Les Siècles morts/Hymne à Mitra

Les Siècles mortsAlphonse Lemerre éd.I. L’Orient antique (p. 217-222).

 
I

Nous honorons Mitra, Dieu des vastes campagnes,
Pour son éclat sans tache et pour sa majesté !
C’est Lui qui le premier jaillit sur les montagnes.

Au premier Yazata, dont le bras irrité
Disperse l’imposture et déchire la fraude,
Nous présentons l’offrande et le jus fermenté

!

C’est Lui qui, l’œil ouvert sur le voleur qui rôde,
Protégera l’enclos pacifique et fera
Bondir les grands troupeaux hors de l’étable chaude.

Pour sa protection nous honorons Mitra !


II

C’est Lui le Véridique et Sage, aux mille oreilles,
Dont l’œil resplendissant découvre au fond des cœurs
Tous les songes mauvais accomplis dans les veilles.

Il passe, et déchaînant les ouragans vainqueurs,
Garde, avec la parole et la foi du Fidèle,
Même les faux serments et les pactes moqueurs.

Sa face est un miroir d’argent, et devant elle
Même le vain traité, que le pervers jura,
Est solide et puissant comme une citadelle.

Pour sa protection nous honorons Mitra !


III

Salut ! Tes larges bras jusqu’aux bornes du monde
Enferment tour à tour, comme en un cercle ardent,
L’Orient, par delà le Fleuve à l’eau féco

nde,

L’Abîme où s’engloutit le nocturne occident,
Et tout ce que limite au milieu de la terre
La trop lente Ranha, de son cours descendant.

Salut, toi qui, foulant, splendide et solitaire,
Avant le soleil d’or, le sommet du Hâra,
Montes comme une flamme et jaillis du cratère !

Pour sa protection nous honorons Mitra !


IV

Lui, Puissant des Puissants, Rapide des Rapides,
Sur un char attelé de lumineux chevaux,
Sur un céleste char parcourt les cieux limpides ;

Lui qui, Maître des Rois et des guerriers rivaux,
Aux épaules des Forts attache la cuirasse
Et les carquois sonnants, remplis de traits nouveaux ;

Lui qui dans la mêlée étreint, frappe et terrasse,
Aux pieds victorieux du Chef qui l’adora,
L’ennemi révolté dont il détruit la race :

Pour sa protection nous honorons Mitra !


V

Il brandit la massue éclatante, aux cent pointes,
Qui s’abat sans relâche et fait craquer les os
Sous les plaques de fer des cuirasses disjointes.

Ses coursiers, respirant le feu par leurs naseaux,
L’emportent. L’arc frémit ; le glaive impérissable
Fauche les combattants comme de vils roseaux.

Qu’il vienne ! Sous ses coups, tel qu’un bœuf sur le sable,
Le Sacrificateur néfaste s’abattra
Avec le Prêtre impur et le Prêtre coupable.

Pour sa protection nous honorons Mitra !


VI

De son char de triomphe, au gré de ses pensées,
Sur les Dévas méchants volent, comme un éclair,
Les traits aux plumes d’aigle et les flèches lancées.

La Malédiction aux mâchoires de fer,
Comme un noir sanglier, le garde et le précède,
Et Rashnou, devant Lui, s’élève en fendant l’a

ir.

Tel vers le Mazdéen qui l’appelle à son aide,
Marche le Protecteur, à côté d’Ahoûra,
Avec la lance d’or et l’arc à corde raide.

Pour sa protection nous honorons Mitra !


VII

Nous honorons Mitra qui, sur les monts sans voiles,
Prépara le premier le Hôma consacré
Dans un mortier céleste aux flancs semés d’étoiles.

Nous honorons Mitra, le Pasteur vénéré,
Chef des troupeaux errant sur le sol de nos pères,
Qui fait couler la source et reverdir le pré ;

Qui défendit le Juste en ses enclos prospères,
Et, dans le vol strident des glaives, massacra
Les Drujes, au cœur noir, au fond de leurs repaires.

Pour sa protection nous honorons Mitra !


VIII

Nous honorons Mitra selon la règle ancienne,
Selon le rite pur du monde incorporel,
Selon la majesté de la Foi Mazdé

enne.

Nous honorons Mitra, le soleil immortel,
Les étoiles, la lune et le ciel prophétique,
Par l’offrande et le Feu qui brille sur l’autel.

Nous honorons Mitra, gardien du Sage antique,
Du Pur qui Ta prié, du Saint qui le priera,
En balançant la tige et le rameau mystique.

Pour sa protection nous honorons Mitra !