Hokousaï (Goncourt)/Chapitre 37

Charpentier (p. 188-192).
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XXXVII

Ces années, c’est le temps des plus belles, des plus colorées impressions, paraissant en feuilles séparées.

Signalons, en première ligne, la suite de ces cinq planches (H. 37, L. 17), à la signature d’Hokousaï I-itsou.

Un faucon sur son perchoir, au milieu de la floraison de pruniers : une impression à la belle tourmente du trait, au fier contournement de la tête de l’oiseau de proie.

Trois tortues, dont l’une nage en pleine lumière, et se voit, comme dans la clarté cristalline d’un aquarium.

Deux carpes : l’une remontant le rapide d’une cascade, l’autre en sortant.

Deux grues dans la neige, où le pourpre de la tête et le rose des ailes se détachent du triste neutralteinte d’un ciel neigeux. Une merveilleuse impression, dont il n’y a à Paris que trois ou quatre épreuves, parmi lesquelles une épreuve admirable est dans la collection Manzi : une épreuve qui vient de la collection Wakaï, et qui, hélas ! comme toutes les épreuves qui viennent de cette collection, font mépriser les autres ; une épreuve où le vert des bouquets d’aiguilles des sapins, le brumeux du ciel, le blanc de la neige, le doux rose et le doux bleu des ailes des grues sont rendus dans une harmonie, que nulle impression d’aucun pays au monde, n’a jamais pu attraper, — et n’a jamais pu, à la fois, en donner le détachement et la fonte.

De cette série, ferait encore partie l’impression de deux chevaux et d’un poulain, d’une furie, d’un emportement, d’un mors aux dents du dessin, si extraordinaire, et la plus rare des cinq impressions, faisant partie de la collection de M. Vever.

Une autre suite, dont on ne connaîtrait que deux planches (H. 50, L. 28), et qui semble une série des Mois de l’année, à deux planches, que j’ai rencontrées seulement dans la collection Hayashi.

Le premier mois. Deux femmes passant devant un temple, suivies d’un serviteur portant un enfant.

Le dixième mois. Un balayeur tendant un gâteau à un singe, que regarde un enfant.

Une autre suite de dix grandes planches (H. 26, L. 38), représentant des fleurs signées : Hokousaï I-itsou.

Des fleurs violettes. — Des camélias rouges. — Des volubilis. — Des pivoines. — Des chrysanthèmes. — Des fleurs étoilées. — Des iris. — Des hortensia. — Des datura. — Des pavots.

Les Chrysanthèmes, les Iris, et les Pivoines, sous un coup de vent, dans lequel vole un papillon, les ailes retournées : des planches admirables par le style apporté à la fleur, par les Japonais seuls !

Il existe encore une série de dix autres planches de fleurs, d’un format plus petit.

Parmi les planches isolées, citons encore :

Une série de petits paysages, dont il y a neuf planches dans la collection de M. Vever, signées I-itsou, précédemment Hokousaï, d’une perfection d’exécution merveilleuse, et parmi lesquelles la représentation d’une pêche, par une nuit noire étoilée, est un petit chef-d’œuvre.

Une déesse Kwannon, montée sur un éléphant blanc, avec dans des cartouches, un sanglier, un coq, des petits chiens ; une impression qui pourrait bien faire partie d’une suite encore inconnue.

Le lac Souwa pendant l’hiver, et que des piétons et des gens à cheval traversent sur la glace.

Matsoushima, une baie semée de rochers couverts de pins, un des sites les plus pittoresques du Japon.

Une carpe dressée toute droite, traversant dans l’eau des courants de lumière.

Un roseau avec des fleurettes.

Des pivoines rouges, au milieu desquelles est une pivoine blanche, joliment gaufrée.

Enfin, dans une impression en couleur de la collection Bing (H. 45, L. 60), la plus grande impression en couleur que l’on connaisse, et que le propriétaire regarde comme unique, une poule, ses poussins, et le plus ornemental des coqs, à la queue en faucille.

Citons encore six pièces capitales faisant partie de la collection Vever.

La première, un diptyque reproduisant un épisode de métamorphose du renard à neuf queues, en Impératrice du Japon, signée : Hokousaï (vers 1800). La seconde, une très grande pièce d’un format tout à fait extraordinaire (H. 40, L. 51), dans la facture large et libre des sourimonos de Kiôto, représentant la danse de , où figurent deux hommes, et une femme qui joue du tambourin. Signé : Hokousaï, fou de dessin.

Enfin, une troisième impression, une merveille. Une des planches les plus mouvementées du maître, dans le coloriage le plus délicatement harmonique, une planche en forme de kakémono (H. 64, L. 14). C’est un groupe de danseurs de la rue, présenté d’une façon pyramidale, et que surplombe en haut, un danseur faisant de la musique avec son éventail contre le manche de son parasol ouvert, se continuant dans la gesticulation forcenée de quatre hommes, vus de dos et de face, et se terminant en bas, par deux femmes, dont l’une, les deux bras jetés derrière elle, avec un retournement de la tête en arrière, offre la plus belle attitude mimodramatique. Signé : Hokousaï, fou de dessin.