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HorizonsEugène Fasquelle (p. 77-78).
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QUAIS


Le long du fleuve étreint de pierre et de ciment
Où quelque long reflet plonge et doucement file,
Nous t’aimons et nous t’admirons sauvagement,
Vie obscure, muette et dure de la Ville !

Quand nous les regardons en loques sans couleur
Sur ce fond glacial et mouvant de la Seine,
Tes hommes sont blafards de plâtre et de pâleur
Ou sont noirs de charbon, de révolte et de peine.

Une âme unique meut toutes leurs tristes peaux ;
Leur geste abat toujours l’éternelle besogne
De ceux-là qui n’auront de joie et de repos
Qu’en la fugace horreur d’un dimanche d’ivrogne.


Leurs yeux brûlent de vie ardue et d’âpreté,
Et la misère humaine est en eux qui les mange…
— Pourtant ! Pourtant ! Nos bras s’ouvraient à la beauté
Et nous avons voulu de prodigieux Ganges !

Nous avons espéré des châteaux de bonheur !
Nous avons appelé des foules exultantes !
Nous avons trépigné de délire et d’attente
Et peuplé les tournants des désirs de nos cœurs !

Et maintenant !… les bras retombés et sans proie,
Fixes, nous contemplons votre labeur amer,
Vous l’âme désolée et la sinistre chair
Du pauvre, vous, réponse à nos espoirs de joie…