Chanson de Charite à Cicero (Catherine des Roches)

Femmes-Poëtes de la France, Texte établi par H. BlanvaletLibrairie allemande de J. Kessmann (p. 20-21).




CATHERINE DES ROCHES.

CHANSON DE CHARITE A SINCERO.


Quand je suis de vous absente,
Sincero, mon beau soleil,
Je n’ai rien qui me contente,
La nuit je perds le sommeil :
Le jour je fuis la lumière ;
Et mes tristes yeux enclos,
Prisonniers de la paupière,
Ne sont jamais en repos.

Je n’aime de la prairie
Le bel émail précieux,
Ni la campagne fleurie
Ne sçaurait plaire à mes yeux ;
Je suis tant mélancolique
Que les plus gracieux sons
Et la plus douce musique
M’ennuyent de leurs chansons.


Je ne veux ouïr personne
Pour discourir ou parler ;
Je n’entends rien qui résonne,
Que ma plainte dedans l’air.
Mes compagnes qui s’ennuyent
De mon amoureux émoi,
Toutes dépites s’enfuient
Et se retirent de moi.

Jamais on ne me voit rire,
Jamais on ne m’oit chanter ;
Incessamment je soupire
Et ne fais que lamenter ;
Je n’ai bien, plaisir ni joye ;
Sincero, mon cher souci,
Jusqu’à ce que je vous voye,
Je serai toujours ainsi.