Hymnes profanes/VI/Les Illusions

Bibliothèque de La Plume (p. 77-78).




Les Illusions


À Madame Alfred Douxchamps.


Vers le soir, quand la plaine immense est empourprée
Par le soleil mourant, parfois un colibri
Voltige encore avec son aile diaprée
Et si frêle, bien loin des forêts, sans abri.

Il volète au hasard, vers la lueur dorée,
Insoucieux du vent qui lentement surgit.
— Soudain l’ombre s’étend, la tempête effarée
S’enfle, menace, éclate et, terrible, rugit.


Dans la tourmente horrible elle emporte l’oiseau,
L’écrase sur le sol et ne fait qu’un lambeau
Roulé par tous les vents des plumes irisées.

Hélas ! tel est le sort de ces illusions
Que dans le fond du cœur, très doux, nous caressions
Et que la vie, impitoyable, a dispersées !