Hymne de la Rose (Marie de Romieu)

Femmes-Poëtes de la France, Texte établi par H. BlanvaletLibrairie allemande de J. Kessmann (p. 22-23).




MARIE DE ROMIEU.

HYMNE DE LA ROSE.

À MARIE FRANÇOISE DE LA ROSE.


Je veux chanter ici la beauté de la rose
Qui de toutes les fleurs la beauté tient enclose ;
Puis la rose je veux à la Rose donner,
À toi, Rose, qui peux tout un monde étonner,
Et ravir les esprits d’un singulier bien dire,
Qui, à ta volonté, doctement les attire,

Au-dedans d’un jardin, s’il y a rien de beau,
C’est la rose cueillie au temps du renouveau ;
L’aube a les doigts rosins ; de roses est la couche
De la belle Vénus, et teinte en est sa bouche ;
En Paphos, sa maison est remplie toujours
De la suave odeur de roses, fleur d’amour.


La rose est l’ornement du chef des demoiselles ;
La rose est le joyau des plus simples pucelles ;
De roses est semé des Charités le sein ;
De son parfait parfum, le ciel même en est plein,
Et Bacchus, deux fois né, ce Bassar vénérable
De roses et de vin garnit toujours sa table.

Quand le jour adviendra de mon dernier vouloir,
Je veux, par testament, expressément avoir
Mille rosiers plantés près de ma sépulture,
Afin que, grandissant, ils soient ma couverture ;
Puis l’en mettra ces vers, engravés du pinceau,
En grosses lettres d’or, par dessus mon tombeau :

Celle qui gît ici, sous cette froide cendre
Toute sa vie aima la rose fraische et tendre ;
Et l’aima tellement, qu’après que le trépas
L’eust poussée à son gré aux ondes de là-bas,
Voulut que son cercueil fust entouré de roses,
Comme ce qu’elle aimait par dessus toutes choses.