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HorizonsEugène Fasquelle (p. 79-80).
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MÉDITATION


Quand par ce soir boueux j’errais, longeant la berge,
Avec l’âme anxieuse et sombre d’un rôdeur,
À l’heure d’eau laiteuse où seule une lueur
Tremblante et rouge au bout des péniches émerge,
Quand les arbres sont durs sur le couchant qui meurt,

Pensait-il se fixer au fond de ma mémoire,
Le vagabond obscur qui se reposait là,
Informe et terne, avec l’unique point d’éclat
Du mégot ramassé brûlant sa bouche noire,
— Lui, notre criminel et plus sûr résultat ?

Connaissait-il qu’autour de nos âmes éparses
Parmi la vie ainsi que des dieux souverains,
Il va, portant sa race affreuse dans ses reins
De pauvre, et la répand, triste, au hasard des garces,
Avec le vice et la misère pour parrains ?


Savait-il, savait-il son malheur nécessaire
Comme un fumier en qui se nourrissent les fleurs,
Et que notre beauté, nos rêves, nos pâleurs,
Toute la floraison de notre race claire
Vit de sa faim, de sa fatigue, de ses pleurs ?…