Hokousaï (Goncourt)/Chapitre 50

Charpentier (p. 243-246).
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De 1840 à 1849, l’année de sa mort, Hokousaï illustre les ouvrages suivants, publiés en volumes ou en feuilles séparées.

En 1840, Hokousaï illustre Wakan Inshitsoudén, Traditions chinoises et japonaises sur les conséquences de la conduite invisible (sur les bonnes ou mauvaises actions secrètes, non connues), et où le bien et le mal se trouvent récompensés dans la personne des gens bons ou mauvais ou dans leurs descendants. Dans ce petit livre, chaque personnage, dont on rapporte un acte de la vie, a son nom imprimé près de la représentation de cette action.

Peut-être cette année ou une des années suivantes, Hokousaï illustre le Yéhon Onna Imagawa, le Livre illustré de l’éducation de femmes.

Dans les environs de l’année 1840, Hokousaï publie encore quatre estampes en hauteur représentant le travail en paille, exposé dans la cour du temple d’Asakousa.

Ces planches représentent les douze signes du zodiaque, les deux guerriers Kôméi et Schûsô, une femme sur un éléphant blanc, une cage de grues, une arme d’une longueur de 23 mètres.

Vers le même moment paraît encore Shimpan Daïdô Zoui, Nouvelles Planches des dessins sur la voie publique, une série de douze feuilles en largeur.

Une série d’un mouvement diabolique : un défilé de pèlerins sous des masques de Téngous, de garçons de marchands de saké ayant trop goûté à leurs marchandises, de marchands de savon faisant des bulles au bout d’un chalumeau, de forgerons d’ancres, d’aveugles masseurs, de mendiants criant, chantant, dansant en brandissant des écrans, menant une bacchanale folle, épileptique, bras et jambes en l’air, et qui serait la fin des étudiants paresseux de là-bas.

Sous la même date, on classe aussi Tiyénooumi, L’Océan d’idées, une série rarissime.

En 1843 Hokousaï publie le Shoshin gwakan, Album de dessin pour les commençants, un album qui a une certaine parenté par le faire avec le Shashin gwafou.

Des dessins de premier coup, de la brutalité la plus savante, faisant mépriser le joli et le fini du petit art.

D’abord un dessin comique d’Hotei, le dieu des enfants, s’ouvrant de ses deux mains la bouche jusqu’aux oreilles, avec devant lui un petit Japonais qui lui tire la langue.

Puis des riens du tout, comme des champignons, comme un morceau de bambou, etc., etc., des merveilles d’un rendu comme produit par la fièvre du dessin.

Et au milieu de ces croquis, le dessin du dialogue d’un ministre retiré des affaires et d’un pêcheur où, dans l’épine dorsale et la gesticulation gouailleuse des mains de ce pêcheur, est donné comme l’accent de la phrase qu’il jette au ministre démissionnaire, disant qu’il a quitté le ministère parce que le monde a l’esprit à l’envers : « N’est-ce pas vous qui êtes à l’envers ? Moi, quand la rivière est trouble, je me lave les pieds dedans et, quand elle est claire, je la bois ! »

Les gravures de cette publication ont été republiées plus tard en couleur, en mauvaise couleur, sous le titre de Hokousaï Gwayén, Le Jardin des dessins d’Hokousaï.

En 1847, deux ans avant la mort de l’artiste, paraît Rétsoujo Hiakouninshû, Cent pensées de cent fidèles femmes, dont les cent figures sont de Toyokouni, mais dont les dix premières pages sont d’Hokousaï.

Il semble qu’alors l’artiste, qui a 87 ans, redoute la responsabilité de l’illustration d’un livre tout entier, et il se contente d’une espèce d’introduction dessinée, faite par de petits croquis jetés dans un trait, mais des plus spirituels.

En 1848, c’est Shûga hiakounin shû, Les Cent Poètes, publication due à la collaboration de Kouniyoshi, Shighénobou, Yeisén, mais dont les dix premières pages sont d’Hokousaï.

Une planche d’un beau sentiment : un Empereur exilé, regardant mélancoliquement du bord de la mer une volée d’oiseaux se dirigeant vers son pays.

Cette même année 1848, Hokousaï donne une grande planche en largeur, représentant une opération topographique faite avec nos instruments d’arpentage, et qui a presque le caractère d’un dessin européen. Elle est signée : Manji rôjin à l’âge de 89 ans.

Au printemps de 1849, l’année de la mort d’Hokousaï, c’est Zokou yeiyû hiakounin shû, Cent Poésies de héros, illustration due à plusieurs artistes, et où Hokousaï a encore dix feuilles de dessins dont la première est une planche de détails d’armures.