Hokousaï (Goncourt)/Chapitre 10

Charpentier (p. 40-42).
◄  IX
XI  ►

X

Si vraiment il a été versé 300 rios d’or à Hokousaï, par le capitaine hollandais, Isbert Hemmel, pour les quatre makimonos sur la vie japonaise, je crois bien que c’est la seule fois, où sa peinture a été richement payée, car ses dessins pour l’illustration des livres — le revenu le plus clair de l’artiste — sont misérablement rétribués par les éditeurs, et au moment, où l’artiste jouit de toute sa célébrité. Je donnerai, comme preuve, ce fragment d’une lettre, adressée en 1836, d’Ouraga, à l’éditeur Kobayashi.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Je vous envoie trois feuilles et demie des Poésies de l’époque des Thang. Sur 42 mommés (le mommé vaut 10 sous), que j’ai à toucher, retranchez un mommé et demi que je vous dois ; et veuillez remettre le reste, 40 mommés et demi au porteur de la lettre.

D’après cette lettre : ça mettrait le payement des dessins d’Hokousaï, de six à huit francs.

Et il se conserverait au Japon, des billets, où Hokousaï empruntait de misérables sommes pour le payement des choses de la vie journalière, près des fruitiers, des marchands de poissons, et c’est ainsi que j’entendais conter à M. Bing, que parmi les documents qu’il avait réunis sur Hokousaï, il existait la demande par le peintre à un éditeur, d’un emprunt d’un riô (25 francs), le priant de lui payer ces 25 francs, dans la plus petite monnaie possible, afin de solder ses infimes dettes criardes, près des fournisseurs de son quartier.

Oui, ainsi que le témoigne une autre lettre, où Hokousaï se plaint de n’avoir qu’une robe, pour défendre son vieux corps de 76 ans, contre le froid d’un hiver rigoureux, l’artiste a vécu, toute sa vie, dans une misère noire, par suite des bas prix payés au Japon par les éditeurs aux artistes, et l’effet d’une indépendance d’esprit qui lui faisait accepter seulement le travail qui lui plaisait, et aussi à l’occasion des dettes qu’il eut à payer pour son fils Tominosouké et son petit-fils, né de sa fille Omiyo, — du reste tirant une espèce de vanité de cette pauvreté.