, & de l’autre vne Corne d’Abondance pleine de Raiſins noirs et blancs, des Peſches, des Figues, des Poires, des Grenades, & d’autres fruicts que produit ce mois-là.

Il eſt appellé Septembre, pour eſtre, comme i’ay dit, le ſeptieſme en ordre, ayant eu quelque temps auparauant le meſme nom de l’Empereur Germanicus.

On l’habille de pourpre, pour monſtrer que comme il n’appartient qu’aux Roys et aux plus grands hommes qui abondent en threſors de ſe parer d’vne ſi riche couleur, ce mois de meſme comme Prince de tous les autres, fournit en plus grande abondance que pas vn d’eux toutes les choſes qui ſont neceſſaires à l’vſage de la vie humaine.

Il porte le Signe de la Balance, à cauſe qu’en ce mois-là, c’eſtoit le meſme qui ſelon Virgile,

Du iour & de la nuict fait les heures eſgales.


Octobre.


IL nous eſt repreſenté ſous la figure d’vn ieune homme veſtu d’incarnat, couronné de fueilles de cheſne, & qui tient de la main droite le Signe du Scorpion, & de la gauche vn pannier plein de neffles, de champignons, de noix, de chaſtaignes, & d’autres fruicts ſelon la ſaiſon.

Ce mois ayant eſté autrefois appellé Domitian, à cauſe de l’Empereur qui portoit ce meſme nom, ſe changea depuis par Arreſt du Senat, à cauſe des tyrannies de ce Prince, & reprit celuy d’Octobre, comme eſtant le huictieſme en ordre.

On l’habille d’incarnat, pource que le Soleil venant à decliner dans le ſolſtice de l’Hyuer, l’humeur des plantes commence à ſe reſerrer, ſi bien que leurs fueilles deuiennent de meſme couleur.

On luy fait tenir vn Scorpion, à cauſe qu’en ce mois-là le Soleil ſe treuue dans ce Signe, qui eſt appellé Scorpion, soit de la figure des Eſtoiles qui le repreſentent, ſoit de ſes effets. Car comme le venin du Scorpion eſt mortel à ceux qu’il picque, ſi l’on n’y met promptement remede, ainſi le Soleil eſtant dans ce Signe, produit des maladies tres-dangereuſes, à cauſe de l’inégalité du temps : d’où s’enſuiuent les langueurs du corps, ſelon Hypocrate, principalement lors qu’vn meſme iour eſt tantoſt chaud & tantoſt froid, comme il arriue en Automne.


Novembre.


SA peinture eſt celle d’vn ieune Garçon veſtu de couleur de fueille-morte, & couronné d’vne guirlande d’oliuier. Il porte de la main droite le Signe du Sagittaire, & de la gauche, vne Corne d’Abondance pleine de diuerſes racines que la terre produit en ce mois-là.

Le Signe Celeſte qu’on luy fait tenir eſt le Sagittaire, ainſi nommé tant de la figure des Eſtoiles, que de ſes effets : car en ce temps-là les pluyes & la greſle eſtant comme dardez du Ciel ſe rendent eſpouuentables.

La guirlande d’oliuier qu’il a ſur la teſte, nous fait ſouuenir qu’en ce mois-là l’on tire ordinairement des oliues meurres, l’excellente liqueur qu’elles produiſent, qui eſt extremément propre à l’vſage de la vie humaine.

Quant au nom que l’on donne à ce mois, il eſt appellé Nouembre, pour eſtre le neufieſme en ordre, comme le ſuiuant eſt dit de Decembre, à cauſe qu’il eſt le dixieſme.


Decembre.


LE viſage qui le repreſente eſt horrible à voir, auſſi bien que celuy des deux autres mois ſuiuans. Il eſt veſtu de noir & a les aiſles au dos, tenant de la main droite le Capricorne, & de la gauche, vne Taſſe pleine de Truffes.

On le peint affreux & veſtu de noir, à cauſe qu’en ce mois-là il ſe void ordinairement que la terre n’a plus d’ornemens. Et c’eſt pour la meſme raiſon encore qu’on le repreſente ſans guirlande.

Il a pareillement pour Hyeroglifique le Capricorne, à cauſe que le Soleil marche alors dans ce meſme Signe ; Et ce qu’on luy fait porter des Truffes, eſt à cauſe qu’elles ne ſont iamais ſi bonnes, & en ſi grande abondance qu’en ce mois-là.


Ianvier.


ON luy donne des aiſles, & vn habit blanc, outre qu’on luy fait tenir le Signe du Verſeur d’Eau.

Ce mois & le ſuiuant furent anciennement adjouſtez à l’an de Romulus, par Numa Pompilius. Il emprunte le nom de Ianuier du Dieu Ianus. Car comme on le peint ordinairement auec deux viſages, on peut dire de-meſme de ce mois-cy, qu’il a deux faces differentes, dont l’vne regarde le paſſé, & l’autre l’aduenir.

Par ſon habit blanc, eſt denotée la neige dont la terre eſt touſiours preſque couuerte en ce meſme mois.

Il tient le Signe du Verſeur d’Eau, à cauſe qu’en ce temps-là plus qu’en tout autre ſaiſon de l’année la pluye & la neige deſolent la campagne.


Fevrier.


CE mois repreſenté comme les autres, & qui ſouſtient à deux mains le Signe des Poiſſons, fut appelé Feurier par Numa Pompilius, ou à cauſe des fieures qui regnent alors, ou du mot Latin Februus, ou des expiations & des Sacrifices que les Romains faiſoient alors pour les defuncts.

On luy fait porter le Verſeur d’Eau, à cauſe que le Soleil paſſant par ce Signe celeſte, eſt le Symbole du meſme mois. Et comme le Poiſſon eſt vn animal aquatique, auſſi nous figure-t’il les eaux & les pluyes qui noyent alors les champs.

Le solstice d’este. Le solstice d’hiver.

L’eqvinoxe dv printemps. L’eqvinoxe de l’avtomne.


Les solstices et les eqvinoxes.

Le solstice d’este.


ON le repreſente icy par la figure d’vn jeune homme aagé de vingt-cinq ans, & qui eſt tout nud, à la reſerue des parties honteuſes qu’il a couuertes d’vn voile de couleur de Pourpre. Il eſt en action de rebrouſſer en arriere, eſt couronné d’vne guirlande d’eſpics ; & porte deſſus la teſte vn grand cercle de bleu Turquin, où ſont grauées neuf Eſtoiles. Il tient de la main droite vn Globe aſſez grand, qui eſt obſcur par en bas, & de la gauche vne Eſcreuice ; où il eſt à remarquer encore qu’il a ſur les pieds quatre petites aiſles en forme de talonnieres, dont il y en a deux de blanches au pied droit, & au gauche vne blanche & l’autre noire.

Par le mot de Solſtices ſe doiuent entendre les deux temps, auquel le Soleil eſt le plus proche, & pareillement plus eſloigné de nous. L’vn eſt le Soſtice d’Eſté qui ſe fait le vingt-vnieſme de Iuin, & l’autre celuy d’Hyuer, qui commence le vingt-vnieſme de Decembre. On l’appelle Solſtice, pource qu’alors le Soleil ne paſſe pas plus auant, & qu’il a deux Cercles qui limitent ſa carriere, l’vn vers le Pole Arctique, & l’autre vers l’Antarctique, chacun deſquels eſt eſloigné de ſon Pole de ſoixante-ſix degrez, & de l’Equinoxial de vingt-quatre. A quoy j’adjouſte qu’ils diuiſent leur Spheres en deux parties ineſgales, qu’on appelle Cercles Tropiques, c’eſt à dire conuerſions ou retours. Car alors le Soleil ſe trouuant au premier point de l’Eſcreuice, fait le Cercle ſuſdit dans le mouuement du Firmament, & le dernier en la partie Septentrionale, qui eſt celuy que l’on appelle Cercle du Solſtice d’Eſté.

D’où il aduient qu’au lieu que par le paſſé il s’approchoit de nous, il s’en eſloigne à l’aduenir, juſques à ce qu’il arriue au point du Capricorne, faiſant l’autre dernier Cercle dans le mouuement du Firmament, & vers le Pole Antarctique, qui eſt celuy que l’on appelle Cercle du Solſtice d’Hyuer. Le propre des Cercles ſuſdits eſt de diſtinguer les Solſtices dans le plus grand declin du Soleil, comme il a eſté dit, au premier degré de l’Eſcreuice & du Capricorne. Le Solſtice d’Eſté eſt ainſi dit, à cauſe que ſe trouuant dans le premier point de l’Eſcreuice & le plus prés qu’il ſçauroit eſtre de nous, il ramene la plus chaude de toutes les ſaiſons.

Ioint qu’en ce temps-là eſt le plus grand iour & la moindre nuict de l’année. Mais lors qu’il ſe rencontre au premier point du Capricorne, il eſt nommé Solſtice d’Hyuer ; auquel temps le Soleil eſloigné de nous autant qu’il peut eſtre, eſt cauſe par cét eſloignement que la froide ſaiſon arriue. Et c’eſt alors que nous auons la plus grande nuict & le moindre iour de l’année.

On peint le Solſtice d’Eſté en jeune homme de vingt-cinq ans, pource que depuis que le Soleil eſt arriué du premier point du Mouton à celuy de l’Eſcreuice, il a fait la quatrieſme partie de ſa courſe.

Sa nudité & ſon voile de couleur de Pourpre, ſont les Symboles des plus grandes chaleurs de l’année.

Il eſt en poſture de rebrouſſer chemin, à cauſe que le Soleil ne s’arreſte point, & qu’au contraire il recule depuis qu’il a touché le Cercle Equinoxial.

Le Cercle qu’il a ſur la teſte, où ſe voyent neuf Eſtoiles, eſt nommé le Tropique du Cancer ; & c’eſt auec raiſon qu’on les luy met ſur la teſte, à cauſe que le Soleil eſt en ce temps-là plus proche de nous, & que le Solſtice ſe fait quand il vient à toucher le Cercle ſuſdit.

Il tient vn Globe de la main droite, d’autant que le Soleil eſt en ce temps-là du coſté du Septentrion, qui eſt la partie droite du Monde.

Les trois quartiers lumineux du Globe, ſignifient que les iours ſont longs & les nuicts courtes en ce temps-là. Ce qui aduient par vn particulier effet du Soleil.

Il tient vne Eſcreuice de la main gauche, d’autant que cét animal eſt vn des douze Signes du Zodiaque, & que le Soleil de meſme recule & tourne en arriere.

Les petites aiſles de ſes pieds ſignifient le mouuement du Temps. Car, ſelon quelques Philoſophes, le Temps n’eſt autre choſe qu’vn mouuement circulaire & ſucceſſif. Auſſi ramene-t’il les Saiſons conſecutiuement, comme l’Eſté apres le Printemps, & l’Hyuer apres l’Automne ; tellement que chaque Saiſon retournant ainſi par maniere de ſucceſſion, produit ſes effets particuliers.

Les trois aiſles blanches monſtrent que le iour eſt d’autant plus long, que la nuict denotée par l’aiſle noire ſe trouue courte & de peu de durée.

La Guirlande d’Eſpics n’eſt miſe au reſte que pour marquer la difference qu’il y a entre le Solſtice d’Hyuer & celuy d’Eſté.


Solstice d’hyver.


IL nous eſt repreſenté par vn Vieillard, qui eſt couuert d’vne robe fourrée. A ſes pieds ſe void vn Cercle en façon de Couronne de Bleu Turquin, au milieu duquel eſt le Signe du Capricorne, & tout à l’entour du Cercle ſont grauée douze Eſtoiles.

De la main gauche il tient vne Boule, ou ſi vous voulez vn Globe, dont la quatrieſme partie eſt lumineuſe, & tout le reſte obſcur.

Il porte ſous ſon bras vne chevre, & aux pieds quatre petites aiſles, dont l’vne, à ſçauoir celle du pied droit, eſt blanche, & l’autre noire, & celles du gauche ſont toutes deux noires.

Cét Homme eſt peint en vieillard auec beaucoup de raiſons, à cauſe que le Soleil s’eſtant retiré du premier point du Mouton pour s’approcher du Capricorne, ſe treuue auoir fait alors les trois parties de ſon voyage.

On luy donne vne robe fourrée, à raiſon du froid qui eſt en cette ſaiſon-là plus grande qu’en toute l’année.

Il a les pieds dans vn Cercle, au milieu duquel le Signe du Capricorne & douze Eſtoiles ſont remarquables, à cauſe de l’eſloignement du Soleil vers le Pole Antarctique, & tel Cercle eſt nommé le Tropique du Capricorne.

Par le Globe qu’il tient de la main droite, les trois parties duquel ſont obſcures, & la quatrieſme lumineuſe, il eſt demonſtré que durant ce Solſtice la nuict eſt plus longue, & le iour plus court qu’en tout le reſte de l’année.

Il tient ce Globe de la main gauche, pource que le Soleil eſt alors tourné du meſme endroit, c’eſt à dire vers le Pole Antarctique.

La Chevre qu’il tient ſous le bras droit eſt vn animal entierement conuenable au Signe ſuſdit, car comme elle repaiſt ordinairement au plus haut des Rochers, le Soleil de-meſme commence en ce temps-là de ſe leuer ſur noſtre Horizon.

Pour le regard des petites aiſles qu’on luy met aux pieds, elles ſignifient, comme nous auons dit, le mouuement du Temps, dont les trois parties noires denotent la nuict, & la blanche le iour. Que ſi l’on met celle-cy au pied droit, c’eſt pour monſtrer l’inégalité qui ſe treuue entre l’vn & l’autre, dautant que la lumiere precede les tenebres.

L’eqvinoxe dv printemps.


CEt Equinoxe nous eſt figuré par vn jeune Homme de moyenne taille, veſtu d’vne robe blanche d’vn coſté, & de l’autre noire. La ceinture qu’il porte eſt de Bleu Turquin, vn peu large, ſans nœud, & ſemée de petites Eſtoiles. Il a ſous le bras droit vn Mouton, en la main gauche vne Guirlande de fleurs, & à ſes pieds deux Aiſlerons, dont l’vn eſt blanc & l’autre noir.

Par le nom d’Equinoxe eſt ſignifié le temps qui marque l’egalité du iour & de nuict. Ce qui arriue deux fois l’année, à ſçauoir le vingt-vnieſme de Mars, quand le Soleil entrant dans le Signe du Mouton, nous ramene le Printemps, & le vingt-troiſieſme de Septembre, où l’Automne nous donne ſes fruicts en leur maturité.

Il eſt peint ieune, à cauſe qu’il ſe rencontre à l’entrée de Mars, qui eſt le mois par où les Anciens commençoient l’année.

Quelques-vns tiennent encore que ce fut alors qu’aduint la Creation du Monde, & la Paſſion de noſtre Sauueur ; A quoy ils adjouſtent qu’en ce meſme temps & au premier degré du Mouton, fut creé le Soleil Autheur du meſme Equinoxe. A raiſon dequoy les Anciens n’ont pas dit hors de propos, que ce mois donnoit comencement à l’année ; car en effet il a des plus grands priuileges que tous les autres, non ſeulement pour les cauſes que nous venons d’alleguer, mais encore pource que de luy-meſme l’on tire les Epactes, les Lettres Dominicales, & les autres ſupputations Celeſtes.

Il eſt repreſenté de iuſte taille, pource qu’il rend eſgaux les iours & les nuicts, eſtant veritable que le Cercle Equinoxial diuiſe la Sphere par le milieu, & pareillement les Poles du Monde.

La couleur blanche de ſon habillement nous marque le iour, & la noire la nuict, qui vient apres pour eſtre moins noble.

Sa ceinture de couleur celeſte où ſe voyent quelques Eſtoiles, repreſente le Cercle qui fait le meſme Equinoxe, & qui enuironne le premier mobile.

Le Mouton qu’il tient ſur ſon bras droit, ſignifie que le Soleil entrant dans ledit Signe forme l’Equinoxe du Printemps ; comme il eſt demonſtré par la guirlande de fleurs, qu’on a miſe en main à cette Figure.

Quant aux Aiſlerons qu’il porte à ſes pieds, ils ſont les Symboles de la legereté du Temps, & de la courſe des meſmes Signes, l’Aiſleron blanc du pied droit marquant la viſteſſe du iour, & le noir du gauche celle de la nuict.


L’eqvinoxe de l’avtomne.


SA Figure eſt celle d’vn Homme d’aage viril, veſtu de meſme que le precedent, & qui a comme luy pour ceinture vn Cercle de bleu Turquin parſemé d’Eſtoiles. Il tient de la main droite le Signe de la Balance, dans le baſſin de laquelle ſont deux globes d’eſgale iuſteſſe ; vne moitié de chaque globe eſtant blanche & l’autre noire ; & de la gauche il porte confuſément diuers fruicts, auecque deux aiſles à ſes pieds.

L’explication que i’ay donnée du cercle, des aiſles & de l’habillement de la Figure precedente ſeruira pour celle-cy. Ie diray ſeulement que celuy qui repreſente cét Equinoxe eſt d’aage viril, pour monſtrer la perfection de ce temps-là, auquel pluſieurs tiennent que Noſtre Seigneur crea le Monde. Mais cette curioſité laiſſée à part, il nous ſuffit de ſçauoir qu’au vingt-troiſieſme de Septembre ſe fait l’Equinoxe qui nous amene l’Automne, auec la maturité des fruicts.

La Balance eſt vn des douze Signes du Zodiaque, où le Soleil entre au mois de Septembre. C’eſt alors que ſe fait l’Equinoxe, c’eſt à dire l’egalité du iour & de la nuict. Ce qui nous eſt demonſtré par les deux Globes moitié blanc, moitié noirs, tournez à rebours l’vn de l’autre, & balancez auec eſgale iuſteſſe.

Le siecle d’or. Le siecle d’argent.

Le siecle de bronze. Le siecle de fer.

Les Qvatre Aages
et premierement de celvy
de l’homme en general
.


LEs Aages ont eſté diuerſement diuiſées par diuers Autheurs ; les vns en ont fait trois ſeulement, & les autres quatre, cinq, ſix, & ſept. Mais quoy qu’il en ſoit, ſi nous conſiderons bien ces opinions, nous trouuerons qu’elles ne ſont point differentes entr’elles.

Le ſentiment des anciens Philoſophes a eſté, qu’il n’y auoit que trois Aages : d’autant qu’ils ont conſideré l’homme, I. de Cœl. & Mond. comme vne choſe naturelle ; laquelle, au rapport d’Ariſtote, a ſon commencement, ſon milieu, & ſa fin. A raiſon dequoy ils ont mis pour commencement l’Adoleſcence, pour milieu la Ieuneſſe, & la Vieilleſſe pour fin.

La ſeconde opinion la plus commune de toutes, eſt d’Hypocrate, de Galien, d’Auicenne, & c’eſt celle meſme que nous ſuions auec eux. Elle diuiſe l’Aage en quatre parties, qui ſont, l’Adoleſcence, la Ieuneſſe, la Virilité, & la Vieilleſſe, que Galien deffinit ainſi.

L’Adoleſcence eſt vn Aage où le corps prend accroiſſement, à cauſe qu’alors la chaleur & l’humeur reçoiuent force vigueur.

La Ieuneſſe eſt la fleur de l’Aage, ainſi dite du verbe Latin Iuuare, qui ſignifie aider, à cauſe qu’en ce temps-là l’homme ayant acheué de croiſtre, eſt capable d’aſſiſter autruy.

L’Aage Viril eſt celuy auquel l’homme eſt en ſa force, & où ce que la chaleur conſume eſt eſgal à l’aliment que l’on prend.

En la Vielleſſe, appellée de Latins, Senectus, à ſenſuum diminutione, l’homme diminuë en effet, parce que la chaleur & le ſeue lui manquent, & qu’en luy-meſme la froideur & la ſeichereſſe s’augmentent. Où il eſt à remarquer que les Philoſophes & les Poëtes comparent tous ces quatre Aages aux quatres Saiſons de l’année. Outre qu’il y en a qui les rapportent aux quatre Elemens, qui ſont des corps ſimples d’où ſe forme tout ce qui eſt compoſé.

Ceux qui tiennent la troiſieſme opinion, veulent qu’il y ait Lib. 7. cap. 10. cinq Aages, & entr’autres Fernel, qui les diſtingue en Adoleſcence, en Ieuneſſe, en Virilité, en Vieilleſſe, & Aage decrepit. A quoy nous pouuons reſpondre que ce dernier n’eſt pas un aage ſeparé, mais qui ſe peut appeller plus proprement la derniere partie de la vieilleſſe, & le temps le plus proche de la mort.

Lib. 2 cap. 2 La quatrieſme opinion eſt d’Iſidore en ſes Ethymologies, où il compte ſix Aages, qui ſont l’Enfance, la Puerilité, l’Adoleſcence, la Ieuneſſe, la Virilité, & la Vieilleſſe. En quoy veritablement l’authorité d’vn ſi grand homme ne deroge point au nombre des quatre, puis qu’il met l’Enfance, & la Puerilité comme parties de l’Adoleſcence.

La cinquieſme & derniere opinion eſt de pluſieurs Aſtrologues & Philosophes, qui font cét Aage de la vie de l’homme, à ſçauoir, l’Enfance, la Puerilité, l’Adoleſcence, la Ieuneſſe, la Virilité, la Vieilleſſe & l’aage decrepit, d’où ils veulent inferer, que comme toute l’eſtenduë du temps eſt compriſe en ſept iours, ainſi toute noſtre vie eſt referrée en ſept aages, ſuiuant les ſept Planettes, par le moyen deſquelles la generation & la corruption ſe font icy bas.

Ainſi le premier de tous ces Aages eſt l’Enfance, qui eſt gouuernée par la Lune, & qui dure iuſques à la ſeptieſme année, ſelon quelques-vns, & ſuiuant les autres juſqu’à la quatrieſme ſeulement.

Le ſecond eſt la Puerilité, commandée par Mercure, Planette de ſcience & de raiſon. Auſſi eſt-ce alors que les Enfans doiuent eſtre mis ſous la diſcipline des Maiſtres, pource qu’ils commencent d’eſtre capables d’apprendre.

Le troiſieſme Aage eſt ſous la domination de Venus, Planette de joye & de volupté, de qui l’empire ſur l’homme dure huict ans.

Le quatrieſme eſt reglé par le Soleil, à cauſe qu’il tient le quatrieſme lieu dans le monde, qui ſe peut dire par conſequent la plus parfaite de toutes les Planettes, qui s’eſtend au nombre de dix-neuf ans.

Le cinquieſme a Mars pour Aſcendant ; & cét aage-cy, dans lequel l’homme ſe maintient quinze ans, fait qu’il ſe picque d’honneur, & que par des actions glorieuſes, il taſche de laiſſer à la poſterité vne loüable memoire de ſoy.

Le ſixieſme, où l’homme ſubſiſte douze ans, deſpend de Iupiter ; & c’est alors que l’homme ne demandant qu’à viure en paix, ſe repent des fautes paſſées qu’il taſche d’amander par des bonnes & vertueuſes actions.

Au dernier de tous les Aages predomine Saturne, Planette froide, ſeiche, pleine de chagrin, qui accable l’homme d’incommoditez & de maladies, qui ne l’abandonnent point juſques à la mort.

Voila quelles ont eſté les opinions de pluſieurs grands Hommes touchant les diuers Aages de la vie. Or bien qu’auec beacoup de fondement on les puiſſe tous reduire à quatre, comme nous auons dit cy-deſſus, il faut remarquer pourtant qu’ils ne ſont pas touſiours reſerrez dans vn nombre d’années qui ſoit certain & prefix. Eſtant vray-ſemblable, comme dit Galien, que l’Aage ne ſe meſure point par les années, mais par le temperament.


L’aage d’or.


IL eſt repreſenté par vne belle Fille, couronnée d’vne guirlande de fleurs, veſtuë d’vn ſimple habillement, & qui tient de la main gauche vne ruche de mouſches à miel, & de la droite vn rameau d’oliuier.

Par ſa guirlande & ſon habillement ſimple, eſt denotée la pureté de ce temps-là, où toutes choſes eſtoient ſans artifice.

Par la ruche de mouſches à miel, la vie douce que menoient alors les creatures viuantes, & par l’oliuier, la merueilleuſe tranquillité qui regnoit au monde ; d’où les ſeditions & les guerres eſtoient tout à fait bannies. Car, comme le remarque apres les Anciens le plus poly de nos Poëtes, M. de Malherbe.

La terre en tous endroits produiſoit toutes choſes,
Tous metaux eſtoient Or, toutes fleurs eſtoient Roſes,
         Tous arbres Oliuiers :
L’on n’auoit plus d’Hyuer, le iour n’auoit plus d’ombre,
         Et les Perles ſans nombre
Germoient deſſous les Eaux au milieu des grauiers.


L’aage d’argent.


SA peinture eſt celle d’vne Fille qui n’eſt pas du tout ſi belle que la precedente, mais dont l’habillement ſupplée au deffaut de ſa beauté. Car elle eſt veſtuë d’vne robbe de gaſe d’argent, coiffée à l’aduantage, & parée de pierreries & de perles. Outre que de la main droite elle s’appuye ſur vn ſoc de charruë, & que de la gauche elle porte vne gerbe ou vn faiſſeau d’eſpics jauniſſans.

On la peint moins belle que celle qui repreſente l’Aage d’or, & parée de la façon que nous venons de dire, pour marquer la difference de l’vn & de l’autre de ces Aages.

Quant aux eſpics & au ſoc de charruë, ils ſignifient qu’au ſiecle d’argent les hommes commencerent à cultiuer la terre, pour tirer d’elle dequoy pouruoir à l’entretenement de leur vie.


L’aage d’airin.


ON le repreſente par vne Femme armée, dont le viſage eſt reſolu, & la robbe toute de broderie. Elle a pour Cimier ſur ſon heaume la teſte d’vn Lyon, & tient en main vne lance. Ce qui n’a pas beſoin d’autre explication que de celle que luy donne Ouide, quand il dit,

Que cét aage cruel par vn art inhumain
Mit aux ieunes Guerriers les Armes à la main.


L’aage de fer.


VNe Femme eſpouuentable à voir eſt l’Embleſme de ce dernier ſiecle, le plus rude de tous. Son habillement eſt de couleur de Fer, ou de Fer meſme ; car elle porte vn heaume qui a pour ſymbole vne teſte de Loup, tenant de la main droite vne eſpée nuë comme ſi elle vouloit combattre, & de la gauche vn Eſcu, au milieu duquel eſt dépeint la fraude, ſous la figure d’vn monſtre, ayant la teſte d’vn homme, & le corps d’vn ſerpent couuert de diuerſes taches, ou ſi vous voulez, d’vne Sereine qui attire les paſſans pour les deuorer. A toutes leſquelles choſes ſont iointes diuerſes armes en forme de trophée, & pluſieurs enſeignes de guerre.

La Sereine et le Monſtre ſont tous deux le vray ſymbole de la fraude, dont les effets cõmencerent à ſe produire en cét aage-cy particulierement, comme le remarque Ouide, quand il dit,

   Alors la probité, la raiſon, la Iuſtice
Ayant abandonné le terreſtre ſejour ;
Dans les cœurs des Mortels regnerent à leur tour
Le menſonge, l’erreur, la fraude & la malice,
   Ces Monſtres & ces maux enſemble deſchainez,
Du profond des Enfers ſortirent peſle-meſle
Et tout à meſme temps cette engeance cruelle
Tourmenta les meſchans en leur Vice obſtinez.

Remarqves generales,
svr les cinq sens de natvre
.


IL n’eſt pas beſoin que nous employons beaucoup de temps à diſcourir ſur cette matiere, puis que nous n’en ſçaurions dire rien de plus conſiderable que ce qu’en ont eſcrit, Ariſtote, Galien, Auicenne, Lib. .10. cap. 19.
Lib. 7. cap. 6.
& les autres Philoſophes ou Phiſiciens, comme encore Pline, * Aule-Gelle, * Plutarque, Lactance Firmien, S. Damaſcene, & Cœlius Rodige. A raiſon dequoy il nous ſuffira d’en rapporter icy les Symboles, & les Figures Hierogliphiques.

La Veuë peut eſtre repreſentée par le Loup Ceruier, animal qui a les yeux, à ce que l’on tient, extremement aigus & penetrans. Pour la meſme raiſon encore on luy donne pour Symbole l’Eſperuier, oyſeau qui regarde le Soleil fixement, & le fiel duquel, comme le remarquent les Naturaliſtes, eſclaircit la veuë & oſte les taches des yeux. Auſſi eſtoit-il anciennement conſacré au Soleil par les Egyptiens, ainſi que le rapporte Plutarque dans ſon Traité d’Iſis & d’Oſisiris. Où nous deuons remarquer auec le meſme Autheur, que la Veuë a vn merueilleux rapport auecque le Ciel & la lumiere. Car en effet bien qu’il n’y ait qu’vn monde, il ne laiſſe pas pourtant d’eſtre compoſé en certaine façon de cinq corps differents, qui ſont le corps de la Terre, de l’Eau, de l’Air, du Feu, & du Ciel, qu’Ariſtote appelle cinquieſme Subſtance, quelques-vns Lumiere, & les autres Æther. Il s’en treuue auſſi pluſieurs qui appliquent les facultez des Sens eſgaux au nombre des cinq corps ſuſdits ; Comme par exemple, l’Attouchement à la Terre, pource qu’elle reſiſte. Le Gouſt à l’Eau, dautant que les qualitez des ſaueurs ſe tirent de l’humidité de la langue, pour eſtre ſpongieuſe & humide. L’Oüye à l’Air, d’où ſe forment par repercuſſion la voix & le ſon. L’Odorat de nature affamée, au Feu ; Et l’Æther, à la Clarté, pource que l’œil lumineux inſtrument de la veuë, contient en ſoy l’humeur chriſtaline, & nous fait participans des rayons Celeſtes.

L’Oüye a pour Symbole le Lievre, comme le rapporte Plutarque dans ſon quatrieſme Sympoſe question quatrieſme, où il dit qu’en matiere d’Oüye cét animal ſurpaſſe les autres, & qu’à raiſon de cela les Egyptiens s’en ſeruent à dépeindre l’Oüye dans leurs Figures Hyeroglifiques.

Les meſmes Egyptiens repreſentoient encore l’Odorat par le Chien, comme en effet il n’eſt point d’animal qui ait meilleur nez que celuy-cy, qui par vn inſtinc naturel ſçait diſcerner les eſtrangers d’auec les domeſtiques, & ſent par où a paſſé la beſte qu’il va relancer iuſques dans ſon fort. Ces trois Sens que nous venons d’expliquer ne ſont pas communs à tous les animaux ; car il eſt certain que les vns naiſſent aueugles & ſans yeux, les autres ſourds & ſans oreilles, les autres ſans narines & ſans odorat, bien que neantmoins on treuuve que les poiſſons qui n’ont ny l’vn ny l’autre, ne laiſſent pas d’oüir & de flairer. Ariſt. l. 3. de an. c. 13. Mais quant aux deux derniers des cinq Sens, Ariſtote dit, que tous les animaux parfaits les poſſedent. L’Homme les ſurpaſſe tous en ce qui eſt du gouſt & de l’attouchement, mais en ce qui regarde les autres Sens, il leur eſt inferieur. Comme en effet il eſt certain que l’Aigle void plus clairement que luy, Pline remarque à ce propos que le Vautour eſt celuy des oyſeaux qui a l’odorat meilleur, que la Taupe, quoy que couuerte de terre, ne laiſſe pas d’oüir fort bien ; Et que l’Huiſtre eſt priuée de tout autre Sens, à la reſerue de l’attouchement : opinion que l’on peut reietter, & dire qu’elle joüit du gouſt en quelque maniere, ſi il eſt vray, comme l’on tient qu’elle ſe repaiſſe de roſée.

Pour ce qui appartient au Gouſt, il eſt à croire qu’il ſe treuue en tous les animaux, puis qu’il n’en eſt point qui ne ſe nouriſſent de viandes & de ſaueurs. Ce qui n’empeſche pas toutefois que Pline n’ait dit, qu’aux derniers confins de l’Inde, vers la Riuiere du Gange, naiſſent ſans bouches certains peuples appellez Aſtons, qui ne mangent & ne boiuent point, mais viuent ſeulement des odeurs qu’ils attirent par les narines. A raiſon de quoy, quand ils ont à faire quelque long voyage, ils portent touſiours en main des racines, des fleurs & des pommes ſauuages, afin qu’ils ayent touſiours dequoy flairer, & par conſequent dequoy ſe nourrir. Mais quoy qu’il en ſoit, tels Monſtres que la Nature produit, ne peuuent gouſter les alimens puis qu’ils ſont ſans bouche. Le pourceau gouſte tout, iuſques à la boüe meſme & aux plus ſales ordures. Mais ces choſes que nous laiſſons à part, puis qu’elles procedent d’vn effet de gourmandiſe, & ne parlons non plus des oyſeaux à long col, tels que la Gruë & l’Onocrotale ſemblable au Cygne, puis qu’ils ſont auſſi de vrais Symboles d’vn appetit gourmand & tout à fait deſreglé. Teſmoin Phyloxene fils d’Erixide qui ſe plaignoit contre la Nature de ce qu’elle ne luy auoit donné le col d’vne Gruë pour pouuoir plus à loiſir & plus longtemps gouſter le vin, & ſauourer les viandes. Mais d’ ’autant que nous voulons éuiter icy les Hyeroglifes qui regardent le vice, nous prendrons pour vray Symbole du Gouſt le Faucon, oiſeau qui l’a ſi bon, qu’au rapport de S. Gregoire, quelque faim qu’il ait, il aime mieux l’endurer, que ſe repaiſtre de charongnes ou de chair pourrie.

Il n’eſt pas hors de propos que nous rapportions icy quelque choſe touchãt la langue, pource que tous ne luy attribuent pas le ſens du Gouſt, mais les vns au palets ſeulement, les autres à la langue ſeule, & les autres à tous les deux. Ciceron dans ſon Liure de la nature des Dieux, ſemble ne la rapporter qu’au palets, quand il dit qu’Epicure pour y eſtre trop adonné, ne ſe ſoucioit point des choſes qui regardoient le Ciel.

Quintilien vſe encore de cette meſme façon de parler, & Horace Lib. 15. cap. 8. pareillement dans la ſeconde de ſes Epiſtres, comme auſſi Fauorin dans Aulegelle.

Les autres attribuent le Gouſt autant à la langue qu’au palets, quand ils diſent que ce Sens-là reçoit les faueurs de l’vn & de l’autre enſemble. Ce qui eſt particulierement le ſentiment de Lib. 11. cap. 37 Pline.

Mais quelques-uns, à l’opinion desquels nous nous tenons, mettent le Gouſt en la langue tant ſeulement, du nombre deſquels eſt Lactance Firmian, qui veut qu’on ſauoure les viandes, par les parties les plus tendres de la langue. A quoy ſe Hiſt. animal. lib. 1 cap. 11. rapporte encore ce qu’en dit Ariſtote. I’obmets que certains Philoſophes font conſister l’organe & l’origine du Gouſt en vne petite peau qui eſt ſous la langue, & ſous vne certaine chair ſpongieuſe & poreuſe, qui eſt en la ſurface de la langue meſme. Ce qui fait qu’Ariſtote remarque qu’il y a quelques animaux qui n’ont point de langue, & qui ne laiſſent pas pourtant de gouſter les alimens par leur palets ſpongieux & charnu.

Quant à l’Attouchement, c’eſt choſe certaine qu’il eſt commun à tous les animaux, quand meſme ils ſeroient priuez de

tout autre Sens. Luy-meſme auſſi, ſelon Ariſtote, s’eſpand par tout le corps, lequel, par le moyen de l’attouchement, reçoit & ſent les puiſſances des choſes touchées. Il a pour objet les premieres qualitez, qui ſont le froid, l’humide, le chaud, & le ſec. Comme encore les qualitez ſecondes, à ſçauoir le mol, le dur, les choſes peſantes, les legeres, les douces, les rudes, & les picquantes. Ores bien qu’il ſoit vray, comme ie viens de dire, que l’attouchement s’eſtend par tout le corps, ſi eſt-ce qu’il conſiſte principalement aux mains, auec leſquelles nous touchons & prenons les choſes. Voila pourquoy nous l’auons repreſenté par la figure du Synge, qui approche fort de celle de l’Homme, ſur tout en ce qui eſt des doigts, des mains & des ongles dont il ſe ſert pour toucher & prendre les choſes, imitant en cent façons les actions humaines. A raiſon dequoy Miniſtum appelloit ordinairement Synge le Batteleur Calipides, à cauſe des tours de ſouppleſſes, & de paſſe-paſſez qu’il faiſoit auecque les mains, à la maniere des Chats & des Sinocephales.

Quoy que nous n’ayons fait qu’vn image des Sens du corps, dans lequel il faut neceſſairement qu’ils ſe trouuent tous reſerrez, puiſque l’vn venant à manquer, les autres ſe trouueroient imparfaits & ſans harmonie, comme vn inſtrument de muſique qui n’auroit point de cordes ; Cela n’empeſche pas neantmoins, qu’on ne puiſſe repreſenter encore chaque Sens en particulier. Comme par exemple, on peut attribuer à la Veuë pour Symbole vne guirlande ou vn bouquet Lib. 39. de Fenoüil, à cauſe que cette herbe eſclaircit les yeux, & qu’elle en diſſipe les nuages. Ce qui fait remarquer à Pline, que les Serpens ſe frottent les yeux de ſon ſuc pour recouurer la veuë quand ils l’ont preſque perduë. A l’Oüye, vn rameau de Myrthe, pource que l’huile qui eſt tiré de ſes fueilles purge les oreilles, ſi on y en diſtile dedans. A l’Odorat la Roſe, d’autant qu’elle est la plus odorante des fleurs. Au Gouſt vne Pomme ; & à l’Attouchement vne Hermine ou vn Heriſſon, pour en denoter les ſecondes qualitez differentes, qui ſont le Rude & le Doux, la premiere eſtant douce naturellement, & l’autre picquante. domine entierement la chaleur, qui, pour eſtre cauſe de la ſeichereſſe, eſt repreſentée par la flamme de ſon Eſcu.

Il a le teint jaune, & fait voir par là que la couleur du viſage eſt bien ſouuent vne marque qui manifeſte l’humeur du corps. D’où il aduient que par le teint blanc eſt demonſtré le phlegme, par le paſle ou le jaune la colere, par le rouge meſlé de blanc l’humeur ſanguine, & par la couleur ſombre & qui tire 4. de ſanit. tuen. ſur le noir, la melancolie, comme le remarque Galien.

Son viſage eſt effroyable & furieux, à cauſe que la colere, comme dit Ouide, produit ordinairement ſes effets.

Le viſage eſt enflé par elle,
Les veines noirciſſent de ſang,
Le feu rougit dans ſa prunelle,
La bile luy picque le flanc.

Son action repreſente celle d’vn Homme fougueux, & qui pour la moindre poinctille eſt touſiours preſt à ſe battre.

On le peint jeune & tout nud auecque ſon Eſcu par terre, pour monſtrer que la force de ſa paſſion l’aueugle ſi fort qu’il oublie ce qui le peut conſeruer, & s’expoſe temerairement à In Troad. toutes ſortes de dangers, ainſi que le remarque Seneque.

Les jeunes gens pleins d’inſolence
Suiuent leur premier mouuement,
Et peuuent difficilement
S’arreſter dans leur violence.

A quoy ſe rapporte à peu prés le dire d’Auicenne, que les actions qui ſe font meurement ſont les vrays ſignes d’vn temperament parfait ; comme au contraire celles qui s’executent ſans conſeil & par impetuoſité, ſont des marques de peu de ſens & de beaucoup de chaleur.

Quant au Lyon qui le ſuit, il eſt mis icy pour vn Symbole de la colere, veu que ſelon Alciat,

Ce Roy des animaux quand quelqu’vn le deſpite
Bat ſes flancs de ſa queuë, & lui-meſme s’irrite.

Par le Lyon neantmoins, il eſt demonſtré que les Hommes de complexion colerique, ont ie ne ſçay quoy de magnanime & de ſi genereux, qu’à force de l’eſtre ils en deuiennent ſouuent

prodigues.

Le Sangvin.


CE jeune Garçon qui nous le repreſente, a les cheueux blonds, le viſage replet, & le teint meſlé de blanc & de rouge. Il paſſe ſon temps à joüer du Luth ; Et du coſté de cette Figure ſe void vn Mouton qui broute vne grappe de raiſin, & de l’autre vn Liure de Muſique ouuert.

Le Sanguin eſt peint auec vn viſage riant, dautant que ſelon Hypocrate, il arriue d’ordinaire qu’en ceux qui abondent d’vn ſens parfaitement temperé, s’engendrent des eſprits vitaux, ſubtils & purs, qui produiſent la joye & les ris. D’où il s’enſuit que telles perſonnes ſont ordinairement de belle humeur, & qu’elles ne demandent qu’à joüer & à ſe diuertir.

Lib. 2 de temp. c 9. Son embompoint, ſelon Galien, ſignifie, que de la vertu qu’on appelle aſſimulatiue, qui predomine aux Sanguins, naiſt l’habitude des corps charnus & replets.

On luy attribuë le teint vermeil meſlé de blanc, dautant que ſelon Auicenne, cette couleur marque vne abondance de ſang. Aphoriſ. 2. comment. 1. Ce qui fait dire à Galien, que l’humeur qui predomine au corps colore la chair.

Quant au Mouton qui broute vne grappe de raiſin, cela ſignifie que le Sanguin eſt grandement adonné au plaiſir de Venus & de Bacchus ; pource que le Mouton, comme le remarque Lib. 107. Pierius Valerian, eſt grandement enclin à la luxure, & qu’icy le raiſin eſt pris pour Bacchus qui le produit. Où il faut remarquer auec Ariſtote, que ceux de complexion ſanguine ſont particulierement enclins à l’amour, à cauſe qu’ils abondent en ſemence plus que les autres ; comme il ſe peut voir par la deſcription qu’en fait l’Eſcole de Salerne.



Le flegmatiqve.


ON le figure par vn Homme gras & replet, ayant le teint blanc, & vne robbe fourrée de peau de Blerreau ; Outre qu’il tient les deux mains dans ſon ſein, & qu’à ſes pieds ſe void vne Tortuë.

Il eſt gras & replet, pource que de la meſme ſorte que la ſeichereſſe du corps procede de la chaleur, la repletion & la graiſſe ſont cauſes, ſelon Galien, d’vn excez de froideur & d’humidité ; On l’habille de la fourrure d’vn Blerreau, pour monſtrer que le Flegmatique n’eſt pas moins pareſſeux ny moins aſſoupy que cét animal. Ce qui procede de ce qu’il n’a que fort peu d’eſprits, encore ſont-ils eſtouffez par la froideur extraordinaire qui predomine en luy. D’où il arriue que les Flegmatiques ne ſont guere propres à l’eſtude, à cauſe qu’ayant l’eſprit émouſſé, ils ne peuuent comprendre rien de ſublime & de grand. Ce qui eſt encore donné à connoiſtre par la Tortuë, qui ne marche que peſamment & à pas tardifs.


Le melancoliqve.


IL a le teint baſanné, tient de la main gauche vn Liure ouuert comme s’il vouloit eſtudier, & de la droite vne Bourſe liée, auec vn Paſſereau ſolitaire ſur le haut de ſa teſte, vne bandelette qui luy ſerre la bouche, & ſous ſes pieds vne figure quarrée.

La bandelette ſignifie que le Melancolique ne parle pas beaucoup, pour eſtre d’vn naturel froid & ſec ; comme au contraire la chaleur rend les hommes babillards.

Il tient vn Liure ouuert, pource que les gens de cette complexion s’addonnent volontiers aux bonnes Lettres, & que pour y vacquer plus commodément ils recherchent la ſolitude. Ce qui fait dire à Horace,

Que tous les Eſcriuains & de Proſe et de Vers
Preferent à la Cour les champs et les deſerts.

Auſſi eſt-ce pour cette meſme raiſon qu’on met ſur la teſte du Melancolique vn Paſſereau ſolitaire, qui s’eſcarte ordinairement des autres oyſeaux.

Quant à la Bourſe fermée, elle demonſtre que les Melancoliques ſont peu genereux & grandement auares.

Ivstice. Ivstice Inviolable.

Ivstice Rigovrevse. Ivstice Divine.


Diverses iustices.

C’est l’opinion de Platon, que rien ne peut eſchapper aux yeux de la Iuſtice, & qu’à raiſon de cela les anciens Preſtres des Egyptiens, diſoient que par la force de ſa veuë elle penetroit dans le fonds de toutes choſes. De là vient auſſi qu’Apulée jure par l’œil du Soleil & de la Iustice enſemble, pour monſtrer que l’vn eſt auſſi clair-voyant que l’autre. D’où il nous eſt enſeigné pareillement quels doiuent eſtre les Minisſtres de la Iuſtice. Car il faut qu’il y ait en eux certains rayons par le moyen deſquels ils deſcouuvrent la verité en quelque lieu qu’elle ſoit cachée, & qu’à la façon des Vierges les plus chaſtes, ils ſoient exempts de toute ſorte de paſſion, ſans ſe laiſſer corrompre iamais ny par preſens, ny par flatteries. A raiſon dequoy nous pouuons dire que la Iuſtice eſt vne habitude ſuiuant laquelle l’Homme iuſte diſtribuë le bien & le mal entre ſoy-meſme & les autres, ſelon les qualitez ou les proportions Geometriques.

L’on peut rapporter à cecy que pour figurer la Iuſtice & l’integrité de l’ame, les Anciens auoient pour Symboles vne Eſguiere, vn Baſſin, & vne Colomne, comme il ſe verifie par pluſieurs tombeaux de marbre, & par diuerſes antiquitez, d’où vient que l’ingenieux Alciat dit dans ſes Embleſmes,

Qu’il faut que le bon Iuge ait l’ame & les mains pures,
S’il veut punir le crime & vanger les injures.

Tout ce que ie viens de dire parlant generalement de la Iuſtice, eſt icy repreſenté par ſa premiere Figure, qui eſt celle d’vne belle Vierge couronnée, couuerte d’vne robe d’or, & qui porte à ſon col vn riche Ioyau, pour nous enſeigner que cette vertu eſt ineſtimable, & la plus precieuſe de toutes les choſes du monde.


Ivstice inviolable.

Elle a pour Embleſme vne Dame majeſtueuſe, qui porte ſur la teſte vne Couronne Royale, vne Balance d’ve main, & vne Eſpée de l’autre ; joint qu’à ſes coſtez vn Chien & vn Serpent ſe font remarquer.

Sa Couronne ſignifie qu’elle eſt la Reine des Vertus.

Son Eſpée nuë & droite, qu’il faut qu’elle ſoit touſiours preſte à punir les vices.

Sa Balance, qu’il eſt de ſon deuoir de pezer les bonnes & mauuaiſes actions.

Le Chien qui la ſuit, qu’elle ſe doit porter fidellement à aimer la Vertu. Et le Serpent, qu’elle eſt obligée de haïr le vice, comme vn venin contagieux et mortel.


Ivstice rigovrevse.

Elle ne ſçauroit eſtre mieux peinte qu’elle eſt icy ſous la forme d’vn Squelet couronné, couuert d’vn drap blanc, & qui de la main droite s’appuye ſur vne Eſpée, & de la gauche tient vne Balance.

Par cette effroyable image il nous eſt enſseigné que le Iuge rigoureux ne pardonne point les fautes commiſes quelques excuſes qu’alleguent les criminels ; En cela ſemblable à la mort, qui ne ſe laiſſe point fleſchir par prieres, & n’a point d’égard aux perſonnes de quelque qualité qu’elles puiſſent eſtre.


Ivstice divine.

Son image eſt celle d’vne Dame de ſinguliere beauté. Elle a ſur ſa teſte qui eſt couronnée, vne Colombe reſplendiſſante, vne robe tiſſuë d’or, les cheueux eſpars, le regard modeſte, tenant de la main droite vne Eſpée flamboyante, & de la gauche vne Balance.

Par la Robe d’or eſt ſignifiée le luſtre éclattant de cette Iuſtice.

Par ſa Couronne, que ſon pouuoir eſt abſolu ſur toutes les puiſſances du monde.

Par la Balance, que la Iuſtice Diuine regle toutes les actions des humains ; Et par l’Eſpée, qu’elle punit ceux qui ont failly.

Pour le regard de la Colombe, c’eſt la figure du S. Eſprit, qui eſt la troiſieſme perſonne de la tres-ſaincte Trinité, & vn parfait lien d’amour entre le Pere & le Fils, par lequel Eſprit la Iustice diuine ſe communique à tous les Princes du Monde.

Cette meſme Colombe eſt blanche & reſplendiſſante, pource qu’entre les qualitez viſibles, celle-cy paſſe pour la plus excellente.

Ses Cheueux eſpars ſont des Symboles des graces qui viennent de la bonté du Ciel, ſans offence de la Iuſtice Diuine, dont elles ſont des effets qui luy appartiennent proprement & luy ſont du tout conuenables.

Cette Dame au reſte a les yeux eſleuez au Ciel, & dédaigne la terre, comme vne choſe traop rauallée, n’y ayant rien icy bas qui puiſſe eſtre au deſſus d’elle.

Concorde conivgale. Concorde pacifiqve.

Concorde invincible. Concorde militaire.


Diverses concordes.


PAr la Concorde ſe doit entendre l’vnion mutuelle de pluſieurs perſonnes qui viuent & conuerſent enſemble, auec tant de bonne correſpondance qu’ils ne ſe contrediſent iamais dans leurs volontez. Ce qui me fait croire qu’elle ne peut auoir de Symbole plus conuenable qu’vn faiſſeau de verges eſtroittement liées, chacune deſquelles eſt foible ; mais ſi on les ioint toutes, elles deuiennent extremement fortes. Auſſi eſt-il vray que par l’vnion, les actions des hommes s’affermiſſent puiſſamment, comme le In bel. Jugurt. remarque Saluſte, où il dit, que par la Concorde les petites choſes prennent accroiſſement, comme au contraire le diſcord

fait décroiſtre les plus grandes.

Concorde conivgale.


ON la repreſente par vn jeune Homme qui eſt à la main droite d’vne Femme. L’vn & l’autre veſtu de pourpre, n’ayant qu’vne meſme chaiſne qui les eſtreint, ny qu’vn meſme cœur que l’vn & l’autre tient dans la main.

Cela ſignifie que le mariage eſtant vn effet d’amour, entre l’Homme & la Femme, a eſté inſtitué par les Loix diuines, qui veulent que les perſonnes mariées ſoient inſeparables juſques à la mort.


Concorde pacifiqve.


ELle a pour Embleme vne belle Femme couronnée d’vne branche d’Oliuier, tenant d’vne main vn Vaſe plein de feu, & de l’autre vne Corne d’Abondance.

L’Oliuier eſt vn Symbole de paix, comme le feu en eſt vn autre d’amour & d’ardente charité.

Quant à la Corne d’Abondance, elle eſt icy miſe pour monſtrer que la Concorde enrichit les Eſtats, qui par elle-meſme joüiſſent des biens & des fruicts ſouhaittables qu’apporte ordinairement la paix.


Concorde invincible.


C’Est auec grande raiſon qu’on nous la figure par vn Gerion armé qui a trois viſages, la teſte enuironnée d’vne Couronne d’or, ſix bras, & autant de jambes. Il tient vne Lance de la main droite, de l’autre vne Eſpée nuë, & de la troiſieſme vn Sceptre. Où il eſt à remarquer que ſes autres trois mains du coſté gauche, ſont toutes poſées ſur vn Bouclier.

Ce Gerion, ſelon quelques-vns, eſtoit vn Roy d’Eſpagne, duquel on feignoit qu’il auoit trois corps, pource qu’il poſſedoit trois Royaumes, leſquels il perdit auecque la vie par la

La veve. L’ovie.

L’odorat. Le govst.

L’atovchement.

La veve.


ELle a pour Symbole vn ieune Homme, qui tient vn Vautour de la main droite (car s’eſtoit l’oiſeau que les Egyptiens luy attribuoient, au rapport d’Orus Apollo.) & de la gauche vn miroir, auec vn arc en ciel derriere elle.

Le miroir ſignifie, que cette illuſtre qualité n’eſt autre choſe qu’vn emprunt que fait noſtre œil, qui eſt reſplendiſſant comme vn miroir, ou diaphane comme l’Eau, des formes viſibles des corps naturels, dont elle ſe rend ſuſceptible comme vn miroir, pour le communiquer au Sens commun, & du Sens commun à la fantaiſie ; bien que le ſuccez en ſoit faux aſſez ſouuent. Et c’eſt d’où procedent les difficultez qui ſe rencontrent aux ſciences, & aux connoiſſances qui appartiennent à la diuerſité des choſes. Auſſi eſt-ce de là qu’Ariſtote iuge de l’excellence de ce meſme Sens, & d’où pareillement il infere, qu’auec plus de facilité que les autres, il ouure vn chemin aux ſecrets de la Nature, enſeuelis dans la ſubſtance des choſes meſmes, que l’Entendement met apres au iour par diuers moyens.

Adjouſtez à cela, comme i’ay dit cy-deuant, que par le Vautour eſt denotée la ſubtilité de la veuë, & par l’arc-en-ciel, la diuerſité des couleurs qui ſont les objets des yeux.


L’ovye.


ELle nous eſt repreſentée par vne Femme, auprés de laquelle eſt couchée vne Biche, & qui tient vn Luth de la main droite, & de la gauche vne oreille de Taureau.

Par le Luth eſt ſignifié la douceur de l’harmonie, de laquelle on ne ſçauroit iamais bien iuger ſi on n’a l’oreille bonne.

Par la Biche, la ſubtilité de ce merueilleux ſens, qui eſt ſi particuliere à cét animal, qu’à la moindre fueille que le vent eſbranle il prend la fuite, & a touſiours l’oreille alerte.

Par l’oreille de Taureau, qu’il faut oüir ſoigneuſement & auec vne diligence tres-particuliere, ce qui eſt neceſſaire à la durée & à la conſeruation de nous meſmes. Suiuant cela quand les Egyptiens vouloient dépeindre l’Oüye, ils la figuroient par l’oreille du Taureau, qui l’a toûjours preſte, & tenduë aux mugiſſemẽs que fait la geniſſe toutes les fois qu’elle eſt en amour.


L’odorat.


SA peinture eſt celle d’vn ieune Garçon, qui tient vn Vaſe de la main gauche, & de la droite vn Bouquet ; outre qu’à ſes pieds ſe void vn chien de chaſſe qui les ſuit par tout, & qu’il a ſa robe ſemée de toutes ſortes de fleurs.

Le Bouquet ſignifie l’odeur naturelle, le Vaſe celle que l’on tire des liqueurs par l’art de la diſtillation.

Quant aux fleurs de ſa robbe, & au chien de chaſſe qui l’accompagne, ce ſont choſes qui n’ont point beſoin d’explication, puis qu’on ſçait aſſez que l’vn & l’autre ſont les Symboles de l’Odorat.


Le govst.


IL eſt repreſenté par vne Femme, qui de la main gauche tient vne Peſche, & de la droite vn Pannier remply de toutes ſortes de fruicts.

Le Gouſt eſt celuy des cinq Sens du corps, qui ſe laiſſe le plus ſouuent tromper par vne fauſſe image des choſes bonnes en apparence, mais mauuaiſes en effet, quand on y apporte de l’excez. Teſmoin les Epicuriens qui vouloient que l’on creuſt qu’il eſtoit ſalutaire au corps de s’abandonner entierement à l’yurongnerie & à la gourmandiſe, ſans ſe picquer dans le monde d’aucun aiguillon d’honneur & de vertu.

On le peint portant diuers fruicts, pource que les Anciens le prenoient pour vn Symbole du Gouſt, & particulierement la Peſche qu’on luy fait tenir pour cette meſme raiſon.


L’attovchement.


IL a pour Symbole vne Femme dont le bras droit eſt tout nud, & ſur la main gauche de laquelle vn Faucon eſtend les aiſles. Ioint qu’à ſes pieds eſt vne Tortuë, fiture hyeroglifique de l’Attouchement, cõme le Faucon en eſtoit vn autre, ainſi que nous auõs dit cy-deuant.

Le coleriqve. Le sangvin.

Le flegmatiqve. Le melancoliqve.


Les qvatre complexions de l’homme.


Le coleriqve.


VOvs le voyez icy repreſenté par vn ieune Homme maigre, qui a le teint jaunaſtre, le regard furieux, le corps tout nud, & l’eſpée à la main, en action d’en vouloir battre quelqu’vn. En l’vn de ſes coſtez ſe void vn Eſcu, auec vne grande flamme au milieu, & en l’autre vn Lyon irrité qui l’accompagne par tout.

Lib. 4. aph. com. 6. Il eſt maigre, pource qu’au rapport de Galien, en luy vaillance d’Hercule : mais ceux qui en parlent vray-ſemblablement, diſent que par ce Gerion ſe doiuent entendre trois Freres, qui viuoient enſemble dans vne ſi bonne intelligence qu’ils ne ſembloient eſtre qu’vne ſeule perſonne.


Concorde militaire.


ELle eſt armée en Pallas, tenant de la main droite vne Lance, & de la gauche pluſieurs Serpens, pour monſtrer par là, qu’elle eſt touſiours preſte de ſe deffendre ſoy-meſme par les armes, & à nuire aux autres par le venin que la colere produit.

Cette meſme Concorde ſe void encore repreſentée dans vne Medaille de l’Empereur Nerua, par vne Femme qui de la main droite tient vne pointe de Nauire, ſur qui ſe void vne Enſeigne militaire, au milieu de laquelle on peut remarquer le Hyeroglife de la Foy, à ſçauoir deux mains qui s’entretiennent, auecque ces mots, Concordia exercituum.

I’obmets qu’en vne autre Medaille, elle eſt peinte aſſiſe & tenant deux Cornes d’Abondance, pour ſignifier que le repos eſt vn des principaux effets de la Concorde, & qu’elle-meſme conſerue les Royaumes en les comblant de toutes ſortes de biens, comme au contraire M. de Malher.

  La Diſcorde aux crains de couleuure
Peſte fatale aux Potentats,
Ne finit ſes tragiques œuures
Que par la perte des Eſtats.
  D’elle naſquit la frenaiſie
De la Grece contre l’Aſie,
Et d’elle prirent le flambeau
Dont ils deſolerent leurs terres
Ces deux Freres, de qui les guerres
Durerent iuſques au tombeau.

Bonne fortvne. Fortvne en amovr.

Mavvaise fortvne. Fortvne d’or.


Diverses fortvnes.


QVelqves-vns appellent Fortune cette vertu dite operatrice, par le moyen de laquelle les Eſtoilles par leurs influences font agir diuerſement les humeurs & la nature des hommes, en eſbranſlant l’appetit ſenſitif, & meſme le raiſonnable, ſans le forcer neantmoins, & ſans qu’en ſon operation il y ait aucune ſorte de violence. Mais nous prenons icy la Fortune pour cét euenement caſuel qui ſe peut rencontrer dans les choſes, qu’on void rarement aduenir contre l’intention de l’agent. D’où arriue la pluſpart du temps ou beaucoup de bien, ou beaucoup de mal aux hommes, qui pour n’auoir pas l’eſprit de comprendre que rien ne ſe peut faire icy bas ſans l’intention de quelque agent, ſe font accroire follement qu’vne imaginaire Deeſſe qu’on nõme Fortune produiſent ces effets qu’ils diſent ne deſpendre que d’elle. Tous les Autheurs nous l’ont peinte aueugle, pour monſtrer qu’elle traitte indifferemment tous les hõmes, en les haïſſant ou les aiment comme bon luy ſemble, & qu’en vn mot c’eſt fortuitement qu’elle les oblige ou deſoblige. D’où il n’aduient que trop ſouuent qu’elle fauoriſe ceux qui meriteroient mieux des ſupplices que des recompenſes ; Et qu’au contraire elle rend miſerables ceux que leurs propres merites deuroient rendre bien-heureux. Mais apres tout, il faut aduoüer, contre l’opinion de ces Payens, qui eſt ſuiuie encore aujourd’huy du vulgaire ignorant, que la Diuine Prouidence, comme nous Lib. 3. contra gentes. cap. 91. l’enſeigne S. Thomas, regle & gouuerne elle ſeule toutes les choſes du monde.


La bonne fortvne.


DAns vne Medaille d’Anthonin Geta, elle ſe void peinte aſſiſe, & s’appuye du bras droit ſur vne roüe, tenant de la main gauche vne Corne d’Abondance. Ce qui n’a pas beſoin d’vne plus ample explication, puis qu’il ſe void clairement que l’vn eſt vne marque de ſa legereté, & l’autre des biens, dont elle eſt prodigue.

Il faut adjouſter icy qu’au lieu de la Roüe, quelques-vns luy mettent en main vn Globe celeſte, par où il eſt demonſtré que comme le Globe eſt dans vn continuel mouuement, la Fortune de meſme n’a iamais de repos, mais changeant de face à toute heure, tantoſt elle abaiſſe les vns, tantoſt elle prend plaiſir à eſleuer les autres.


Fortvne d’amovr.


ELle eſt peinte en Femme de bonne mine, qui de la main droite tient vne Corne d’Abondance, & careſſe de la gauche vn Cupidon qui ſe joüe à l’entour d’elle. Ce qui ne peut s’entendre autrement que des faueurs dont la

Fortune fait part aux Amants.

Mavvaise fortvne.


ELle paroiſt icy ſous la figure d’vne Femme, expoſée dans vn nauire qui n’a ny mats ny tymon, & dont les voiles ont eſté toutes rompuës par la violence des vents.

Par le Nauire ſe doit entendre la vie humaine, durant laquelle il n’eſt point d’homme qui ne taſche d’aborder à quelque port aſſeuré.

La voile & le mats rompus, ſont les Symboles du peu de repos qu’il y a dans le monde, où les hommes ſont touſiours battus de quelque orage, qui n’arriue le plus ſouuent que par la mauuaiſe conduite.


Fortvne d’or.


ELle ſe void dans vne ancienne Medaille de l’Empereur Adrian, repreſentant vne belle Femme, auec des aiſles au dos, & couchée tout de ſon long, auec vn tymon à ſes pieds.

Par cette Fortune ſe doit entendre celle dont il eſt fait mention dans l’Hiſtoire de quelques Empereurs, qui en auoient ordinairement l’image dans leur chambre durant le cours de leur vie & de leur Empire.

A ces Figures de la Fortune, l’on en peut adjouſter encore deux autres.

La premier eſt celle de la Fortune Pacifique, tirée d’vne Medaille d’Anthonin le Debonnaire, repreſentant vne belle Femme debout, qui de la main droite s’appuye ſur vn tymon, & tient de la gauche vne Corne d’Abondance, auec ces mots Fortvna obseqven. et S. C. Cette Medaille fut frappée à Rome ſous le quatrieſme Conſulat d’Anthonin, & à ſon honneur, ſes ſauorables ſuccez eſtant demonſtrez par les lettres d’alentour, qui ſignifoient que la Fortune auoit eſté non ſeulement fauorable, mais obeïſſante à ce Prince.

La ſeconde Figure reſſemble à peu prés à la premiere, veu qu’elle eſt d’vne Femme qui s’appuye de meſme ſur vn tymon, & qui tient vne branche de Laurier ; pour nous apprendre qu’elle donne les Triomphes & les Victoires à qui elle veut.

Force. Force d’esprit et de corps.

Force et prvdence. Force de covrage.


Diverses forces.


LA Force eſt icy dépeinte en Femme guerriere, deuant qui ſe preſente vn Lyon irrité, dont elle ſouſtient courageuſement l’effort, & hauſſe le bras pour l’aſſommer auec ſa maſſuë. Ce qui n’eſt pas vn petit effet, puis qu’il n’eſt point d’animal qui ait plus de force & d’adreſſe enſemble ue le Lyon.

Force d’esprit et de corps.


IL ſeroit difficile de le mieux dépeindre qu’elle eſt icy, par l’image de Pallas, qui preſide aux Armes. A cauſe dequoy elle a l’Eſpée au coſté, vn Heaume ſur la teſte, vne lance en la main droite, & en la gauche vn Bouclier, au milieu duquel ſe void vne maſſuë, telle à peu prés que celle d’Hercule.


Force et prvdence ensemble.


L’Vne & l’autre ſont repreſentées par vn ieune Guerrier armé à l’antique, ayant ſur la teſte vne Couronne de Laurier, auec ce mot pour deuiſe His Frvgibvs. En la main gauche vn Bouclier, & en la droite vne Eſpée nuë entrelaſſée d’vn Serpent.

Le Laurier & la Deuiſe qu’il porte, monſtrent que la victoire eſt ordinairement le fruict de celuy qui eſt valeureux & prudent. Et le Bouclier, qu’il n’eſt point d’atteintes, quelques rudes qu’elles ſoient, qu’il ne repouſſe courageuſement. Ce qui eſt encore ſignifié par l’Eſpée nuë qu’il tient toute droite, & où le Serpent eſt mis pour Symbole de la vraye Prudence ; comme il ſe remarque dans les ſainctes Lettres.


Force de covrage.


COmme il y a diuers degrez en toutes choſes, cela ſe remarque particulierement en la Force, qui eſt ſuſceptible, & de plus & de moins. Mais ie ne penſe point qu’il y en ait de plus conſiderable que celle qui procede de la grandeur du Courage, & des entrepriſes qui ſont veritablemẽt heroïques. Cét Embleme en eſt vne preuue, repreſentant vne Femme reſoluë, ayant vn morion ſur la teſte, vne maſſuë en la main gauche, & en la droite vne Toiſon, qui tous deux enſemble nous remettent en memoire les actions memorables des Monſtres, & la conqueſte que fit Iaſon de la Toiſon d’or.

En ſuitte de ces Forces qui ie viens de rapporter, s’en rencontrent auſſi quelques autres. La premiere eſt celle d’Amour, repreſentée par vn Enfant tout nud, ayant des aiſles ſur les eſpaules, vn poiſſon en la main gauche, & en la droite vne guirlande de fleurs, Embleme tiré d’Alciat, qui monſtre que l’Empire d’Amour eſt vniuerſel ſur mer & sur terre.

La ſeconde a pour Hyeroglife vne Femme extremement robuſte, qui a ſur la teſte des cornes de Taureau, & à ſon coſté vn Elephant auec ſa trompe. Car, au rapport d’Orus, par ce prodigieux animal, les Egyptiens denotoient vn homme fort. Ce qui eſt encore demonſtré par les cornes du Taureau. Lib. 2. Hyeroglif. A quoy ſe rapporte ce que Ciceron dans ſon Liure de la Vieilleſſe a remarqué de Caton, auquel il fait dire, que lors qu’il eſtoit ieune il ne deſiroit point d’auoir les forces ny d’vn Taureau, ny d’vn Elephant, ſe ſeruant de l’exemple de ces deux animaux, à cauſe qu’ils ſont plus forts que les autres.

La troiſieſme Figure fait voir, qu’il faut neceſſairement que la moindre Force cede à la plus grande. Ce que les Anciens donnoient à connoiſtre par l’oppoſition de la peau de l’Hienne à celle de la Panthere ; car l’experience monſtre que l’vne fait rompre l’autre par vne ſecrette Antipatie, qui eſt le meſme effet que produiſent les plumes de l’Aigle, aupres deſquelles celles des autres oyſeaux ſe gaſtent & ſe pouriſſent.

La quatrieſme nous apprend que pour grande que ſoit la Force, elle ne peut reſiſter à la Iuſtice. Ce que Pierius Valerian, dit auoir remarqué dans vne Medaille qui fut trouuée de ſon temps, repreſentant vne Dame veſtuë en Reine, aſſiſe ſur vn Lyon, & en action de mettre la main à l’eſpée, par laquelle, ſelon le meſme Pierius, falloit entendre la Iuſtice, & la Force par le Lyon ; l’vn & l’autre en eſtant les vrayes figures hyeroglifiques.

La cinquieſme & derniere Figure d’vne Femme aagée, modeſtement veſtuë, ayant en ſa main droite vn Caducée de Mercure, & ſous ſes pieds vn Lyon, donne manifeſtement à connoiſtre, que l’Eloquence des Sages eſt ordinairement plus puiſſante que la Force des Guerriers.

Fvrevr. Fvrevr poetiqve.

Fvrevr extreme. Fvrevr indomtable.


Diverses fvrevrs.


CEt Homme, dont le viſage & l’action ne reſpirent que rage ; qui a les yeux bandez, qui ſemble lancer vn faiſſeau de duierſes armes, & qui n’eſt veſtu qu’à demy, repreſente vray-ſemblablement la Fureur & ſes effets.

Les yeux bandez ſignifient, que la fureur n’eſtant autre choſe qu’vn aueuglement d’eſprit, lors qu’elle poſſede l’homme, il eſt priué tout à fait de la lumiere intellectuelle, & qu’il fait par conſequent toutes choſes hors de raiſon & ſans les conſiderer.

Les armes diuerſes dont il embraſſe vn faiſſeau, nous enſeignent que la fureur n’a beſoin que de ſoy-meſme pour ſe ſatisfaire, & qu’elle trouue par tout & en quelque temps que ce ſoit des inſtrumens de vengeance. Auſſi eſt-ce pour vn meſme ſujet qu’on luy donne vn veſtement court, à cauſe qu’elle ne ſe ſoucie en façon du monde, ny de bien-ſeance, ny d’honneſteté.


Fvrevr poetiqve.


CEtte ſorte de fureur a pour tableau vn ieune garçon, qui a le teint vermeil & plein de viuacité, des aiſles à la teſte, auec vne couronne de Laurier, vne ceinture de Lierre, le viſage tourné vers le Ciel, & l’action d’vne perſonne qui eſcrit.

Les aiſles demonſtrent la promptitude de l’extreme viſteſſe du Genie Poëtique, qui s’eſleuant aux choſes les plus hautes rend fameux à la poſterité les faits memorables des grands hommes, & les maintient fleuriſſans durant pluſieurs ſiecles ; de meſme que le Laurier & le Lierre conſeruent leurs fueilles touſiours verdoyantes contre les efforts & les injures du temps.

Il a le teint vif & vermeil, à cauſe que la Fureur Poëtique eſt vne surabondance de viuacité d’eſprits, qui remplit l’ame de merueilleuſes penſées, & luy enſeigne à les deduire par nombres. A raiſon dequoy, comme il ſemble impoſſible que la Nature inſpire des conceptions ſi hautes, on les tient pour des dons particuliers, qui procedẽt d’vne ſinguliere grace du Ciel. Ce qui fait dire à Platon, que l’eſprit des Poëtes eſt agité d’vne diuine Fureur. Auſſi eſt-ce par elle meſme qu’ils ſe forment ſouuent dans l’idée diuerſes images de choſes ſurnaturelles, qu’ils mettent ſur le papier, & qui ſont à peine entendus, pource qu’elles contiennent ie ne ſçay quoy d’extraordinaire & de Prophetique. C’eſt la principale cauſe pour laquelle les Anciens appellent les Poëtes races du Ciel, fils de Iupiter, interpretes des Muſes, & Preſtres d’Apollon. I’adjouſte à cecy qu’il paroiſt euidemment par leurs eſcrits, que cette fureur ne s’engendre que par vn long exercice, à quoy la Nature ne peut ſuffire ſi l’art ne l’aſſiſte.

Fvrevr extreme.


CEtte fureur eſt repreſentée par vn homme armé, qui a le regard eſpouuentable, le viſage enflammé, l’Eſpée nuë en la main droite, & en la gauche vn Eſcu, au milieu duquel ſe void vn Lyon. Toutes leſquelles choſes deſcrites par Alciat dans vn Embleme qu’il en a fait, ſont de vrays Symboles d’vne fureur estreme & qui degenere en rage.


Fvrevr indomptable.


POvr la donner connoiſtre par ſes effets on peint vn Guerrier armé d’vne forte cuiraſſe, portant ſur la teſte vn Heaume, à la main droite vne Eſpée, & en la gauche vn Eſcu, où ſe void graué vn Lyon, qui de colere & de rage qu’il a, démembre ſes propres faons. Car cét animal a touſiours eſté le Symbole d’vne fureur indomptable ; principalement chez les Egyptiens. A quoy on peut adjouſter auſſi la figure d’vn Serpent, qui dans les ſaintes Lettres eſt tenu pour implacable en ſa fureur, lors qu’il darde ſes trois langues. Ce qu’il ne fait que trop ſentir par eſpreuue, quand quelqv’vn l’ayant irrité, il s’emporte à vn tel excez de rage, qu’il ne s’arreſte iamais iuſques à ce qu’il a vomy contre luy tout ce qu’il a de venin, d’où il s’enſuit quelquesfois qu’il creve quand il ne peut ſe venger.

Outre ces tableaux de la fureur, il y en a d’autres qui ne ſont pas moins conſiderables : car on la peut encore repreſenter par vn homme affreux, lequel aſſis ſur diuerſes armes, & ſur pluſieurs inſtrumens de guerre, ſemble fremir de colere & de rage, ayant les mains enchaiſnées derriere le dos.

Il y en a d’autres qui luy font tenir de la main droite vne grãde torche allumée, & de la gauche la teſte de Meduſe, ou meſme vn aſpic, à cauſe qu’il n’eſt point de fureur, ſi grande ſoit-elle, qui ſe puiſſe comparer à celle de ce Serpent, qui fait mourir de ſa morſure celuy qui le touche, & meurt luy-meſme auſſi-toſt.

Les Egyptiens ont pareillement dépeint la fureur par le Crocodyle ; d’autant que cét animal tourne ſa rage contre ſoy-meſme, quand il void qu’il a manqué ſa proye.

Polymnie. Erato.

Terpsicore. Vranie.

Calliope.

Clio. Evterpe.

Talie. Melpomene.


Les nevf mvses.


LEs Anciens les ont repreſentées ieunes, agreables & vierges, comme il ſe void dans vn Epigramme de Platon, rapporté par Diogene Laërtius. Euſebe en tire l’ethymologie du verbe Grec μνέω, qui ſignifie inſtruire aux choſes honneſtes & aux belles diſciplines. D’où vient qu’Orphée en ſes Hymnes dit qu’elles meſmes ont appris aux hommes la Religion & l’art de bien viure. Tous les Poëtes demeurent d’accord de leur nombre & de leurs noms, qui ſont, Clie, Euterpe, Thalie,

Melpomene, Polymnie, Erato, Terpſicore, Vranie, & Calliope.

Clie.


ELle eſt peinte en ieune Fille, couronnée de Laurier, tenant de la main droite vne trompette, & de la gauche vn Liure qui porte pour tiltre ce nom propre Tevcydides.

Cette Muſe eſt appellée Clie, du mot Grec κλέα qui signifie loüer, ou poſſible de κλέος, qui eſt le meſme que gloire, pour monſtrer celle que s’acquierent les Poëtes dans l’eſtime des hommes ſçauans.

On luy fait tenir le Liure de Teucydide, à cauſe que c’eſt à cette Muſe qu’on attribuë l’inuention de l’Hiſtoire. Car, comme dit Virgile, In Epigram.

Cette Fille du Ciel dans vn comble de gloire
Chante des grands Guerriers les noms & la victoire.

C’eſt elle-meſme auſſi qui les empeſche de mourir ; Et voila pourquoy on la couronne de Laurier, pource que par le moyen de l’Hiſtoire elle rend immortelles les actions des grands hommes, de meſme que le Laurier ſe conſerue touſiours verd contre les injures du temps.


Evterpe.


ON la repreſente couronnée d’vne guirlande de fleurs, & tenant à deux mains vne longue fluſte dont elle joüe, outre les clerons, les haut-bois, & tels autres inſtrumens qui ſe voyent à ſes pieds.

Euterpe, à tirer ce mot du Grec, ſignifie agreable & plaiſante, à cauſe du plaiſir, & du merueilleux contentement qu’apportent les belles Lettres.

Quelques-vns veulent que cette Muſe ſoit au deſſus de la Dialectique, & la pluſpart diſent qu’elle ſe plaiſt particulierement au ſon des fluſtes & de ſemblables inſtrumens. Ce qui fait dire à Virgile,

Qu’elle fait retentir les rochers & les eaux,
Au doux air de ſa voix & de ces chalumeaux.

Au reſte on la couronne de fleurs à l’imitation des Anciens,

qui en faiſoient touſiours des guirlandes aux Muſes.

Thalie.


ELle a le viſage folaſtre & laſcif, ſur la teſte vne guirlande de lierre, vn maſque en châque main, & des brodequins aux pieds.

L’on attribuë à cette Muſe l’inuention de la Comedie, ainſi que le teſmoigne Virgile, quand il dit, In Epigram.

Qu’elle n’aime rien tant qu’vn langage Comique.

Quant au maſque & aux brodequins qu’elle porte, c’eſt auec beaucoup de raiſon, puis qu’on ſe ſeruoit anciennement de l’vn & de l’autre dans les Comedies.


Melpomene.


CEtte quatrieſme Muſe, d’vn maintien graue, & richement veſtuë, tient de la main gauche des Couronnes & des Sceptres ioints enſemble, & de la droite vn poignard tout nud ; Elle-meſme, ſelon Virgile, inuenta la Tragedie, & ſelon Horace, l’vſage des chanſons & de la Muſique, pour auoir agreablement Lib. 10. d. 24.

Du Luth & de la voix accordé l’harmonie.

Elle a le maintien graue, pource que le ſujet de la Tragedie ſe fait remarquer auſſi par ſa grauité, que l’on fait conſiſter en vne action, que l’Hiſtoire & la Renommée ont publiée, & miſe bien auant dans la connoiſſance des hommes.

Les Couronnes, les Sceptres & le poignard qu’elle porte nud, ſont autant d’Emblemes du mal-heur ou de la bonne fortune des hommes, la proſperité deſquels aboutit ſouuent à vne extreme miſere.


Polymnie.


ON la peint ayant des perles ſur la teſte, vne robbe blanche, la main droite hauſſée en action de haranguer, & en la gauche vn rouleau où eſt eſcrit le mot Suadere.

la pierrerie & les perles qu’elle a ſur la teſte, ſont les marques des dons & des qualitez qui enrichiſſent ſon eſprit ; car ſuiuant les preceptes de la Rhetorique, elle employe l’inuention, la diſpoſition, la memoire, & la prononciation, qui ſont communes à ce bel art, faiſant voir, comme dit Virgile,

Ou par ſon action, ou meſme par ſon geſte
Ce qu’elle veut monſtrer & rendre manifeſte.


Erato.


ON la repreſente par vne Fille agreable & de belle humeur. Elle eſt couronnée de Myrthe & de Roſes, ayant en ſa main vne Lyre, en la gauche vn archet, & pres d’elle vn petit Amour auecque des aiſles, vn arc & vn flambeau allumé. Erato eſt ainſi nommée du mot Grec ἔρος, qui ſignifie Amour.

On la couronne de Myrthe & de Roſes, pource qu’elle traitte des ſujets amoureux dont cette plante & cette fleur ſont les Symboles, pour eſtre l’vne & l’autre conſacrées à la belle Vénus & à ſon fils Cupidon.

Pour ce qui eſt de la Lyre & de l’archet, tous deux ſont tres-conuenables à Erato,

Qui n’aimant que les Luths, les Vers, & les Chanſons,
Donne aux Muſes le Bal en diuerſes façons.


Terpsicore.


ELle eſt couronnée d’vne guirlande, & tient vne Harpe, au ſon de laquelle elle ſemble danſer.

Cette guirlande, comme i’ay dit cy-deuant, eſtoit ordinaire aux Muſes, & faite de plumes de diuerſes couleurs, qui ſembloient eſtre vn trophée de la victoire de ces belles Vierges ſur les Syrenes, par deſſus leſquelles elles emporterent Lib. 9 le prix à chanter, comme le remarque Pauſanias ; par où ſe void encore la punition des filles de Pierius & d’Enippe, Met. I. 5. qui ſelon Ouide furent changées en Pies.

Vranie.


ELle eſt veſtuë de couleur d’azur, couronnée d’Eſtoiles, & ſouſtient des deux mains vn grand Globe. Cette Muſe eſt dite celeſte du mot Grec κράνος, qui ſignifie le Ciel, à cauſe qu’elle y eſluë les hommes ſçauans ; Et voila pourquoy conformément à cette ſignification qui luy eſt propre, on luy donne vne Couronne d’Eſtoilles & vn Globe ſpherique :

Car elle-meſme auβi ſans nuage & ſans voiles
Connoiſt les mouuemens & le cours des Eſtoilles.


Calliope.


CEtte neuſieſme des Muſes, ieune & couronnée comme ſes compagnes, tient en ſon bras gauche pluſieurs guirlandes de Laurier, & en ſa main droite trois Liures, qui ſont l’Odiſſée, l’Iliade, & l’Æneide.

Elle a ſur la teſte vne Couronne qui doit eſtre d’or, à cauſe que, ſelon Heſiode, elle eſt la plus digne & la principale des Muſes.

Les guirlandes de Laurier qu’elle porte ſont le Symbole & la recompenſe de la Poëſie, & les trois volumes, les œuures des plus illuſtres Poëtes qui ont eſcrit en vers heroïques, dont l’inuention luy eſt attribuée par ce vers de Virgile,

Calliope deſcrit les beaux faits des Heros.

Poeme lyriqve. Poeme heroiqve.

Poeme pastoral. Poeme satyriqve.


Les qvatre poemes.


AVant que de les repreſenter particulierement par leurs Figures, il me ſemble qu’il ne ſera pas hors de propos de dire icy quelque choſe de la Poëſie en general, que pluſieurs ont repreſentée par vne belle ieune Fille, couronnée de Laurier, veſtuë d’vne grande robbe ſemée d’Eſtoilles, & qui tient de la main droite vn Cornet à boucquin, & de la gauche vne Lyre.

Elle eſt proprement, ſelon Platon, vne expreſſion des choſes diuines, inſpirées à l’entendement, par vne faueur & grace particuliere du Ciel.

Elle eſt peinte ieune & belle, à cauſe qu’il n’eſt point d’homme quelque barbare qu’il puiſſe eſtre, qui ne ſoit attiré par la force & charmé par la douceur de ſes vers.

On la couronne de Laurier, arbre touſiours verdoyant & qui eſt à couuert de la foudre, pour monſtrer qu’elle-meſme rend les hommes immortels, & les aſſeure contre les outrages du temps, qui fait oublier toutes choſes.

Sa robbe ſemée d’Eſtoilles, eſt le Symbole de ſa Diuinité, ayant pris, comme diſent les Poëtes, ſon origine du Ciel. A quoy j’adiouſte, qu’elle eſt extremement penſiue & toute enflammée par le viſage, d’autant que les Poëtes ont pour l’ordinaire l’ame pleine de prompts mouuements, & de tranſports de fureur celeſte.

Quant à la Lyre qu’on luy met en main, c’eſt pour faire voir que les nombres de la Poëſie ont vne merueilleuſe correſondance auecque l’harmonie de la Muſique ; que ſi l’on couronne les Poëtes de Laurier, c’eſt pource que leur intention n’eſt autre que de s’acquerir de l’honneur, ayant en cela meſme objet que les plus grands Capitaines, à la gloire deſquels ils ont part, tout ainſi qu’à leurs Couronnes.


Poeme lyriqve.


SA figure eſt celle d’vne ieune Femme, qui tient de la main gauche vne Lyre, & de la droite vn archet. Son habillement eſt de pluſieurs couleurs, mais agreable à voir & aſſez eſtroit, pour monſtrer que dans vne ſeule choſe, le Poëte Lyrique en reſſerre pluſieurs autres ; comme il eſt ſignifié par ces paroles Latines, Breui complector ſingula cantu. C’eſt à dire, en peu de mots ie comprends toutes choſes.


Poeme heroiqve.


ON le peint habillé Royallement, auec vn maintien graue, vne guirlande de Laurier ſur la teſte, vn Cornet à boucquin en la main droite, & ces mots à la gauche, Non nisi grandia canto, qui ſignifient

Mon chant a pour objet les choſes les plus grandes.

Poeme pastoral.


IL eſt repreſenté par vn ieune Berger, d’vne beauté naturelle & ſans fard, tenant d’vne main vne Fluſte à ſept tuyaux, & de l’autre vne Houlette, auec cette deuiſe, Paſtorum carmina ludo. Comme s’il diſoit,

Ie m’entretiens des chanſons des Bergers.



Poeme satyriqve.


ON le dépeint ſans habillement, auec le viſage d’vn rieur, vn Thyrſe en la main gauche, & vn eſcriteau en la droite, où ſe liſent ces paroles, Irridens cuſpide figo. Comme s’il vouloit dire à peu prés, ie raille & picque tout enſemble.

Renommee. Glorievse renommee.

Bonne renommee.


Diverses renommees.


LA Renommée, à le prendre en general, a pour Embleme, vne Femme veſtuë d’vn voile delié, qu’elle porte retrouſſé iuſques à my-jambes, qu’on diroit à la voir qu’elle court d’vne viſteſſe incroyable. Auſſi a-t’elle des aiſles aux pieds & au dos, & ſon habillement tout ſemé de plumes, d’yeux, de bouches, & d’oreilles. Car c’eſt ainſi que Virgile la deſcrit, quand il dit, qu’ordinairement

De ſa legereté ſa vigueur prend naiſſance.

Renommee, comme on la peint ordinairement.


ELle a deux grandes aiſles dont elle s’eſleue en l’air, vne robbe deliée telle que ie viens de la deſcrire, & deux Trompettes à la main, dont elle ſonne ordinairement, paroiſſant aſſiſe ſur les nuës. Toutes leſquelles choſes enſemble ſont aſſez claires pour faire voir que c’eſt la couſtume de ne demeurer iamais en meſme lieu, & de publier indifferemment le menſonge & la verité par tout par où elle paſſe.


Glorievse renommee.


VNe ancienne Medaille de l’Empereur Trajan la repreſente par vn Mercure, tenant de la main droite vn Caducée, & en la gauche vn Cheuval Pegaſe, qui ſemble prendre ſon vol en haut.

Cette Image de Mercure, auecque ſon Caducée, & ſes talonnieres denotent la glorieuſe Renommée, pource que ce Dieu, que les Anciens appelloient Courrier de Iupiter, excelloit en l’art de faire des meſſages, & de parler agreablement, auec vn ton de viox ſi retentiſſant qu’il ſe faiſoit oüir par tout.

Les aiſlerons de ſa teſte & ſes talonnieres, ſont les Symboles de la promptitude des paroles.

Par le Cheual Pegaſe, s’entend l’illuſtre Renommée d’Antinoüs, ſemée par tout le monde. Et par le frein de ce meſme Cheual que Mercure mene en main, il eſt demonſtré que par le moyen des paroles & de la voix, ſont eſpandus par toute la

terre les faits memorables des plus grandes hommes.

Bonne renommee.


L’On nous la figure icy par vne ieune Femme, qui tient vne Trompette de la main droite, & de la gauche vn Rameau d’Oliuier, ayant de plus des aiſles blanches, & à ſon col vne chaiſne d’or, d’où pend vn cœur pour joyau.

La Trompette ſignifie le bruit vniuerſel qui s’eſpand dans les oreilles des hommes.

Le Rameau d’Oliuier, l’integrité d’vn homme de bien, que ſes vertus rendent fameux & celebre. Car l’Oliuier & ſon fruit ſe prennent touſiours en bonne part, principalement dans les ſainctes Lettres, où il eſt dit que le nom de Noſtre Seigneur Iesvs-Christ eſt tel que l’huile eſpanduë.

I’obmets que les Anciens auoient accouſtumé de couronner Iupiter d’vne branche d’Oliuier, pour monſtrer qu’il eſtoit ſouuerainement bon ; et qu’icy le joyau en forme de cœur, eſt vn Symbole de cette meſme perfection, qui eſt encore denotée par la naïfue blancheur des aiſles, qu’on attribuë à cette Figure.

Vertv. Vertv invincible.

Vertv de corps et de covrage. Vertv heroiqve.

Diverses vertvs.


LA Vertu nous eſt repreſentée en general, par vne belle & agreable Fille, qui a des aiſles au dos, vne Picque en la main droite, en la gauche vne Couronne de Laurier, & un Soleil reſplendiſſant dans ſon beau ſein.

Elle eſt peinte ieune, à cauſe qu’elle ne vieillit iamais, & que ſa vigueur qui s’augmente de iour en iour, dure autant que la vie de l’homme.

Ses aiſles demonſtrent que la Vertu a cela de propre de s’eſleuer par deſſus le vol des perſonnes vulgaires, afin de ioüir de ces plaiſirs perdurables, auſquels prennent part les ſeuls vertueux.

Le Soleil qu’on luy donne pour Symbole, nous fait connoiſtre que cõme la lumiere vient du Ciel à la terre, auſſi eſt-ce de la Vertu, de meſme que du cœur, que procede la force de noſtre corps, puiſque c’eſt elle qui par ſa puiſsãce regle nos mouuemẽs.

Que ſi on luy donne en la main gauche, vne guirlande de Laurier, & en la droite vne Picque, c’eſt pour ſignifier par l’vn que la Vertu n’eſt iamais abbatuë par l’aduerſité, non plus que le Laurier par la foudre ; & par l’autre, qu’elle a dequoy ſe deffendre par la plus aduantageuſe des armes, que les Anciens prenoient ordinairement pour vne marque de preeminence.

D’autres ont adjouſté à cette Figure vne Corne d’Abondance pleine de diuers fruicts, à cauſe que la Vertu, quand on en ſçait bien vſer, n’abandonne iamais ceux qui la ſeruent, & qu’elle les garentit des incommoditez de la vie.

Mais la plus remarquable de ces Figures, eſt celle qu’on a tiré de la Medaille de Lucius Verus, où ſe void ſur le Cheual Pegaſe le vaillant Bellerophon, qui combat la Chymere, à laquelle il donne la mort par vn coup de javelot qu’il luy porte.

Par cette meſme Chymere, ſe doiuent entendre allegoriquement pluſieurs vices monſtrueux & difformes, qui ſont mis à mort par Bellerophon ; Comme l’a fort bien remarqué le docte Alciat dans vn Embleme qu’il en a fait, d’où il eſt encore monſtré, qu’il n’eſt point de force ſi grande ſoit-elle, dont on ne puiſſe venir à bout par la Vertu. Auſſi eſt-elle peinte agreable & belle, pource qu’elle a certains charmes qui ne manquent iamais d’attirer et de vaincre le courage des hommes.

Cette Medaille a de la conformité auec celle d’Alexandre, dans laquelle la Vertu tient d’vne main vne Lance, & de l’autre le Globe du Monde, pour nous apprendre par là qu’elle s’aſſujettit tout l’Vniuers, & qu’elle combat ordinairement le vice. A raiſon dequoy elle eſt encore repreſentée en Amazone dans la Medaille de Domitian & de Galba.


Vertv invincible.


SA peinture eſt celle d’vne Pallas, ayant vn Heaume ſur la teſte, vne Lance en la main droite, & en la gauche vn Bouclier, où ſe liſent ces paroles, Nec forte, nec fato. Ce qui ne ſignifie autre choſe, ſinon que la Vertu touſiours victorieuſe & triomphante, ne

releue aucunement de l’empire du deſtin.

Vertv de corps et de covrage.


ELle eſt repreſentée par vn Hercule tout nud, tenant ſa maſſuë d’vne main, & menant de l’autre vn Lyon & vn Sanglier qui marchent enſemble.

Par Hercule auec ſa maſſuë & ſa peau de Lyon, ſe doit entendre l’idée de toutes les Vertus ; par le Lyon la force du Courage, comme le teſmoigne Orus Apollo dans les Figures Hyeroglifiques ; & par le Sanglier, celle du Corps ; Où il eſt à remarquer que pour denoter l’vn & l’autre, Admet s’aduiſa de ioindre enſemble le Lyon & le Sanglier, ainſi que le rapporte Pierius dans vn endroit où il parle du Signe du Lyon.


Vertv heroiqve.


ELle eſt repreſentée en trois façons par trois autres figures d’Hercule, tirées des Medailles des Empereurs, dont la premiere eſt de Gordien, la ſeconde de Maximin, & la troiſieſme de Gera. La principale eſt celle d’vn Hercule veſtu de la peau d’vn Lyon, & qui d’vne main s’appuye ſur ſa maſſuë, tenant de l’autre trois Pommes d’or. Ces Pommes cueillies au Iardin des Heſperides, comprennent enſemble les trois Vertus heroïques attribuées à ce dompteur des monſtres, à ſçauoir la moderation de la colere, la haine conceuë contre l’auarice, & le meſpris des voluptez, par qui les hommes ſe laiſſent charmer.

Dans l’autre Figure le meſme Hercule tout nud s’appuye ſur la teſte d’vn Cerf ; Symbole d’vn de ſes douze trauaux ; Et en la derniere il tient ſa maſſuë hauſſée, pour en aſſommer vn Dargon. Ce qui s’entend de celuy qui gardoit les Pommes des Heſperides dont ie viens de parler. Par où nous ſommes aduertis que la Vertu ne ſe propoſant point d’autre prix que ſoy-meſme, & les biens qui l’eſleuent au Ciel, dédaignent le faux eſclat des richeſſes de la terre.

Vie active. Vie hvmaine.

Vie inqviete. Vie contemplative.

Diverses vies.


IL y a deux chemins qui conduiſent à la felicité, & peut-on bien dire qu’ils ſont diuers, ſelon que les inclinations, & les raiſons perſuaſiues ſe treuuent differentes en l’homme. Ils ſont compris l’vn & l’autre ſous les noms de vie Actiue et Contemplatiue, que Noſtre Sauueur approuua en la perſonne de Marthe & de Marie Magdelene. Or bien que celle qui eſtoit attentiue à l’action fuſt preferée, l’autre neantmoins ne laiſſa pas d’eſtre digne & de loüange & de recompenſe.



Vie active.


ON la peint en homme d’aage & robuſte, qui porte vn grand chapeau ſur ſa teſte, vne beſche en la main droite, & en la gauche vn ſoc de charruë ; par où il eſt monstré, que de tous les exercices, l’agriculture eſt le plus agiſſant & le plus neceſſaire auſſi à la conſeruation de l’homme. Ie diray à ce propos que Michel l’Ange, le plus excellent de tous les Peintres de ſon temps, repreſenta la Vie Actiue ſur le tombeau de Iules ſecond, par Lia fille de Laban, à laquelle il fit tenir vn miroir d’vne main, pour donner à connoiſtre par là que nous deuons faire vne ſoigneuſe reflexion ſur nos actions ; & en l’autre vne guirlande de fleurs, pour ſymbole des vertus qui embelliſſent noſtre vie, & la rendent glorieuſe, apres que nous ne ſommes plus au monde.



Vie hvmaine.


ON la repreſente par vne Femme veſtuë de verd, ayant ſur la teſte vne guirlande faite de l’herbe que l’on appelle Semperuiua, ou Touſiourſuiue, & au deſſus de cette guirlande vn Phenix ; outre qu’elle tient en ſa main droite vne Lyre auec vn archet, & en la gauche vne Couppe, dont elle ſe ſert à donner à boire à vn enfant.

Ce que l’on appelle viure à l’eſgard de l’homme, ſe nomme reuerdir à l’eſgard des plantes. Or eſt-il que la meſme proportion qu’il y a dans les paroles, ſe treuue encore dans les choſes qu’elles ſignifient. Ie dis donc conformément à cecy, que la vie de l’homme n’eſt autre choſe qu’vne verdure qui maintient la chaleur, le mouuement, & tout ce que les deux enſemble ont d’excellent & de beau. Comme nous voyons encore, que la verdure des plantes n’eſt pas trop mal appellée vie, qui venant à manquer, il faut que la nourriture, la chaleur, & l’embompoint manquent de meſme. A raiſon dequoy l’herbe dont cette Figure eſt couronnée, eſt dite Sempruiva : De meſme que l’aage de proſperité en l’homme ſe nomme verdure, du verbe Latin virer. Et pour cette raiſon auſſi, les hommes, principalement les vertueux, ſont appellez Viri ; Ce n’eſt donc pas ſans ſujet qu’on habille cette Figure de verd, & que pour vn ſymbole de vie l’on met ſur ſa guirlande vn Phenix, ſoit qu’il faille prendre ou pour vne Hiſtoire, ou pour vne Fable, ce que les Naturaliſtes rapportent de cét oiſeau.

Elle tient de la main droite vne Lyre, auec vn archet, ce que Pierieux Valerian veut eſtre entendu de l’ordre qui ſe rencontre dans la Vie humaine. En effet quelques-vns ayant trouué qu’il auoit en la Lyre ſept differences de voix, ont inſeré que cette meſme diuerſité ſe remarquoit dans l’eſtat dont la vie humaine eſt continuellement agitée. Et à vray dire, la ſeptieſme ſemaine apres la conception, le maſle eſt formé dans le ventre de la femme ; ſept heures apres ſon enfantement il donne des ſignes manifeſtes de vie & de mort ; Au premier ſeptenaire ſes premieres dents luy tombent, & il luy en vient d’autres plus fortes ; Au ſecond, commençant d’eſtre capable de generation, il s’achemine à la virilité. Au troiſieſme, vn poil follet luy couure le mention, & alors il ceſſe de croiſtre ; Au quatrieſme, il eſt en ſa pleine force, & dans vn parfait Lib. 7 de legib. embompoint ; Au cinquieſme, il entre dans l’aage où Platon veut qu’il ſoit marié ; Au ſixieſme, il prend le ſoin d’acquerir & de conſeruer les choſes acquiſes ; Au ſeptieſme, il diminuë de forces, mais il en augmente de raiſon & d’eſprit ; Au huictieſme, il a l’entendement ſolide au dernier point & tel qu’il le doit auoir ; Au neufieſme, il eſt traittable & obligeant envers le prochain ; Et pour concluſion, au dixieſme, il deuient ſi chagrin et ſi deplaiſant, qu’il ne demande qu’à eſtre hors du monde.

Pour le regard de l’Enfant à qui cette Femme donne à boire, cela veut dire, que ſans le breuuage & les aliments conuenables, il eſt impoſſible que la vie ſe maintienne, puiſque c’eſt la nourriture qui fortifie & conſerue la chaleur naturelle.


Vie inqviete.


POvr faire voir que la Vie mortelle eſt sujette à vne perpetuelle inquietude, il ne faut que ſe repreſenter la Figure de Syſiphe, lequel, au dire des Poëtes, ne ceſſe iamais de porter & rapporter vne groſſe pierre ſur vne haute montagne. Ce mont eſt le Symbole de noſtre vie ; Son ſommet marque la tranquillité où chacun aſpire ; & la groſſe pierre que porte Syſiphe, ſignifie la peine & le ſoin qu’vn chacun prend pour arriuer en haut.


Vie contemplative.


ON la dépeint en trois façons, premierement, par vne Femme nuë, qui eſleue au Ciel vne de ſes mains ouuerte, & tient de l’autre vn eſcriteau, où ſe liſent ces paroles tirées du Pſeaume, Mihi inhærere Deo bonum eſt, qui ſignifient qu’il eſt bon de s’attacher à Dieu.

On la repreſente en ſecond lieu, par vne autre Femme, qui a les yeux tournez vers le Ciel, d’où luy viennent des rayons de lumiere, ayant des aiſlerons ſur la teſte, la main droite haute, & la gauche baſſe.

Par ſes deux aiſles eſt ſignifiée l’éleuation de l’entendement, qui ne rauale iamais ſes penſées aux choſes baſſes & corruptibles, mais les porte touſiours en haut auec vne parfaite reſignation de ſoy-meſme. Auſſi eſt-ce pour cela qu’elle eſt peinte regardant le Ciel, d’où deſcendent ſur elle des rayons reſplendiſſans & qui l’enuironnent de toutes parts. D’où il eſt manifeſte qu’on ne peut auoir vne ame propre à la contemplation, que par vne particuliere grace de Dieu.

A ces Emblémes que ie viens de rapporter, i’en adiouſteray deux autres qui ne laiſſeront pas de plair au Lecteur, dont le

premier est de la Vie courte, & le ſecond de la longue.

Vie covrte.


ELle peut auoir pour crayon vne ieune Femme, couronnée de fleurs & de fueilles differentes, ayant graué ſur le ſein vn petit animal qui a des aiſles, & qui eſt vne eſpece de mouche, appellée des Grecs Hemerrobium. En la main droite elle tient des Roſes, auec ces mots alentour, vna dies aperit, confict vna dies, qui ſignifient

Que comme en vn ſeul iour elles s’eſpanoüiſſent,
En vn ſeul iour außi leurs beautez, ſe fletriſſent.

C’eſt une choſe ſi naturelle à l’homme d’aimer la Vie, qu’il ſe plaint ordinairement qu’elle eſt trop courte. Nous liſons à ce propos, que Theophraſte auant que de mourir, peſta contre la Nature, diſant qu’il n’y auoit aucune apparence qu’elle fiſt viure ſi long-temps les Cerfs & les Corneilles, & ſi peu les Hommes, qui mouroient, diſoit-il, ſi toſt qu’ils commençoient de ſe rendre capables de diſciplines & de ſciences. Mais à ces 3. Tuſcul. paroles de Theophraſte rapportées par Ciceron, Saluſte s’oppoſe tout à fait, au commencement de la guerre de Iugurtha, où il dit que les Hommes ſe pleignent à tort contre leur propre nature, qui s’imaginent eſtre foible & trop peu durable, bien qu’il ſoyt vray neantmoins que l’induſtrie manque à la Nature humaine pluſtoſt que la force ny le temps. D’où il veut inferer que l’homme en a trop s’il le veut bien employer. Ce que le Prince des Philoſophes Moraux aduouë de meſme par ces paroles. Senec. lib. de vir. A quel propos nous plaignons-nous de la Nature ? Elle nous traitte aſſez doucement. Mais quoy qu’il en ſoit, nous deuons nous contenter du terme que le Souuerain Createur de toutes choſes a mis en nos iours, comme il ne fait rien qu’auecque poids & meſure, il veut que ſi noſtre Vie nous ſemble courte, nous faſſions noſtre profit de ſes momens, & ſoyons touſiours preſts à mourir, afin que par l’exercice des bonnes œuures, nous puiſſions meriter la Vie eternelle. Zenon dit à ce propos, que le temps eſt la choſe du monde dont nous auons plus de besoin ; Et le Pape Pie ſecond compare la vie de l’Homme à vn ſonge qui ne fait que paſſer, ou meſme au vent & à l’ombre.

Cette image de la Vie n’eſt pas ſans raiſon couronnée de fueilles, pour monſtrer que ſa vigueur ſe paſſe comme leur verdure, ainſi que le remarque Simonides dans ces vers.

Sous les efforts du temps tous les hommes ſuccombent,
Et leurs iours paſſagers ſont des fueilles qui tombent.

Pour mieux exprimer cette verité, on compare la Vie à bon droit à l’Hemorobion, animal volatile, qui a deux aiſles & quatre pieds, vn peu plus grand qu’vne groſſe mouche, & qui, ſelon Pline, meurt le meſme iour qu’il naiſt.

La Roſe eſt encore vn Hyeroglife de cette meſme fragilité Lib. 15 de nos iours : car, comme dit Ahenée, d’autant plus qu’elle est belle par deſſus les autres fleurs, d’autant plus viſte auſſi ſon eſclat & ſa beauté ſe paſſent.


La vie longve.


ELle eſt repreſentée par vne vieille Femme toute ridée, veſtuë à l’antique, qui de la main gauche tient vne Corneille, & s’appuye de la droite sur vn Cerf qui a le bois extremement long.

Son habillement à l’antique, eſt le Symbole des longues années qu’elle a veuës, & le Cerf en eſt vn autre auſſi. Cét animal Lib. 8. c. 32 eſt de tres-longue vie, comme le remarque Pline, qui dit que ſous l’Empire d’Alexandre le Grand, il en fut pris vn, dont le collier marquoit vn aage extraordinaire, & qu’Agatocles Tyran de Syracuſe, en tua vn autre à la chaſſe, de l’extreme vieilleſſe duquel on eut des conjectures tres-apparentes. Mais ſans en tirer de preuuve de ſi loin, il ſuffit de dire qu’il ſe lit dans l’Hiſtoire, que Charles ſixieſme Roy de France, prit vn Cerf dans la Foreſt de Senlis, ſur le collier duquel eſtoient grauées ces paroles, Hoc Cæſar me donauit, qui ſignifie, Ceſar me l’a donné. Ce qui a fait dire depuis par maniere de prouerbe, Cæſari ſum, noli me tangere, Ie ſuis à Ceſar, ne me touche point.

La vie de la Corneille eſt encore plus longue que celle du Cerf, & voila pourquoy nous l’auons miſe auſſi en la main gauche de cette Figure.

Aristocratie. Democratie.

Monarchie.

Aristocratie.


ELle eſt repreſentée par vne Femme d’aage viril richement veſtuë, aſſiſe dans vn throſne, auec vne majeſté ſuperbe & Royale. Elle a en ſa main droite des faiſſeaux de verges, en ſa gauche vn Heaume, & à ſes pieds des monceaux d’or & d’argent.

L’on appelle Ariſtocratie, vn Eſtat gouuerné par des Hommes de condition noble, qui prennent le ſoin de faire obſeruer les Loix, de regler toutes choſes auecque juſteſſe, & de faire part des richeſſes & des charges à ceux qu’ils en iugent dignes.

On la peint d’vn aage raſſis, pour faire voir que la prudence & le iugement ſont neceſſaires au gouuernement de la Republique.

Elle eſt aſſiſe Royallement & pleine de majeſté, pource que les plus grands emploits ne doiuent eſtre fiez qu’à des perſonnes de condition éminente.

On luy donne vn faiſſeau de verges liées enſemble, pour nous apprendre la grande vnion qu’il y doit auoir dans vn Eſtat pour le bien & la conſeruation du public.

Quant au Heaume qu’elle porte, & aux threſors qui ſont à ſes pieds, cela veut dire que l’argent eſt le nerf de la guerre, & que ſi les peuples ſe veulent conſeruer, il ne faut pas qu’ils en ſoient auares.


Democratie.


CEtte Femme couronnée de Pampres & modeſtement veſtuë, tenant de la main droite vne Pomme de Grenade, de la gauche des Serpens, auec des grains dont elle a deux ſacs remplis, repreſente la Democratie.

Par elle s’entend vn Eſtat populaire, c’eſt à dire qui eſt gouuerné par le Peuple, en forme de Conſeil & d’Aſſemblée, où chacun peut donner ſa voix, pour deliberer des affaires publiques.

On la couronne de Pampre & de fueilles d’Ormeau, pour monſtrer que comme ces deux plantes s’vniſſent enſemble, le Peuple en fait de meſme.

Son habit modeſte s’accomode à la condition du Peuple, qui pour n’auoir aſſez de moyens, ne peut mettre en euidence le deſir ambitieux qu’il a d’aller du pair auecque les autres, qui ſont de plus grande condition que luy.

Elle tient en la main droite vne Pomme de Grenade, à cauſe Hierogliph. l. 54 que ce fruit-là, comme le remarque Pierius Valerian, eſt le Symbole d’vn Peuple aſſemblé dans vn lieu, & qui ſe gouuerne ſelon ſa condition & les moyens qu’il en peut auoir.

Les Serpens qu’elle tient en main, ſignifient que comme le Peuple n’eſt ordinairement touché d’aucune conſideration de vraye gloire, ſon gouuernement de meſme ne fait que ramper.

Pour ce qui eſt des grains qui ſont dans les ſacs, ils figurent les prouiſions qu’on accouſtumé de faire les Communautez, qui

ont plus d’ambition pour les viures que pour les honneurs.

Monarchie.


ELle a pour Symbole vne ieune Femme d’vn viſage altier, couronnée de Rayons, & ſur le ſein de laquelle brille vne Enſeigne de Diamants.

I’adjouſte à cecy qu’elle eſt aſſiſe ſur vn Globe, tenant d’vne main trois Sceptres, & de l’autre vn eſcriteau auecque ces mots, Omnibus vnus. Outre qu’à ſon coſté droit, ſont remarquables deux furieux animaux, à ſçauoir vn Lyon & vn Dragon ; Et au gauche des Roys enchaiſnez parmy des Sceptres, des Couronnes, & des Trophées d’Armes.

La Monarchie s’entend de la principauté d’vne ſeule perſonne, pour monſtrer que les ieunes gens, comme le remarque Rhetor. lib. 2 Ariſtote, ſont ordinairement altiers, & veulent auoir l’aduantage ſur tous les autres.

Elle eſt armée, tant pour ſe rendre redoutable, que pour eſtre touſiours preſte à combatre & à faire des nouuelles conqueſtes.

Les Diamants de ſon ſein, ſignifient que comme cette pierre precieuſe eſt indomptable à cauſe de ſa dureté, vn Monarque de meſme taſche à ſe rendre inuincible à toutes ſortes de forces, & de reſiſter à tous ceux qui luy veulent eſtre contraires.

Sa Couronne de Rayons nous apprend, que tout ainſi qu’il n’y a qu’vn Soleil, le Monarque de meſme doit auoir vn empire absolue & ne releuer de perſonne, comme il le declare par ces mots, Omnibus vnus.

Quant aux quatre Sceptres qu’il tient, ils ſont le Symbole d’vn commandement ſouuerain ſur les quatre parties du Monde. Ce que le Serpent & le Dragon denotent encore, ſelon Pierius.

Pour ce qui eſt des Trophées des Roys captifs, & pareillement des Sceptres & des Couronnes, toutes ces choſes ſont des marques de victoires qu’ont accouſtumé de gagner les Conquerans, & de leurs plus celebres triomphes.

I’auois oublié que les rayons dont la Monarchie eſt couronnée, repreſentent encore ce haut luſtre de grandeur & de majeſté, qui brille ſur la perſonne des Monarques. Tel eſtoit, ſelon quelques-vns, l’eſclat extraordinaire qui ſe remarquoit dans le viſage d’Alexandre ; des yeux duquel (ſur tout quand il alloit au combat) s’eſlançoient ie ne ſçay quels traits de lumiere ; ſi vifs, & ſi penetrans, qu’ils faiſoient baiſſer la veuë à ceux qui le regardoient, de ſorte qu’ils en eſtoient comme eſblouys. En quoy veritablement ſe voyoit empreinte en luy naturellement la plus ſublime de toutes les marques de ſouueraineté. Car il eſt indubitable que celuy qui par vn excez d’ambition ſe porte à maiſtriſer tout le monde, peut à peine ſouffrir, non ſeulement qu’on l’approche, mais non pas meſme qu’on le regarde.

Adiouſtez icy qu’en l’vn des coſtez de cette Figure ſont remarquables deux Animaux furieux, à ſçauoir vn Dragon & Hierogl. lib. 15. vn Lyon, à cauſe que l’vn & l’autre, ſelon Pierius, mis enſemble deuant la ſtatuë de la Deeſſe Opis, eſtoient le Symbole de l’Empire du Monde.

Quelques-vns encore repreſentent la Monarchie ayant à ſes pieds des Brodequins d’or tous brillans de pierrerie, pour vne marque de preeminence plus ſignalée ; dautant que cette ſorte de chauſſure ne ſe donnoit autrefois qu’aux Princes & aux Heros.

Amovr dompté. Amovr de vertv.

Amovr de la gloire. Amovr de la patrie.

Amovrs diverses.


L’On repreſente l’Amour de Dieu par vn Homme à genoux, qui a les yeux tournez vers le Ciel, & le cœur ouuert. Ce qui s’explique aſſez de soy-meſme. Et l’Amour du prochain, par vn autre Homme, veſtu richement ; au coſté duquel ſe void vn Pelican, en action d’arroſer ſes petits de ſon propre ſang. A quoy j’adiouſte que cette perſonne charitable, releue d’vne main vn pauure malade, & de l’autre luy

donne de l’argent, comme Dieu le commande dans l’Euangile.

Amovr dompté.


IL nous eſt figuré par vn Cupidon aſſis, qui a des aiſles au dos, vne horloge en la main droite, vn petit oyſeau en la gauche, & ſous ſes pieds, vn arc, vn carquois, & vn flambeau eſteint.

Ce qu’il foule aux pieds ſes propres armes, eſt vne marque de ſouſmiſſion & d’vn extreme dédain. Or d’autant qu’il n’eſt rien qui dompte ſi bien l’Amour, comme font le temps & la pauureté, l’vn eſt demonſtré fort à propos, par l’horloge que Cupidon tient en main, eſtant, comme il eſt, le vray Symbole du temps, par qui ſont calmées les plus violentes paſſions de la vie, mais il eſteint particulierement celle d’Amour, qui ſe propoſe pour but la joüiſſance. Or comme la beauté qu’adore vn Amant, eſt changée par le temps, il faut que l’affection change de meſme, & que l’effet ceſſe, lors que la cauſe vient à ceſſer. Demoſthene a fort bien dit à ce propos, que le feu dont Amour embraſe le cœur, ne s’eſteint pas tant par le ſoin qu’on y apporte, que par la nonchalance meſme, dont le temps refroidit inſenſiblement les plus eſchaufez.

Quant à l’Oyſeau qu’on luy fait tenir, que les Grecs appellent Κικηρὸς, & les Latins Cinclus, qui eſt extremement maigre & deſcharné, c’eſt vn ſymbole du miſerable eſtat des Amants, que la force de leur paſſion rend ordinairement maigres. Mais d’autant, que, ſelon Crates le Thebain, il y a trois choſes qui ſont capables de dompter l’Amour, à ſçauoir la faim, le temps, & le deſeſpoir, l’on n’auroit pas mauuaiſe raiſon de mettre vne corde au col du Cupidon, pour faire voir que les Amants deſeſperez ont accouſtumé de ſouhaitter la mort à toute heure, & meſme de s’y precipiter quelquefoiss. Teſmoin Phedre, qui dans l’Hypolite d’Euripide, ne pouuant ſouffrir plus longtemps les furieuſes atteintes d’Amour, ſe reſout de mettre fin à ſa vie. Où il eſt à remarquer pourtant que la pluſpart des Amants qui ſe propoſent de ne plus viure, en perdent enfin l’enuie, & changent bien-toſt cette funeſte reſolution, lors que le moindre bon-heur leur arriue. Le Taſſe le dit ainſi.

  C’eſt la couſtume d’vn Amant
De parler du mortel outrage ;

Mais comme l’Amovr eſt volage,
L’effet s’en enſuit rarement.

Et le Caualier Gariny ayant introduit Myrtille, qui dans l’accés de la paſſion conclut en homme deſeſperé,

Que la mort ſeulement y peut mettre remede,

Luy fait reſpondre par Amaryllis :

  Tu parles de mourir, ô Berger malheureux !
Et veux finir tes iours pour terminer ta peine ;
Mais c’eſt pluſtoſt l’effet d’vn langage Amoureux,
Que d’vne volonté qui ſoit ferme & certaine.


Amovr de vertv.


CEt Amour nous eſt icy dépeint par vn Enfant nud, qui a des aiſles au dos, vne couronne de Laurier ſur la teſte, & trois autres guirlandes en ſes mains. Ce qui nous apprend que parmy tant d’Amours deſcrits par les Poëtes, il n’y en a point qui ne doiue ceder à celuy de la Vertu, qui les ſurpaſſe d’autant plus qu’elle-meſme a l’aduantage & la preeminence ſur toutes les choſes d’icy bas ; Par où il eſt encore ſignifié, que l’amour qu’on a pour elle n’eſt point corruptible, mais touſiours verdoyant comme le Laurier, & tel qu’vne Guirlande ou qu’vne Couronne qui n’a point de fin, pour eſtre de Figure Spherique. A toutes leſquelles choſes on peut adjouſter, que la Guirlande dont cét Amour eſt couronné, eſt le Symbole des Vertus Morales ou Cardinales, qui ſont la Iuſtice, la Prudence, la Force, & la Temperance, la Figure ronde & le nombre ternaire repreſentans doublement le prix des Vertus.


Amovr de la gloire.


CEtte Figure, comme la precedente, eſt celle d’vn Enfant nud, & couronné de Laurier ; Il tient en ſes mains deux differentes Couronnes, qui ſont la Ciuique, & l’Obſidionale, qu’il ſemble vouloir preſenter à quelqu’vn, ſans y comprendre les autres, comme la Murale, & la Nauale, qui parmy les Romains estoiẽt les prix des Vainqueurs, Aulegelle rapporte que la Couronne Triomphale qu’on donnoit aux Capitaines victorieux, eſtoit anciennement de Laurier ; L’Obſidionale de Gramen, de laquelle n’eſtoient honorez que ceux qui dans vn extreme peril auoient ſauué toute l’Armée ; La Ciuique faite d’vn rameau de Cheſne, marquoit la valeur de ceux qui dans quelque combat, auoient ſauué la vie à vn Citoyen Romain ; La Murale, eſtoit le prix ordinaire d’vn Capitaine ou d’vn Soldat, qui auoit eſcaladé le premier les murailles d’vne Ville ennemie ; Et la Nauale repreſentant pluſieurs becs de Nauires, ſe donnoit à celuy qui auoit commencé l’attaque dans vn combat naual.


Amovr de la patrie.


IL eſt repreſenté par vn ieune Guerrier, de bonne mine, & plein de courage. Il a derriere luy vne flamme de feu, & deuant vn eſpais tourbillon de fumée qu’il regarde ſans s’eſtonner. En ſa main droite, il porte vne Couronne de Gramen, & en la gauche vne autre de Cheſne, foullant à ſes pieds des Hallebardes, des Picques, & autres armes ſemblables.

Il eſt peint ieune & vigoureux, pour monſtrer que tant plus l’Amour de la Patrie vieillit, tant plus il deuient fort & robuſte, au lieu que tous les autres Amours ſont affoiblis par le temps, & ceſſent enfin. Nous ne manquons pas d’exemples de cecy : car il ſe void par eſpreuue qu’vn Caualier ayant ſeruy long-temps vne Dame, en perd le ſouuenir à la fin, apres que l’aage & le temps ont refroidy la paſſion, comme au contraire iamais il n’oublie ſon Païs. Quoy dauantage ? Vn marchand aueuglé par l’eſperance du gain, & par vn ardent deſir de richeſſes, le va chercher par mer & par terre iuſques au nouueau monde, & ſe retire finalement chez ſoy, comme en vn port aſſeuré. Vn Courtiſan qui flatte ſon ambition dans la pompeuſe demeure de la Cour, ne laiſſe pas de s’en dégouſter aſſez ſouuent, & d’aller chercher vn plus ſolide repos dans le lieu de ſa naiſſance. Vn Capitaine que le deſir de la gloire a long-temps expoſé aux plus dangereux hazards de la Guerre, n’eſt pas bien content s’il ne va joüir de ſes premiers delices dans ſa demeure natale. Teſmoin Agamemnon, qui ne ſouhaittoit rien tant, que de ſe voir encore vne fois dans le vaſte enclos des murailles de Mycenes. Et teſmoin auſſi du ſage Vlyſſe, qui preferoit ſon Itaque, bien que petite, & ſituée parmy les rochers, aux plus grandes & plus magnifiques Villes. Auſſi eſt-il vray, que nous n’aimons noſtre Païs qu’à cauſe que nous y ſommes nais, d’où vient que pour ſterile & pauure qu’il ſoit, nous en faiſons plus d’eſtat que de tous les autres lieux, que leurs richeſſes & leurs fertilitez rendent recommandables. C’eſt de là qu’eſt venu le prouerbe, que la fumée de noſtre patrie nous ſemble plus luiſante, que n’eſt le feu de celle d’autruy. A quoy ſe rapporte ce bon mot d’Homere au cõmencement de ſon Odiſſée, où il dit du meſme Vlyſſe dont nous venons de parler, qu’apres tant de longs voyages qu’il auoit faits,

L’Amour de ſon Pays dans ſon ame allumée,
Luy faiſoit deſirer d’en reuoir la fumée.

Ce que l’ingenieux Ouide nous confirme encore par ces vers.

Noſtre Pays nous enſorcelle,
Et chatoüille ſi bien nos Sens,
Qu’il les rauit, & nous rappelle,
Lors que nous en ſommes abſens.

De l’Amour du Païs eſt le vray Symbole la Couronne de Gramen, faite de la meſme herbe qui ſe trouuoit dans l’enclos d’vne Ville que les ennemis tenoient aſſiegée, & qui eſtoit ordinairement le prix de celuy qui leur auoit fait leuer le ſiege. A raiſon dequoy le grand Fabius la receut à bon droit du Senat Romain, comme il eut deliuré Rome des violences que leuy faiſoient les Carthaginois ; Et à vray dire, cette recompenſe quelque petite qu’elle ſemble, eſtoit d’autant plus grande, que celuy qu’on en iugeoit digne, ſe pouuoit vanter qu’en fauuant tout le corps de l’Eſtat, il en ſauuoit auſſi particulierement tous les membres.

Les precipices ouuerts prés de ce Guerrier, qui foulle aux pieds courageuſement diuerſes armes, ſignifient que les plus grands dangers ſemblent petits aux courages nobles, quand il s’agit de la conſeruation & de la deffence de leur Patrie. Dequoy les Anciens nous ont donné des preuues certaines en la perſonne d’Ancur, fils d’Emidas Roy de Phrygie, & de M. Curſe Romain, qui pour ſauuer leurs patries, ſe precipiterent volontairement dans vn gouffre d’où s’exhaloient les contagieuſes vapeurs de la peſte.

Chariot d’Amovr. Eloqvence d’Amovr.

Charmes d’Amovr. Avctorité d’Amovr.

Chariot d’Amovr.


DAns cette Figure la belle Venus montée ſur ſon Char de Triomphe, ſemble s’en aller à Paphos, ou en Amathonte, pour y receuoir les vœux de ſes Adorateurs au milieu de ſon Temple, que l’on tient auoir eſté de forme ronde.

Elle eſt peinte nuë, ſoit pour repreſenter l’ardeur violante des plaiſirs laſcifs, ſoit pour faire voir que ceux qui s’y adonnent ſont par elle-meſme entierement deſpoüillez de biens & d’honneurs.

Le Myrte dont elle eſt couronnée, eſt le ſymbole de la Luxure, à laquelle cette Plante contribuë grandement, comme le remarquent les Naturaliſtes.

Son Chariot eſt tiré par des Pigeons, à cauſe de l’extreme laſciueté de ſes Oyseaux, qui ſont en amour toute l’année.

Elle tient vn Globe de la main droite, à raiſon du ſouuerain empire qu’elle s’attribuë ſur tout le Monde ; Et trois Pommes de la gauche, pour memoire du Iugement de Paris, où le prix de la Beauté luy fut donné.

Quant aux trois Graces, on les met icy derriere ſon Chariot, dautant qu’elles ſont comme ſes Filles ſuiuantes, qui par la force de leurs attraits eſbranlent facilement ceux qui ne ſont pas encore bien affermis ſur vne vertu ſolide.


Eloqvence d’Amovr.


QVoy que les Amans ſoient d’ordinaire ſi tranſportez de paſſion, qu’ils ne peuuent quelquefois dire vn ſeul mot, & demeurent comme interdits deuant leurs Maiſtreſſes ; Il ſe voit neantmoins par eſpreuue, qu’apres ce premier accez, qui eſt comme le friſſon de leur fievre, Amour leur denoüe la langue, & les rend ſi eloquens, qu’ils n’ont pas beſoin d’autres preceptes, que de ceux qu’il leur inſpire naturellement, pour perſuader ce qu’ils veulent à la choſe aimée : Ce qui ne peut mieux eſtre repreſenté ce me ſemble que par le reuers de cette Medaille, où Mercure, Dieu de la Perſuaſion, guide les trois Graces, pour nous faire entendre que comme elles ſont eſtroitement iointes enſemble, & ne s’abandonnent iamais ; l’Eloquence de meſme eſt inſeparable d’auec elles.

Plaisir d’Amovr. Iev d’Amovr.
Harmonie d’Amovr. Chastiment d’Amovr.
Combat d’Amovr. Fortvne d’Amovr.
Cvriosité d’Amovr. Force d’Amovr.
Tovrment d’Amovr. Tesmoignage d’Amovr.
Contentement d’Amovr. Plaisir d’Amovr.
Favseté d’Amovr. Amovr de soy-mesme.

Contentement. Cvpidité.

Charmes d’Amovr.


CEtte Figure eſt tirée d’vne ancienne Medaille, où Venus ſe voit toute nuë, auec des aisles au dos, & vne Harpe entre ſes mains.

Sa nudité demonſtre ſon humeur laſciue, ſes aiſles, ſon inconſtance ; & la Harpe dont elle joüe ; Qu’eſtant ingenieuſe en ſes attraits, elle n’attire pas ſeulement les cœurs par la Veuë, mais encore par l’Oüye.

Il faut adjouſter à cecy, que ſon Fils Cupidon luy preſente vne Marotte, pour monſtrer qu’elle n’aime qu’à folaſtrer & à rire ; Ce que le Poëte Lyrique exprime fort bien, quand il dit à ce propos

    Que de toutes les Deités
Eſtant la plus charmante, ainſi que la plus belle ;
    Le Ris, le Ieu, les Voluptés,
Et les petits Amours volent à l’entour d’elle.


Avthorité d’Amovr.


ELle ne peut eſtre, ce me ſemble plus grande qu’elle eſt, veu que cét imperieux Enfant de Venus, qui donne des Loix aux plus puiſſans, a pour luy l’Eloquence & la Force, qui ſe voyent icy repreſentées par les deux effigies d’Hercule & de Mercure. Car il eſt indubitable qu’Amour les accorde enſemble quand il luy plaiſt, & les fait agir en ſa faueur. Tellement que ce n’eſt pas merueille s’il gagne tant de victoires, ayant deux ſi bons ſeconds, qui ſe portent par tout où il veut ; & qui adjouſtent de iour en iour à ſes Myrthes de nouueaux Lauriers, par de nouuelles conqueſtes.

Pour demonſtrer cette meſme authorité d’Amour, & ſa merueilleuſe force, quelque-vns dépeignent vn Enfant tout nud, dont le viſage eſt charmant au delà de toute merueille. De plus, ils luy mettent ſur la teſte vne Guirlande d’Iris ; Et de la main droite luy font tenir vne Foudre, qu’il ſemble vouloir darder auec vne extreme violence.

Par ſon age tendre, & par ſa beauté, nous apprenons que les Amans, quand ils ſont ieunes & beaux, ont de tres-grands aduantages pour conquerir leurs Maiſtreſſes. Car bien qu’il aduienne, comme i’ay deſia dit, qu’en leur preſence ils ne peuuent quelquefois ouurir la bouche, tant ils ſont preoccupez de paſſion ; leur ſilence neantmoins ſe rencontrant auecque la bonne mine ; & l’agreement qui leur eſt naturel, ne laiſſent pas d’eſtre en eux vne eſpece de Rhetorique muette, par le moyen de laquelle ils ne perſuadent pas moins bien que par les ornemens du langage.

Quant à la Couronne d’Iris, elle n’eſt pas donnée à l’Amour ſans vne grande raiſon, cette Plante, comme le remarque Lib. 60. Pierius, eſtant le vray ſymbole de ce que l’Eloquence a de plus aimable. De là vient auſſi que le Prince des Poëtes Grecs, pour dire que les Ambaſſadeurs des Troyens eſtoient tres-eloquens, ſe ſert de cette façon de parler, qu’ils ont mangé de l’Iris, comme s’il vouloit monſtrer par là que leur maniere de s’exprimer eſt elegante & fleurie.

La Foudre qu’il porte eſt pareillement vn Hierogliphe de ſon pouuoir, puis qu’il ſemble l’auoir arrachée à Iupiter meſme ; afin de ſe rendre redoutable non ſeulement aux Mortels, mais encore aux Puiſſances celeſtes.

I’allegueray à ce propos ces belles paroles que l’ingenieux Homere fait dire à Neſtor, pour encourager les Troyens contre les Grecs. Iliad. 15.

Combattez, hardiment leur flotte vagabonde,
Meſpriſez les dangers ſur la terre & ſur l’onde.
Il n’eſt point de peril qui vous doiue eſtonner,
Mourrez, s’il faut mourir, pour ſauuer la Patrie,
C’eſt la plus douce mort qu’on vous puiſſe donner,
Par qui voſtre valeur ne peut eſtre fleſtrie.

C’eſt ce qui fait dire à Lucian, qu’aux Harangues militaires, vn Capitaine qui veut animer ſes gens, n’a ſeulement qu’à leur remonſtrer, qu’ils font la guerre pour la deffence de leur Pays ; car ces paroles peuuent suffire, pour leur ſeruir comme d’vn puiſſant aiguillon d’honneur, à combattre en gens de bien pour la commune conſeruation de tout le public. Pour cette meſme raiſon Licurgue Roy des Lacedemoniens & Legiſlateur ſeuere, ordonnant qu’on ne grauaſt ſur les tombeaux que le nom de ceux qui ſeroient morts au ſeruice de leur patrie, pource qu’eux ſeuls luy ſemblerent dignes de la memoire des hommes. Ce ne fut donc pas ſans ſujet que Xenophon Philoſophe Athenien, ayant appris dans vn ſacrifice qu’il faiſoit aux Dieux, que ſon fils Grillus auoit eſté tué à la guerre, oſta premierement ſa Couronne de ſa teſte, puis comme il eut ſceu qu’il eſtoit mort courageuſement en combattant pour ſon Pays, il ſe la remit derechef, & teſmoignant que cette perte eſtoit glorieuſe pour luy ; Il y a long-temps, dit-il, que i’ay prié les Dieux immortels de me donner vn fils qui mouruſt comme a fait celuy-cy en homme de bien, & les armes à la main, pour s’en ſeruir à deffendre ſon Pays natal.

I’alleguerois pluſieurs exemples pour confirmation de cette verité, ſi ie ne ſçauois que cela ſeroit ſuperflu apres ceux que nous ont laiſſé les Horaces, les Decius, les Fabius, & ainſi des autres, qui firent gloire autrefois de s’immoler pour la Ville de Rome leur commune patrie.


Amovrs mondaines.


IIl s’en void icy de pluſieurs ſortes dans les planches ſuiuantes, dont la premiere repreſente le plaiſir, le jeu, l’harmonie, & le chaſtiment d’Amour. Mais dautant que de la façon que ces Amours ſont peints, ils s’expliquent aſſez clairement d’eux-meſmes, ie diray ſeulement du dernier, que ſa mere Venus l’ayant attaché à vne colomne, au bas de laquelle ſont mis en forme de trophée ſon arc & ſes fleſches, luy donne le foüet auec vne branche de Roſier ; pour faire voir par là que la punition des Amants ne laiſſe pas d’auoir ie ne ſçay quoy de picquant & d’amer, quelque doux & agreables qu’en ſoient apparamment les ſupplices.

La ſeconde planche expoſe à nos yeux le combat d’Amour par deux Cupidons qui font à l’enuy pour s’arracher des mains vne Palme ; Sa bonne Fortune, par l’action de ce petit Dieu, auquel tend la main vne Femme auſſi aueugle que luy, tenant vne Corne d’Abondance, vn pied en l’air, & l’autre ſur vne roüe ; Sa curioſité par la Fable de Pſiché aſſez connuë ; Et ſa merueilleuſe force par vne foudre qu’il porte, qu’il ſemble auoir arrachée à Iupiter meſme, pour faire voir ſon Empire ſur ce maiſtre des Dieux.

La troiſieſme, par la Figure d’vn Amant auquel vn Vautour ronge le cœur, & par celle des trois autres qui ſont couronnez de fleurs, pompeuſement veſtus, & en action de ſe reſioüir, nous apprend, comme nous auons dit cy-deuant, que cette paſſion violente confond enſemble les plaiſirs & les ſupplices.


Favsseté d’Amovr.


ELle a pour Embléme vne Femme ſuperbement veſtuë, appuyant ſa main ſur la teſte d’vne Syrene, qui ſe regarde dans vn miroir.

Le faux Amour a cela de propre, que ſous vne belle apparence & vn langage charmant & fardé, il tient ordinairement caché ſes plus malicieuſes penſées, ou de plus monſtrueux, ou de plus difformes. Et dautant que ſes peines & ſes extremitez, comme nous auons dit autrefois, ſont les Symboles de ces meſmes penſées, ce n’eſt pas ſans ſujet que les Anciens dépeignent à ce propos la Syrene, qui par les parties d’embas eſt tout à fait monſtreuſe.

Ce faux Amour eſt encore figuré par le miroir ; car bien qu’il ſemble veritablement auoir en luy toutes les choſes qui luy ſont oppoſées, ce n’eſt pourtant qu’vne reſſemblance ſans realité, qui repreſente à gauche ce qu’on luy oppoſe à droit, teſmoignage apparent qui change la face de l’objet, comme le remarque Pierius.

Amovr de soy-mesme.


LEs Anciens nous le dépeignent ſous la forme d’vn Narciſſe, qui ſe mire dans vne Fontaine ; pour monſtrer par là que celuy qui s’aime ſoy-mesme, ſe plaiſt ordinairement à ſe contempler, & à s’aplaudir en toutes ſes actions. Ce qui n’eſt pas moins ridicule que la Fable de Narciſſe, dont les anciens Poëtes ont eſté les premiers inuenteurs, pour apprendre à l’Homme, que de ſa propre vanité s’enſuit ordinairement ſa perte.

D’autres repreſentent cét Amour par vne Femme preſomptueuſe, ayant ſur la teſte vne guirlande de la plante que les Arboriſtes appellent communément Viſicaria ; En la main gauche vn eſcriteau, auec ce mot Grec φιλάuπα ; En la main droite la Fleur de Narciſſe, & en ſes pieds vn Paon.

Il n’eſt rien ſi difficile icy bas que de ſe connoiſtre ſoy-meſme, comme l’apprit autresfois aux Grecs le ſage Socrate, ou ſelon quelques-vns, Apollon meſme par ces grandes paroles qu’il luy fit prononcer, Γνοσεἱ σἑ ἀuτὁν, qui furent depuis grauées ſur la porte du Temple Delphique. Cette difficulté de ſe connoiſtre eſt cauſée par l’amour propre, dont chacun eſt aueuglé, pource que chacun auſſi ſe fait accroire d’eſtre plus habile que ſon Ethic. lib. 9. cap. 9. compagnon. Ariſtote dit à ce propos, qu’il y a des gens de deux ſortes qui s’aiment eux-meſmes, dont les premiers ſont à blaſmer pour eſtre vicieux, dautant qu’ils ne ſuiuent que leur propre paſſion & les autres à loüer, à cauſe que c’eſt la ſeule raiſon qui les guide.

Cét Amour a pour Embléme vne Femme, pource que la Femme auſſi eſt ordinairement amoureuſe de ſoy-meſme ; Si bien que pour laide & deſagreable qu’elle ſoit, elle s’imagine de ſurpaſſer toutes les autres, ſoit en beauté, ſoit en agréement ; Et ainſi ce n’eſt pas ſans ſujet qu’on luy fait porter vn eſcriteau auecque ce mot Philaphtie, ou Amour de ſoy-meſme.

On luy donne vne guirlande faite de la plante dite Veſicaria, Plin. I. cap. 31. Lib. 9 cap. 12 qui, ſelon Pline, croiſt en Égypte, ſemblable à peu prés au Lierre, & dont la racine, dit Theophraſte, a cette vertu ſecrette, que ſi apres l’auoir miſe en poudre, l’on en donne à boire vne dragme à quelqu’vn, il ſe perſuade auſſi-toſt, quelque laid qu’il ſoit, d’eſtre le plus beau de tous les hommes.

Quant à la Fleur de Narciſſe qu’on luy met en la main droite, c’eſt à raiſon de la metamorphoſe de ce ieune preſomptueux, de qui les Poëtes ont feint qu’il changea de forme pour ſe rendre adorateur de ſon ombre.

La figure du Paon denote le meſme, à cauſe que cét oyſeau conſacré à Iunon, ſe plaiſt ſi fort en la beauté de ſon plumage, que pour l’extreme plaiſir qu’il prend à s’y mirer, il a donné lieu à ce commun dire, que l’homme orgueilleux poſe ſa peau pour ſe couurir des plumes du Paon.


Contentement.


CE ieune homme qui ſe void icy peint richement veſtu, ayant l’eſpée au coſté, vn miroir en la main droite, & en la gauche vn baſſin d’argent, plein de pieces d’or & de pierreries, fait voir à ſa mine qu’il eſt content, ou du moins qu’il a chaſſé pour l’heure preſente tout ce qui cauſe ordinairement du chagrin à ceux qui n’ont point ce qu’il leur faut.

Le Contentement d’où deſpend ce peu de bon-heur dont l’homme joüit en cette vie, naiſt principalement de la connoiſſance qu’il a du bien qu’il poſſede ; car autrement il eſt impoſſible qu’il le puiſſe iamais gouſter. A raiſon dequoy ce ieune Homme qui repreſente ce meſme Contentement, eſt peint icy auec vn miroir où il ſe contemple, couuert de riches habits, & tout eſclattant de pierreries.


Cvpidité ov convoitise.


ELle nous eſt figurée par vne Femme nuë, qui a les yeux bandez, des grandes aiſles ſur les eſpaules, & des aiſlerons aux pieds.

La Conuoitiſe eſt vn appetit aueugle, & qui ſe iette hors des bornes que la Nature nous a preſcrites, à cauſe dequoy elle a les yeux bandez, pource qu’elle ne ſe ſert en aucune ſorte de la lumiere de l’Entendement. Ses aiſles ſont les marques de ſa legereté, & de l’extreme viſteſſe dont elle ſe porte à ſuiure les choſes qui ſe preſentent deuant ſes yeux, ſous vn ſpecieux pretexte d’eſtre agreables & bonnes.

On ne luy donne aucuns habits, pour faire voir par ſa nudité qu’elle deſcouure facilement ſon eſtre.

Abstinence. Accovtvmance.

Avmosne. Ayde.

Abstinence.


L’Effet de cette Verty ſe voit icy par la figure d’vne Femme, qui porte vne de ſes mains à la bouche, pour monſtrer par là, qu’il ne faut pas y eſtre ſujet ; & tient de l’autre vn Rouleau, où ſont remarquables ces paroles, Vtor ne abvtar, comme ſi elle vouloit dire,

 I’abhorre toutes friandiſes ;
Et pour doux que ſoient les appas
Des viandes les plus exquiſes,
I’en vſe, & n’en abuſe pas.

Accovstvmance.


CEt Homme chargé de pluſieurs Inſtrumens, tous propres à s’exercer aux Arts ; marchant appuyé d’vne main ſur vn Baſton, & tenant de l’autre vn Eſcriteau, auec ces mots, Vires acqvirit evndo, repreſente la merueilleuſe force de l’Accouſtumance. Il eſt vieil, & ne repoſe point, pour mõſtrer que l’Experience le met en credit, & qu’en agiſſant il ſe fortifie. Ce qui vous eſt encore enſeigné par la Rouë que vous voyez deuant luy ; eſtant bien certain qu’elle n’a pas la force d’aiguiſer l’acier, ſi elle ne ſe meut, & ne ſe tourne en rond ; & pareillement par les Liures & les Inſtrumens de Muſique dõt il eſt chargé, vrays ſymboles des Arts, qui ne s’apprennent que par l’exercice, & par l’aſſiduité qu’on y apporte.


Avmosne.


CElle qui la fait icy à vn petit Enfant, a les deux mains cachées ſous ſa Robe, & ſur la teſte vn Flambeau allumé, qu’vne Branche d’Oliuier enuironne. Ces myſterieux ſymboles nous apprennent, Qu’il ne faut pas que la main gauche ſçache ce que fait la droite, quand on donne l’Aumoſne ; Qu’en ſecourant les Pauures, noſtre bien ne diminuë non plus que la clarté d’vn Flambeau, où l’on en allume vn autre ; & que c’eſt la Miſericorde, figurée par l’Oliuier dans les ſaintes Lettres, qui nous doit eſmouuoir à faire l’Aumoſne.


Ayde.


LE ſecours qu’il faut donner au Prochain eſt aſſez bien exprimé par la figure d’vn Homme agreable. Par la Guirlande d’Oliuier qui luy ceint le chef eſt denotée la Compaſſion ; Par les Rayons qui l’enuironnent, l’aſſiſtance Diuine ; Par le Cœur qui pend à la chaiſne qu’il porte au col, qu’il faut que l’Homme aſſiſte les Pauures, & de ſes biens, & de ſon conſeil, dont le Cœur eſt le ſymbole ; Par l’Eſchalas qui ſouſtient la Vigne, qu’on doit appuyer de meſme la foibleſſe du Prochain ; & par la Cignongne, que c’eſt à nous à imiter cét Oyſeau, qui ne ſe laſſe iamais d’eſtre ſecourable, & particulierement à ſes plus proches.

Amitie. Amovr de Renommée.

Amovr dv Prochain. Amovr envers Diev.

L’amitié.


LA vraye Amitié, qui ne ſe propoſe pour but que d’aider le Prochain, eſt repreſentée par les trois Graces. Ces Vierges, dont le viſage eſt ſerain, ſont toutes nuës, & ont les bras enlacez. La premiere tient vne Roſe à la main, la ſeconde vn Dé, & la troiſieſme vn Bouquet de Myrthe, pour monſtrer les trois differens effects de cette Vertu, qui ſont, de donner, de receuoir, & de rendre le ſemblable. Leur Virginité nous apprend, que la ſincere Amitié ne veut eſtre ſoüillée d’aucune tache ; Leur nudité, qu’il ne faut pas qu’il y ait ny fard ny déguiſement entre les Amis ; Et leur viſage riant, qu’on ne doit iamais pareſtre triſte, ſoit que l’on oblige par quelque bienfait, ſoit qu’on le reçoiue. I’adjouſte à cecy, que par la Roſe nous eſt ſignifiée la complaiſance qu’il y doit auoir entre ceux qui s’ayment ; par le Dé, leur reconnoiſſance, qui doit paſſer de l’vn à l’autre ; & par le Myrthe, leur vnion incorruptible.


Amovr de Renommée.


CEt Amour nous eſt figuré par vn Enfant tout nud, qui a des aiſles au dos, vne Guirlande de Laurier à la teſte, & trois autres aux deux mains. Ce qui nous apprend que de tous les Amours qui nous ſont repreſentez diuerſement par les Poëtes, le plus glorieux & le plus inuincible eſt celuy de la Renommée, qui s’acquiert par la Vertu. Il eſt couronné de Laurier, pour vne marque des honneurs ſouuerains qui ſe doiuent aux actions vertueuſes : Ce qui fait voir encore que l’Amour de la Vertu eſt incorruptible, & va iuſqu’à l’infiny, comme le Laurier eſt touſiours verdoyant. I’obmets que les autres Couronnes, toutes diuerſes, & poſées à coſté ſur vn pied-deſtal, repreſentent celles que les anciens Romains donnoient aux Victorieux pour prix de leur valeur, comme la Ciuique, la Murale, & ainſi de leurs ſemblables.


Amovr dv Prochain.


CEt Homme charitable, qui ſe void icy en action de releuer d’vne main vn Pauure, & de luy donner l’aumoſne de l’autre, nous apprend par ſon exemple à ſubuenir aux neceſſitez de ceux qui ont beſoin de noſtre ſecours : Ce qui nous eſt encore plus particulierement demonſtré par ce Pellican, qui s’ouure la poictrine à coups de bec, & du ſang qu’il en fait rejaillir remet ſes petits en leur premiere vigueur, & leur donne ainſi la vie.

Amovr envers Diev.


LE ſainct Amour que nous ſommes tous obligez de porter à Dieu, ne peut mieux eſtre repreſenté que par cét homme contemplatif. Il tient les yeux eſleuez au ciel, afin de nous faire ſouuenir que c’eſt au Ciel auſſi où nous deuons attacher nos penſées. Pour teſmoigner l’ardeur de ſon zele, il porte droit au cœur l’vne de ſes mains, comme s’il le vouloit ouurir, ou le donner à ſon Createur, & tient de l’autre vn Rouleau, où ſe liſent ces paroles, Lætamini in Dominio, et gloriamini omnes recti corde, pour nous inuiter icy bas à ne chercher point de joye qu’en l’amour de noſtre Dieu, qui eſt le vray Pere de miſericorde, & de toute conſolation.

Les hvict Beatitvdes.

Les hvict Beatitvdes. I.


LA premiere de ces Beatitudes nous eſt figurée par vn Enfant à demy nud, ou du moins dont la robbe eſt fort courte, lequel regarde le Ciel. Son bas aage demonſtre ſon innocence, ſuſceptible de la Foy & des bonnes inſtructions qui luy ſont miſes dans l’Ame ; ſa robe courte, le peu d’eſtat qu’il fait des honneurs, & des biens du monde, que les Pauures d’eſprit tiennent ordinairement à meſpris ; & ſa veuë tournée au Ciel, l’inclination naturelle qu’il a vers le lieu de ſon origine, d’où luy doit venir ſa principale félicité.

II.


LA douceur des eſprits debonnaires eſt repreſentee par cette Fille, qui ſemble careſſer vn Agneau, & au deſſus de laquelle ſe liſent ces mots tirez de Salomon, Mansveti hæreditabvnt terram. L’Agneau, qui dans les ſainctes Lettres eſt le ſymbole d’vne Ame pure, & qui n’a point de malice, nous fait ſouuenir de n’auoir contre noſtre Prochain aucune ſorte d’aigreur ny d’amertume ; & les paroles de Salomon, Que pour recompenſe de cette douceur d’eſprit enuers vn chacun, nous heriterons aſſeurement, non pas d’vne terre periſſable, & pleine de trauaux, mais de celle où eſt le repos eternel, & que Dieu nous a promiſe lui-meſme.


III.


CEtte Fille à genoux, tenant les mains jointes, & en action de répandre des larmes, nous aduiertit ſecrettement, que Bien-heureux ſont ceux qui pleurent leurs propres offences, & celles du Prochain, pource qu’ils ſeront consolez, eſtant veritable, comme l’enſeignent les paroles de cét Embleme, tirées de S. Auguſtin, Que de noſtre deüil en cette vie ſe doit enſuiure vne joye perdurable en l’autre.


IIII.


LA Iuſticce tenant icy d’vne main vne Eſpée flamboyante, & de l’autre vne Balance, qu’il ſemble que le Diable luy vueille oſter, monſtre que ceux qui ont veritablement & faim, & ſoif de cette Vertu, ſont comblez de biens ; & que l’ardent zele qu’ils ont pour elle, leur eſt comme vne Eſpée inuincible, par le moyen de laquelle ils exterminent le Vice, repreſenté par le Diable.

V.


CEtte Femme deſolée, à qui vous voyez icy répandre des larmes ſur vn Cœur qu’elle tient à la main, en repreſente la pureté, qui dans les ſainctes Lettres eſt priſe pour l’Innocence : Où il eſt à remarquer que cette netteté de Cœur conſiſte à ne l’auoir ſoüillé d’aucune tache de vice. Dequoy certes la recompenſe ne ſçauroit eſtre plus grande qu’elle eſt, puis qu’elle nous fait voir en

Dieu tout ce qui nous peut rendre heureux & contens.

VI.


LA Miſericorde, qui ſe rend ſenſible aux afflictions d’autruy, eſt icy repreſentée par vne Femme charitable, & qui partage à deux petits Enfans vn pain qu’elle vient de rompre : Ce qui nous apprend qu’entre tant d’effects que produit cette Vertu, elle ſe propoſe pour but principal de donner à manger & à boire à ceux qui en ont beſoin ; choſe que Dieu nous recommande à tout moment ; & qui eſt capable elle ſeule d’appaiſer ſon couroux, comme le remarque S. Hieroſme.


VII.


CEll à qui vous voyez icy tenir d’vne main vn Rameau d’Oliuier, & fouler aux pieds des Arcs, des Boucliers, & des Eſpées, ne ſe peut mieux prendre que pour la Paix, qui n’eſt iamais ſi recommandable que lorsqu’on ſe l’acquiert par ſon merite, & par ſa propre Vertu. Pour en joüir veritablement, il ne faut pas tant faire la guerre aux Ennemis du Corps qu’à ceux de l’Ame, qui ſont les Paſſions & les Vices ; Car ceux qui en vſent ainſi, ſont mis au nombre des Enfans de Dieu, & faits participans de la Beatitude eternelle.


VIII.


L’Estat deplorable de cette Femme, qui tient vne Croix à la main, & qui voit tuez à ſes pieds ſes propres Enfans, nous eſt vn exemple des plus ſenſibles afflictions de cette vie. La Croix eſt le ſymbole des perſecutions que l’on ſouffre pour la Religion, ce qui eſt la plus noble partie de la Iuſtice. A quoy nous encourage l’Apoſtre, quand il dit, Que ſi nous auons part aux ſouffrances, nous l’aurons außi aux conſolations.

Charité. Chasteté.

Clemence. Commandement svr soymesme.

Charité.


A Voir ces Enfans alentour de cette Femme, qui tient d’vne main vn cœur embrazé, & du chef de laquelle s’exhale vne flamme, on iuge auſſitoſt que c’eſt la Charité, qui comprend elle ſeule toutes les autres Vertus. Le Feu ſignifie l’ardeur de ſon zele, qui ne s’eſteint iamais en elle ; & par les Enfans qui l’enuironnent, il nous eſt monſtré, que cette Vertu fait ordinairement ſa demeure dans les Ames innocentes &

pures.

Chasteté.


LA Chaſteté n’eſt pas dépeinte icy ſans ſujet, veſtuë de blanc, en action de marcher, la teſte voilée, tenant vn Sceptre d’vne main, & de l’autre deux Tourterelles. Toutes ces choſes enſemble ſignifiẽt, Que la Perſonne chaſte doit eſtre nette de toute ordure, ennemie de l’oiſiueté, eſloignée des objets qui la peuuent faire pecher, & maiſtreſſe abſoluë de ſes paſſions.


Clemence.


ELle eſt icy tirée d’vne Medaille de l’Empereur Seuere, ſous la figure d’vne Femme courageuſe aſſiſe ſur vn Lion, tenant vne Lance d’vne main, & de l’autre vn Dard. Le Lion chez les Naturaliſtes eſt vn ſymbole de cette Vertu, pource qu’il ſe contente d’abbatre à ſes pieds ceux qui luy ont voulu nuire ; & le meſme nous eſt declaré par la Lance & par le Dard, Armes qu’on n’employe iamais contre ceux qui ont merité d’eſtre chaſtiez pour quelque faute commiſe.


Commandement svr soy-mesme.


COmme le Lion eſt le plus redoutable de tous les animaux, de meſme la Paſſion qu’il repreſente, eſtant le plus dangereux Ennemy de l’homme, il doit comme vn Hercule, faire toute ſorte d’efforts pour vaincre ce Monſtre. Ce qui ne luy ſemblera pas impoſſible, s’il conſidere que les Lions meſme peuuent eſtre domptez, ainſi qu’il eſt donné à conneſtre par cét Embleme.

Commerce de la vie hvmaine. Compassion.

Confession. Concorde.

Commerce de la vie hvmaine.


CEt Homme ne denote pas mal le Commerce de la vie. Il monſtre auec le doigt vne double pierre de moulin, tient vne Cygongne de la main droite, & a ſous ſespieds vn Cerf abattu. La double pierre eſt le ſymbole du mutuel commerce des hommes, qui ont beſoin neceſſairement d’vn ſecours reciproque ; car pour ſe ſoulager il faut qu’ils s’entr’aident, comme font les Cygongnes, qui ſe ſouſtiennent le col l’vne apres l’autre, lors qu’elles ſont laſſées de voler ; ce que les Cerfs obſeruent encore, quand ils paſſent quelque

bras de mer, ou quelque riuiere.

Compassion.


VOicy l’Embleme de la Compaſſion, que cette Femme ſecourable expoſe à nos yeux. Elle tient de la main gauche vn nid de Vautour, & ſeme de la droite des pieces d’or & d’argent : Par où nous eſt marquée naïſuement la vraye aſſiſtance que nous deuons à nos ſemblables ; le Vautour ayant vne tendreſſe ſi naturelle pour ſes petits, que lors qu’il manque de proye, il ſe perce les cuiſſes à grands coups de bec, & les nourrit du ſang qui en rejallit.


Confession.


VOvs voyez icy la myſterieuſe figure de la Confeſſion, ſous la peinture d’vne Femme retirée à l’eſcart, & qui ſe tient à genoux ſur la baſe d’vne Colomne, ayant des aiſles au dos, & à ſes pieds vn Chien, vn Agneau, & vne Colombe. Par la ſolitude où cette Femme ſe retire, il nous eſt monſtré que la Confeſſion ſe doit faire en lieu ſecret ; Par ſes aiſles, que ſa vertu nous eſleue au Ciel ; Par la Baſe où elle s’agenoüille, qu’à ſon humilité il faut ioindre vne inuiolable conſtance ; Par la Colombe, qu’elle doit eſtre ſimple & naïſue ; Par le Chien, qu’il eſt important que celuy qui la fait declare fidelement ſes pechez ; & par l’Agneau, que la douceur & la ſoubmiſſion luy ſont neceſſaires, quand on le corrige.


Concorde.


LA Concorde eſtant vne mutuelle vnion de volontez, n’eſt pas peinte icy ſans raiſon, en Femme qui tient d’vne main deux Epics de bled, & de l’autre vne Coupe pleine de Cœurs ; ce qui ſignifie la conformité reciproque de pluſieurs perſonnes, d’où s’enſuit ordinairement l’Abondance, qui eſt icy denotée par les Epics.

Docilité. Diligence.

Doctrine. Devotion.

Docilité.


CEtte jeune Fille ſimplement veſtuë, ayant vne Pie ſur la teſte, vn Miroir deuant elle, & les bras ouuerts, eſt le vray Embleme de la Docilité. Son veſtement ſimple, monſtre qu’elle ſe rend ſouple à toute ſorte de diſciplines ; la Pie, ou le Perroquet perché ſur ſon chef, Qu’on ne luy enſeigne rien, qu’à meſme temps elle ne taſche de le retenir, à l’exemple de ces Oyſeaux ; & les bras ouuerts, qu’elle eſt ſuſceptible de tout ce qui luy eſt repreſenté par l’intellect,

comme le Miroir de toutes les formes qu’on luy oppoſe.

Diligence.


LA Diligence, qui eſt vn deſir ardent de voir la fin d’vne choſe qu’on a entrepriſe, ſe voit icy figurée par vne Femme, qui de la main droite tient vn Eſperon, & de la gauche vn Horloge ; ſymboles qui ne ſont pas mis icy mal à propos, puiſque c’eſt le Temps qui meſure la Diligence, & l’Eſperon ce qui la fait naiſtre.

L’vn effeuille nos ſoins par ſa grande viteſſe,
  Et l’autre eſt l’aiguillon qui nous picque, & nous preſſe.


Doctrine.


CEtte Femme aſſiſe tenant de ſa main droite vn grand Liure, poſé ſur deux Palmes & de ſa gauche vne Flame, eſt la vraye image de la Doctrine. Car elle eſt vne lumiere, qui ſe communique inſenſiblement à l’eſprit dés noſtre bas âge ; & qui nous apprend la verité des ſciences, qui ne doiuent pas eſtre couuertes d’aucun fard, mais telles que les repreſente icy la nudité d’vn Enfant.


Devotion.


ELle eſt peinte à genoux, ſous la forme d’vne belle Dame, ayant les yeux eſleuez au Ciel, d’où s’eſlancent des rayons, & qui tient de la main droite vn Cierge allumé : Ce qu’on peut prendre pour vne marque myſterieuſe de l’ardent zele que produit la deuotion, que les Theologiens appellent vn Acte particulier de la volonté, qui rend l’homme prompt à donner à Dieu toutes ſes affections & ſes œuuvres.

Edvcation. Election.

Desir magnanime et generevx. Domination.

Edvcation.


LA force de l’Education eſt demonſtrée par vne Dame bien née, & d’âge robuſte : Elle eſt eſclairée d’vn rayon celeſte, a le ſein deſcouuert, inſtruit vn Enfant, & tient d’vne main des Verges, & de l’autre vne ieune Plante. La maturité de ſon âge ſignifie qu’il faut du temps pour ſe l’acquerir ; le Rayon qui luy vient d’enhaut, que pour cette meſme fin la grace de Dieu eſt neceſſaire ; le ſein deſcouuert, que la perſonne qui eſleue vn Enfant ne luy doit point tenir cachée la Verité ; les Verges, qu’à l’inſtruction il faut ioindre le chaſtiment ; & la Plante où cette Femme porte la main, que l’education ſe doit commencer dés l’enfance : à quoy ſe rapporte ce Prouerbe, qu’il faut ployer l’ozier tandis qu’il eſt tendre.


Election.


ELle eſt peinte en Femme, que ſon âge & ſa mine rendent venerable, ayant deuant elle vn Cœur, qui pend au bout d’vne chaiſne, & vn Ecriteau qu’il n’eſt point de meilleure Eſlection que celle qu’on fait de la Vertu, dont le Cheſne eſt icy le ſymbole, à cauſe de ſa force & de ſes profondes racines ; Comme au contraire, il n’y a point de pire choix que celuy du Vice, repreſenté par le Serpent.


Desir magnanime et generevx.


L’Action de ce ieune Guerrier teſmoigne aſſez clairement iuſques où l’ardent deſir de la Gloire pouſſe les ieunes courages. Que ſi ie ne me trompe, c’eſt icy la figure de cét ancien Lyſimachus, qui dans l’Amphiteatre fut ſi courageaux & ſi hardy, que de combattre vn Lion, auquel il arracha la langue.


Domination.


CE Serpent enlacé ſur la teſte de ce Guerrier, qui eſtend vne main, & tient de l’autre vn grand Sceptre, au bout duquel ſe voit vn Oeil, eſt vne marque de Domination & d’Empire. Cela nous eſt confirmé par l’exemple de Seuere, & du ieune Maximin, auſquels vn Serpent, qui leur ceignit à tous deux la teſte ſans les offenſer, fut vn exemple de leur future grandeur. Quant à l’Oeil qui eſt au bout du Sceptre, il ſignifie la vigilance que doit auoir vn grand Prince, dont le commandement eſt abſolu ſur les peuples.

Eqvité. Etovffement des mavvaises pensees.

Fermeté. Fragilité.

Eqvité.


L’Explication de cette Figure eſt aſſez claire d’elle-meſme. Elle repreſente l’Equité, ſous la perſonne d’vne Femme veſtuë de blanc, qui tient d’vne main vne Balance, & de l’autre vn Plomb, ou vne Sonde. La blancheur de ſa Robe eſt vn myſterieux ſymbole de l’integrité dont elle ſe ſert à iuger des merites ou des demerites d’autruy, pour leſquels elle ordonne des recompenſes ou des punitions, ſans ſe laiſſer iamais corrompre ; & par le Plomb, ou le Niueau, qui tombe

touſiours droit, il eſt demonſtré que cette Vertu en fait de meſme, & qu’elle ne s’égare point de la droite route que les gens de bien ont accouſtumé de tenir.

Estovffement des mavvaises pensees.


L’Enfant que cét Homme tient en ſes mains, pour l’eſcraſer comme les autres qui ſe voyent abattus à ſes pieds, eſt vn Embléme des mauuaiſes pensées, qu’il faut eſtouffer en leur naiſſance, de peur qu’elles ne s’enracinent, & ne prennent pied touſiours plus auant. Quant à la Pierre triangulaire, elle eſt vne figure de Ieſus-Chriſt ; Pour monſtrer, conformément à ces paroles du Pſeaume 36. Heureux qui tiendra, & qui eſcraſera les enfans contre la pierre ; Qu’il faut eſtimer veritablement heureuſe la condition de ceux qui s’abſtiẽnent des vices, & qui briſent leurs premiers mouuemens contre cette Pierre myſterieuſe, qui eſt la baſe inébranlable de noſtre ame.


Fermeté.


ELle eſt repreſentée par vne Femme veſtuë d’vne Robe d’azur, toute ſemée d’Eſtoiles, & qui arreſte ſi fortement vn Taureau, qu’elle l’empeſche de paſſer outre : D’où il paroiſt aſſez clairement que le Taureau eſt le ſymbole de la Force ; & que par la Robe de couleur celeſte, toute brillante d’Eſtoiles, eſt denotée la Fermeté du Ciel, qui n’eſt nullement ſujet à ce changement que les Philoſophes appellent Local, & ne peut chanceler ny eſtre eſbranlé en aucune de ſes parties.


Fragilité.


CEtte Femme couuerte par tout le corps d’vn voile fort delié, tenant de la main droite vn Bouquet de fleurs & de deſueilles, & de la gauche vne Fiole de verre, qui pend à vn filet, repreſente aſſez bien, ce me ſemble, l’humaine Fragilité. Car on ſçait aſſez qu’il n’est rien qui ſe deſchire plus facilement qu’vn Voile, ou telle autre etoffe deliée ; rien qui ſoit plus ſujet à ſe fletrir que les fleurs, ny rien qui ſe caſſe & ſe deſtruiſe pluſtoſt que le verre ; qui pour eſtre extremement agreable aux yeux, nous fait ſouuenir encore que tout ce que la Beauté peut avoir d’eſclat eſt fragile & periſſable.

Foy catholicq. Foy d’amitié.

Grace divine. Govvernement de la repvblicque.


Foy catholique.


Vovs voyez icy quelle doit eſtre la vraye Foy, par la Figure de cette Femme. Elle porte vn Caſque ſur la teſte, vne Robe blanche, vn Calice d’vne main, & de l’autre vn Cœur, auec vn Cierge allumé. Le Caſque nous monſtre, que pour auoir vne veritable Foy, il ſe faut mettre à couuert des armes des Ennemis, qui ſont, les raiſons naturelles des Philoſophes, & les ſophiſmes des Heretiques ; Par le Calice, qu’elle regarde fixement, que c’eſt là principalement que nous deuons addreſſer nos eſperances ; Et par le Cierge allumé, qui ſe voit joint à vn Cœur, que par cette Vertu infuſe en nos Ames, ſont diſſipées, comme dit S. Auguſtin, les tenebres de l’Ignorance & de l’Infidelité.

Foy d’amitié.


CEtte Femme vieille & chenuë, couuerte d’vn Voile, & qui en tient vn autre à la main, repreſente la Foy mutuelle que ſe doiuent ceux qui s’ayment veritablement. Ce qu’elle tient la main droite voilée fut autresfois de l’inſtitution de Numa Pompilius Roy des Romains, dans le Sacrifice qui ſe faiſoit ſur l’Autel de la Fidelité. Par où il vouloit donner à entendre, qu’il faut qu’elle ſoit inviolable entre Amis. Quant à la Vieilleſſe, elle nous apprend que les perſonnes aagées ſont incomparablement plus ſoigneuses de garder leur foy que les jeunes.


Grace divine.


C’Est icy le ſacré Tableau de la Grace diuine, ſous la forme d’vne belle Dame, ayant ſur ſa teſte vne Colombe, & vn Eſcriteau, où ſe liſent ces paroles, Bibite, et inebriamini. La Colombe ſignifie le S. Eſprit, par qui la Grace diuine eſt infuſe en nos Ames ; Et dautant que cette Grace ne vient que de Dieu, c’eſt à raiſon de cela que cette Dame regarde le Ciel. Au reſte par le Liure ouuert, & par le Rameau d’oliuier qu’elle tient en main, il nous eſt enſeigné que par la meſme Grace le Pecheur fait ſa paix auec Dieu ; & que cette reconciliation eſt ſi douce, que l’enyurant, par maniere de dire, d’vne ſainte amour, elle luy fait perdre la ſoif des choſes du monde.


Govvernement de la repvblicque.


CE Gouuernement vous eſt icy figuré par l’image d’vne ſeconde Pallas, ayant vn Morion ſur le chef, vn Rameau d’oliuier en la main droite ; & en la gauche vn Dard, outre qu’auecque ce meſme bras elle ſouſtient vn Bouclier. Elle reſſemble à Pallas, pource que le bon Gouuernement d’vn Eſtat doit eſtre fondé ſur la Sageſſe, ſur les forces de la Guerre, & ſur les biens de la Paix, qui ont pour ſymboles le Morion, le Dard, le Bouclier, & l’Oliuier.

Honnesteté. Hvmanité.

Hvmilité. Honnevr.

Honnesteté.


ELle eſt repreſentée par vne Dame honorablement veſtuë, & qui a le viſage voilé. L’honneſte habit dont elle ſe couure le corps, eſt vne marque de la moderation de l’Ame ; & les yeux voilez en ſont vne autre d’vne perſonne chaſte, qui fuit les objects par où la concupiſcence s’allume dans le cœur ; eſtant veritable, comme dit le Poëte,

Que les regards laſcifs ſont des traits dangereux,
  Qui bleſſent les cœurs amoureux.

Hvmanité.


CE qu’on appelle icy Humanité, ſe peut plus proprement nommer Accortiſe, ou Courtoiſie, qui eſt vne certaine inclination à ſe rendre complaiſant à l’humeur dautruy. On la repreſente par vne belle Dame, tenant deuant elle quantité de fleurs, qui ne ſont pas moins agreables à la veuë qu’à l’odorat ; & vne Chaiſne d’or de la main gauche, pour monſtrer que les ames genereuſes ſemblent s’attacher entr’elles par les mutuels offices qu’elles ſe rendent.


Hvmilité.


CElle à qui vous voyez icy tenir vne Palme à la main, & vne Couronne ſous ſes pieds, eſt l’Humilité, vertu qui rend la perſonne qui la poſſede d’autant plus loüable, qu’elle fait gloire d’eſtimer comme vn neant ſon propre merite : Auſſi luy donne-t’on vne Palme, à cauſe que tant plus on taſche de l’abbaiſſer, tant plus elle ſe releue ; outre que par la Couronne ſouſmiſe à ſes pieds, eſt demonſtré le meſpris qu’elle fait des grandeurs & des vanitez de la terre.


Honnevr.


CE Guerrier qui porte vne Couronne de Palme, vne Chaiſne d’or, des Bracelets, vne Lance, & vn Eſcu, où ſont peints deux Temples auecque ces mots, Hic terminvs hæret ; n’eſt pas mis icy hors de propos pour le Tableau de l’Honneur. Eſtant fils de la Victoire, c’eſt à bon droit qu’il a le front ceint de Palmes, & que la Lance, l’Eſcu & les Bracelets luy ſont donnez pour enſeignes & pour recompenſes de ſa Valeur. Quant à la Deuiſe des deux Temples, elle nous apprend que l’Honneur & la Vertu ſont tellement inſeparables, qu’on ne peut entrer dans l’vn que par l’autre.

Innocence. Instrvction.

Intellect. Invocation.

Innocence.


ELle a pour Embleme vne ieune Fille couronnée de Palmes, en action de lauer les mains dans vn Baſſin, & aux pieds de laquelle eſt couché vn Agneau. S. Ambroiſe entend par la couronne de Palmes l’Innocence & la Pureté, qui nous eſt donnée de Dieu dés le meſme inſtant que nous ſommes regenerez par le ſaint Bapteſme : Auſſi eſt-il vray que l’eau en eſt encore vn ſymbole. A raiſon dequoy par vne ancienne couſtume ceux qui ſe vouloient declarer exempts de quelque tache, ou de quelque ordure dont on les ſoupçonnoit, ſe lauoiẽt les mains en la preſence du peuple. Quant à l’Agneau, il n’y a celuy qui ne ſçache que dans les Autheurs ſacrez & prophanes il eſt toûjours pris pour vn Hyerogliphe de l’Innocence.

Instrvction.


IL n’eſt point de meilleur moyen de s’acquerir de bonnes habitudes, & de profiter dans l’Eſcole de la Vertu, qu’en s’inſtruiſant par les leçons des Sçauans, & particulierement par leur exemple, quand ils ſont hommes de probité ; Ce qui nous eſt enſeigné par cét Homme de robe longue, qui tient d’vne main vn Miroir, où il ſe conſidere ſoy-meſme, & où ſe liſent ces mots alentour, Inspice, cavtvs eris. Par où il ſemble nous aduertir de rabattre la veuë ſur nos defauts, afin que trouuant des taches en nous-meſme, nous les effacions s’il eſt poſſible, comme font ceux qui par l’aide du Miroir nettoyent ce qu’il y a de ſale ſur leur viſage.


Intellect.


IL me ſemble qu’auec beaucoup de raiſon l’Intellect ſe voit icy figuré par vn ieune Homme de bonne mine, qui tient à la main vn Sceptre, vne Couronne ſur la teſte, d’où s’exhale vne Flame, & a la veuë fixemẽt attachée ſur vne Aigle. Il eſt peint ieune, pour mõstrer que l’Intellect ne vieillit point. La Couronne & le Sceptre repreſentent l’empire qu’il a ſur les paſſions ; la Flame qui s’euapore du chef, marque le naturel deſir qu’on a de ſçauoir que la capacité de la Vertu intellectuele produit en nous ; & par l’Aigle eſt ſignifiée la viuacité de l’entendemẽt, par qui nous nous eſleuons aux choſes les plus hautes, & les contemplons, comme fait l’Aigle, qui s’eſlance iuſques dans les nuës, & qui regarde fixement le Soleil.


Invocation.


ELle eſt repreſentée par vne Femme qui porte ſa veuë en haut & qui tient les mains iointes, auec vne Flame qui luy ſort du ſommet de la teſte, & vne autre de ſa bouche. Ce qu’elle regarde le Ciel monſtre que tout le ſecours qu’elle attend doit venir d’enhaut ; & quant aux Flames elles denotent l’ardeur de ſon zele & de ſa priere.

Inspiration. Ievsne.

Liberalité. Loyavté.

Inspiration.


CE ieune Garçon, dont les cheueux ſont heriſſez, & qui regarde le Ciel, d’où s’eſlancent des rayons qui luy percent le Cœur ; outre que de ſa main droite il tient vne Eſpée nuë, & de la gauche la Fleur qu’on appelle Tourne-ſol, eſt icy pris pour l’Inſpiration. Par le Ciel ſerain & ſemé d’Eſtoiles, eſt repreſentée l’infinie bonté de Dieu, qui par vne grace particuliere inſpire & enflame le Pecheur : les cheueux heriſſez figurent les apprehenſions & les alarmes continuelles que ſe dõne l’homme quand il eſt plongé dans le vice : la veuë tournée en haut ſignifie que ſans la grace Diuine l’eſprit ne peut s’attacher qu’aux choſes de la terre ; l’Eſpée nuë, que pour auoir de veritables inſpirations, il faut ſe deſnuer de toutes les choſes qui peuuent bleſſer noſtre ame ; et le Tourne-ſol, qu’à l’imitation de cette Fleur, qui ſuit toûjours le Soleil, le Pecher conuerty, & embraſé de l’amour diuine, ouure ſon cœur à Dieu, & ſe tourne ſans ceſſe vers luy.


Ievsne.


VOicy l’Embléme du Ieuſne, que cét Homme en vn âge floriſſant eſtale à vos yeux. Il eſt debout ſur vn Crocodile, a la bouche bandée, tient d’vne main vn Lievre, & de l’autre vn Poiſſon, auec vn Eſcriteau, qui dit, Pavca vescor. On le peint d’âge robuſte, afin de monſtrer que la force & la ſanté ſont neceſſaires pour ieuſner. Il eſt debout ſur vn Crocodile, pour faire voir qu’il foule aux pieds la Gourmandiſe, dont cét Animal chez les Egyptiens eſtoit vne Figure hieroglyphique. Quant au Lievre qu’il tient ſous le bras gauche (animal qui dort les yeux ouuerts) il ſignifie la vigilance de ceux qui ieuſnent, par le moyen de laquelle ayant l’eſprit eſpuré, ils s’eſleuent plus haut à la contemplation des choſes celeſtes. A quoy i’adjouſte que le Poiſſon Cephale, qu’il tient de la main gauche, eſt le ſymbole de l’Abſtinence, repreſentée par ces mots, Pavca vescor, c’est à dire, Ie mange peu.


Liberalité.


CEtte Figure s’explique aſſez d’elle-meſme, par l’action d’vne belle ieune Dame, qui de la main droite diſtribuë liberalemẽt à de petits enfans des pieces d’or & d’argẽt, & les prend dans vne Couppe qu’elle tient de la main gauche.


Loyavté.


ELle ſe couure d’vne Robe deliée, tenant d’vne main vne maniere de Falot, ou de Lanterne allumée, & de l’autre vn Maſque rompu en diuers endroits. La Robe deliée ſignifie, que l’homme fidelle doit faire pareſtre dans ſes paroles la ſincerité de ſes actions, comme la lumiere paroiſt à trauers le verre qu’elle perce. & par le Maſque rompu, il nous eſt declaré qu’il eſt difficile de n’eſtre pas ennemy de ceux qui ont l’ame double, & dont l’amitié n’eſt que feintiſe & deſguiſement.

Loy canoniqve. Loy natvrelle.

Magnanimité. Magnificence.


Loy canoniqve.


CEtte Dame que vous voyez icy doüée d’vne beauté ſinguliere, & toute brillante de rayons qui luy couronnent la teſte, repreſente la Loy Canonique. Elle tient de la main droite vne Balance, en l’vn des Baſſins de laquelle ſe voit vne Couronne, & en l’autre vn Calice reſplendiſſant ; outre qu’elle porte en la main gauche vne Mitre ſur vn Liure ouuert, & vn Miroir deuant elle. Toutes leſquelles choſes jointes enſemble ſignifient, la Foy, la Iuſtice, la Dignité, la Science, la Sageſſe, l’illuſtre eſclat de gloire, & qui accompagnent cette Loy, ſans laquelle il n’y auroit ny regle ny conduite dans les plus importantes actions de la vie.


Loy natvrelle.


PAr cette Femme agreable, aſſiſe au milieu d’vn jardin, & qui n’eſt couuerte que de la ceinture en bas, eſt figurée la Loy Naturelle. Sa beauté nous apprend, qu’en la naiſſance du monde, Dieu fit belles & parfaites toutes les choſes qui s’y voyent. Sa nudité, & ſa cheuelure ſans art, qu’il n’y a ny fard ny déguiſement en cette Loy, non plus qu’en ſon Autheur ; le Compas qu’elle tient auecque ces mots, Æqua lance, qu’il ne faut point faire aux autres ce que nous ne voudrions pas qu’ils nous fiſſent ; & ſon ombre propre, qu’elle monſtre de la main gauche, que de la façon qu’elle ſe gouuerne enuers le Prochain, elle ſe le rend entierement ſemblable. A quoy i’adjouſte qu’elle eſt aſſiſe en vn beau jardin, pour mõſtrer qu’ayant eſté miſe du commencement dans le Paradis terreſtre, elle en fut chaſſée depuis, & reduite à cultiuer la terre, pour luy faire produire tout ce qui s’y voit aujourd’huy, non ſeulement de beau, mais de profitable encore.



Magnanimité.


VOicy la vraye grandeur de Courage, que cette Dame majeſtueuſe nous repreſente. Elle eſt richemẽt veſtuë, pour monſtrer que les richeſſes ſont iuſtement deuës à ceux qui en vſent noblement, & voila pourquoy on luy donne auſſi la Corne d’Abondance. Quant à la Couronne Imperiale, & au Sceptre qu’elle tient en main, l’vn ſignifie le genereux deſſein que l’on a de faire du bien, & l’autre la puiſſance de l’executer, qui ſont deux choſes ſans leſquelles il eſt impoſſible d’exercer la Magnanimité. Que ſi elle eſt aſſiſe ſur vn Lion, c’eſt pource que le Lion, Roy des Animaux, eſt vn ſymbole de cette Vertu, qui eſt Reine auſſi de toutes les autres.



Magnificence.


CEtte Dame couronnée ne tient pas ſans raiſon vne Palme dans l’vne de ſes mains, & l’autre appuyée ſur vn Plan d’Architecture, pour monſtrer que cette Vertu victorieuſe des années, ne ſe propoſe que des ſujets illuſtres, & qu’vn de ſes effets principaux c’eſt de baſtir des Temples & des Palais, qui ſont des Ouurages par le moyen deſquels les plus grands Princes rendent à la Poſterité leur nom ou leur memoire celebre.

Mediocrité. Misere dv monde.

Meditation de la mort. Meditation spiritvelle.

Mediocrité.


ELle eſt icy figurée par vne Dame de bonne mine, qui de la main droite tient vn Lion attaché à vne chaiſnette, & de l’autre vn Agneau, auecque ces mots, Medio tvtissimvs ibis. Par ces deux extremitez elle fait voir de trop grands reſſentimens, & vne trop grande patience auſſi, tenant vn milieu entre la Douceur & la Force. Or eſt icy que ce milieu n’eſt autre choſe que la Mediocrité, à laquelle nous deuons addreſſer toutes nos actions, ſi nous voulons qu’elles ſoient aſſeurées & hors de danger, puis qu’il eſt vray, comme dit le Poëte,

Que le meilleur chemin eſt celuy du milieu.


Misere dv monde.


LEs Miſeres humaines ont pour Embleme vne Femme qui a la teſte comme enchaſſée dans vn grand Verre, & qui tient de la main droicte vne Bourſe renuerſée, d’où s’eſpandent peſle-meſle des joyaux, auecque des pieces d’or & d’argent. Le Verre demonſtre la fragilité des choſes du monde ; & que comme pour eſtre diaphane, il ne borne point la veuë de celuy qui le regarde ; ainſi les richeſſes d’icy bas ne font iamais mettre des limites à nos penſées, iuſques à ce que la mort en arreſte le mouuement. Quant à l’or & à l’argent que cette Femme verſe par terre, c’eſt pour monſtrer qu’encore que les Riches ſemblent heureux, ils ne laiſſent pas toutesfois d’eſtre miſerables, puis qu’ils n’emportent pas leurs threſors, & que ceſſans de viure, il faut qu’ils ceſſent auſſi de les poſſeder.


Meditation de la mort.


CE Tableau funeſte repreſente aſſez bien, ce me ſemble, la Meditation de cette derniere fin par vne Femme, veſtuë de dueil, & aſſiſe ſur vn Tombeau, où elle regarde fixement vne Teſte de mort ; & tout alentour d’elle eſt vn Eſcriteau, auec ces mots, O mors qvam amara est memoria tva.

O Mort que de ton nom la memoire eſt amere !

Ce qui ſe verifie aſſez par l’auerſion qu’ont naturellement pour elle les creatures viuantes ; ſi bien que ce n’eſt pas ſans raiſon qu’elle eſt appellée par le Philoſophe la plus formidable de toutes les choſes d’icy bas.


Meditation spiritvelle.


CEtte Figure ſemble parler d’elle-meſme ; & par vne Fille deuote qui ſe tient à genoux ſur vne Croix, ayant les mains jointes, & les yeux tournez au Ciel, elle teſmoigne l’ardeur de ſon zele & de ſa Meditation, en diſant, Sitivit anima mea ad Devm fontem vivvm. Par où elle monſtre que pour s’entretenir dans la vie contemplatiue elle ne peut mieux s’addreſſer qu’à ſon Createur, qui eſt vne ſource inepuiſable de biens & de graces.

Obeissance. Occasion.

Oraison. Pvdicité.

Obeyssance.


VOvs auez deuant vos yeux le Tableau de cette grande Vertu, en la perſonne d’vne Femme humble & modeſte, qui ſe tient à genoux, ayant les yeux tournez vers le Ciel, d’où ſortẽt des rayons eſclattans, à trauers leſquels paroiſt vn frein, ſur qui elle porte ſa main pour le prendre. Par où nous ſont declarées les conſolations celeſtes que reçoit vne ame, qui s’humilie quand il luy arriue quelque affliction ; ce qui nous eſt enſeigné par ces mots, Hvmiliavit in terra vitam meam : Car tant plus l’aduerſité, qui eſt comme vn frein, nous retient, & nous abaiſſe ſur la terre, tant plus nous deuons l’embraſſer,

& nous rendre ſouples à l’obéïſſance.

Occasion.


CEtte Femme nuë, qui tient vn Voile à la main, eſt le ſymbole de l’Occaſion. Elle eſt chauue par derriere, & cheueluë par deuant, pour nous apprendre qu’il la faut empoigner quand elle ſe preſente, de crainte qu’elle ne nous eſchappe ; car elle eſt volage, & touſiours preſte à s’enfuir. Voila pourquoy elle eſt icy peinte ayant vn pied en l’air, & l’autre ſur vne Rouë. Quant au Raſoir qu’elle porte, il ſignifie que dés auſſi-toſt qu’elle s’offre à nous, il eſt neceſſaire de retrancher toutes ſortes d’empeſchemens & d’obſtacles, pour la ſuiure où elle nous appelle.


Oraison.


ON la peint icy ſous la perſonne d’vne vieille Femme, pour monſtrer qu’en la vieilleſſe plus qu’en vn autre âge, nous nous adonnons à l’Oraiſon, à cauſe qu’alors nous ſommes plus proches de noſtre derniere fin. Elle a la teſte couuerte, & ſe tient à genoux, pource qu’vne vraye priere doit eſtre faite en particulier, & ſans oſtentation. Le Cœur qu’elle tient d’vne main demonſtre ſon zele, & la ſincerité de ſon ame. Dequoy l’on peut dire encore que l’Encenſoir eſt le vray ſymbole ; a qu’vn Chappelet y tient lieu de chaiſnettes pour l’attacher, a cauſe que le Chreſtien s’en ſert ordinairement à faire ſes principales prieres, qui ſont le Pater noſter, & l’Ave Maria.


Pvdicité.


POvr Embleme de la Pudicité ſe voit icy peinte cette ancienne Veſtale Romaine, qui pour vn teſmoignage d’auoir conſerué la ſienne inuiolable, ayant inuoqué les Dieux contre ſes Accuſateurs, teſmoigna ſon innocence, en tirant à terre à contremont vn gros Nauire auec vn ſimple filet.

Pardon. Patience.

Penitence. Prvdence.

Pardon.


IL nous eſt figuré par l’action de ce ieune Homme à demy-nud, qui venant de ſe battre en düel, & de tuer ſon Ennemy, en eſt touché d’vne ſecrette repentance : Ce qui fait qu’il rompt à meſme temps ſon Eſpée, qui a fait le meurtre, & que regardant le Ciel, pour

demander pardon à Dieu, il s’eſcrie, Libera me de sangvinibvs, Devs salvtis meæ.

Patience.


CEtte pauure Deſolée aſſiſe ſur vne Pierre, enuironnée d’eſpines, ayant des Fers aux mains, & vn Ioug ſur ſes eſpaules, nous repreſente la Patience. Elle eſt aſſiſe ſur vne Pierre parmy des Eſpines, pour monſtrer que c’eſt vne choſe bien dure que de ſe reſoudre aux ſouffrances de cette vie ; mais que neantmoins quelques rudes & picquantes qu’elles ſoient, l’on en peut venir à bout par le moyen de cette Vertu. Quant aux Fers, & au Ioug qu’on luy fait porter, l’vn & l’autre ſignifient la captiuité d’vne Ame affligée, qui ne laiſſe pas toutesfois d’auoir de grandes conſolations, en impetrant l’aſſiſtance Diuine par ces paroles, Miserere mei Devs.


Penitence.


ELle vous eſt repreſentée par vne vieille Femme aſſiſe ſur vne Pierre, d’où rejallit vne ſource d’eau viue. Elle y tient deſſus ſa veuë attachée, & ſemble ſe vouloir deshabiller, pour ſe lauer de ſes ordures, diſant auec le Prophete, Amplivs lava me ab iniqvitate mea. La Pierre où elle eſt aſſiſe eſt vne Figure de Ieſus-Chriſt ; ſur qui le Pecheur ſe repoſant, & arreſtant ſes penſées à la contemplation de cette Fontaine ineſpuſable, qui eſt la Grace diuine, il laue ſon Ame, & la rend nette de toute ſorte de taches par le moyen de la Penitence ; à quoy ſe rapportent ces paroles de Dauid, Vous me lauerez, Seigneur, & ie feray plus blanc que la neige.


Prvdence.


CEtte Vertu vous eſt figurée par vne venerable Dame, en l’vn des bras de laquelle eſt enlacé vn Serpent ; & qui tient de la main gauche vne Teſte de mort qu’elle contemple, outre qu’en ſon ſein ſe voit vn Oeil tout eſclattant de lumiere. La Teſte de mort ſignifie que pour s’acquerir la vraye Prudence, il importe beaucoup de conſiderer touſiours la fin des choſes ; & l’Oeil demonſtre le meſme. Pour ce qui eſt du Serpent, l’on ſçait aſſez qu’il eſt vn ſymbole de cette Vertu dans les ſainctes Lettres, où nous ſommes exhortez à eſtre prudens comme les Serpens.

Repentance des pechez. Regret.

Restitvtion. Reformation.

Repentance des pechez.


LA Repentance que nous deuons auoir de nos fautes, nous eſt demonſtrée par vne Femme couronnée d’hyſope, tenant d’vne main vn Rameau d’oliuier, & de l’autre vne Diſcipline, auecque ces mots, Delictvm mevm cognitvm tibi feci. Le Rameau d’oliuier eſt vn ſymbole de la paix que le Pecheur fait auec Dieu par le moyen d’vne vraye Repentance ; & la Diſcipline en eſt vn autre, puis qu’il s’en ſert à macerer ſon corps, & à le mortifier par abſtinences, par ieuſnes, & par prieres. I’obmetz que la Guirlande d’hyſope ſignifie que nous ſommes purgez de nos pechez par la Penitence,

conformément à ces paroles de Dauid, Aſperges me Domine hyſopo, &c..

Regret.


LE Regret des fautes paſſées ſe demonſtre icy par vne Dame affligée, qui a le cœur rongé de vers, veritables ſymboles des ſecrets remords de ſa conſcience. Elle a les yeux fixes vers le Ciel, & baignez de larmes, qui ſont les marques de ſa douleur. Et dautant que parmy les geſnes & les tortures que luy donnent ſes offenſes, elle attend toute ſon aſſiſtance de Dieu ; auſſi ne s’adreſſe-t’elle qu’à luy, & dit auec le Prophete, Cor contritvm et hvmiliatvm Devs non despicies.


Restitvtion.


CEtte Femme, qui ſe tenant debout entre vne Caſſette & vn Sac d’argent, compte d’vne main à l’autre celuy qu’elle vient de prendre, ſignifie que la Reſtitution du bien mal acquis ſe doit faire volontairement, & ſans y auoir du regret, puiſque ſans elle le peché n’eſt point remis, & que c’eſt par elle meſme qu’il le faut reparer neceſſairement.


Reformation.


C’Eſt la Figure d’vne vieille Dame, qui de la main droite tient vne Sphere, & de la gauche vne Liure ouuert, où ſe liſent ces paroles, Obsecra, argve. Par la Reformation ſe doit entendre le reglement des abus, qui ſe ſont gliſſez inſenſiblement par la licence des hommes. A quoy l’on peut paruenir par deux principaux moyens, qui ſont l’exhortation, & la reprimande : ce que donnent à conneſtre les deux mots qui ſe voyent dans le Liure que tient cette Femme. Quant à la Sphere qu’on luy donne, ie n’en ſçay point d’autre cauſe, ſi ce n’eſt poſſible pour monſtrer qu’à l’exemple du Ciel, qui eſt reglé en ſes mouuements, il faut que les actions des hommes le ſoient de meſme, par la correction & la vigilance de leurs Superieurs.

Rome victorievse. Rome la sainte.

Simplicité. Sincerité d’ame.

Rome victorievse.


ELle eſt repreſentée dans les anciennes Medailles, aſſiſe ſur trois Boucliers, auec vne Lance à la main ; & derriere elle ſe voit vne Victoire aiſlée, tenant vne Palme, & qui couronne de Laurier cette ſuperbe Ville, Reine de toutes les autres : Car il ne faut que lire l’Hiſtoire pour voir les deſpoüilles & les trophées que par ſes memorables faicts d’armes elle a remportez ſur tous les peuples

de la terre.

Rome la sainte.


VOvs la voyez icy debout, ayant au deſſous de ſes Armes vne Robe de pourpre brochée d’or. Elle porte pour Cimier ſur ſon heaume le Caractere, tenant en la main droite vne Lance, en forme de Croix par le haut, où ſe voit au milieu d’vne Ouale garnie des perles le Caractere ſuſdit ; & de la gauche elle porte vn Bouclier & deux Clefs croizées, l’vne d’or & l’autre d’argent, auec la triple Couronne ; appuyant la pointe de ſa Lance ſur vn Dragon. Le Cimier denote le nom de Christ, que portoit ordinairement ſur ſon habillement de teſte le grand & victorieux Conſtantin, premier Empereur, qui par ce ſacré Nom, & par l’Eſtendard de la Croix ſanctifia la Ville de Rome : Auſſi fut-ce par là ſeulement qu’il vint à bout d’vn cruel Ennemy, & qu’il ſubiugua l’Idolatrie, Monſtre difforme, & Dragon eſpouuentable. Quant aux Armes qui ſe voyent ſur ſon Bouclier, il ſuffit de ſçauoir qu’elles ſont les glorieuſes marques de la dignité Pontificale, qui eſt reuerée de toute la terre.


Simplicité.


ELle eſt repreſentée en ieune Fille veſtuë de blanc, tenant de la main droite vne Colombe, & de la gauche vn Faiſan, auec ces mots alentour, Doce me facere volvntatem tvam, qvia Devs mevs es tv. On l’habille de blanc, pource que cette couleur eſt ſans melange, & la plus ſimple de toutes. A quoy i’adjouſte que dans les ſainctes Lettres la Colombe eſt le ſymbole de la vraye & loüable Simplicité ; ce que l’on peut dire encore du Faiſan, qui ſelon quelques Autheurs, s’imagine qu’on ne le voit point quand il ſe cache la teſte.


Sincerité d’ame.


ELle a pour Embleme vne jeune Fille, ſur le ſein de laquelle eſclatte vn Soleil, marque de l’integrité de ſon Ame. Auſſi pour teſmoigner qu’elle n’a point de plaiſirs qui ne ſoient innocens & tous purs, elle eſt repreſentée donnant à manger à vn Poulet blanc, & tenant vn Lis de la main gauche, auec ces mots, Et spiritvm rectvm innova in visceribvs meis.

Vraye sagesse. Svbstance.

Virginité. Verité.

Vraye sagesse.


CEtte Vertu n’ayant rien que de celeſte, n’eſt pas mal repreſentée par vne Femme bien haut eſleuée par deſſus la terre. Elle eſt preſque toute nuë, ayant des aiſles au dos, des rayons qui l’enuironnent, & des nuages ſous les pieds. Toutes ces choſes enſemble ſignifient, qu’elle foule les Vanitez d’icy bas, dont les broüillars & les nuages ſont les ſymboles ; Que ſa nudité luy plaiſt, eſtant deſpoüillée, comme elle eſt, des grandeurs & des richeſſes du monde ; Que ſes penſées n’ont pour but que le Ciel, & qu’elle n’a point d’autre deſir que de ſeruir Dieu ; ce qu’elle declare ouuertement par ces paroles ſacrées, Domine ante te omne desiderium mevm.


Svbstance.


CEtte Dame par ſes Tetins qu’elle monſtre, & qui ſont pleins de l’aict, donne à conneſtre la Subſtance que nous tirons de la plus pure de toutes les nourritures. Outre que par les Eſpics & les Pampres qu’elle porte, elle marque la merueilleuſe fecondité de la Terre, mere-nourrice de toutes les creatures du monde.


Virginité.


C’Est icy l’Embleme de la Virginité, ſous la figure d’vne ieune Fille, qui careſſe vne Licorne ; ce qui n’eſt pas mal imaginé, ce me ſemble, s’il eſt vray, comme quelques Autheurs l’ont eſcrit, que la Licorne ne ſe laiſſe prendre ny appriuoiſer que par vne Vierge.


Verité.


LEs agréemens & les beautez qui ſe deſcouurent ſur le viſage de cette Dame, font aſſez voir quels ſont les appas de la Verité, & combien elle eſt charmante. Auſſi luy fait-on tenir vn Miroir d’vne main, pour monſtrer qu’elle n’a point d’objet que ſoy-meſme ; & de l’autre vne Balance, qui ſignifie qu’en ſes paroles elle eſt touſiours inuiolable & incorruptible.

Arrogance. Ambition.

Avvevglement d’esprit. Avarice.

Arrogance.


L’On ne doit pas trouuer eſtrange ſi l’Arrogance eſtant vn Vice qui s’attache aux Ignorans, & aux perſonnes qui n’ayant aucun eſprit, croyent neantmoins en auoir beaucoup, on s’eſt aduiſé icy de luy donner des oreilles d’Aſne ; Outre que ce n’eſt pas ſans raiſon que la Femme qui la repreſente, porte en la main gauche vn Paon, qui eſt le ſymbole de l’Orgueil, & qu’auec le ſecond doigt de la droite qu’elle tient hauſſé, elle ſemble monſtrer ſon humeur obſtinée à ſouſtenir ſa propre opinion, quelque fauſſe qu’elle ſoit ; & c’eſtoit auſſi pour ce ſujet que les Anciens peignoient

de meſme l’Obſtination, qui approche fort de l’Ignorance.

Ambition.


L’Ambition, qui ſelon S. Thomas, eſt vn appetit deſreglé de ſe faire grand par toutes ſortes de voyes, ou bonnes, au mauuaiſes, eſt icy peinte ieune, auec les Pieds nuds, & vne Robe courte, dont la couleur doit eſtre verte. Elle a des Aiſles au dos, & la teſte chargée de Couronnes, de Mitres, & de toutes les autres marques d’honneur qui accompagnent les Dignitez les plus hautes. A quoy i’adjouſte qu’elle a derriere elle vne Mer orageuſe, auec vn Lion qui ſuit ; & que toutes ces choſes enſemble ſignifient, qu’ordinairement les ieunes hommes, pour la bonne opinion qu’ils ont d’eux-meſmes, & pour les grandes eſperances qu’ils conçoiuent de leur vertu pretenduë, ſont particulierement ſujets à ce Vice. Les Aiſles ſignifient, que les Ambitieux veulent toûjours voler par deſſus les autres ; la Robe courte, les Pieds nuds, & la Mer irritée, qu’ils ont beaucoup à ſouffrir, pour venir à bout de leurs pretentions, qui les font aſpirer vainement à la poſſeſſion des Sceptres & des Couronnes.


Avevglement d’esprit.


ON le repreſente par vne ieune Femme qui eſt dans vn jardin, où elle monſtre vne Taupe d’vne main, & de l’autre elle tient vne Tulipe. D’où il paroiſt manifeſtement que la Taupe pour n’auoir point d’yeux, eſt vn ſymbole de l’Aueuglement d’eſprit ; & que la Tulipe en eſt vne autre, puis qu’il ſe voit auiourd’huy que ceux qu’on appelle Curieux, n’ont pas moins de paſſion pour cette Fleur, que pour vne belle Maiſtreſſe.


Avarice.


CEtte Femme qui a le ventre ſi gros, qui tient vne Bourſe, & qu’vn Loup maigre accompagne, ne repreſente pas mal le naturel des Auares, leſquels ſemblables aux Hydropiques, ne peuuent eſteindre la ſoif qu’ils ont des richeſſes, mais tels que des loups rauiſſans, ont pour les choſes du monde vne faim inſatiable, ou meſme enragée.

Caprice. Calomnie.

Contrarieté. Comedie.

Caprice.


IL eſt icy denoté par vn ieune Garçon, bizarrement veſtu, ayant ſur la teſte vne Tocque garnie de Plumes de diuerſes couleurs ; outre que de la main droite il tient vn Souflet, & de la gauche vn Eſperon. L’on appelle Capricieux ceux qui ſuivant les ſoles idées de leur eſprit, s’emportent à des legeretez, à des fantaiſies, & à des actions ſi extraordinaires, qu’elles ſurprennent les ſens des perſonnes qui les voyent. Ce qui nous eſt figuré par les Plumes de differentes couleurs, vrays ſymboles d’Inconſtance ; comme par le Souflet & par l’Eſperon il eſt demonſtré, que les Capricieux ſont prompts d’ordinaire à flatter les vertus des autres, & à s’emporter contre leurs vices par des paroles picquantes.

Calomnie.


CEtte Femme en cholere empoignant par les cheueux vn petit Enfant, qui luy demande pardon, & tenant de l’autre main vne Torche allumée, eſt le Tableau de la Calomnie. Par où il nous eſt enſeigné, Que les plus dangereux effets de cette Furie ſont engendrez d’vne hayne ſecrette, & d’vn deſir de vengeance ; qu’elle eſt capable au reſte d’allumer la Diſcorde dans tous les Eſtats du mõde ; & que ce luy eſt vne choſe naturelle de déchirer autant qu’elle peut la reputation des Innocens. Auſſi luy donne-t-on pour Figure Hyeroglifique vn Baſilic, pour monſtrer que comme ce dangereux Animal tuë de loin par ſa veuë, le Calmoniateur de meſme ruine entierement par ſa meſchante langue ceux qu’à quelque prix que ce ſoit il ſe propoſe de perdre.


Contrarieté.


CE n’eſt pas mal à propos qu’on la peint auec vne Robe moitié noire, & moitié blanche, & qu’auec cela on luy fait tenir d’vne main vn Vaſe, dont leau ſe reſpand ; & de l’autre vn Réchaud plein de feu ; ce qui n’a pas beſoin d’autre explication, puis qu’on ſçait aſſez que ces deux Elemens ſont directement contraires. Quant aux deux Rouës qui ſe voyent en bas, elles marquent l’Inconſtance de ces hommes perſomptueux, qui ſe plaiſent à chocquer & à contredire les ſentimens de tout le monde ; vice dangereux, & entierement inſupportable.


Comedie.


ELle eſt miſe icy non pas pour vn vice, mais pource qu’elle expoſe ſur le Theatre, les vices des hommes afin de les faire auoir en horreur, & de les induire par l’exemple d’autruy à corriger leurs mœurs, comme le declarent ces mots, Describo mores hominvm. Et dautant que les Anciens en leurs Comedies ſe ſeruoient ordinairement & du Clairon, & du Maſque, ce n’eſt pas ſans ſujet qu’on les luy met icy en main, à cauſe que l’vn ſignifie l’Harmonie, & l’autre l’Imitation.

Concvpiscence. Cvpidité.

Discorde. Dovte.


Concvpiscence.


L’Embleme de la Concupiſcence ſe voit icy ſous la Figure d’vne Femme preſque nuë, dont les cheueux ſont treſſez auec art, & qui eſt aſſiſe ſur vn Crocodile, tenant d’vne main vne Perdrix qu’elle careſſe. Elle eſt peinte nuë, dautant que c’eſt le propre de ce Vice de ne deſpoüiller pas ſeulement le Corps des biens de Fortune, mais encore l’Ame de ſes plus precieux ornemens, tels que ſont l’Honneur, la Liberté, la Prudence, la Sageſſe, & ainſi des autres dons qu’vne paſſion aueugle luy fait perdre entierement. I’obmetz que le Crocodile ſur qui elle eſt montée, & la Perdrix qu’elle amadouë, ne luy conuiennent pas mal, pource que ces Animaux ont touſiours eſté chez les Anciens des Figures Hyeroglifiques d’vne incontinence tout à fait deſbordée.


Cvpidité.


LA Cupidité, ou la Conuoitiſe, appetit dangereux, & qui s’emporte hors des bornes de la Raiſon, eſt peinte nuë, auec des Aiſles, & les yeux bandez, pour monſtrer que c’eſt ſon ordinaire de deſcouurir deuant tout le monde ſes propres deffauts ; de voler apres les choſes fauſſes, ou qui n’ont qu’vne ſimple apparence de bien, & de ne ſe ſeruir iamais en ce qu’elle fait de la lumiere de l’entendement.


Discorde.


VOicy la plus effroyable & la plus pernicieuſe de toutes les Furies. C’eſt la Diſcorde, auec ſes cheueux heriſſez, & qui aboutiſſent en couleuures. En ſa main droite ſe voit vne Torche ardente, telle à peu prés que celle qu’on donne à Proſerpine ; & de la gauche elle tient trois diuers Eſcriteaux, où ſe liſent quelques termes de Chicane. Par les Serpens qu’elle porte, ſe doiuent entendre les cruels deſſeins qu’elle conçoit & engendre ; Par ſon Flambeau, les diſſentions qu’elle allume dans les Royaumes ; & par l’Eſcriteau qui eſt dans ſes mains, les diuers procez, & les deſolations qu’elle cauſe dans les Familles.


Dovte.


LE ſujet de cét Embleme eſt tiré de ce Prouerbe Latin, Avribvs Lvpvm teneo, c’eſt à dire,

Apres auoir longtemps cherché
Des doutes aux miennes pareilles ;
Ie me trouue bien empeſché
Et tiens le loup par les oreilles.

Desespoir. Detraction.

Espion. Envye.

Desespoir.


CEtte Femme repreſente le Deſeſpoir, qui eſt le dernier & le pire de tous les maux. Elle a dans le ſein vn Poignard, qu’elle s’y eſt enfoncé iuſques à la garde ; tient de la main droite vn Rameau de Cyprés, & regarde à ſes pieds vn Compas rompu. Par le Cyprés il eſt demonſtré, Que comme cét Arbre vne fois couppé, ne pouſſe iamais de nouueaux rejettons, vn Deſeſperé de meſme eſteint en luy toutes les ſemences des grandes actions ; & par le Compas rompu, Que la Raiſon, dont le Compas eſt le Hyerogliphique, l’abandonne entierement, pour le laiſſer en proye à la violence

de ſa paſſion.

Detraction.


ELle eſt peinte aſſiſe, & couuerte d’vne robe toute ſemée de Langues, tenant vn Poignard de la main droite, & vn Rat de la gauche. On la repreſente aſſiſe, pource que l’Oiſiueté eſt la principale cauſe de la Detraction. Les Langues qu’on luy donne ſignifient, qu’elle ne ſe laſſe iamais de parler mal d’autruy ; le Poignard, que par vne rage du tout extraordinaire, déchirant la reputation du Prochain, elle le traitte plus mal que ſi elle luy donnoit la mort ; & le Rat, qu’à l’imitation de cét Animal nuiſible, elle ronge la plus pure ſubſtance de l’homme de bien, qui eſt l’Honneur & l’Integrité.


Espion.


IL eſt repreſenté par vn Homme qui ſe couure le viſage de ſon Manteau, tout ſemé d’Yeux & d’Oreilles. Auec cela on luy fait tenir en main vne Lanterne ſourde ; outre qu’il a des Aiſles aux pieds, & vn Chien qui marche deuant luy. Il a le Viſage couuert, pour monſtrer que ceux qui font les Eſpions, ſont ſoigneux ſur toutes choſes de ne ſe point faire conneſtre, pour deſcouurir auec moins de ſouçon ce qui ſe paſſe, & particulierement à la Cour des Princes. Les Yeux & les Oreilles ſignifient, que le meſtier de telles perſonnes eſt de tout voir, & de tout oüir, non pas ſeulement de iour, mais de nuit encore ; ce qui eſt denoté par la Lanterne que cét Homme tient en main. Quant aux Aiſles qu’on luy met aux pieds, & au Chien qui le ſuit, c’eſt pour faire voir combien eſt grande la diligence des Eſpions, & quelle leur adreſſe à flairer de loin les plus ſecrettes practiques.


Envie.


L’Envie, qui s’attriſte ordinairement du bien du Prochain, autant qu’elle ſe reſioüit du mal qui luy arriue, fait voir l’vn & l’autre de ces effets par le Serpent qui luy ronge la mammelle gauche, & par l’Hydre qu’elle careſſe : Car comme ce monſtrueux Animal ayme naturellement à infecter de ſon venin tous ceux qui l’approchent ; l’Enuieux de meſme par vne ſecrette Contagion ſe plaiſt à perdre les plus gens de bien, ſans eſpargner ſes plus proches, ny ceux dont il fait ſemblant d’eſtre Amy.

Embvche. Fovrberie.

Férocité. Fravde.

Embvsche.


SOn Embleme eſt ſous la Figure d’vne Femme armée, qui de la main droite ſouſtient vn Bouclier, & porte en la gauche vn Filet que les Anciens ont toûjours pris pour vn ſimbole des Pieges que l’on tend aux autres. A quoy ſe rapporte ce que nous liſons de Pyttachus, l’vn des Sept Sages de Grece ; lequel ayant à combattre Frinon Capitaine des Atheniens, cacha ſous ſon Eſcu des Filets, qu’il luy ietta deſſus, pour l’embarraſſer, comme en effet il en vint à

bout par cette ruſe.

Fovrberie.


ELle a pour Embleme vne ieune Dame, qui tient entre les mains vne Botte de Paille allumée ; & ſous la Robe de laquelle, toute ſemée de Maſques & de Langues, il ſe deſcouure qu’elle a vne jambe de bois. Par la Torche qu’elle porte, il eſt demonſtré que tout l’eſclat qu’elle teſmoigne en apparence pour tromper autruy, ſe paſſe auſſi viſte qu’vn feu de paille ; Par ſes Maſques & ſes Langues, qu’elle prend toute ſorte de viſages, & accomode en cent façons ſa cajollerie au deſſein qu’elle a d’attirer ceux qu’elle veut perdre ; & par la jambe de bois, que toutes ſes allées & ſes venuës ſont contrefaites ; qu’en ſes actions elle ne marche iamais droit, & qu’il y a touſiours plus d’artifice que de naturel.


Férocité.


LA voicy repreſentée par vne ieune Dame, pleine de fougue, & armée de toutes pieces, tenant vn Baſton de Cheſne auec la main droite, & portant la gauche ſur la teſte d’vn Tigre furieux. Elle eſt peinte ieune, pource que le ſang qui prédomine à cét âge-là, rend les hommes ardans à tout entreprendre, ſans rien craindre. On la peint armée, dautant que les Armes rendent ordinairement ceux qui les portent hardis & violens. Quant au Baſton de Cheſne, on le luy donne pour ſymbole d’vn naturel indomptable ; car c’eſt en ce ſens que les plus celebres Poëtes le prennent ; & pour cette meſme raiſon encore elle porte la main ſur vn Tygre, Animal farouche, & qui eſt celuy de tous les autres qu’on peut le moins appriuoiſer.


Fravde.


VOvs la voyez icy auecque deux Teſtes entées ſur vn meſme Col, l’vne deſquelles eſt d’vne perſonne ieune, & l’autre d’vne vieille. Elle tient deux Cœurs de la main droite, & de la gauche vn Maſque, ayant vne queuë de Scorpion, & au lieu de pieds, les Serres d’vn Aigle. Le double Cœur ſignifie la Trahiſon, & le Maſque la Diſſimulation dont elle vſe. I’obmets que par la queuë de Scorpion eſt denoté le pernicieux venin qu’elle darde ; & par les Serres d’Aigle, qu’elle eſt comparable à vn oyſeau de proye, pour ne ſe propoſer d’autre but que de rauir l’honneur & le bien d’autruy.

Felicité mondaine. Glovtonnie.

Heresie. Hipocresie.

Felicité mondaine.


CEtte dame ſuperbement veſtuë, ayant vne Couronne d’or ſur la teſte, vn Sceptre à la main droite, qu’elle appuye ſur vne Plante qui commence à fleurir, & en la gauche vn Baſſin plein de pierreries & de pieces d’or, repreſente la Felicité du monde. Car il eſt ſignifié par toutes ces choſes, qu’elle ſe fleſtrit comme vne

fleur, & ſe paſſe du ſoir au matin, tout ſon eſclat n’eſtant qu’apparence, & qu’oſtentation de peu de durée.

Glovtonnie.


LA Gourmandiſe eſt en effet telle qu’on la voit dans cette Figure. Elle a vn col de Gruë, pour gouſter plus long-temps, & plus delicieuſement le Vin & les Viandes, qu’elle tient en l’vne & en l’autre main ; Et comme elle eſt inſatiable, ce n’eſt pas merueille ſi elle a le ventre ſi gros, veu qu’elle ne penſe qu’à s’engraiſſer, à l’imitation du Pourceau qui l’accompagne.


Heresie.


L’Hereſie eſt vne erreur de l’eſprit, à laquelle la volonté s’attache opiniaſtrement, contre la vraye creance qu’il faut auoir. Elle eſt peinte vieille, pour monſtrer, que ce n’eſt pas d’auiourd’huy qu’il y a des Heretiques, qui s’efforcent, mais en vain, d’esbranler les fondemens de la Religion. Par la Flamme qui luy ſort de la bouche, il eſt demonſtré qu’elle publie enſemble la fauſſe Doctrine & la Sedition, dont elle eſt le ſanglant Boute-feu ; Par les Cheueux eſpars, que les fauſſes opinions s’eſpandent de tous coſtez ; par la Nudité, qu’elle eſt depoüillée de toute Vertu ; & par les diuers Serpens qui ſortent du Liure qu’elle tient en main, que les fauſſes Inſtructions qu’elle donne ſont incomparablement plus contagieuſes que n’eſt le venin des Aſpics & des Dragons, quelque dangereux & nuiſible qu’il puiſſe eſtre.


Hippocrisie.


VOyez vn peu s’il ſe peut rien imaginer de plus trompeur que l’Hippocriſie. Elle eſt paſle & deffaite, pour monſtrer que ſi elle ſe mortifie, c’eſt pour mieux deceuoir autruy par vne vaine apparence. Auſſi eſt-ce pour la meſme raiſon qu’elle ſe couure la teſte d’vn Voile noir, & le corps d’vne Robe toute rapiecée, tenant d’vne main vn Chappellet, & vn Liure de prieres ; & de l’autre donnant l’Aumoſne à vn Pauure deuant tout le monde : Ce qu’elle fait afin de pareſtre en l’exterieur telle qu’vn Agneau, quoy que par dedans elle ſoit vn Loup rauiſſant ; Et voila pourquoy ce n’eſt pas ſans cauſe qu’on luy en donne icy les pieds.

Homicide. Idolatrie.

Infamie. Iactance.

Homicide.


IL eſt repreſenté par vn Homme de mauuaiſe mine, armé de toutes pieces, & couuert d’vn Manteau rouge, tenant d’vne main vn Cimeterre nud, & de l’autre vne Teſte qu’il vient de coupper : Il eſt peint auec vn viſage effroyable, pour monſtrer que le Meurtre eſt odieux à tous les hommes, & encore plus à Dieu, qui nous le deffend expreſſémẽt par ſes ſaincts Commandemens. Le Manteau rouge marque la cruauté par cette couleur de ſang ; & les Armes ſignifient qu’au lieu que les vrays Vaillans les portent d’ordinaire, pour en vſer auec honneur ; les Meurtriers au contraire, ne s’en ſeruent que pour prendre les Innocens à leur aduantage,

& les tuer de ſang froid.

Idolatrie.


CEtte Femme aueugle, & qui ſe tient à genoux deuant vn Taureau d’airain, à qui elle donne de l’Encens, repreſente l’Idolatrie : ce qui n’a pas beſoin d’autre explication, puis qu’il ſe voit clairement que toutes ces choſes qu’elle fait ſont des actes d’adoration, que par vn eſtrange aueuglement & vn crime abominable elle rend aux creatures, au lieu qu’ils ne ſe doiuent rendre qu’au Createur.


Infamie.


VOvs la voyez icy peinte ſous la Figure d’vne Femme à demy-nuë, ayant des Aiſles noires, & vne Trompe dont elle ſonne, auec ce mot eſcrit ſur la teſte, Tvrpe. Elle a des Aiſles de Corbeau, pour monſtrer que le bruit des actions qui la noirciſſent, eſt ſemé de toutes parts dans le monde ; & qu’elle meſme les publie ſans y penſer. Quant au mot qu’elle porte eſcrit ſur le front, il veut dire que l’Infamie eſt plus facilement veuë par autruy, que par ceux qui en ſont couuerts.


Iactance.


ELle porte vne main en l’Air, vne Trompette de l’autre, & vne Robe toute ſemée de Plumes de Paon, pour monſtrer que les Ames vaines prennent plaiſir à publier leurs propres actions ; & que la Superbe eſt inſeparable d’auecque la Vanité. Mais apres tout, ce n’eſt qu’vne vaine montre, comparable à celle du Paon, Oiſeau le plus orgueilleux de tous, les plumes duquel ſont eſclattantes & belles, mais inutiles.

Ignorance. Indocilité.

Irresolvtion. Impieté.

Ignorance.


LEs Grecs la repreſentoient comme vous la voyez icy par la Figure d’vn Enfant tout nud, qui a les yeux bandez ; & qui monté ſur vn Aſne, qui a les yeux bandez ; & qui monté ſur vn Aſne, en tient le Licol d’vne main, & vne Canne de l’autre. L’Enfance & la Nudité ſignifient que l’Ignorant n’a non plus d’eſprit qu’vn Enfant, & qu’il eſt deſnué de toute ſorte de connoiſſances. Et dautant que l’Ignorance n’eſt nullement clairvoyante, mais ſtupide & fragile au poſſible, toutes ces choſes enſemble ſont denotées, par le Bandeau qui couure les yeux de cét Enfant, comme encore par l’Aſne ſur qui il eſt monté,

& par la Canne qu’il porte.

Indocilité.


ELle vous eſt figurée par cette Femme couchée par terre, qui a ſur la teſte vn Voile noir ; tenant d’vne main vn Aſne bridé, & s’appuyant de l’autre ſur vn Pourceau. Elle eſt peinte eſtenduë par terre, pour monſtrer qu’vn eſprit groſſier, & qui ne peut rien apprendre, eſt toûjours rempant. Pour la meſme cauſe on luy fait tenir vn Aſne, ſuiuant la maxime des Aſtrologues, qui pour donner à conneſtre qu’vn Enfant qui vient au monde ſous le ſeizieſme degré du Lion, ne ſçaura iamais rien, diſent, que c’eſt vn Aſne qui eſt né bridé. A quoy i’adjouſte que le Pourceau eſt icy mis pour eſtre inhabile à tout, au contraire de la pluſpart des autres Animaux ; & que par le Voile noir il eſt declaré, que comme cette couleur n’en peut iamais prendre d’autre, de cette meſme façon, il y a certains eſprits ſi peu dociles, qu’il eſt impoſſible de les rendre ſuſceptibles des Sciences & des bonnes Diſciplines.


Irresolvtion.


CEtte vieille Femme, coiffée d’vn Linge noir, aſſiſe ſur vne Pierre, & tenant en chaque main vn Corbeau qui ouure le bec, ſignifie l’Irreſolution. Elle eſt peinte âgée, dautant que les vieilles gens, à cauſe des experiences qu’elles ont faites par le paſſé, ſont ordinairemetn plus irreſoluës que les ieunes. Le Linge noir, qui luy enueloppe la teſte, denote la confuſion & l’obſcurité de l’eſprit des hommes irreſolus ; & les Corbeaux, qui n’ont iamais qu’vne meſme note, & diſent touſiours Cras, cras, nous font ſouuenir que ceux qui n’ont point de Reſolution, remettent ordinairemetn au lendemain ce qu’ils pourroient bien faire auiourd’huy.


Impieté.


CE n’eſt pas ſans cauſe que pour Embleme de ce Vice, cette Femme tient en vn de ſes bras vn Cochon, pour monſtrer que comme il n’eſt point d’Animal plus ſale que celuy-ci, l’Impieté de meſme eſt le plus vilain & le plus odieux de tous les pechez. On met encore dans la main droite de cette Furie vne Torche allumée, dõt elle bruſle vn Pelican, pour monſtrer que toutes les actions de l’Impie ne ſe rapportent qu’à la ruine de la Charité, ou de la Pieté, dont le Pelican eſt le ſymbole.

Inivre. Inivstice.

Ire. Lvxvre.

Inivre.


IL ne faut que la poſture de cette Femme, pour iuger auſſi-toſt qu’elle eſt pleine de malignité, & preſte à peſter contre tout le monde. Elle a les Cheueux eſpars comme vne Bacchante ; porte l’vne de ſes mains ſur le flanc, & tient de l’autre des Verges, ou pluſtoſt

des Eſpines, qui ſont les ſymboles des traits injurieux de ſa langue, dont elle picque les plus Innocens.

Inivstice.


LA Robe blanche dont cette Femme eſt couuerte, toute ſemée de taches, monſtre que l’Injuſtice n’eſt que corruption, & que ſoüilleure de l’Amen, par le meſpris qu’elle fait des loix ; & c’eſt pour cela qu’elle eſt icy peinte foulant aux pieds la Balance. De plus, par le Crapaut qu’elle porte en vne main, eſt ſignifié le venin dont elle infecte les bonnes mœurs ; & par l’Eſpée qu’elle tient de l’autre, le violent effort qu’elle fait, pour ruiner l’Innocence.


Ire.


LA Cholere eſt icy depeinte par vne ieune Dame armée de toutes pieces, & qui porte pour Cimier ſur ſon Heaume vne teſte de Dragon, vomiſſant des Flammes, outre qu’elle tient d’vne main vne Eſpée, & de l’autre vne Torche allumée : Ce qui fait voir aſſez clairement, ce me ſemble, les effets de cette Paſſion, qui ſont de porter partout le fer & la flamme : Auſſi n’eſt-ce pas ſans raiſon qu’on la definit

Vne Fureur ſanglante, & de peu de durée.


Lvxvre.


VOicy l’Embleme de la Luxure ſous la Figure d’vne Femme laſciuement habillée ; qui toute penſiue appuye la teſte ſur ſa main gauche, & tient de la droite vn Scorpion, ayant a coſté vn Bouc, & vn Sep de Vigne ; Elle eſt aſſiſe & penſiue, pour monſtrer que l’Oiſiueté, comme dit le Poëte,

Allume le Flambeau du fils de Cytherée.

Pour ce qui eſt du Scorpion & de la Vigne, l’vn, ſelon Pierius, eſt le Hyerogliphe de la Paillardiſe ; & l’autre pareillement, puis qu’il eſt vray,

Que ſans le Bon Bacchus, Venus eſt touſiours froide.

Malignité. Medisance.

Offence. Opinion.

Malignité.


CEtte Femme laide ayant les Aiſles ouuertes, & qui porte vne Caille de la main gauche, eſt le vray Embleme de la Malice. Sa laideur nous aduertit que ſes actions ſont en tout temps difformes, & odieuſes aux gens de bien ; ſes Aiſles ouuertes, qu’elle eſt touſiours prompte à faire du mal ; & la Caille qu’elle tient, qu’à l’imitation de cét oyſeau, qui, ſelon les Naturaliſtes, trouble l’eau quand il a beu, afin que les autres oyſeaux n’en puiſſent boire ; l’homme malin vſe de tous les artifices imaginables, pour effrayer

de nuire au Prochain.

Medisance.


ON la peint auec deux Flambeaux allumez, qu’elle tient en ſes mains, pour donner à conneſtre que le Médiſant eſt vn vray Boutefeu ; & que fomentant des haynes ſecrettes, il eſt cauſe que les effets en deuiennent publics ; & auſſi dangereux que ceux d’vn Brazier ardant, lors qu’il s’attache à quelque matiere combuſtible, apres auoir eſté long-temps caché ſous la cendre.


Offence.


IL me ſemble qu’elle ſe deſcouure aſſez bien icy en la perſonne d’vne laide Femme, la Robe de laquelle eſt toute ſemée de Langues & de Razoirs ; Outre qu’elle eſt en action de tirer vn Mouſquet, & qu’à ſes pieds il eſt demonſtré, qu’il n’eſt rien de ſi difforme qu’vne Offence faite contre l’Equité ; Par les Langues & les Razoirs, qu’on nuiſt à autruy, non ſeulement par l’action, mais par la parole encore ; & par le Chien, qui ſe trouue mal d’auoir attaqué le Porc-Eſpic,

Que tel penſe bleſſer, qui ſe bleſſe ſoy-meſme.


Opinion.


ELle eſt repreſentée par vne Femme aſſez bien veſtuë, qui n’eſt ny belle ny laide ; mais qui paroiſt audacieuſe à ſa mine, & preſte à s’emporter ſoudainement à tout ce qu’elle s’imagine ; & voila pourquoy, ſelon Hypocrate, elle eſt peinte, comme vous voyez icy, auec des Aiſles au dos & aux deux mains.

Orgveil insvpportable. Obstination.

Peine perdve. Perfidie.

Orgveil insvpportable.


CEtte ieune Fille, dont la Robe eſt deſchirée, qui tient vn Paon d’vne main, & vn Globe ſous ſes pieds, fait aſſez voir que ſon Orgueil ne ſe peut ſouffrir, ſi haut eſt le comble où il eſt monté. Car quelque pauure & miſerable qu’elle ſoit, elle ne laiſſe pas de produire à la veuë de tous ſon humeur altiere, denotée par le Paon, qui en eſt le Hyerogliphe, & de bafoüer tout le monde, repreſenté

par le Globe.

Obstination.


ELle eſt veſtuë d’vne Robe noire enuironnée de branches de Lierre, a des Broüillars & des Nuës alentour de ſon viſage ; & porte en ſes mains vne teſte d’Aſne. Par la Robe noire, & feüillages de Lierre, il eſt demonſtre, qu’vn homme obſtiné n’eſt non plus ſuſceptible de la Verité, comme le noir d’aucune autre couleur ; & qu’il s’attache à ſes opinions auſſi fortement que le Lierre à la muraille ; Par le Nuage, que pour claires que ſoient les choſes, il perſiſte touſiours à croire qu’en elles il y a quelque ſorte s’obſcurité ; & par la teſte d’Aſne, que l’Ignorance peut eſtre auec raiſon appellée Mere de l’Obſtination.


Peine perdve.


CEtte Figure n’a pas beſoin d’eſtre expliquée, puis que la choſe qu’elle demonſtre eſt ſi veritable, qu’elle a donné lieu au Prouerbe qui dit, Qu’à lauer le corps d’vn More, pour le faire deuenir blanc, on n’y perd que la leſciue.


Perfidie.


ELle vous eſt denotée par cette Figure d’vne Femme artificieuſe, qui tient en chaque main vn Serpent, lequel, ſelon Ariſtote, eſt le ſymbole d’vne extreme Perfidie.

Paresse. Prodigalité.

Reprehension. Scandale.

Paresse.


ELle a pour Embleme vne vieille Femme nonchalamment aſſiſe ſur vne Pierre, s’appuyant la teſte ſur ſa main gauche, auec ces mots alentour : Torpet iners. A quoy i’adjouſte qu’à ſes pieds ſe voyent des Quenoüilles rompuës, pour monſtrer qu’elle abhorre naturellement le Trauail ; & que pour cette raiſon encore elle tient en main le Poiſſon appellé Torpille, qui demeure comme immobile, & engourdit les mains de ceux qui le touchent ; de meſme que le Pareſſeux, qui ne bouge d’vne place, & qui à ſon exemple rend faineant ceux qui ont auecque luy quelque ſorte de commerce.

Prodigalité.


VOvs en auez icy l’Embleme en la perſonne d’vne Corne d’Abondance renuerſée ; d’où s’eſpandent peſle-meſle des pieces d’Or & d’Argent ; Par où il eſt ſignifié qu’elle eſt aueugle en ſa Profuſion, & qu’en tous les dons qu’elle fait, elle n’obſerue ordinairement ny regle ny meſure.


Reprehension.


PAr elle on entend icy les remonſtrances & les reproches que l’on fait aux Vicieux ſur le ſujet de leurs vices, afin qu’ils s’en corrigent à l’aduenir : A raiſon de quoy elle eſt peinte armée, pour monſtrer qu’elle ne redoute rien ; outre qu’elle tient d’vne main vn Réchaud plein de feu ; & vn Cor de l’autre, donnant à conneſtre par là qu’elle eſt ardente à publier les deffauts des perſonnes deſbauchées.


Scandale.


LE Scandale eſt repreſenté par vn Vieillard, pource que les fautes que l’on commet en cét âge-là ſont beaucoup plus conſiderables que celles qui ſe font durant la jeuneſſe. Le Luth, & les Cartes qu’elle tient ; enſemble les Romans & les Amadis, qui ſe voyent à ſes pieds, ſignifient que c’eſt vne choſe ſcandaleuſe de voir qu’vn homme d’âge s’amuſe à ces galanteries, puiſque, comme dit le Poëte, en cette derniere ſaiſon de la vie

Il faut prendre congé de Venus & des Graces.

Sottise. Severité.

Simonie. Svperstition.

Sottise.


CEtte Femme nuë & deſbordée repreſente la Sottiſe, & l’humeur diſſoluë de ſes ſemblables, qui s’abandonnent aux plus Vilains, denotez icy par le Pourceau, animal le plus immonde de tous. Dequoy n’eſtans pas contentes, elles ne ſçauent ce qu’elles doiuent aymer, & ſont plus changeantes que la Lune, qui eſt miſe icy pour

vn ſymbole d’Inconſtance.

Severité.


ON la repreſente vieille, couronnée de Laurier, tenant d’vne main vn Cube percé d’vn Poignard, & de l’autre vn Sceptre, auec vn Tygre à ſes pieds, pour monſtrer par là, Que la Seuerité ſied mieux aux Vieillards qu’aux Ieunes, & particulierement aux Princes & aux Magiſtrats ; & qu’au milieu des ſecouſſes qu’on luy donne, elle ſe trouue touſiours debout comme le Cube, ſans que les menaces ny les Eſpées la puiſſent faire relaſcher tant ſoit peu de la confiance qu’elle ſe propoſe d’obſeruer en la punition des Vices.


Simonie.


ELle a ſur la teſte vn Voile noir, dautant que c’eſt ſa couſtume de couurir de faux pretexte ſes actions noires, afin de les mieux authoriſer. Auecque cela, elle porte d’vne main vn petit Temple, au deſſus duquel ſe voit vne Colombe, vne Bourſe de l’autre, & ces paroles alentour, Intrvitv pretii. Par où il eſt enſeigné, que la ſaincte Egliſe eſtant gouuernée par le Sainct Eſprit, c’eſt de luy que viennent en general tous les biens Eccleſiaſtiques, dont le Simoniaque taſche de profiter, lors qu’il les met à prix d’argent, & les expoſe en vente auec vne abomination eſtrange.


Svperstition.


CEtte Vieille qui a ſur la teſte vne Choüette, vn Cercle d’Eſtoiles en vne main, en l’autre vne Chandelle allumée, vn Lievre ſous ſon bras gauche, & à ſes pieds vn Chat-huant, & vne Corneille, eſt l’Embleme de la Superſtition, de laquelle toutes ces choſes enſemble ſont les ſymboles, & particulierement le Lievre, la Corneille, & le Hibou, qui ſont pris par les anciens Autheurs, pour des Animaux malencontreux & de mauuais Augure.

Svperbe. Tentation.

Tardiveté. Tromperie.

Svperbe.


ELle eſt peinte de ſes plus viues couleurs dans ce Tableau, où ſe voit repreſentée vne jeune Dame richement veſtuë, portant vn Paon d’vne main, & de l’autre vn Miroir où elle ſe regarde : ce que i’expliquerois en vain, puis que toutes ces choſes parlent d’elles-meſmes, & ſont

autant de marques d’Orgueil.

Tentation.


ELle a pour Embleme vne ieune Femme, qui tient d’vne main vn Rechaud plein de feu, & de l’autre vn petit Baſton, dont elle remuë les Charbons, afin que la flamme s’y prenne : Car dans le ſens où le mot de Tenter ſe doit prendre icy, il ſignifie proprement Fomenter vne choſe, qui a d’elle-meſme peu de force, bien qu’elle ſoit capable d’vn auoir aſſez, & de reduire en acte les diſpoſitions, ou de l’Eſprit, ou du Corps.


Tardiveté.


IL eſt difficile de faire voir vn Embleme de la Tardiueté, plus propre & plus naturel que celuy-cy, repreſenté par vne Femme couronnée d’vne branche de Meurier, & montée ſur vne Tortuë, qui eſt de tous les Animaux celuy qui va le moins viſte ; cõme le Meurier eſt auſſi le plus tardif de tous les Arbres à porter du fruit.


Tromperie.


VOicy l’Embleme de la Tromperie, ſous la Figure d’vn monſtrueux Vieillard, le corps duquel aboutit à deux Queuës de Serpent, enlacées l’vne dans l’autre. Il tient d’vne main trois Hameçons, & de l’autre vn Bouquet de Fleurs, d’où ſort vne Couleuvre, ayant de plus vne Panthere à ſes pieds. Tout cela demonſtre le naturel du Trompeur, qui ſous vne apparence humaine, couue vne malice plus contagieuſe mille fois que le venin d’vn Dragon ; En cela ſemblable à la Panthere, laquelle cachant la teſte, & ne monſtrant que le dos, attire par la beauté de ſa peau les autres beſtes ſauuages, ſur qui elle ſe iette à l’inſtant, afin de les deuorer. A quoy ſe rapporte encore l’Eſcriteau où ſe liſent ces paroles, Occvltvm visv decvrrite piscis ad hamvm.

Tirannie. Vsvre.

Vengeance. Vice.

Tyrannie.


CEtte imperieuſe Maiſtreſſe n’a point de marque ny d’enſeigne qui ne luy ſoit conuenable. Elle eſt armée, & ſe tient debout, pour monſtrer que la Vigilance & la Force luy ſont neceſſaires afin de ſe maintenir. Sa Couronne eſt de fer, pource qu’elle ne ſe fait obeyr que par toutes ſortes de cruautez & de violences. Auſſi eſt-ce pour cette meſme raiſon, qu’au lieu de Sceptre, qui eſt vne marque d’Empire & de Gouuernement legitime, elle tient vne Eſpée nuë, vn Mords & vn Ioug, pource qu’elle ſe ſert de ces choſes comme d’inſtrumens propres à tenir en bride ceux

qu’elle a fait ſes Eſclaues.

Vsvre.


ELle eſt aſſez bien repreſentée par vne Femme ſongearde, qui d’vne main conte de l’Argent, & tient de l’autre vne Coupe, d’où pendent des Chaiſnes d’or & de perles, pour faire voir par là qu’elle ne preſte iamais que ſous de bons gages, & ſans eſtre bien aſſeurée d’vn intereſt extraordinaire ; En cela d’autant plus blaſmable, qu’elle ſçait bien que tels gains, comme illicites, ſont defendus tous les iours par les loix Diuines & humaines.


Vengeance.


ON vous la depeint en Femme irritée, qui de la main droite tient vn Poignard tout nud, & ſe mord vn des doigts de la main gauche, ayant deuant elle vn Lion, qu’vne Fléche, dont il eſt percé, rend comme furieux. La Poignard, & l’action de ſe mordre ſont choſes qui marquent les mauuais deſſeins des hommes vindicatifs. Quant au Lion, il eſt mis pour vn ſymbole de la Vengeance, dautant que, ſelon Pierius, il ne manque iamais de la prendre, s’il peut, de ceux qui luy dreſſent des embuſches, ou qui l’ont bleſſé, ſans qu’il leur ait fait du mal ; ce que les Egyptiens ont auſſi voulu donner à conneſtre par leurs Figures hyerogliphes.


Vice.


IL eſt icy figuré par vn Hydre à ſept teſtes, ſymbole des ſept pechez mortels que ce ieune Homme careſſe ; Auſſi n’eſt-il que trop veritable, qu’en cét âge-là, plus qu’en tout le reſte de noſtre vie, nous courons apres le Vice, auec tant d’aueuglement, que noſtre perte eſt ineuitable, ſi la Raison ne s’y oppoſe d’abord, & ne nous empeſche de tomber dans le precipice.

Les huict Figures ſuiuantes ont eſté fortuitement obmiſes en leur place, & voila pourquoy on les a miſes icy.

Le matin. Le midy.

Le soir. La nvict.


Les qvatre parties dv iour.


Le matin.


IL nous eſt ſignifié par vne belle Femme nuë, ayant ſur le ſommet de la teſte vne Eſtoille, vn Dard en vne main, & en l’autre le Cheual Pegaſe qu’elle tient attaché. Par l’Eſtoille eſt denotée la clarté que l’Aurore nous donne ; Par le Dard, la ſecrete ardeur dont elle nous enflamme & nous picque ; Et par le Cheual Pegaſe, à qui l’on attribuë des aiſles, la prompte viuacité des penſées qu’elle inſpire aux bons eſprits, & principalement aux Poëtes dont elle eſt amie. Quelques autres la repreſentent dans vn Ciel diuerſement coloré, d’où elle ſeme des fleurs peſle-meſle, & arroſe meſme de ſes larmes celles que la terre a produites, comme il eſt demonſtré par ces vers.

Deſia de ſes viues couleurs
L’Aurore peignant toutes choſes
Vient changer en perles ſes pleurs
Sur le teint des lys & des roſes.


Le midy.


I’Expliquerois inutilement cette Figure, puiſqu’il ne faut qu’vn peu de ſens commun pour ſçauoir ce qu’elle ſignifie. Car comme Venus icy dépeinte auec ſon fils Cupidon bruſle & bleſſe enſemble ceux qu’elle atteint ou de ſes flammes ou de ſes fleches, produiſant ſes principaux effets dans les cœurs des Animaux, quand ils entrent au milieu de leur aage ; le Soleil de meſe n’eſt iamais ſi ardent que lors qu’eſtant en ſon Midy, & donnant à plomb ſur nous, il eſlance ſur toutes les choſes d’icy bas ſes dards enflammez, ou ſi vous volez ſes rayons, qui en font les veritables ſymboles.


Le soir.


IL ne ſçauoit eſtre mieux repreſenté qu’il eſt icy, par ceſte Figure de Diane, qui tient d’vne main vn arc, & de l’autre des chiens qu’elle méne en leſſe.

Par où il eſt donné à connoiſtre, que de toutes les parties du iour, il n’en eſt point de plus propre, ny de plus fauorable aux Chaſſeurs que le ſoir.

La nvict.


C’Eſt fort à propos qu’on la dépeint ſous l’Image de Proſerpine, Reyne des Enfers. Les Pauots dont elle eſt couronnée monſtrent qu’elle eſt mere du Sommeil. Ce qui procede de ce que par ſon humidité elle accroiſt les vapeurs de l’eſtomach, qui s’eſleuent en la plus haute partie du corps ; & qui redoublant leur froideur par celle du cerueau, deſcendent plus bas ; & nous font dormis, à quoy, ſelon Ariſtote, les tenebres contribuent extremement. Où il eſt à remarquer que les Poëtes nomment encore la Nuict la douce nourrice du Sommeil, pource qu’elle ne l’engendre pas ſeulement, mais qu’elle l’entretient en effet & le nourrit. Quant au Tridẽt & à la torche allumée qu’on luy fait porter en la main ; c’eſt pour monſtrer l’empire qu’elle a ſur les tenebres ; à trauers leſquelles il eſt impoſſible d’agir, ſi elles ne ſont diſſipées par la clarté, A raiſon dequoy quelques-vns tirent l’ethymologie de Nox du verbe Latin Nocere, pour monſtrer que la Nuict eſt aſſeurément nuiſible aux yeux, en ce qu’elle les priue de l’acte de voir, en leur cachant les couleurs des choſes auſquelles l’œil ſe plaiſt naturellement.

Mathematiqve. Corographie.

Planemetrie. Geographie.

Mathematiqve.


CEtte Dame dont le maintien eſt ſerieux & graue, fait conceuoir d’abord à ceux qui la voyent qu’elle repreſente la Mathematique. Elle a vne robe tranſparente, les cheueux treſſez eſpars ſur ſes eſpaules ; vn compas en la main droite dont elle trace diuerſes figures, en la gauche vne maniere de Sphere, & ſous ſes pieds qui ſont nuds, vne baſe ſur qui elle ſe ſouſtient.

Par ſon habillement tranſparent il nous eſt enſeigné que ſes demonſtrations ſont ſi claires qu’on ne les peut contredire ; Par les aiſles de ſa teſte, que par la force de ſon eſprit elle s’eſleue à la contemplation des choſes celeſtes ; Par ſon viſage graue, qu’il n’y a rien que de ſerieux en ſa doctrine, qui luy fait dedaigner les choſes vulgaires ; Et par ſes cheueux eſpars, qu’en ſes maximes, qui s’eſtendent au large, elle n’a rien de contraint ny d’affetté.

Le Compas dont elle trace diuerſes Figures, ſans y comprendre celles dont le bord de ſa robe eſt ſemé, ſignifie qu’elle n’agit point à la volée, mais auecque iuſteſſe, comme s’appuyant ſur des fondemens & ſur des principes infaillibles.

Le Globe quelle tient d’vne main, comprenant le cercle du Ciel, & vne deſcription de la terre, fait voir que nous n’aurions aucune connoiſſance certaine des dimenſions de l’vn ny de l’autre, ſi elles ne ſe fondoient ſur les raiſons de Mathematique.

A tout ce que ie viens de dire il faut adiouſter, qu’elle taſche de faire conceuoir ſes demonſtrations à vn enfant, pour nous donner à entendre que dés cet aage-là nous ſommes propres à les imprimer dans noſtre memoire, à cauſe de leur merueilleuſe euidence, qui ſe ſouſtient d’elle meſme, comme il nous eſt figuré par la nudité de ſes pieds, qui s’appuyent ſur vne forte baſe.


Corographie.


LA Corographie, dont l’ethymodologie tirée du Grec marque la deſcription particuliere d’vne Ville, d’vne Prouince, ou de quelque autre lieu que ce ſoit, eſt figurée par vne ieune femme ſimplemẽt veſtuë de couleur changeante. Le Quarré, la Regle, & le Compas qu’elle tient, ne luy ſont pas donnez ſans ſujet, ces inſtrumẽs eſtans neceſſaires à meſurer, comme elle fait, le Globe de la terre, par des connoiſſances naïues & ſans artifice, denotées par ſa robe, où il ne ſe remarque rien

de ſuperflu.

Planemetrie.


PAr le mot de Planemetrie, ſe doit entendre cette connoiſſance Geometrique, par le moyen de laquelle on peut meſurer la longueur & la largeur de toutes ſortes de ſurfaces. Ce qui me ſemble aſſez bien repreſenté par la Figure de cette Femme, qui tient d’vne main le baſton de Iacob, à cauſe que cet inſtrument eſt le plus propre de tous à bien faire cette operation, comme il ſe remarque plus particulierement dans la Figure de la Geometrie.


Geographie.


ELle a pour Embléme vne vieille Femme, ayant à ſes pieds le Globe de la Terre, en ſa main gauche vn Compas, & en la droite vn quarré Geometrique.

La Geographie eſt vn Art qui conſidere, diſtingue & deſcrit les parties de la Terre, telles que ſont les Prouinces, les Villes, les Mers, les Iſles, les Montagnes, les Riuieres, les Lacs, & ainſi du reſte.

Elle eſt peinte vieille, pour monſtrer qu’elle l’eſt en effet. Car la premiere choſe que Dieu fit, ce fut de diuiſer le Chaos, & de ſeparer les quatres Elemens, qui ſont le Feu, l’Air, l’Eau & la Terre, repreſentée par le Globe qui ſe void icy. Elle tient de la main droite le quarré Geometrique, dautant que cét inſtrument eſt tout à fait propre à prendre les largeurs, les longueurs, les hauteurs & les profondeurs des lieux que l’on veut meſurer.

Peintvre. Poesie.

Harmonie. Mvsiqve.

Peintvre.


ON la repreſente icy par vne belle ieune femme, ayant les cheueux noirs & creſpus, la bouche couuerte d’vn bandeau, & au col vne chaiſne d’or où pend vn maſque. Elle tient d’vne main pluſieurs pinceaux, auec ce mot pour deuiſe, Imitatio, & de l’autre vn Tableau, outre qu’on luy donne pour habillement vne robe de couleur changeante.

La Peinture, profeſſiõ des plus nobles que l’eſprit humain ait inentées, eſt repreſentée belle ; pour monſtrer qu’en effet elle a des agréemens & des beautez qui charment les cœurs d’admiration. Elle a les Cheueux noirs, touffus, & annelez, pource que les excellens Peintres, ayant l’eſprit continuellement attaché à l’imitation de la Nature & de l’Art, à force d’eſtre penſifs & ſongeards tombent dans une melancholie que les Medecins appellent aduſte, qui produit particulierement les cheueux tels que nous venons de les deſcrire.

La Bouche qu’elle a bandée ſignifie que les Peintres aiment ordinairement le ſilence & la ſolitude, pour en auoir l’imagination plus viue & plus forte.

Par le Maſque qui luy pend au col attaché à vne chaiſne, il esſt demonſtré que l’Imitation & la Peinture ſont inſeparables ; & par les chaiſnons, qu’elles ont enſemble vne liaiſon mutuelle ; eſtant veritable, comme le remarque Ciceron dans ſa Rhetorique, que le Peintre n’apprend pas toutes choſes d’nv meilleur Maiſtre que luy ; mais que d’vne ſeule choſe il en tire les idées, qui ſont comme enchaiſnées pour la reſſemblance, & la conformité qu’elles en ont. A quoy l’on peut adiouſter que par la qualité de l’or il eſt donné à connoiſtre que la Peinture s’auilit pour l’ordinaire, ſi elle n’eſt ſouſtenuë par la generoſité des grands ; & par le Maſque, que l’Imitation luy eſt entierement conuenable. Où il eſt à remarquer que les Anciens appelloient Imitation, ce raiſonnement ou ce diſcours, qui bien que faux, ſe propoſoit pour guide quelque verité qui pouuoit eſtre arriuée. Or comme ils rejettoient du nombre des Poëtes ceux qui manquoient de cette partie, l’on en peut dire de meſme des Peintres qui ne la poſſedent point, eſtant certain que la Poëſie eſt muette en la Peinture, & que la Peinture parle dans la Poëſie. Que s’il ſe remarque de la difference en leur façon d’Imiter, elle ſe fait par oppoſition. Car les diuers accidens que le Poëte rend comme viſibles à l’entendement par les regles de ſon Art, ſont ſi bien conſiderez par le Peintre, que par leur moyen il rend intelligibles à l’eſprit les choſes ſignifiées ; D’où il s’enſuit que le principal plaiſir que l’on tire de ces deux Profeſſions, conſiſte en ce que par la ſubtilité de leur Art elles trompent la Nature, l’vne ſe faiſant entendre par les Sens, & l’autre par l’Intellect :

Pour le regard de la Robe, qui eſt de couleur changeãte, cela ſignifie ſes diuers agréemes, qui ſemblent charmer les yeux de ceux qui les voyent ; comme par les Pieds qu’elle à couuerts, il eſt denoté de meſme que les proportions, qui ſont le fondement de ce bel Art, & que le Peintre déſeigne dans ſon entendement, auant que de les repreſenter par les couleurs, doiuent demeurer comme cachées, & ne point paroiſtre que le Tableau ne ſoit entierement acheué. Car comme parmy les Orateurs c’eſt vn grand Art de ſçauoir feindre qu’on parle ſans Art ; ainſi dans la profeſſion des Peintres, c’eſt vn ſecret merueilleux de ſçauoir Peindre de telle ſorte que ce qu’il y a de plus recommandable à la Peinture ne ſoit apperceu que par ceux qui s’y connoiſſent le mieux.


Poesie.


CEtte ieune Dame couuerte d’vne Robe de couleur celeſte, toute ſemée d’Eſtoiles, repreſente la Poëſie. Elle a ſur la teſte vne Couronne de Laurier, le ſein deſcouuert, & le viſage enflammé, outre que de la main droite elle tient vn Clairon ; & de la gauche vne Viole, ou ſi vous voulez vne maniere de Lyre.

La Poëſie ſelon Platon, eſt proprement vne expreſſion des choſes Diuines, qui par vne grace particuliere du Ciel ſont comme inſpirées dans l’eſprit du Poëte.

On la peint ieune & belle, pource qu’il n’eſt point d’Homme, ſi brutal & ſi barbare ſoit-il, qu’elle ne charme par ſes agréemens & par ſes beautez.

On la couronne de Laurier, Arbre touſiours verdoyant, & qui ne craint point la foudre, pour monſtrer qu’elle rend les Hommes immortels, en les mettant à couuert des iniures du Temps, qui deſtruit ordinairement & fait oublier la pluſpart des choſes du monde.

Sa Robe pleine d’Eſtoiles eſt vn ſymbole de ce Diuin eſclat qui brille dans les ouurages des excellens Poëtes.

Son Sein deſcouuert, dont on ſuppoſe que les mammelles ſont pleines de Laict, figurent la Fecondité des belles penſées, & des inuentions diuerſes qui ſont comme l’Ame de la Poëſie. Auſſi eſt-elle penſiue en effect, & paroiſt auec vn viſage tout enflammé, pource que les grands Poëtes ont pour l’ordinaire l’eſprit eſchauffé de certains tranſports & mouuemens violens ſemblables à la fureur.

Elle tient au reſte vne Lyre d’vne main, & vn Clairon de l’autre, dautant que par la douceur des beaux Vers, elle rend comme enchantez ceux qui les eſcoutent, & qu’elle réueille les courages par l’exemple des Heros, dont elle ne ceſſe de publier les grandes actions.


Harmonie.


CEtte Figure de l’Harmonie, dont la copie eſt tirée de l’original qui s’en voit à Florence, dans le Palais du grand Duc, n’a pas beſoin ce me ſemble d’eſtre expliquée, puiſqu’elle ſe donne aſſez à cõnoiſtre par la Viole ou la double Lyre dont elle iouë, & par la Couronne qu’elle porte ; vrays Symboles de l’Empire que ſes concerts agreables & charmans luy font gagner ſur les cœurs.


Mvsiqve.


ELle eſt couronnée d’vne Guirlande de fleurs, & veſtuë d’vne Robe toute ſemée de diuerſes Notes, dont on ſe ſert ordinairement pour apprendre à chanter ; Outre qu’elle iouë d’vne Harpe, & qu’à ſes pieds ſe voyent pluſieurs autres Inſtrumens, & qu’à ſes pieds ſe voyent pluſieurs autres Inſtrumens, qui la font d’abord connoiſtre à ceux qui la conſiderent tant ſoit peu ; ce qui me garentit de la peine d’en donner icy l’explication. Mais cela n’empeſche pas que ie ne rapporte deux autres Figures, dont quelques Anciens ſe ſont ſeruis à la repreſenter.

La premiere eſt celle d’vne ieune Fille, qui ſe void aſſiſe ſur vn Globe d’azur, ayant vne plume à la main, les yeux comme attachez ſur vn Liure de Muſique poſé ſur vn Enclume ; & à ſes pieds des Balances, dans les baſſins deſquelles ſont remarquables pluſsieurs marteaux.

Ce qu’elle eſt aſſiſe eſt pour monſtrer que ce diuertiſſement eſt grandement propre à delaſſer l’eſprit.

Le Globe d’azur ſignifie que toute l’Harmonie de la Muſique ſenſible ſe fonde ſur l’Harmonie des Cieux, que les Pythagoriciens ont connuë. À quoy i’adiouſte cette commune opinion de quelques-vns d’entre les Anciens, Que l’intelligence de ce bel Art peut ſeruir en quelque façon à deſcouurir les moyens de mettre d’accord les paſſions de l’Ame, & meſme, cõme diſent les Grecs, à trouuer la Symmetrie des vertus. Auſſi eſt-ce pour cela que les Poëtes, qu’on peut nõmer à bon droit les myſterieux Secretaires de la vraye Philoſophie, ont feint iudicieuſement qu’apres que les Corybantes & les Curetes eurent deliuré Iupiter encore enfant du cruel traitement que luy faiſoit Saturne ſon pere, ils le menerent en Candie pour y eſtre nourry ; & qu’en l’y accompagnant, ils ſe mirent à iouër des Cymbales, & de quelques autres inſtrumens d’airain : où il eſt à remarquer, à le prendre moralement, que par là ſe doit entedre la vraye ſageſſe qui ne peut s’eſleuer ny prendre accroiſſemẽt en nous, ſans cette parfaite Harmonie, qui eſt neceſſairement requiſe pour accorder les mouuemẽs deſreiglez de nos paſſions. Surquoy l’on peut dire encore, que par le meſme Iupiter ſauué des mains de Saturne eſt ſignifiée ceſte plus pure partie du Ciel incorruptible, contre laquelle ne peut ſe preualoir aucunement l’Empire du temps, bien que d’ailleurs il deuore tous les Elemens, & reduiſe inſenſiblement à neant toutes les compoſitions materielles.

I’obmetz que parmy les Anciens il s’en eſt trouué quelques-vns, qui ont dit que les Dieux eſtoient compoſez de Nombres & d’Harmonie, de meſme que l’Homme eſt compoſé d’Ame & de Corps. A raiſon dequoy en leurs Sacrifices ils oyoient tres-volontiers la Muſique, & ſes Concerts agreables : De toutes leſquelles choſes eſt vn Symbole cette miſterieuſe Figure, repreſentant, comme ie viens de dire, vne Fille aſſiſe ſur vn Ciel.

D’ailleurs par le Liure de Muſique eſt enſeignée la reigle qu’il faut tenir, pour apprendre par la veuë ce merueilleux Art à ceux qui ne le ſçauent pas ; comme par les Balances eſt démonſtrée la iuſteſſe requiſe en la voix, de laquelle on iuge par l’oreille. Quant à l’Enclume, il n’eſt pas mis icy ſans vne grande raiſon, quelques-vns ayant eſcrit que c’eſt de luy dont cét art a pris ſon origine, & que par le frappement des marteaux ſur cette lourde piece de fer, Auicenne s’acquit la connoiſſance de la diuerſité des Tons, dont il ſe mit à eſcrire.

La ſeconde Figure de la Muſique ſe démonſtre par vne Femme tenãt en main vne Lyre, dont l’vne des cordes eſt rompuë, & au deffaut de laquelle ſupplée vne Cygale ; Outre qu’elle a ſur ſa teſte vn Roſſignol, à ſes pieds vn grand vaſe plein de vin, & a ſon coſté vne Viole auec ſon archer.

La Cygale qui ſe void poſée ſur la Lyre, ſignifie la Muſique, à cauſe de ce qui aduint à vn certain Eunomius, qui joüant vn iour de cét inſtrument à l’enuy du fameux Ariſtoxene, eut tant de bonne fortune, qu’au point le plus charmãt de ſa piece vne corde s’eſtant rompuë, vne Cygale ſe vint poſer ſur ſa Lyre, & ſupplea ſi bien par ſon chant au manquement de la corde, qu’il demeura victorieux : D’où il aduint que pour memoire de cette action, les Grecs dreſſerent vne ſtatuë au meſme Eunomius, tenant vne Lyre, où ſe voyoit vne Cygale ; ce qui fut pris pour vn vray Hyeroglife de la Muſique.

Le Roſſignol en eſt auſſi vn Symbole, pour ſa merueilleuſe melodie, où ſe treuue naturellement, comme les Anciens l’ont remarqué, tout ce qu’il y a de plus excellent & de plus parfait en ce bel Art.

Quant au Vaſe plein de vin, il ſignifie que la Muſique a eſté inuentée pour reſiouïr les Hommes, comme fait cette precieuſe liqueur, de laquelle ceux de cette profeſſion ne ſont pas amoureux ſans cauſe, puiſqu’au iugement des plus Anciens eſcriuains, les Muſiciens & les Poëtes ſe plaiſent fort en la compagnie du bon pere Bacchus.

Architectvre militaire. Altimetrie.

Astrologie. Cosmographie.

Architectvre militaire.


ELle a pour Embléme vne Dame ſerieuse, & dans le viſage de laquelle ſe remarque ie ne ſçay quoy de viril. Sa robe eſt de diuerſes couleurs, & ſon principal atour vn riche diamant, qu’elle porte attaché à vne chaiſne d’or. De la main droite elle tient vn Inſtruement propre à tirer des plans, & de la gauche vn Tableau repreſentant vn Fort de Figure Hexagone, dont on ſe ſert ordinairement en la ſtructure des fortereſſes les plus regulieres. A quoy i’adiouſte qu’au deſſus du meſme Fort eſt vne Arondelle, & à ſes pieds vne maniere de Hoyau à beſcher la terre.

Elle eſt repreſentée ſerieuſe & virile, pource qu’en l’Art de fortifier, il n’y doit rien auoir qui ſente la molleſſe, & que tous ceux qui s’en meſlent ſe doiuent monſtrer inuincibles à la fatigue.

Par ſon habit de pluſieurs couleurs s’entendent proprement les diuerſes inuentions qui ſont requiſes pour venir à bout des fortifications de la guerre.

On luy donne de plus vne chaiſne d’or où pend vn precieux diamant, & ce n’eſt pas ſans vne grande raiſon : Car comme l’Or eſt le plus noble de tous les metaux, l’Architecture de meſme eſt le plus illuſtre de tous les trauaux militaires. Surquoy l’on peut dire encore, que comme il n’eſt point de pierre precieuſe qui eſgale en force & en beauté le Diamant ; ainſi l’induſtrie eſt le plus noble ioyau du Prince, puis qu’elle le met à couuert des coups de ſes ennemis.

Elle tient en main vne Bouſſole, dautant que cét inſtrument de Mathematique eſt grandement propre à tirer des plans.

Pour ce qui eſt du Tableau, ſur lequel vne Arondelle eſt perchée, cela ſignifie que lors que l’on entreprend de baſtir vne fortereſſe, il en faut bien conſiderer l’aſſiette, & imiter l’Arondelle, laquelle, au rapport de Pierius, par la merueilleuſe ſtructure de ſon nid, eſt vne figure hieroglyfique des baſtimens les mieux faits.

I’obmets que le Hoyau & le Pic ſont mis à ſes pieds, pour eſtre les inſtrumens les plus neceſſaires à fortifier vn camp ; ſoit qu’il faille faire des foſſez & des tranchées, ou remuer la terre, & creuſer des fondemens, pour y baſtir deſſus.


Altimetrie.


ON la repreſente icy par vne ieune Fille, qui tient vn quarré Geometrique, dont elle ſe ſert à prendre la hauteur d’vne tour.

Elle eſt peinte ieune, pource qu’eſtant Fille de la Geometrie ; pour ne degenerer des qualitez de ſa mere, elle obſerue ponctuellement toutes les dimenſions qu’elle luy a monſtrées, & tient pour cét effect le quarré Geometrique, comme vn Inſtrument tout à fait conuenable à ſon deſſein.

Astrologie.


CEtte Reyne des belles connoiſſances, couronnée d’Eſtoilles, & qui en a ſa Robe toute ſemée, n’a pas ſans raiſon vn Soleil deuãt elle, vn Sceptre en l’vne de ſes mains, vn Globe celeſte en l’autre, & vne Aigle a ſes pieds, pour monſtrer qu’elle a touſiours les yeux fixes à conſiderer le cours des Aſtres, dont elle fait toute ſon eſtude, en la recherche des plus curieux & des plus nobles ſecrets qui dépendent de leurs influences.


Cosmographie.


LA Coſmographie, ainſi appellée, pour ce qu’elle ſe propoſe pour but la deſcription du monde, a pour ſymbole vne vieille Femme, veſtuë d’vne Robe bleuë, ſemée d’Eſtoilles, ayant d’vn coſté le Globe du Ciel, de l’autre celuy de la Terre, & en ſes mains deux differens Inſtrumens de Mathematique, dont le principal eſt vne Aſtrolabe.

On la peint âgée auec beaucoup de raiſon, pour auoir pris ſon origine dés la création du monde.

Quant à ſa Robe bleuë pleine d’Eſtoilles, & aux Inſtrumens qu’elle tient en ſes mains ; cela veut dire qu’elle eſt egalement attentiue à conſiderer le Ciel & la Terre. A raiſon dequoy elle eſt plantée fort à propos entre ces deux Globes, en action de prendre les interualles & les diſtances de l’vn & de l’autre.

Hidrographie. Horographie.

Ichonographie. Simmetrie.

Hydrographie.


SA Figure eſt celle d’vne vieille femme, veſtuë d’vne Robe de gaze d’argent faite en ondes, ayant par deſſus ſa teſte quantité d’Eſtoilles, en ſa main droite vne Carte de nauigation auec vn Compas, en la gauche vn Nauire, & à ſes pieds vne Bouſſole.

On la peint vieille, pour la raiſon que nous auons dite en la Figure de la Geographie. Quant à ſa Robe de gaze, elle eſt vn ſymbole de l’Eau, & de ſon mouuement ; le principal objet de cét Art conſiſtant en la deſcription des Mers, dont elle prend les dimenſions auec la Bouſſole, entierement propre à la Nauigation, qui eſt le ſujet pour lequel on luy met vn Compas dans vne main, & vn Nauire en l’autre.

Horographie.


ON ne la peut mieux repreſenter qu’elle eſt icy, par la Peinture d’vne ieune Femme qui a ſur la teſte vn Horloge de ſable & des aiſles ; en ſa main gauche vne Regle & vn Compas, & en la droite vn autre Horloge, ſur qui le Soleil darde ſes rayons ; & par l’ombre qui s’y fait donne à connoiſtre les heures.

On la peint ieune, pour faire voir que les Heures renouuellent ſans ceſſe leur cours, & le mouuement ſucceſſif qu’elles font l’vne apres l’autre.

L’Horloge de ſable, & les aiſles qu’elle a ſur la teſte, ſignifiẽt la merueilleuſe viſteſſe des meſmes heures, dont parle Petrarque en ſon Triomphe du Temps, où il dit,

Que les heures, les iours, les mois, & les années,
Ne ceſſent de voler, etc.

Sa Robe de couleur celeſte eſt le ſymbole d’vn Ciel ſerain, où le Soleil deuelopé de nüages, nous fait cõnoiſtre les heures.

Pour ce qui eſt du Compas, & de la Regle qu’on luy met en main, c’eſt pource que l’vn & l’autre ſont entierement neceſſaires, pour faire les diuiſiõs des lignes, & en former les qualitez.


Iconographie.


IEne m’arreſte point à donner l’intelligence de cette Figure, dautant qu’elle s’explique aſſez d’elle meſme par ſon rapport auecque les precedentes.


Symmetrie.


ELle ſe donne à connoiſtre par vne Femme de ſinguliere beauté, bien proportiõnée en toutes les parties de ſon crops, dont le milieu ſe couure d’vne Eſcharpe bleuë, ſemée d’Eſtoilles, & où ſont repreſentées les ſept Planettes. A quoy i’adiouſte qu’elle a deuant elle la ſtatuë d’vne Venus toute nuë, dont elle prend les proportions, auec vn Compas & vne Regle qu’elle tient en ſes deux mains.

La Symmetrie, dont le nom tiré du Grec ſignifie vne iuſte & conuenable meſure qui ſe fait de toutes ſortes de choſes, eſt icy figurée par vne Femme de grande beauté, pource qu’en effect on appelle beau tout ce à quoy on ne peut adiouſter ny diminuer pour le rendre plus accomply qu’il eſt.

Sa nudité ſignifie que toutes les parties du corps doiuẽt auoir de la correſpondance à l’eſtre de ſon egalité, de ſon ordre & de ſa proportion. Par l’Eſcharpe de couleur bleuë, toute ſemée d’Eſtoilles, eſt repréſenté le Ciel, dans le mouuement duquel, ſuiuant l’opinion de la pluſpart des Philoſophes, ſe rencontre vne certaine proportion qu’ils appellẽt Harmonique. Ce qu’ils preuuent manifeſtement par l’exemple du Soleil & de la Lune, dont l’vn fait la diſtinction du Iour et de la Nuict auec vne merueilleuſe Symmetrie, & l’autre de meſme, bien que changeante, ne laiſſe pas d’eſtre parfaitement reglée en ſon cours, & dans les diuers effets qu’elle produit.

En ſuite de ces choſes il faut remarquer qu’elle ne tient pas ſans raiſon vne Regle & vn Cõpas, dont elle ſe ſert à prendre les proportions & les meſures d’vne statuë de Venus. Car il eſt monſtré par là, comme i’ay dit cy deuant, que d’vne iuſte Symmetrie ſe forme neceſſairement vne parfaite Beauté, qui par deſſus toutes choſes ſe fait remarquer au corps humain, où elle eſclate auec rauiſſement, & au delà de toute merueille. Ce qui fait dire à Marſille Fiſcin, qu’elle merite qu’on en faſſe cas, comme d’vn portrait de la Beauté diuine.

Desir d’apprendre. Indvstrie.

Consideration. Arithmetiqve.

Desir d’apprendre.


LE Deſir eſtant proprement vne ardente paſſion que l’on a pour quelque choſe, celuy d’apprendre, qui eſt naturel à la pluſpart des Hommes, n’eſt pas denoté ſans cauſe par vne Femme, à qui l’on fait tenir vn Miroir d’vne main, & de l’autre vn petit Chien ; par où il eſt ſignifié que comme le Miroir repreſente les Images des choſes qui luy ſont oppoſées, l’Eſprit tout de meſme retient les Idées de ce qu’on luy monſtre ; Dequoy l’on peut dire que le Chien eſt encore vn symbole, dautant qu’il ſe laiſſe inſtruire & dreſſer à ſon Maiſtre auec vne

tres-grande facilité.

Indvstrie.


ELle ſe donne à connoiſtre icy par l’Image d’vne Femme, qui de la main droite tient vn Sceptre, au bout duquel ſe void vne main ouuerte, & vn œil au milieu.

Le Sceptre eſt vne marque de grandeur & de promptitude, comme la main en eſt vne autre d’induſtrie & d’adreſſe ; Ce qui ſignifie qu’il n’appartient qu’aux Souuerains de reſueiller l’induſtrie de leurs Sujets, en leur donnant dequoy ſubſiſter par leur generoſité ; ce qu’ils peuuent faire quand il leur plaiſt, & par ce moyen mettre en credit les Arts et les Sciences.

La main qui aboutit à vn Sceptre, eſt encore, ſelon Artemidore, vn myſterieux ſymbole de l’induſtrie humaine ; eſtant veritable que c’eſt par elle-meſme qu’on vient à bout de la pluſpart des Arts : à raiſon dequoy elle eſt à bon droit appellée par Ariſtote l’Inſtrument des Inſtrumens.

Pour ce qui eſt de l’œil, ie croy qu’il eſt icy mis pour donner à entendre que c’eſt luy principalement qui preſide à l’Induſtrie de tous les Ouuriers, & qui leur guide la main.


Consideration.


ELle a pour Embleme vne ieune Femme, qui de la main droite tient vn Compas, & de la gauche vne Regle ; Outre qu’en l’vn de ſes coſtez ſe void vne Gruë en l’air, tenant vn caillou en l’vn de ſes pieds.

La Regle & le Compas qu’on luy donne, ſignifient que comme par le moyen de cés Inſtrumẽs les excellens Maiſtres font auecque iuſteſſe l’ouurage dont ils ſe ſont formez l’idée dans leur eſprit ; ainſi par les bons exemples & les inſtructions ſalutaires on arriue droit à la vraye fin que l’on s’eſt propoſée.

De cette conſideration, ou ſi vous voulez de cette prudence dont nous entendons parler icy, la Gruë eſt le vray embleme, rapporté par Alciat par des Vers ainſi traduits.

Pour n’eſleuer ſon vol ny trop haut ny trop bas,
La Gruë a des caillous qu’en ſes pieds elle porte ;
Et par ce contre-poids elle ſe rend plus forte,
  Pour s’empeſcher de choir en bas.

Arithmetiqve.


CE Tableau ne la repreſente pas mal par vne Femme d’excellente beauté, agreablement veſtuë d’vne Robe ſemée de Notes de Muſique, au milieu de laquelle ſont eſcrits ces deux mots, Par & Impar ; outre que de la main droite elle tient vn Liure ouuert, dont elle conſidere les Nombres.

Elle eſt peinte belle, pour s’accõmoder à l’opiniõ de quelques anciens Philosophes, & particulierement des Pythagoriciens, qui ont creu que toutes les choſes d’icy bas ſe compoſoient de la beauté & de la perfection des Nombres. Pour le regard de ſa Robe & des Notes qui s’y voyent deſſus ; cela ſignifie que ce bel Art donne commencement aux Mathematiques, d’autant que c’eſt luy qui ouure vn chemin, à la Muſique, à la Geometrie, & à toutes les autres diſciplines ſemblables ; Ce que denotent encore en quelque façon les deux mots Par & Impar, pour eſtre eſſentiel aux Nombres, & d’où ſe compoſent toutes les demonſtrations. A quoy i’adiouſte pour concluſion, que par le Liure ouuert & ſemé de Chiffres qu’elle tient entre ſes mains, eſt declarée la force des Nombres ; D’où vient que Procus ſur le Thimée de Platon dit à ce propos, que les Pithagoriciens en ont rapporté pour fondemens quatre raiſons principales, dont la premiere eſt dite Vocale, qui ſe trouue dans la Muſique & dans les Vers des Poëtes ; La ſeconde Naturelle, en la compoſition des choſes du monde ; La troiſieſme Raiſonnable, en l’Ame & en ſes parties ; & la quatrieſme Diuine, en Dieu & aux Anges : ce qui doit ſuffire ſur cette matiere, que ie n’eſtendray point plus auant, pour ne me rendre ennuyeux, & poſſible obſcur.